Planification Des Travaux De Restauration De L’édifice Du Centre – La Perspective De La Chambre Des Communes

Article 2 / 12 , Vol 44 No. 2 (Summer)


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Planification Des Travaux De Restauration De L’édifice Du Centre – La Perspective De La Chambre Des Communes

Depuis des dizaines d’années, les projets de rénovation et de restauration se succèdent sur la Colline du Parlement. Certes, tous ces projets bouleversent un peu la vie des parlementaires et du personnel, mais la restauration de l’édifice du Centre est peut-être le projet le plus ahurissant. Il faudra relocaliser les deux chambres pour qu’elles puissent poursuivre leurs activités sans trop d’interruption. Dans le présent article, l’auteure relate la préparation minutieuse et considérable que requiert ce projet et les mesures prises pour tenir informées les parties prenantes.

Susan Kulba

Préparer le terrain

Le Projet de restauration de l’édifice de l’Ouest était un pilier de la stratégie de mise en œuvre de la vision et du plan à long terme pour la Cité parlementaire (VPLT). Il avait pour principal objectif l’aménagement d’une chambre provisoire et d’espaces pour les fonctions législatives pendant la rénovation de l’Édifice du Centre. Vu l’effet d’entraînement créé par le déménagement des espaces à bureau, il a fallu procéder pas à pas à la mise en œuvre de la vision.

Le Projet de restauration de l’édifice de l’Ouest était une initiative d’envergure visant à redonner à l’édifice patrimonial sa gloire d’antan, tout en y incorporant des éléments modernes qui facilitent le fonctionnement du Parlement. La vision architecturale prévoyait un nouveau bâtiment intercalaire à l’intérieur de la cour patrimoniale de l’édifice de l’Ouest, offrant tout l’espace requis pour répondre aux besoins opérationnels de la Chambre des communes. Dans cette cour intérieure se trouve la nouvelle Chambre. Pièce maîtresse de la vision architecturale, le toit vitré surplombant la cour se cambre audessus de l’allée centrale de la nouvelle Chambre. La double arcade structurale accentue l’espace vertical et rappelle l’influence néo-gothique de l’édifice patrimonial.

Pendant les travaux de restauration de l’édifice du Centre, l’édifice de l’Ouest devait servir de chambre provisoire. Le déménagement ne s’est pas fait du jour au lendemain. Il a fallu des années de planification et de préparation pour bien intégrer les principales fonctions législatives dans le nouvel espace. La majeure partie de la planification découle de la VPLT, qui offre un cadre directeur pour la modernisation des édifices et de l’aménagement paysager dans la Cité parlementaire. La VPLT a d’abord été élaborée en 2001 par Services publics et Approvisionnement Canada avec l’avis des partenaires parlementaires, c’est-à-dire le Sénat, la Chambre des communes et la Bibliothèque du Parlement.

La VPLT permet une approche stratégique et cohérente parmi les intervenants. On a soigneusement examiné l’aménagement des locaux en gardant à l’esprit l’état à la fin des travaux. Le déménagement principal visait les fonctions essentielles qui ne pouvaient être exécutées sans perturber les activités du Parlement. L’ouverture de l’édifice de l’Ouest était initialement prévue pour septembre 2018, et le déménagement principal devait se faire durant le congé d’été. En fin de compte, on l’a reporté à janvier 2019, car on voulait s’assurer que l’édifice serait fin prêt. Le déménagement s’est fait suivant un scénario en deux étapes couvrant les intersessions d’hiver et d’été. Les députés dont les bureaux n’étaient pas déménagés dans l’édifice de l’Ouest ont quitté tour à tour l’édifice du Centre entre juillet et novembre 2018 pour s’installer dans l’édifice Wellington récemment restauré ainsi que dans les édifices de la Confédération et de la Justice. Ces déménagements s’harmonisaient avec l’objectif de la VPLT, qui prévoyait l’utilisation accrue d’autres édifices que celui du Centre. Les bureaux étant vacants, on a pu amorcer certains travaux d’investigation dans l’édifice du Centre. Les bureaux des députés installés dans l’édifice de l’Ouest, y compris ceux du premier ministre, du Président et des hauts représentants de la Chambre, ont été déménagés pendant la relâche d’hiver. Depuis l’incendie de 1916, c’était la première fois qu’on déménageait le bureau d’un premier ministre autrement qu’après une élection.

