Table ronde : Réforme parlementaire : le chemin parcouru et les orientations potentielles

Article 3 / 12 , Vol 39 No. 1 (Printemps)

Table ronde : Réforme parlementaire : le chemin parcouru et les orientations potentielles

En mai 2015, le Groupe canadien d’étude des parlements a tenu une conférence à Ottawa pour discuter des initiatives de réforme parlementaire du passé, du présent et de l’avenir. Quelques-uns des intervenants à la table ronde ont traité des réformes récentes et des perspectives de changement à court terme au Parlement et ont exprimé leur optimisme ou leur pessimisme devant les chances d’une évolution favorable.

RPC : Le programme de la conférence du Groupe canadien d’étude des parlements était structuré en toute souplesse autour de trois axes : qu’avons-nous fait, où en sommes-nous et où allons-nous? Je voudrais reprendre une structure semblable ici. Pourriez-vous nous dire rapidement comment le Parlement a changé et évolué au cours des 20 ou 30 dernières années?

JS : En ce qui concerne le réseau des comités de la Chambre, il y a eu au départ, après le Rapport McGrath, des attentes très élevées et un engagement poussé de la part de nombreux députés et notamment de certains présidents de comité. Mais l’attitude a évolué vers une perte d’enthousiasme et, par la suite, quelques-uns des premiers éléments de ce qui semblait l’amorce d’une culture de collaboration entre les partis ont été remplacés par une activité plus constamment axée sur la ligne de parti. Pourquoi cela s’est-il produit? En partie, selon moi, parce que les gouvernements en place ont pris conscience du fait qu’ils avaient moins d’enthousiasme que prévu pour ces nouveaux types de comités. Certes, ces derniers plaisaient aux députés, mais les gouvernements ont constaté qu’ils avaient tendance à s’allier à des intervenants et à concevoir des propositions de plus en plus ambitieuses sans tenir compte de l’aspect pécuniaire. Comme les budgets étaient limités dans les années 1980 et 1990, les gouvernements ont commencé à percevoir les comités comme une source d’irritation. Voilà qui explique peut-être pourquoi les réponses officielles des gouvernements étaient fréquemment ambiguës. Les comités en étaient réduits à se demander si les gouvernements faisaient quoi que ce soit pour donner suite à leurs recommandations. Les députés se sont toujours plaints de ces réponses ambiguës, et il me semble que l’enseignement essentiel à retirer de ceci, c’est que la réforme de la procédure ne modifie pas vraiment la répartition du pouvoir politique ni les facteurs qui influencent le comportement des gouvernements et des parlementaires. En fait, nous devrions plutôt voir là une forme de bonne gestion pour le Parlement. Si on adopte ce point de vue, on peut dire que les comités ont accompli des choses fort utiles, mais qu’ils n’ont pas vraiment modifié de manière fondamentale les relations au Parlement ni les modalités de fonctionnement de l’institution.

PT : Puis-je me permettre d’ajouter quelque chose? Cette question m’a rappelé l’exposé que Kelly a présenté à la conférence sur les initiatives parlementaires. À dire vrai, le message que j’ai retiré de cet exposé se rapproche beaucoup de ce que Jack a décrit : une fois que les gouvernements s’aperçoivent qu’un changement pourrait avoir un effet marqué, ce changement est exploité à des fins partisanes. Quand on a commencé à voir de plus en plus de projets de loi d’initiative parlementaire qui venaient du parti, cela a privé la réforme de son sens. Ces projets de loi n’étaient plus, présentés sous un autre jour, que des mesures proposées par le gouvernement ou l’opposition. Il faut se demander si la modification de la procédure change vraiment la culture, si toutes ces réformes ne sont encore colonisées par la vieille joute partisane.

KB : Je voudrais faire valoir un point semblable. Les réformes qui se sont faites dans le domaine des initiatives parlementaires découlaient également du rapport McGrath. L’idée centrale, c’était de laisser aux députés plus de latitude pour formuler des propositions et veiller à ce que celles-ci fassent l’objet d’un vote alors que, antérieurement, il fallait que les projets de loi des députés soient spécialement choisis pour être mis aux voix. La situation s’est transformée au point où les députés pouvaient présenter autant de projets de loi qu’ils le voulaient, et tous pouvaient faire l’objet d’un vote. En réalité, il est arrivé par la suite que des députés déplorent ce changement, parce que la nouvelle procédure pouvait être détournée à des fins partisanes. Mes recherches ont montré que, entre-temps, nous avons observé des changements qui nous ont semblé utiles. Les députés présentaient des propositions et ils avaient la possibilité de faire des démarches afin de mobiliser un soutien pour ces propositions. Parfois, les lois ainsi adoptées ont eu un effet, direct ou indirect, sur les propositions du gouvernement. Il semble que les députés s’inspiraient directement sur ce que le ministère faisait. Mais tout se termine à peu près comme Jack l’a expliqué à cause du pouvoir des dirigeants des partis, du fait que les députés avaient besoin de l’appui des dirigeants des partis pour demeurer dans le caucus et obtenir l’investiture du parti aux élections suivantes, et ainsi de suite. Telle est la nature des leviers qui sont au fond révélateurs du pouvoir de chaque député au Parlement. Tant que ces leviers ne changeront pas, ce que nous avons observé dans le domaine des initiatives parlementaire se reproduira : le pouvoir se déplace quelque peu à court terme, mais, à long terme, les partis sont parfaitement positionnés pour utiliser les changements à leurs propres fins. Nous avons vu beaucoup plus de projets que le parti voulait voir proposer, et ils étaient le plus souvent adoptés par les partis au pouvoir.

