Pas de bureau de circonscription proprement dit : l’expérience de l’Î.-P.-É.

Article 3 / 14 , Vol 37 No 2 (Été)

Pas de bureau de circonscription proprement dit : l’expérience de l’Î.-P.-É.

Les députés de l’Assemblée législative de la plus petite province du Canada n’ont pas le budget nécessaire pour avoir leur propre bureau de circonscription. À la place, comme l’explique la Vice-présidente Paula Biggar, les députés d’arrière-ban doivent faire leur travail de circonscription et tenir des réunions à toutes sortes d’endroits, notamment dans leurs bureaux parlementaires dans la capitale, les centres d’accès à l’information administrés par le gouvernement, les bibliothèques, les cafés ou même leurs propres résidences. Biggar souligne que même si les députés de l’Î. P. É. sont les moins bien rémunérés au pays, on s’attend généralement à ce qu’ils soient les plus accessibles auprès de leurs électeurs.

RPC : Les bureaux de circonscription semblent s’être multipliés d’un bout à l’autre du pays au cours des 40 à 50 dernières années et sont maintenant bien implantés dans plusieurs provinces et territoires. Pourquoi pensez-vous que l’Î. P. É. n’a pas emboîté le pas et intégré elle aussi les bureaux de circonscription à la vie politique provinciale?

Paula Biggar : Les députés d’arrière-ban de l’Î. P. É. n’ont pas les budgets nécessaires pour administrer des bureaux de circonscription. Les habitants de l’Î. P. É. estiment que le coût inhérent au maintien d’un bureau n’est pas justifié étant donné l’accessibilité de leurs représentants locaux. On s’attend en quelque sorte à ce que les députés soient accessibles autrement que simplement à l’intérieur du cadre d’un bureau; par exemple, des réunions d’électeurs se tiennent dans des cafés, au téléphone, chez les députés ou chez les électeurs. La plupart des députés de l’Î. P. É. respectent ces attentes quant à leur accessibilité.

RPC : À quelle sorte de solutions de rechange les députés ont-ils recours s’ils ont à traiter des dossiers dans leur circonscription? Les pratiques varient-elles d’un député à l’autre?

Biggar : La plupart des députés ont accès à un local dans leur circonscription dans des édifices gouvernementaux déjà existants, comme une bibliothèque ou un bureau d’Accès Î. P. É. – un guichet unique où le public peut avoir accès aux services, programmes et renseignements gouvernementaux. À chacun de ces endroits, les députés disposent d’un téléphone, mais ils n’ont pas de personnel de bureau à leur service. Les ministres, par contre, ont droit à un budget pour embaucher un adjoint administratif pour les aider à répondre aux demandes des électeurs. Certains députés ont accès gratuitement aux bureaux municipaux pour tenir des réunions une fois la semaine dans la collectivité. Je fais aussi des heures de bureau à un autre endroit dans un local à l’intérieur d’un édifice gouvernemental. Il arrive à l’occasion que je reçoive des électeurs chez moi ou que je les rencontre dans un café.

Chaque député organise son local de circonscription pour tenir compte des besoins de sa région. Les députés d’arrière-ban disposent aussi d’un local dans la capitale, là où se trouve notre Assemblée législative, et partagent un espace dans le Bureau des députés du gouvernement. Les députés qui représentent des régions rurales s’en servent surtout lorsque l’Assemblée législative siège, tandis que les députés de Charlottetown l’utilisent habituellement comme bureau principal. En général, chaque bureau est occupé à la fois par des députés des régions rurales et des députés des régions urbaines. Donc, tout se passe bien.

RPC : Les députés sont-ils autorisés à puiser dans leur budget de dépenses de bureau lorsqu’ils doivent travailler à partir d’un autre endroit (p. ex., pour la location d’un local, pour un déplacement à l’intérieur de leur circonscription, pour les frais relatifs à un bureau à domicile)?

