La Colline du Chatrlement : La colonie de chats de la capitale

Article 1 / 15 , Vol 41 No. 4 (Hiver)

La Colline du Parlement offre un certain nombre d’attractions incontournables : la Tour de la Paix, la Bibliothèque du Parlement, des statues de premiers ministres et d’autres personnages célèbres de l’histoire canadienne… Mais pendant des décennies, la colonie de félins de la Colline du Parlement a elle aussi attiré chaque jour des centaines de curieux et de fervents amateurs de chats. D’abord amenés sur la Colline pour chasser les rongeurs, les chats ont fini par jouir d’une vie relativement paisible. Ces chatons bien nourris et bien soignés ont passé leur temps au soleil et ont conquis le cœur des parlementaires, du personnel, des visiteurs et des touristes. Dans cet article, nous célébrons la colonie féline (et le sanctuaire) de la Colline du Parlement. Bien que celle-ci n’existe plus, les souvenirs de ces félins amicaux et poilus ne sont pas près de s’effacer.

Lors de débats vigoureux à la Chambre des communes ou au Sénat, les parlementaires peuvent, en se battant verbalement, être comme chien et chat. Cependant, pendant près d’un siècle (ou plus), de vrais chats ont vécu une existence paisible à deux pas de ces Chambres.

Bien que certains pensent que les chats sont arrivés sur la Colline pour la première fois pendant la construction du canal Rideau, les historiens ont pu établir avec certitude que les origines de la colonie de chats remontent au moins à 1924, lorsqu’une grande infestation de rats et de souris a suivi la construction de l’édifice du Centre.

Des ouvriers ont amené des chats pour garder la population de rongeurs sous contrôle. Bien que ces chats aient fait leur travail admirablement, ils se sont également reproduits rapidement. Bientôt, certains employés de la Colline se sont plaints des chats qui erraient dans les couloirs. En 1955, leur utilisation pour repousser les rongeurs a pris fin lorsque les travailleurs ont commencé à utiliser plutôt des produits chimiques.

Néanmoins, la population féline était encore très nombreuse et de plus en plus de gens se souciaient de son bien-être. Dans les années 1930, les femmes de ménage nourrissaient les chats en se rendant au travail; de même, les ouvriers jardiniers et autres employés ou visiteurs s’étant attachés à la colonie les ont nourris à différents endroits jusqu’en 1970, date à laquelle Irène Desormeaux a assumé le rôle de gardienne en chef de la colonie. Dans les années 1980, avec l’aide de son voisin et ami, René Chartrand, elle a créé des structures de bois à l’ouest de l’édifice du Centre, près de la statue de Sir Alexander Mackenzie, pour protéger les animaux des intempéries. De plus grandes structures, ressemblant aux premières maisons des colons européens le long du fleuve Saint-Laurent, ont été construites en 1997.

Au décès de Mme Desormeaux en 1987, M. Chartrand a pris la relève jusqu’à sa retraite en 2008. Il est décédé en 2014. Les médias qui ont parlé de son décès ont souligné que le travail de René Chartrand était si important qu’il a été l’un des très rares civils à être admis sur la Colline après les attentats du 11 septembre.

D’autres bénévoles ont aidé ces gardiens au fil des ans, et la famille de félins a également bénéficié du parrainage d’une entreprise d’aliments pour animaux de compagnie, ainsi que des soins vétérinaires et des vaccins gratuits de l’hôpital pour animaux Alta Vista.

En 2000, la colonie comptait pas moins de 30 félins. Certains descendaient des chasseurs de souris des débuts, mais la grande majorité d’entre eux semblaient avoir été laissés par des gens qui ne pouvaient ou ne voulaient pas prendre soin d’eux. Au tournant du siècle, un programme consistant à « attraper, stériliser, relâcher » a été mis en place pour tenter de limiter la population; quant aux chats qu’on abandonnait sur les lieux, ils étaient remis à un refuge local pour animaux.

Peu à peu, la taille de la colonie a diminué jusqu’à atteindre seulement quatre félins, qui ont finalement tous été adoptés en 2012. Le Sanctuaire des chats a été fermé et les structures ont été démolies pour faire place au vaste projet de construction et de rénovation sur la Colline. Le ministère des Travaux publics a envisagé de déplacer la colonie près d’un terrain de stationnement au pied de la Colline, mais celui-ci a été jugé trop achalandé pour être un foyer sûr et convenable pour les générations actuelles et futures de chats.

Les chats étaient aimés des députés et des employés – Pierre Berton a écrit plaisamment que « Pierre Trudeau, qui aimait ses promenades, avait l’habitude de flâner près du sanctuaire, et que Brian Mulroney saluait toujours les chats de la fenêtre de sa limousine1 » – mais ils l’étaient peut-être encore plus des visiteurs.

Alan MacEachern, professeur à la faculté d’histoire de la University of Western Ontario, à London, en Ontario, a relaté qu’alors qu’il vivait à Ottawa, sa femme et lui se promenaient régulièrement sur la Colline du Parlement pour visiter le refuge des chats.

« Les chats étaient une source de grande joie pour les touristes et les habitants de la région, et je pense qu’il y avait trois raisons à cela, explique-t-il. D’abord, c’était des chats. Deuxièmement, on avait le sentiment que la scène confirmait le stéréotype canadien : celui d’un peuple si tolérant, ou si passif, qu’il permettait aux squatteurs de squatter à côté du siège du gouvernement. Mais troisièmement, on sentait aussi que cette scène contredisait un autre stéréotype : il s’agissait non pas d’animaux de la faune traditionnelle mais d’animaux domestiques qui vivaient ainsi à l’état sauvage, toute l’année, dans une des capitales nationales les plus froides du monde. On ne pouvait pas rendre visite aux chats sans penser à la mince ligne qui sépare la nature sauvage de la nature apprivoisée2 . »

Même si les chats ne résident plus sur la Colline, ils vivront longtemps dans la mémoire collective de leurs admirateurs. Un groupe Facebook dirigé par d’anciens bénévoles perpétue la tradition en partageant les photos et les histoires de l’époque où des douzaines de félins à fourrure (et les écureuils, marmottes, tamias, ratons laveurs et oiseaux qui se mêlaient souvent à eux) habitaient la Colline du Chatrlement.

Notes:

  1. The Cats of Parliament Hill », tiré du livre de Pierre Burton, Cats I Have Known and Loved, 2002, Doubleday Canada, ISBN 038565659385, pages 107-111 [TRADUCTION].
  2. http://niche-canada.org/2014/10/25/a-parliament-of-cats/ [TRADUCTION].
Top