GL : Mon impression générale est très optimiste, après des années de morosité au sujet du Parlement. La raison principale, c’est une évolution de l’attitude, qui doit précéder la réforme. La meilleure illustration est un article que Bill Blaikie (ancien député néo-démocrate) a fait paraître en 2008 dans la Revue parlementaire canadienne. Il y écrivait : « … notre parlement est fortement animé par un sentiment de vengeance, du genre : “Vous avez exagéré nos propos et nos gestes, donc nous allons maintenant exagérer les vôtres.” Ce qu’il faut et ce qui manque, selon moi, c’est le sens du pardon. » La première indication que nous avons peut-être perçue d’une évolution vers ce sens du pardon est venue au cours de la dernière semaine de la campagne électorale, dans un discours que Justin Trudeau (chef du Parti libéral) a donné à Ottawa. Devant une foule qui l’acclamait, il a déclaré : « Les conservateurs ne sont pas nos ennemis. Les conservateurs sont nos voisins. » Si ce sentiment imprègne la nouvelle législature, la réforme pourra vraiment se faire et nous pourrons avoir un parlement beaucoup plus sain.

JS : J’ai quelque chose à ajouter à ce sujet. Je ne veux pas passer pour un vieil homme blasé, mais ce genre de chose est déjà arrivé par le passé. On dirait que chaque élection fait surgir une cohorte de députés idéalistes qui présument que leur cœur pur et leurs intentions honorables, traits qui les distinguent de tous leurs prédécesseurs, transformeront complètement la situation. Et puis, tout cela se dissipe. Les changements d’attitude se heurtent à des réalités qui sont toujours les mêmes. Il me semble que nous, politologues, devons nous demander quels sont ceux qui ont le pouvoir, pourquoi ils le détiennent et quels sont les facteurs potentiels d’influence de ce qu’ils en feront. Je ne crois pas vraiment que quoi que ce soit ait changé dans tout cela. Mais je ne peux qu’être d’accord avec Gary qu’il est profondément stimulant et rafraîchissant de voir arriver ces nouvelles cohortes un peu plus dynamiques et un peu plus d’optimistes à l’égard du parlement.

GL : Ces déclarations constructives ne viennent pas que de députés récemment élus, bien que, j’en conviens avec Jack, la désillusion est inévitable. Le premier ministre et le leader du gouvernement à la Chambre ont la même attitude.

KB : Je me demande si, au bout du compte, nous allons voir des ministres qui sourient davantage en répondant aux questions ou des différences concrètes dans les résultats. Il est tout simplement trop tôt pour vraiment savoir si l’évolution se fera en ce sens. Je serais sidéré que, tout à coup, les députés aient un peu plus de latitude et de temps pour leurs projets de loi dans le cadre de ce nouveau parlement, mais si cela se produit, ce sera une heureuse surprise. Mais j’ai plutôt l’impression que, dans ce domaine particulier, il serait difficile d’inverser la trajectoire.

PT : Permettez-moi de donner un exemple concret tiré de la situation actuelle? Gary et moi avons discuté de la proposition libérale voulant que les secrétaires parlementaires ne votent plus aux comités. Beaucoup ont vu là, au départ, une manière étrange de dire que les secrétaires parlementaires seraient retirés des comités. En fait, les libéraux y dépêchent toujours le secrétaire parlementaire pour faire valoir la position du gouvernement. C’est l’une de ces réformes qui permettent de dire qu’on a fait quelque chose, mais si le résultat concret, c’est d’avoir toujours quelqu’un sur place pour affirmer la position du gouvernement et garder à l’œil les députés ministériels, alors on peut dire que la réforme semble bonne, mais les faits ne montreront pas nécessairement qu’il y a des changements dans la pratique. Il est très étrange que, malgré tout ce qu’on dit des pouvoirs à donner aux simples députés, on n’est pas nécessairement prêt à relâcher les guides et à laisser les députés travailler dans les comités en toute indépendance. Cette réforme, en particulier, m’a rendu très sceptique. Mais nous verrons bien comment les choses évolueront. L’un des problèmes que nous avons maintenant, c’est qu’on réclame en ce moment deux « comités multipartites » pour étudier l’un, l’aide au suicide et l’autre, la réforme électorale. L’une des démonstrations les plus probantes de l’engagement du gouvernement à travailler avec les parlementaires, ce sera le sens qu’on donnera à cette expression de comité multipartite : tous les partis auront-ils également voix au chapitre ou la majorité ministérielle l’emportera-t-elle toujours sur des questions comme celle de la tenue d’un référendum sur la réforme électorale?