En prévision du déménagement des bureaux, les whips des partis ont approuvé l’attribution des bureaux et en ont informé leurs membres. De quatre à six semaines avant le déménagement, le personnel de l’Administration a rencontré chacun des députés et les membres de leur personnel pour convenir de la date et de l’heure du déménagement, et pour discuter des besoins particuliers ainsi que de la disposition du mobilier souhaitée. En général, les lignes téléphoniques n’ont été transférées que le jour du déménagement pour éviter toute interruption de service pour les électeurs. Les députés et leur personnel ont été informés de l’aménagement des bureaux et d’autres détails, par exemple la programmation des interrupteurs de lumière et des lecteurs de cartes – un changement opérationnel pour les députés. Pour mieux se familiariser avec le nouvel édifice, les députés et leur personnel ont bénéficié de visites guidées. Avec sa chambre et ses salles de comité, l’édifice de l’Ouest est devenu le lieu de travail des députés, et ceux-ci devaient apprendre à s’y retrouver même si leurs bureaux se trouvaient à l’extérieur. Le jour de l’ouverture et pendant les deux semaines qui ont suivi, le personnel de l’Administration de la Chambre était sur place à chacune des entrées et à d’autres endroits stratégiques pour guider les membres dans l’édifice de l’Ouest – un service que les députés ont grandement apprécié et qu’ils n’ont pas manqué de signaler par la suite.

Le déménagement comportait un niveau de complexité additionnel en raison de l’ameublement patrimonial de la Chambre et de la collection d’œuvres d’art. Il a été décidé qu’on utiliserait dans la chambre provisoire les meubles se trouvant dans la Chambre de l’édifice du Centre; on voulait ainsi que la Chambre puisse continuer ses activités en utilisant l’ameublement existant jusqu’au tout dernier jour avant de s’ajourner en décembre. Pendant la semaine qui a suivi l’ajournement, l’ancienne Chambre est devenue un chantier, et l’Administration s’est immédiatement mise à l’œuvre pour la démonter, pour modifier les pupitres patrimoniaux des députés afin de les adapter à la nouvelle technologie, pour restaurer les pupitres et les réinstaller dans la chambre provisoire. Une caisse a été fabriquée sur mesure pour déménager le bureau du greffier en trois sections. Plusieurs personnes ont conjugué leurs efforts pour désassembler le bureau, le déplacer en toute sécurité dans la cage d’escalier de la Tour de la Paix, le déposer dans un camion, puis l’installer dans son nouveau foyer par l’entrée de la Tour Mackenzie. Pour en assurer la livraison à bon port, on a effectué un essai général avec la caisse vide. Le déménagement des portraits des premiers ministres et de maintes autres peintures et sculptures du patrimoine dans l’édifice de l’Ouest a également constitué une entreprise de taille, qui s’est échelonnée sur plusieurs mois.

Les Livres du Souvenir, qui se trouvaient dans la Chapelle du Souvenir, ont été transportés temporairement dans le Centre d’accueil des visiteurs dès que de nouveaux espaces ont pu être libérés. Tout le monde savait qu’une fois la Chambre de l’édifice de l’Ouest démantelée, il ne serait pas possible de faire marche arrière. C’est pourquoi la décision de procéder au déménagement n’a été prise que lorsqu’on a été sûr que l’édifice de l’Ouest était vraiment en mesure d’accueillir la chambre provisoire le 28 janvier 2019 pour une première séance.

