La dimension politique de la réduction du nombre de sièges dans les assemblées législatives du Canada
Comment les assemblées législatives canadiennes déterminent-elles le bon nombre de représentants qu’elles doivent compter? Il n’existe aucune réponse objective à cette question. Dans le présent article, l’auteur explique le raisonnement que l’on utilise le plus couramment pour favoriser ou contrecarrer les propositions de réduction du nombre de sièges au sein d’une assemblée législative. Il conclut que, peu importe qu’une personne croie ou non que l’Assemblée législative devrait compter plus ou moins de députés, ce qui importe en définitive, c’est l’importance du rôle que les députés y jouent. L’information présentée ici est une synthèse de l’article « Fewer politicians and smaller assemblies: How party elites rationalize reducing the number of seats in a legislature — Lessons from Canada », qui a été publié par l’auteur dans un numéro récent du Journal of Legislative Studies.
L’aspect peut-être le plus subjectif de toute assemblée législative est le nombre de représentants qu’elle compte. Les membres des assemblées législatives canadiennes et le personnel des commissions de délimitation des circonscriptions électorales travaillent de temps à autre à élaborer une nouvelle représentation électorale. Les débats qui portent sur le redécoupage électoral visant à refléter l’ évolution démographique s’élargissent parfois, allant jusqu’à inclure une discussion de la rectification du nombre total de sièges, et, à l’occasion, on en vient à parler de réduire ce nombre.
Il est facile de se faire une opinion sur le fait que les assemblées comportent ou non un trop grand nombre de politiciens, et les esprits s’échauffent à mesure que les théoriciens et les praticiens de la démocratie adoptent des positions bien arrêtées. Les communautés marginalisées exercent des pressions pour obtenir un traitement particulier afin de s’assurer d’ être suffisamment représent ées, tandis que des groupes de contribuables critiquent les largesses du gouvernement. Tous les sondages d’opinion publique révèlent que la population veut voir réduire la taille des assemblées législatives, mais qu’elle peut aussi être sympathique à une représentation adéquate des femmes et des minorités. Il ressort de cette polarisation qu’il y a amplement de raisons pour lesquelles il est préférable, pour favoriser la démocratie, qu’une assemblée compte plus de représentants, et tout autant de raisons pour lesquelles il vaut mieux se doter d’une assemblée de taille plus modeste.
L’auteur de l’article examine les motifs politiques qui sous-tendent la réduction du nombre de membres des assemblées législatives provinciales. Toutes les provinces canadiennes se sont livrées à un tel exercice au moins à une reprise (tableau 1). Une vague de réductions a eu lieu pendant le krach économique des années 1930, après la récession des années 1990, et de nouveau après la grande r écession de la fin des années 2000. En conséquence, comme on le montrera, la principale raison pour laquelle les premiers ministres des provinces veulent réduire le nombre de politiciens est pour aider le gouvernement à mettre en place des mesures d’austérité. Il est peu probable qu’une proposition d’ éliminer des sièges aille de l’avant en l’absence d’une situation économique désastreuse ou qu’un dirigeant souhaite prendre de telles mesures, à moins que cette proposition soit le précurseur d’un programme plus ambitieux.
Pourquoi devrait-il y avoir plus de politiciens?
Si l’augmentation du nombre de politiciens présente un attrait pour la population sur le plan démocratique, c’est parce que celle-ci a la conviction que cela permettra d’améliorer le gouvernement. En effet, les membres d’une assemblée législative exigent du Cabinet qu’il rende des comptes. Toutefois, le principe de la responsabilité gouvernementale peut être un peu chancelant quand un grand nombre de représentants élus sont des ministres ou sont bien installés dans des fonctions quasi gouvernementales, comme c’est le cas des secrétaires parlementaires. Cela est fréquent dans les provinces canadiennes, où le nombre de membres des assemblées législatives varie d’un minimum de 27 à l’ ÎleduPrince Édouard à un maximum de 124 en Ontario. La perte d’autonomie qui découle de l’influence grandissante de l’exécutif contribue à la centralisation du pouvoir au sein du cabinet du premier ministre1. Cette influence grandissante est particulièrement accentuée dans les petites provinces, où le nombre de membres du Cabinet est supérieur à celui des membres de l’opposition. Les porte-parole sont chargés de surveiller de nombreux ministres, ce qui peut nuire au bon fonctionnement des comités législatifs. Au contraire, dans une assemblée législative comptant de nombreux députés, il est possible de renvoyer un plus grand nombre de dossiers aux comités pour que ceux-ci les étudient. Les groupes d’intérêt organisés ont aussi plus de difficulté à exercer leur influence, et les projets de loi risquent moins d’être adoptés de façon précipitée.