JH : Je lisais un article que Jay Hill a fait paraître dans la Revue parlementaire canadienne, dans lequel il décrivait l’arrivée de près de 200 nouveaux députés en 1993 et l’optimisme qu’on ressentait alors. Voilà qui nous rappelle que plus ça change, plus c’est pareil. Reste à voir si ce sera différent cette fois-ci. Les dirigeants semblent changer de ton pour le mieux, mais je m’inquiète en voyant en ce moment qu’on n’a pas encore tenu la promesse d’écouter les simples députés. On est encore tout à fait dans l’attente. Ce qui m’emballe, pour renchérir sur les propos de Kelly, c’est qu’il y a de très bonnes données de référence, en tout cas meilleures que par le passé, pour pouvoir comparer les parlements de façon un peu plus systématique. Nous pouvons aborder de façon plus scientifique les effets d’un changement de ton et d’attitude sur des éléments comme les projets de loi d’initiative parlementaire ou le chahut, qui a fait l’objet d’un rapport de Samara récemment publié, entre les différents parlements. Le Président a affirmé qu’il ferait preuve de proactivité pour limiter les effets désagréables du chahut à la Chambre. J’ai donc hâte de voir s’il y aura du changement. S’agit-il de réformes structurelles ou de réformes sur les plans du ton, de l’attitude et des normes culturelles sur la colline du Parlement? Si les normes sont vraiment fondamentales, comment pouvons-nous dire si elles ont changé à un moment donné?

JM : Mon impression générale, c’est que les réformes les plus réussies sont celles qui sont difficiles à remarquer. On a du mal à penser à une réforme transformatrice qui change l’institution du jour au lendemain. Les réformes les plus fructueuses se font plutôt progressivement. Mais au cours des 30 dernières années, le système des comités s’est certainement renforcé. Il a eu des hauts et des bas, mais pour les comités, il n’y a jamais eu de pas de géant. McGrath s’y est essayé, mais cela ne s’est pas vraiment produit, bien que, dans l’ensemble, il y ait eu une amélioration. L’élection du Président est un autre exemple de réforme qui n’a pas beaucoup renforcé la présidence, mais il s’agit certainement d’une amélioration. C’est l’histoire de la plupart des réformes parlementaires. On aurait du mal à en trouver une qui aurait transformé les choses. Les réformes durables se font plutôt discrètes et déploient leur influence et leur effet sur le long terme.

GL : J’ajouterais à cette liste la période des questions et observations. Elle n’a rien bouleversé, mais elle a été importante. On a du mal à croire que, avant la réforme McGrath, les interventions à la Chambre n’avaient aucun lien entre elles. Un député prenait la parole, après quoi un député d’un autre parti intervenait pour parler de tout à fait autre chose. Cette petite période de cinq minutes réservée aux questions et observations permet au moins un peu de vrai dialogue pendant lequel on ne peut pas lire de texte préparé parce qu’on ne sait pas ce que l’interlocuteur va dire.

KB : Je me souviens de ce dont nous discutions à la conférence du Groupe canadien d’étude des parlements. La Loi sur la réforme n’était pas encore adoptée et nous nous interrogions tous sur ses effets. À mon avis, elle avait tout le potentiel voulu pour apporter un changement vraiment important. Mais avec le temps, elle a été modifiée et édulcorée et nous constatons maintenant que la plupart des partis n’en ont fait à peu près rien pour ce qui est du vote des groupes parlementaires. On en revient à ce que John faisait remarquer : il n’y a pas de formule magique, pas de changement miracle et bien que cette réforme ait eu la possibilité d’être de cet ordre, elle a été édulcorée au point de ne plus pouvoir l’être. Ce sera probablement toujours le sort de notre Parlement. Les grands changements ne se font pas rapidement dans les grandes institutions dont le fonctionnement est encadré par un si grand nombre de processus. Cela dit, nous ne pouvons pas dépendre entièrement d’une culture caractérisée par le bon comportement et le respect. Nous devons compter aussi sur des règles et des contraintes qui limitent l’action des dirigeants, lorsqu’ils veulent pousser ces règles trop loin. Je ne suis pas très optimiste, mais j’admets que la culture joue, en soi, un rôle précieux, et qu’il en sortira peut-être quelque chose. Mon pessimisme me porte à penser que nous finirons par en revenir à ce que nous avons vu par le passé.

GL : L’instauration d’une période de questions du premier ministre le mercredi serait une amélioration notable. Ce ne serait pas une transformation profonde, mais elle aurait des répercussions sur les autres périodes de questions où le premier ministre ne serait pas présent. Cette innovation est pleine de bon sens et je serais heureux qu’elle se concrétise.

JS : Avant de quitter le sujet de la Loi sur la réforme, je dois dire que je suis d’accord pour dire qu’il n’y a aucune formule magique, mais seulement des améliorations progressives. Inutile de se bercer d’illusions en pensant qu’il y existe une panacée magique, et je crois que la Loi sur la réforme se situait dans ce territoire, car le critère élémentaire de toute réforme à court terme n’est autre que le suivant : va-t-elle plaire aux députés? Si elle ne plaît pas, elle est vouée à l’échec. Sur le long terme, sur le plan de la durée, le critère est autre : va-t-elle plaire au gouvernement? Si elle ne lui plaît pas, elle ne va pas rester. Si on considère les facteurs fondamentaux qui déterminent le comportement politique, il est difficile d’imaginer que quelque chef de parti politique, responsable de la réélection de son parti, accepte de céder à une autorité indépendante le contrôle des députés qui se présenteront aux élections suivantes. Comment est-on censé remporter les élections, alors? Il y a des éléments de la Loi sur la réforme carrément incompatibles avec les réalités modernes, qui ont concentré le pouvoir entre les mains des chefs de parti parce qu’ils en ont besoin pour mener efficacement la lutte électorale.