Biggar : Il n’y a pas de budget prévu pour permettre aux députés d’arrière-ban de se déplacer à l’intérieur de leur circonscription pour des réunions ou des rencontres avec des électeurs ou pour louer des locaux. Les députés d’arrière-ban n’ont pas non plus de budget pour se payer de la publicité, pour parrainer une activité, etc. Les billets d’admission, les dons ou les déjeuners avec des électeurs sont des dépenses personnelles que chaque député doit payer de sa poche. Les députés ont droit à des frais de déplacement pour se rendre dans la capitale cinq fois par mois lorsque l’Assemblée ne siège pas, et les frais de déplacement peuvent être remboursés s’ils participent aux travaux d’un comité législatif. Les déplacements vers la capitale sont remboursés quotidiennement lorsque l’Assemblée législative siège. Si nous décidons de passer la nuit dans capitale en période de session, nous le faisons à nos propres frais comme députés d’arrière-ban. Les fournitures de bureau, comme les timbres, le papier à imprimante et les cartes professionnelles, sont offertes par le Bureau des députés du gouvernement.

Les députés d’arrière-ban disposent d’une ligne téléphonique et d’une ligne de télécopieur à la maison et ont droit à une déduction mensuelle à l’égard de leur connexion Internet à la maison par l’intermédiaire de l’Assemblée législative. Chaque député a droit à un téléphone cellulaire et à un forfait d’appels, dont le coût est assumé par le Bureau des députés du gouvernement, à moins que les appels effectués soient de nature personnelle. Chaque mois, les députés d’arrière-ban doivent signer le relevé d’utilisation de leur ligne téléphonique à la maison qui leur est envoyé, afin de déclarer la nature de leurs appels. Si les appels sont de nature personnelle, les députés doivent alors en rembourser le coût.

RPC : Les députés fédéraux de l’Î. P. É. ont des bureaux de circonscription. Y a t il une collaboration qui s’est établie pour permettre aux députés provinciaux d’utiliser ces locaux pour y effectuer leur travail? Est ce que certains députés provinciaux souhaitent qu’un tel système soit mis en place à l’échelle de la province?

Biggar : Il n’y a pas d’affiliation entre les bureaux fédéraux et il n’est pas d’usage pour les députés provinciaux d’utiliser les bureaux de députés fédéraux ou d’autres bureaux fédéraux. Étant donné la confusion possible entre les rôles et les responsabilités des représentants élus fédéraux et provinciaux, je ne crois pas que ce serait une bonne idée de partager les mêmes locaux.

RPC : L’absence de bureau de circonscription dans les circonscriptions provinciales fait-elle en sorte que les députés provinciaux ont plus tendance à rester dans la capitale pour travailler ou à se concentrer sur les affaires législatives plutôt que de s’occuper des dossiers de leurs électeurs?

Biggar : Le système actuel permet généralement aux députés d’arrière-ban d’avoir accès à leurs électeurs à l’échelle locale. Toutefois, la création d’un budget de déplacement, de publicité ou d’activités favoriserait une plus grande équité entre les députés d’arrière-ban et leurs collègues du cabinet. Les ministres disposent d’un budget de fonctionnement et de ressources qui profitent à leur circonscription. Les électeurs croient à tort que tous les députés de l’Î. P. É. ont droit aux mêmes avantages que les ministres (c. à d. une voiture avec une carte d’essence, des repas payés, etc.). Il faut faire un travail de sensibilisation auprès du public. En général, le public a l’impression que les députés sont surpayés et n’accorde aucun crédit à l’idée qu’il faut un certain nombre d’heures à un député pour bien faire son travail ou que ce genre de budget est nécessaire.

RPC : Qu’est ce que les autres provinces et territoires pourraient apprendre de l’expérience de l’Î. P. É. en ce qui concerne la façon dont les députés s’acquittent de leur travail de circonscription et de leur rôle de représentant élu?

Biggar : Les élus de l’Î. P. É. sont les moins bien rémunérés au pays. Lors des discussions avec d’autres élus provinciaux, plusieurs sont très surpris d’apprendre que nos députés d’arrière-ban n’ont pas non plus de budget de fonctionnement. Les récents reportages concernant le mauvais usage de fonds publics dans d’autres circonscriptions ailleurs au Canada font en sorte qu’il est très difficile d’aller de l’avant, parce que la population a l’impression que ces budgets sont utilisés à mauvais escient et que les parlementaires n’ont pas à rendre compte de leurs dépenses. Nos députés provinciaux sont, et de loin, les plus accessibles au pays, et il n’est pas rare qu’on s’attende à ce qu’ils le soient 24 heures sur 24, 7 jours par semaine. La situation financière de chaque province ou territoire est différente, mais je crois néanmoins que les gouvernements doivent tous veiller à être équitables et justes non seulement envers les électeurs, mais aussi envers les élus.

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