La répétition générale – les essais

Le déménagement dans l’édifice de l’Ouest a été rendu possible en grande partie possible grâce aux efforts de préparation opérationnelle qui ont été faits parallèlement au plan de déménagement. L’édifice et les nombreux services opérationnels ont été soumis à quatre grands essais généraux auxquels ont pris de 400 à 600 participants (principalement des employés de l’Administration de la Chambre et quelques députés) à différents titres : participation à des simulations des délibérations de la Chambre, réunions de comité et activités protocolaires. Les simulations ont été essentielles au succès de la préparation requise pour appuyer les travaux des députés. Grâce aux tests, à la formation et aux essais généraux, les employés ont pu s’exercer dans l’édifice de l’Ouest avant l’ouverture et régler les problèmes qui ont pu surgir.

La transition s’étant effectuée en douce et sans trop de répercussions, le Parlement a pu poursuivre ses activités jusqu’à la date du déménagement. Pour garantir cette transition sans heurt, on a accompli une bonne partie du travail à l’avance, élaboré des plans d’urgence et mis en place des systèmes redondants. Les bureaux personnels ont été transférés à l’avance dans d’autres immeubles de sorte que les députés n’ont pas subi beaucoup de bouleversements, si ce n’est qu’ils devaient renoncer à un édifice qu’ils affectionnaient tout particulièrement. Ils ont pu quitter l’édifice du Centre pour s’établir dans l’édifice de l’Ouest sans être trop dérangés et les travaux parlementaires ont pu se poursuivre d’un édifice à l’autre comme si de rien n’était.

Le déménagement

Le déménagement des fonctions parlementaires, de l’édifice du Centre à l’édifice de l’Ouest, n’a pas été facile pour les parlementaires, en particulier pour plusieurs d’entre eux qui ont réalisé que, vu la période de fermeture, ils ne reviendraient probablement jamais dans ce lieu de travail familier et spécial. Ils savaient qu’après avoir travaillé dans l’édifice du Centre pendant des années, voire des décennies, ils pourraient bien ne plus y avoir à faire. L’importance nationale de cet édifice est dépeinte sur ses murs, révélant avec force détails tout le sens qu’on lui donne, autant d’expériences personnelles et d’anecdotes que les députés pouvaient raconter à leurs visiteurs. D’autres députés, élus après le déménagement, n’ont jamais eu la chance d’y travailler.

Le déménagement dans l’édifice de l’Ouest, autrefois un édifice ministériel, représentait une adaptation pour bon nombre. En dépit des années de planification et de préparation, les députés et le personnel n’auraient jamais pu être fin prêts à composer avec toutes les répercussions du transfert des principales fonctions législatives dans un nouvel espace. Il y avait moins d’espace et moins d’éléments architecturaux d’envergure. Les députés ont été contraints de se réorienter, et il a fallu revoir les traditions et les cérémonies, comme le Défilé du Président. Néanmoins, quitter l’édifice du Centre pour l’édifice de l’Ouest, fraîchement restauré, permettait d’améliorer grandement le milieu de travail dans une installation de pointe. Ce nouvel espace de travail offrait aux députés de plus grandes possibilités de recourir aux services d’interprétation simultanée pour les langues autochtones. Les bureaux des députés étaient dorénavant dotés de postes de recharge USB, les options de repas étaient plus diversifiées et plus rapides, et les tribunes et autres espaces étaient accessibles aux fauteuils roulants. L’édifice de l’Ouest donnait également directement accès à trois cabines permanentes d’interprétation simultanée alors qu’il n’y en avait que deux dans l’édifice du Centre; de plus, dans l’édifice de l’Ouest, cinq autres cabines pouvaient être aménagées à proximité de la Chambre.

Les tribunes étaient placées plus vers l’arrière, d’où une meilleure visibilité; elles étaient plus confortables et elles étaient dotées de meilleurs systèmes audio et vidéo, entre autres. En outre, la possibilité s’offrait de raconter l’histoire de l’édifice de l’Ouest, qui met en lumière le développement du pays et les campagnes de construction qui se sont succédé pour tenir compte du paysage parlementaire en évolution.