La diversité de la représentation est une raison impérieuse d’augmenter le nombre de sièges. Lorsque des circonscriptions comptent une forte proportion d’Autochtones ou de minorités ethniques, ces groupes peuvent mériter d’avoir leurs propres représentants. La concurrence pour remporter l’investiture d’un parti étant moins forte, des personnes provenant de divers horizons peuvent plus facilement se présenter comme candidats pour un parti et pourraient éventuellement être élues, créant ainsi une assemblée caractérisée par une plus grande diversité sociodémographique et une multitude de partis politiques. La diversité persiste donc au sein du gouvernement, puisque le premier ministre a un choix plus vaste lorsqu’il constitue son conseil des ministres. S’il y a plus de politiciens, il y a aussi davantage d’occasions de nommer des femmes et des membres de groupes minoritaires à des postes décisionnels.
Une autre raison pour laquelle il est pertinent d’avoir un nombre plus élevé de représentants élus est pour répartir la charge de travail. Un rapport électeurs-élus moindre permet d’accorder une attention plus personnelle aux électeurs. Or, un contact personnel peut se révéler particulièrement important dans les régions rurales puisque les distances à parcourir y sont grandes, la représentation à l’échelon municipal y est limitée et une culture d’intimité politique y règne.
Pourquoi devrait-il y avoir moins de politiciens?
Les électeurs se plaignent régulièrement qu’il y a trop de législateurs; ils ne disent jamais qu’il en faut davantage. L’appui populaire à la réduction du nombre de politiciens tient au mécontentement de la population à l’égard des élites déconnectées de la réalité et à sa frustration en ce qui concerne la mauvaise gestion par le gouvernement.
L’argument généralement retenu par la réduction du nombre de sièges est la réalisation d’ économies. Celles qui sont évidentes concernent les coûts directs associés aux politiciens (c.-à-d. les salaires, les avantages sociaux et les pensions de retraite), de même que les frais de déplacement, du personnel de soutien, des locaux à bureaux et de tenue d’ élections. Ce qui nous apparaît peut-être moins évident du point de vue des économies, c’est que les assemblées législatives plus petites contribuent à la réduction de la taille du gouvernement, étant donné que le nombre de députés qui exercent des pressions pour obtenir plus d’argent est moins élevé, et que ces assemblées peuvent mieux résister aux pressions financières localisées. La question de savoir si les députés fournissent un rendement optimal en contrepartie de l’argent dépensé est donc au cœur de l’argument. Avec l’expansion de l’appareil gouvernemental, les députés d’arrière-ban, qui étaient à l’origine des législateurs, sont devenus ni plus ni moins que des gestionnaires de dossiers, et le dynamisme de leur message donne l’impression à la population que la majorité des députés ne sont guère plus que des messagers de leur parti. Le nombre de jours de séance diminue dans la plupart des assemblées législatives2, et certains députés d’arrière-ban peuvent manquer de travail même lorsqu’ils se réunissent. Les politiciens eux-mêmes constatent que certains de leurs pairs sont superflus. Une discipline de parti rigoureuse peut amener les députés même les plus actifs à remettre en question leur propre utilité.
On peut également faire valoir qu’une concurrence plus intense lors des courses à l’investiture et des élections peut donner lieu à une meilleure représentation. Il est plus simple pour les partis de recruter des candidats de qualité et d’en présenter une brochette complète aux élections. Il est plus rare que de voir des candidats qui atterrissent par hasard en politique et ne font pas de sollicitation. Une fois élus, un plus petit groupe de parlementaires jouent un rôle plus marqué. Les députés travaillants sont mieux à même d’obliger le chef à rendre des comptes, et les non-initiés ont plus de difficulté à se dérober à leurs tâches. Ils peuvent prendre plus rapidement des décisions collectives. Cela contribue à améliorer la productivité, parce qu’il y a moins de différends. Cela permet également d’améliorer les travaux de l’Assemblée législative, puisque le décorum est davantage respecté et qu’il y a une plus grande impartialité et une responsabilisation personnelle accrue.