PT : Pour revenir un peu en arrière, c’est vrai, les réformes proposées ces dernières années n’ont pas nécessairement changé les résultats du parlement, mais il y a aussi du bien à dire du changement du processus. Il est intéressant de considérer les consultations prébudgétaires. Bien des politologues déplorent qu’elles n’aient pas beaucoup d’influence sur le document budgétaire même. Mais il y a en fait bien plus de gens qui demandent à comparaître que le comité n’en peut accueillir. On peut croire que l’élargissement du processus – c’est-à-dire, donner aux gens l’occasion de se dire qu’ils ont été entendus, même si cela ne change rien au bout du compte – et que le renforcement de la fonction représentative du parlement pourraient amorcer une évolution. Peut-être sommes-nous trop blasés pour y penser. Qu’est-ce que le simple citoyen a pensé des réformes? Comment changent-elles sa relation avec les comités?

RPC : Peut-être ces propos sur la participation sont-ils une bonne transition vers la question de la réforme électorale. Un débat national sur les modalités d’élection des parlementaires incitera-t-il les Canadiens à examiner ou à repenser leur conception du rôle du député? Cela amènera-t-il un changement dans la façon dont les Canadiens voient leurs députés et dans la culture de l’institution parlementaire même?

JM : Chaque fois qu’il est question de modifier le système électoral, on présuppose que le parlement même demeurera inchangé ou s’améliorera quelque peu. Ce n’est pas toujours forcément le cas. Parfois, l’esprit de parti peut en être exacerbé, car les parlementaires sont encore plus étroitement liés à leur parti. La hargne peut s’accentuer comme ce fut le cas en Nouvelle-Zélande, dont le système mixte avec compensation proportionnelle est plus ancré sur les partis et instable. Cela peut aussi être un système meilleur. Cela dépend beaucoup du type de système électoral retenu, car les députés ne restent pas constants eux non plus. Le rôle du député change au gré du système, et pas nécessairement pour le mieux. JS : Je voudrais opter pour une position plus constructive, sur ce point. S’il y a un débat national sur la réforme électorale, ce ne pourra qu’être favorable, car cela pourrait amener les Canadiens à s’intéresser davantage à la façon dont les incitatifs électoraux influencent le comportement au Parlement. Le mode de scrutin préférentiel est particulièrement intéressant, étant donné qu’il pourrait faire contrepoids à tout ce qui encourage le microciblage des électeurs pour tous les partis, puisque ceux-ci devraient réfléchir au deuxième choix à soutenir et à la façon de mobiliser ce soutien pendant les campagnes électorales et par leur comportement à la Chambre. Il serait très intéressant de voir si des données empiriques étayent cette possibilité théorique.

KB : Pour ma part, je voudrais que le gouvernement soumette la question à un référendum. Cela contribuerait beaucoup à favoriser l’engagement citoyen à cet égard. Il pourrait y avoir désaffection si le processus de consultation semble conçu pour obtenir la décision que le gouvernement a déjà en tête. Cela tient peut-être simplement à ma façon de voir les choses. Je suis porté à penser que ces questions importantes ne doivent pas être tranchées par un simple vote au parlement. Je voudrais que le parlement et surtout le gouvernement desserrent leur emprise et non seulement permettent un débat exhaustif, mais veillent aussi à ce que les citoyens aient l’occasion de s’engager personnellement sur un pied d’égalité.

JH : Je veux abonder dans le sens du point de vue de Kelly. Le gouvernement n’a pas encore rendu publics ses plans de consultation, mais le délai de 18 mois me semble très exigeant, si nous voulons avoir un débat national qui permettra au grand public de s’intéresser à la question et d’en discuter. Pour nous, à Samara, c’est là une occasion perdue. Mais l’accent qu’on met sur la réforme électorale est aussi parfois une sorte de diversion qui nous détourne de certains changements plus larges dont notre régime politique a peut-être besoin et des problèmes que nous voulons résoudre. La réforme des finances des partis a aussi apporté beaucoup de changements, ces 10 dernières années, et nous n’avons pas discuté sérieusement de la question pour savoir si l’abaissement des limites des dons et des dépenses a eu des effets positifs ou négatifs.

GL : À propos de la réforme électorale, contrairement à ce que j’ai dit au départ, je suis très désabusé. Je ne crois pas qu’elle se réalisera. Je ne vois émerger aucun consensus. Et je ne crois pas que le gouvernement insistera. Ce que j’entrevois est semblable à ce qui s’est passé au Royaume-Uni à propos de l’élection des membres de la Chambre des lords. Tony Blair et le Parti travailliste ont insisté là-dessus dans leur manifeste. Ils ont remporté les élections et ils pouvaient compter sur les appuis nécessaires, mais ils savaient qu’il n’existait aucun consensus. Ils ont donc multiplié les études et les votes libres, qui ont révélé l’absence de consensus. Par conséquent, le gouvernement n’a pas insisté.

PT : J’allais faire une comparaison avec le Royaume-Uni, mais à propos de son référendum tout récent sur la réforme électorale. Il semblait l’affaire d’un seul parti, celui des libéraux-démocrates, et le référendum a échoué de façon plutôt lamentable. À moins qu’il n’y ait consensus pour reconnaître que la réforme règle un problème particulier, j’estime pour ma part qu’il serait très dangereux que le gouvernement aille de l’avant, car, si le système électoral ne semble pas légitime, le désenchantement et la démobilisation risquent de s’aggraver.