Leçons apprises

D’importantes leçons peuvent être tirées du déménagement dans l’édifice de l’Ouest, dont on pourra s’inspirer quand viendra le temps de réintégrer l’édifice du Centre. Les parlementaires étaient favorables au déménagement des activités de la Chambre des communes dans l’édifice de l’Ouest, ce qui a permis au personnel de l’Administration et aux parlementaires mêmes de réévaluer les besoins, les méthodologies et les processus utilisés pendant des années dans l’édifice du Centre. Pour illustrer l’ingéniosité qu’il a fallu déployer lors des déménagements, rappelons l’exemple du fauteuil du Président Rhodes. Dans l’édifice du Centre, ce fauteuil a servi pendant presque un siècle avant le déménagement, mais vu ses dimensions et sa valeur patrimoniale, il n’a pas été possible de le déménager dans l’édifice de l’Ouest. On a donc utilisé un fauteuil de substitution, créé pour le Président Edgar Rhodes en 1917, après l’incendie qui a ravagé l’édifice du Parlement. Comme on avait besoin de ce fauteuil lorsque la Chambre des communes s’est réunie provisoirement à un autre endroit il y a un siècle, il convenait d’utiliser encore une fois le fauteuil dans une chambre provisoire.

Tandis que la Chambre des communes continue de siéger dans l’édifice de l’Ouest, le plus vaste projet de restauration du Canada se déroule dans l’édifice du Centre. Ce projet de plusieurs millions de dollars vise à préserver le caractère historique de l’Édifice, tout en répondant aux besoins des parlementaires et des personnes qui les appuient, pour les cent prochaines années. Il prévoit entre autres une réparation majeure de la maçonnerie, un nouveau toit et de nouvelles fenêtres, des mises à niveau sismiques, ainsi que des fonctions améliorées sur le plan de l’informatique et de la sécurité. Il nécessitera la fermeture temporaire de la Tour de la Paix aux fins de la réalisation de travaux structurels importants et de la conservation des cloches du carillon. Le carillon n’est demeuré silencieux que deux fois depuis son installation, soit de 1980 à 1982 en raison de travaux de restauration à l’intérieur de la Tour, et de 1995 à 1997 pour des travaux sur la face extérieure.

Intéresser les parlementaires

La Chambre des communes cherche des façons d’intéresser les députés à la VPLT, ainsi qu’aux projets de restauration et de construction. Elle voudrait qu’ils prennent part aux discussions qui touchent la conception et les besoins opérationnels requis pour assurer l’avenir de l’édifice du Centre et de l’ensemble de la Cité.

Pour amener les députés à participer aux décisions relatives à la restauration, le Bureau de régie interne a discuté, en mars 2020, de la gouvernance du Projet de réhabilitation de l’édifice du Centre et a convenu de créer un groupe de travail composé de députés de chacun des partis reconnus, qui relèverait du Bureau.

Ce comité est chargé de rendre compte de l’avancement du Projet de réhabilitation et de présenter des recommandations au besoin. Il est censé guider les consultations de même que la participation des députés et des partenaires parlementaires, et mener des consultations mixtes avec le Sénat s’il y a lieu. Enfin, il lui incombe de consulter les députés pour connaître leurs points de vue, leurs attentes et leurs besoins.

Les députés pourront trouver de l’information dans un bulletin diffusé par le Président, qui fait le point sur les décisions prises par le Bureau de régie interne, sur les travaux de construction, sur la conservation des biens patrimoniaux et sur les travaux de conservation comme tels, de même que sur d’autres projets qui ont lieu dans la Cité et qui s’inscrivent dans la VPLT.

Les députés ont aussi la possibilité de visiter régulièrement l’édifice du Centre pour constater de visu les travaux de restauration. Leur rétroaction est un important outil d’engagement qui leur permet de saisir toute l’ampleur du projet.

Certes l’édifice du Centre est un lieu de travail pour les députés et leur personnel, mais c’est aussi un édifice d’une grande importance symbolique pour les Canadiens. Pour cette raison, l’engagement du public est essentiel à la réussite de cette entreprise historique. Afin d’intéresser les Canadiens au processus et à l’avenir de l’Édifice, on présente sur diverses plateformes numériques de l’information, des photos et des documents vidéo illustrant les travaux de restauration en cours.

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