KB : Je ne parie pas d’argent, mais dans ce dossier, j’ai l’impression que le gouvernement a des plans arrêtés, et qu’il y aura un changement. Je peux comprendre qu’on ait l’impression qu’il va trouver une échappatoire, et je souhaiterais en fait qu’il le fasse. Je crois qu’il pourrait tenir un débat sur l’opportunité d’apporter des changements au lieu d’affirmer qu’il souhaite un changement. Mais personne ne voudrait être premier ministre s’il y a un référendum qui semble se solder par un échec, même si, au bout du compte, le gouvernement prend du recul. Alors je suis convaincu que le gouvernement va faire adopter quelque chose.

JS : Nous sous-estimons peut-être l’influence de la population sur le cours des événements. Même s’il ne s’agit que d’un comité parlementaire au départ, celui-ci suscitera la participation de nombreux intervenants et stimulera le débat. Dans une certaine mesure, ce que le gouvernement fera et pourra faire dépendra du consensus qui semble présent ou possible dans l’opinion publique.

GL : Quand on s’engage dans ce débat comme celui-là, il n’y a pas de consensus. Certains sont favorables à un système et d’autres en préfèrent un autre et d’autres encore optent pour un troisième. S’il y a un vote libre sur la question, on constatera rapidement qu’il n’y a aucun consensus, ni à la Chambre ni au pays. La conséquence logique, c’est qu’il faut laisser tomber. Utiliser sa majorité pour imposer sa volonté rappellera aux gens pourquoi ils ont fini par ne pas aimer le gouvernement Harper et je crois que les libéraux, s’ils sont astucieux, éviteront cet écueil.

JS : Je fournis peut-être là une transition, mais comme dans le cas de la réforme du Sénat, il y a peut-être consensus sur ce que nous ne voulons pas, mais aucun sur ce que nous voulons.

RPC : C’est effectivement un enchaînement parfait pour parler de la réforme du Sénat au cours des dernières années, et de ce qui nous attend. Il semble, d’après le renvoi récent à la Cour suprême, que toute réforme de fond soit impossible sans modifications constitutionnelles. Compte tenu de ce fait, y a-t-il quelque espoir d’une réforme du Sénat?

GL : Je retrouve l’optimisme lorsque nous parlons du Sénat. La dissociation entre le groupe parlementaire libéral au Sénat et les dirigeants à la Chambre est constructive. L’idée de nominations de meilleure qualité, moins marquées par l’esprit de parti, est excellente. L’idée de faire comparaître des ministres de la Chambre pour répondre à des questions au Sénat est très bonne. La théorie qui se profile derrière la période des questions au Sénat a toujours été douteuse. Il est insensé de croire qu’une seule personne peut répondre pour 30 ministères. Mais on pourrait avoir 15 ou 20 bonnes minutes avec différents ministres réparties sur une certaine période. Il n’y a là rien de mal, selon moi, et ce pourrait être très constructif. Beaucoup de bonnes choses pourraient découler de ces réformes. Je trouve moins heureuse l’idée de ne pas avoir de leader du gouvernement au Sénat. Je ne vois pas très bien comment le travail pourrait se faire, et c’est plutôt fondamental.

JS : Ce qui se passe au Sénat est très intéressant, mais je ne dirais pas encore que je déborde d’optimisme. Une réalité qu’il faut affronter, c’est la décision de la Cour suprême. Notre Constitution cadre si mal avec la pratique actuelle qu’elle ne nous donne pas vraiment des indications utiles sur ce qu’il faut faire du Sénat. La Cour suprême est placée dans une situation regrettable, celle de devoir faire appliquer une conception du Sénat comme institution fédérale qui, manifestement, est morte sur le plan politique. Cela nous contraint à faire appel à nos propres ressources et devrait nous inciter, selon moi, à chercher des réformes progressives qui ne nécessitent pas un recours à la Constitution et qui pourraient améliorer le fonctionnement de l’institution. Gary a signalé quelques faits nouveaux intéressants. La dissociation du groupe parlementaire libéral au Sénat donnera-t-elle de bons résultats? Je n’en ai aucune idée. Le mieux que je puisse dire, c’est qu’il est presque impossible de faire durer quoi que ce soit à Ottawa qui soit coupé de toute affiliation politique. Je soupçonne que nous verrons au Sénat un regroupement officieux discret qui reproduira les affiliations politiques présentes à la Chambre, pour que cela puisse fonctionner. Et si cela est assez discret, je ne pense pas que le grand public s’en offense trop. Au moins à court terme, ce serait un moyen de faire fonctionner l’institution.

PT : Je voudrais nous ramener à une allocution que Meg Russell a prononcée à la conférence du printemps dernier au sujet de la réforme de la Chambre des lords. L’une des choses qui se sont produites lorsqu’on a débarrassé la Chambre de la plupart des pairs héréditaires et mis en place un processus plus transparent pour choisir les nouveaux membres, c’est que les nouveaux venus se sont perçus comme ayant plus de légitimité, et ils ont commencé à avoir de l’influence. L’ouvrage le plus récent de Meg Russell s’intitule Bicameralism Revived. Il sera intéressant de voir si les Canadiens seront plus satisfaits de l’idée d’un Sénat réformé qui soit plus légitime, mais également satisfaits si ce Sénat réformé commence à faire des choses que font des protagonistes légitimes, comme défaire le gouvernement. Compte tenu de l’orientation provinciale du Sénat, on pourrait se retrouver dans une situation où une région du pays peut bloquer une mesure souhaitée par une autre. Comment ce Sénat réformé cadrera-t-il dans l’ensemble du système politique?

KB : J’ai tendance à me rallier à l’opinion d’un certain nombre de participants : c’est intéressant, mais je ne suis pas nécessairement optimiste. Pour renchérir sur ce que Paul a signalé, je dirai que nous verrons des répercussions sur le plan de la perception de légitimité, mais, malheureusement, il n’y aura aucune reddition des comptes. J’ai une préférence pour des sénateurs élus et responsables qui doivent rendre des comptes s’ils adoptent ou non des lois. Ces réformes maintiennent certaines présuppositions au sujet du manque de légitimité du Sénat. Elles reposent sur l’idée que nous aurons toujours un Sénat quelque peu illégitime. Si nous ne nous attaquons pas à ces questions, nous allons probablement nous retrouver avec une chambre qui ne travaille pas particulièrement bien, par rapport à une autre, pour ce qui est de l’adoption de lois. Bien sûr, il faudra 10 ou 15 ans pour voir l’effet de cette réforme, puisque, pendant un certain temps, nous aurons deux groupes de sénateurs qui auront le sentiment d’avoir des degrés variables de légitimité. Il y aura un gros travail d’adaptation, et il faudra un bon bout de temps avant que nous ne sachions comment ce nouveau Sénat fonctionne concrètement. Ce qui me préoccupe, ce sont les pouvoirs constitutionnels que le Sénat possède. Il n’est pas impossible que nous nous acheminions, à long terme, vers une situation qui posera de grands problèmes.

JH : Kelly et moi sommes sur la même longueur d’onde. Je m’inquiète plutôt de l’influence que les changements apportés au Sénat risquent d’avoir sur la Chambre des communes. Je me demande ce qui se produira lorsqu’un Sénat ou des sénateurs plus énergiques prendront très au sérieux leur mandat de révision des projets de loi. Qu’est-ce que cela voudra dire? Pour le moment, beaucoup de projets de loi seront adoptés au Sénat sans cette rigueur, sans cette attention, si le gouvernement affirme qu’ils doivent être adoptés au plus tard à une certaine date. Si le Sénat applique un processus beaucoup plus rigoureux, cela influencera le travail des Communes. Ce sera quelque chose de fascinant à observer.

JM : Je dois avouer que l’actuelle proposition gouvernementale de réforme du Sénat m’inspire de l’optimisme. Je ne sais pas trop quelle tournure cela prendra. Kelly a donc parfaitement raison sur toute la ligne. Cela risque de dérailler à bien des égards. Chose certaine, nous ne savons pas comment le Sénat va fonctionner dans les mois à venir, privé qu’il est de groupe parlementaire ministériel et compte tenu du nouveau système de nomination. Le Sénat est probablement la plus grande énigme, parmi les institutions politiques au Canada, parce qu’il a un problème de légitimité, mais il est très fermement établi par la Constitution, et il est extrêmement difficile d’y apporter des changements majeurs sans rouvrir la Constitution. Ce qui me plaît dans les propositions du gouvernement, c’est qu’elles constituent une tentative visant à répondre à des préoccupations généralisées au sujet du Sénat d’une manière qui soit possible et dans le respect de la Constitution. Les idées de réforme du premier ministre Harper ont été jugées inapplicables aux termes de la Constitution sans un appui important des provinces. Il peut sembler futile d’accorder des points au gouvernement parce qu’il tente quelque chose, mais étant donné que ces réformes s’attaquent au processus de nomination et à la perception d’un manque de légitimité, je suis disposé à faire un acte de foi et à exprimer un certain optimisme, dans l’espoir qu’il en sorte du bon.

GL : Selon moi, il y a un moyen de s’attaquer au problème de légitimité et c’est avec une modification constitutionnelle, une modification du genre de la Loi sur le Parlement, qui limite la période pendant laquelle le Sénat peut bloquer un projet de loi, comme cela existe au Royaume-Uni. Si nous avions une disposition de cette nature, je ne crois pas qu’on discuterait de la légitimité du Sénat. Celui-ci pourrait étudier les projets de loi, proposer des amendements et retarder leur adoption jusqu’à un certain point, mais il ne pourrait pas vraiment contrecarrer la volonté de la chambre démocratiquement élue. Je ne crois pas qu’une modification unique et autonome prévoyant ce changement soit impossible.

KB : Il s’agirait toujours d’une modification constitutionnelle importante. Elle n’exigerait pas l’unanimité, mais elle ne pourrait se faire avec le seul appui de la Chambre et du Sénat, n’est-ce pas?

GL : Non, il faudrait l’appui de sept provinces sur 10.

KB : Mais si vous vous engagez dans cette voie, aussi bien… (Rires)

JS : Gary a mis de nouveau le doigt sur le problème que Jon a signalé au départ, celui de la légitimité. Au fur et à mesure que se déroulera ce processus qui se présente comme une expérience, certaines choses ressortiront très rapidement. L’une d’elles, c’est que le simple fait de ne pas être partisan ou d’être post-partisan ne confère en soi aucune légitimité. Cela pourrait donner aux gens quelque assurance que certains vieux problèmes ont été réglés, mais les sénateurs n’ont toujours pas de mandat et doivent établir leur légitimité. Les empêcher simplement de bloquer un projet de loi et leur permettre d’en retarder brièvement l’adoption ne leur donne aucune légitimité. Le problème de la légitimité à leur conférer reste entier. Tant que nous avons là une assemblée dont les membres sont nommés, ces membres auront une sorte de pouvoir fondé sur la foi, tant que l’assemblée ne sera pas de quelque façon élective. Cela nous amène à l’idée d’expertise et, peut-on espérer, à un processus de nomination menant à un meilleur choix de sénateurs capables d’une plus grande efficacité dans les études sur la politique et leur examen des lois, ce qui est leur contribution principale en ce moment.

RPC : Je ne sais trop combien d’entre vous se livrent à des études comparatives, mais y a-t-il, dans les provinces et territoires et au niveau international, des réformes récentes, dans d’autres régimes inspirés de Westminster, qu’il serait utile d’étudier pour le système canadien?

PT : Au Royaume-Uni, je dirais que ma réforme favorite demeure l’élection des présidents de comité par la Chambre même. Le processus actuel proposé par le gouvernement veut que ces présidents soient élus par les membres de chaque comité. De prime abord, ce semble bien, mais si on cherche un peu plus loin et remarque que chaque parti choisit ses membres qui siègent à chaque comité, on s’aperçoit que le gouvernement peut en fait limiter le bassin des candidats au sein duquel le président est choisi. Si c’est toute la Chambre qui est appelée à se prononcer, il y a beaucoup de chances qu’on obtienne un président que le gouvernement n’approuve pas nécessairement, mais qui peut être un expert dans un domaine de la politique ou un réformateur. On pourrait aller plus loin. On pourrait permettre des élections dans chaque parti pour choisir ceux qui siégeront à chacun des comités. Les deux grands avantages, c’est que le contrôle est retiré aux whips et qu’on fait apparaître un circuit différent pour le cheminement de carrière. On aurait alors une raison de devenir un expert en matière de soins de la santé, par exemple, à assurer que d’autres, au Parlement, sachent qu’on a cette compétence et à travailler avec les membres d’autres partis de sorte qu’un jour, lorsqu’il faut se prononcer sur le choix du nouveau président du comité de la santé, on ait la chance d’obtenir ce poste.

JS : Une fois de plus, je vais être négatif. Je ne sais pas grand-chose de ce qui se passe dans d’autres administrations, mais il y a ça et là quelques procédures qui semblent intéressantes, comme la procédure d’interpellation en place au Québec, mais on dirait que tous les systèmes représentatifs inspirés du modèle de Westminster sont aux prises avec un problème existentiel semblable : le modèle classique de représentation est loin de marcher aussi bien dans le contexte moderne. La taille des circonscriptions a beaucoup augmenté, si bien que les relations avec les électeurs sont devenues moins personnelles, les services d’information offerts 24 heures par jour et sept heures par semaine incitent les partis à contrôler le message et le comportement à l’assemblée. À moins que nous ne puissions, d’une façon ou d’une autre, relever ces défis fondamentaux, notre action sera aussi futile que semer des graines sur du béton.

JM : Je ne peux parler avec quelque autorité des autres administrations, mais nous savons qu’il existe une tradition voulant que nous reprenions à la Chambre des communes du Canada les réformes apportées ailleurs, d’habitude à la Chambre des communes du Royaume-Uni. Pensons par exemple aux comités législatifs distincts que le Rapport McGrath a préconisés. Au bout du compte, cela n’a pas marché, pour une ou deux raisons, notamment la différence de taille entre les deux parlements. La Chambre canadienne peut et devrait chercher des innovations ailleurs, mais elles risquent de ne pas toujours se transplanter facilement, à cause de différences de taille ou de culture politique.

KB : Il est un point sur lequel le Canada se distingue assez nettement : le chef de parti a un droit de veto sur les candidatures dans les diverses circonscriptions. Je ne suis pas vraiment convaincu par l’argument voulant que cela soit nécessaire pour que le parti puisse mener des campagnes efficaces et bien fonctionner comme parti. Il me semble possible de confier les décisions de cette nature à un comité de sélection distinct qui n’aurait pas le genre de lien que le chef peut avoir avec le groupe parlementaire. J’espère que cette réforme sera envisagée à l’avenir, de façon que nous puissions aller au-delà des modifications apportées dans la Loi sur la réforme, en disant que cela n’est pas un élément indispensable, mais plutôt un élément que les chefs de parti pourraient toujours utiliser pour exercer un pouvoir.

PT : Dans le même ordre d’idées, je dirai que dans le Parti conservateur du Royaume-Uni, celui que je connais le mieux, les candidats sont sélectionnés par le parti, puis inscrits sur la liste des candidats pré-approuvés, mais une fois que telle association de circonscription a choisi un candidat, celui-ci ne peut plus être évincé. Cela permet d’obtenir une certaine pureté idéologique, mais une fois le seuil franchi, il suffit de conserver l’appui de l’association de circonscription. Pas besoin d’avoir peur d’être éjecté du parti. Si on se rappelle la rébellion qui a éclaté ouvertement au Parti travailliste récemment, on peut voir comment les choses se passent. C’est assurément préjudiciable au parti. On pourrait donc invoquer l’argument contraire. Le chef et le parti ont besoin d’un certain pouvoir. Je ne prétendrai jamais que les députés doivent être complètement indépendants et n’être comptables qu’à leur circonscription, un point c’est tout. Les partis ont besoin de pouvoir présenter un front commun pour pouvoir fonctionner, mais je crois qu’au Canada, les députés ont perdu la capacité d’exprimer leurs préoccupations, de soulever des problèmes et de veiller à ce que les enjeux soient débattus. Il y a des avenues qui leur sont fermées et qui ne devraient pas l’être. Nous pouvons trouver un bon équilibre.

JS : Puis-je revenir sur l’idée du juste équilibre à trouver? J’en suis venu à douter très fort que ce soit là avant tout un exercice intellectuel. Dans notre histoire, les institutions ont évolué et, fréquemment, les membres de ces institutions ne savaient pas trop où ils allaient, mais finissaient par y arriver tout de même. Ils évoluent en réagissant à ce que le public dit. À voir les assemblées de style ancien où les membres sont plus indépendants être remplacées par des partis qui s’affrontent sur le parquet de la Chambre comme s’il s’agissait d’une campagne électorale permanente, il est clair qu’une évolution est en train de s’opérer. La Chambre réagit à l’expression de la volonté de la population au moment des élections. Le Parlement évoluera au gré de ces apports successifs d’opinions. Cela nous amènera probablement à ce que l’on considère comme un équilibre.

RPC : J’invite les participants à formuler leurs dernières observations, si nous avons laissé de côté des sujets qu’ils voudraient aborder. Et aussi, puisqu’un thème des échanges a été l’alternance entre optimisme et pessimisme au sujet de l’état de la réforme parlementaire, peut-être les participants pourraient-ils aussi nous dire s’ils envisagent de façon positive ou négative l’état de santé de notre parlement à court terme.

JS : Il me semble qu’une bonne partie des échanges au sujet de la santé de notre parlement se résume à ceci : un petit groupe de politologues dit aux députés ce qu’il pense de nos institutions, après quoi ces députés disent à un autre groupe de politologues ce qu’ils ont entendu et recyclent des convictions qui ne sont guère appuyées sur des données empiriques. (Rires) Une des choses dont nous avons besoin, c’est de données empiriques plus solides sur le Parlement. Certains des participants à la table ronde produisent des études vraiment utiles, et j’espère que nous trouverons une façon, dans nos institutions, de soutenir davantage ce travail.

KB : Je me suis brièvement senti tantôt insignifiant, tantôt très important, alors merci. (Rires) Je considère avec un certain optimisme l’état actuel des choses, car les parlementaires demandent au grand public ce que le parlement devrait être. Je suis convaincu que, au bout du compte, nous allons voir un cabinet du premier ministre à peu près aussi puissant que le précédent, et nous allons toujours voir un parlement qui est dirigé dans une large mesure par les organismes centraux. Cela dit, si des élections démocratiques font comprendre que ce type de gestion est rejeté, nous allons au moins voir un usage plus prudent de ce pouvoir. Tout au long de nos échanges, j’ai eu tendance à exprimer mon pessimisme, et mon attitude reste la même, mais le parlement va changer lentement et il répondra à ce que la population réclame puisque, tout compte fait, nous avons un système assez démocratique et réceptif.

JH : En m’appuyant sur ces arguments, je dirai que les dernières élections, où beaucoup d’électeurs, nouveaux et de longue date, sont allés voter, faisant augmenter le taux de participation, nous rappellent de façon éloquente que le Parlement est une institution importante. J’espère que les élus pourront continuer de promouvoir le message suivant : les Canadiens devraient consacrer un peu plus de temps à s’intéresser à ce qui se passe entre les élections. Si nous pouvons maintenir ce taux de participation en 2019 ou même le faire progresser, ce sera un meilleur soutien pour le Parlement. La situation est compliquée par ce qui se passera entre les partis et pendant la campagne, mais il y a là beaucoup de potentiel. Il y a aussi un grand risque que le désabusement gagne du terrain si rien ne change.

PT : Il sera intéressant de voir ce qui se passera au cours des prochaines années, car le nouveau gouvernement a fait campagne en promettant de nombreux changements profonds et rapides, mais il s’est aussi engagé à mener des consultations pour apporter ces changements. Il sera difficile de réaliser la quadrature du cercle. Plus il y a d’ouverture, plus le rythme ralentit. Je crois que le gouvernement finira par être jugé sur le fait que soit il n’a pas fait assez de changements, soit il n’a pas mené des consultations suffisantes au sujet des changements promis. Sachant que davantage de gens s’intéressent aux résultats plutôt qu’à la façon d’y parvenir, je crois que le gouvernement préférera pécher en accomplissant simplement ce qu’il a proposé. Il lui sera difficile de répondre à toutes les attentes qu’il a suscitées.

JM : Nous sommes tous des vétérans assez blasés pour ne pas être trop optimistes au sujet du rythme des changements, mais il y a des choses intéressantes qui se discutent et nous saisissons tous qu’il y a actuellement une envie de discussion sur les réformes parlementaires et autres. Cela me rappelle un peu le climat qui régnait au début du gouvernement Martin et son plan en six points pour éliminer le déficit démocratique. Ce gouvernement n’a pas eu le temps de faire grand-chose pour appliquer son plan, mais nous avons maintenant un gouvernement majoritaire, qui aura plus de temps pour tenir ses engagements. Comme d’aucuns l’ont signalé, il y a beaucoup de contradictions dans ces plans, mais nous en sommes à un point où on a envie de discuter du parlement et de la réforme comme cela ne s’est pas vu, du moins pas à cette intensité, à Ottawa depuis au moins une dizaine d’années voire davantage.

RPC : Merci à vous tous de vos réflexions sur cette question.

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