La formule de la racine cubique
Il n’existe pas de formule cohérente permettant de déterminer le nombre idéal de membres d’une assemblée législative. Les commissions de délimitation des circonscriptions électorales du gouvernement fédéral et des provinces se fondent sur les données de recensement sur lesquelles reposent les changements apportés tous les dix ans au nombre de sièges. Lors de recherches universitaires, on a déterminé que la racine cubique de la population pourrait servir de ligne directrice lorsqu’il s’agit de déterminer la taille idéale d’une assemblée3. Cette formule fonctionne bien dans le cas de la Chambre des communes. En effet, la population approximative du Canada est de 37,6 millions d’habitants. La racine cubique de ce nombre, soit 335, correspond plus ou moins aux 338 députés que compte la Chambre. En revanche, le calcul fonctionne moins bien dans le cas des provinces ou des municipalités canadiennes, dont la population est beaucoup plus petite. Le nombre de membres dans les assemblées provinciales doublerait si on suivait la règle de la racine cubique.
L’obligation légale de redéfinir les limites des circonscriptions électorales afin de tenir compte des variations de la taille de la population peut être le point de départ de discussions concernant la surreprésentation. La situation de presque tous les élus est boulevers ée lors du redécoupage, car ils acquièrent ou perdent alors des électeurs et des collectivités. Pour pouvoir établir une formule de représentation visant à réduire le nombre de sièges, il faut habituellement que le gouvernement et les membres de l’assemblée confèrent ce mandat à la commission de délimitation des circonscriptions électorales. On se plaint alors immanquablement de la commission et du processus. On réplique aux préoccupations quant aux effets préjudiciables sur certaines communautés (nordiques, rurales, autochtones, ethniques) en fournissant des renseignements sur la façon dont la technologie des communications est en train de se transformer et en affirmant que le fait de s’éloigner d’un ratio standard mettrait en péril le principe d’une personne, un vote. Il plane toujours une menace de poursuites judiciaires en raison du trop grand écart démographique entre les circonscriptions très peuplées et celles faiblement peuplées, de même que de contestations judiciaires visant à protéger les communautés d’intérêts. La politicaillerie expose à la fois les méfaits et les vertus des équations mathématiques.
Pourquoi les gouvernements des provinces réduisent-ils le nombre de sièges dans leur assemblée législative?
Pour révéler les motifs politiques à l’origine de la réduction du nombre de sièges, nous avons interrogé 18 politiciens qui avaient pris part aux réductions impromptues qui sont entrées en vigueur au moment des élections provinciales en Saskatchewan en 1995 (-8 députés), à l’ ÎleduPrince Édouard en 1996 (-5), au Nouveau-Brunswick en 1995 et en 2014 (3 et 6 respectivement), à Terre-Neuve-et-Labrador en 1996 et en 2015 (-4 et 8 respectivement), et en Nouvelle-Écosse en 2013 (-1). Au nombre des personnes interrogées figuraient d’anciens premiers ministres, chefs de cabinet, ministres des Finances et de la Justice, leaders à la Chambre et députés d’arrière-ban qui voulaient se faire entendre, ainsi que d’autres participants4. L’Ontario a été exclu, parce que c’est la seule province dont le parti au pouvoir avait déclaré dans son programme électoral qu’il avait l’intention de réduire le nombre de membres de l’Assemblée (-27 en 1999). Cette province semble aussi être la seule où un parti qui a ensuite formé le gouvernement s’était publiquement engagé à élaguer la communauté des parlementaires5.
Une politique de réduction du nombre de politiciens semble être plus contestée lorsqu’elle est annoncée subitement, sans avis public. Par exemple, certains observateurs politiques ont vivement critiqué la décision du gouvernement de l’Ontario de réduire la taille du conseil municipal de Toronto moins d’un mois après son accession au pouvoir, et ils ont signalé qu’il n’avait pas été question de cet enjeu lors des élections générales récentes. Les tribunaux ontariens sont actuellement saisis d’une action en justice visant à contester la constitutionnalité de la mesure6. Même si cela ne revient pas à proposer des changements au nombre de sièges d’une assemblée parlementaire, l’idée d’apporter des changements à la représentation démocratique sans d’abord tenir des consultations publiques exhaustives a toutefois suscité la controverse.
Le plus souvent, la population s’intéresse à la diminution du nombre de sièges lorsque l’ économie est instable et qu’elle croit que cette mesure permettrait de faire des économies. Au début des années 1990, dans les programmes électoraux, on signalait qu’il fallait effectuer des restrictions financières; au cours des années 2000, on déclarait qu’il fallait réaliser des gains d’efficacité. Le débat public entourant les compressions gouvernementales, le contrôle du déficit budgétaire et de la dette, la gestion de la baisse de la cote de crédit par les courtiers et la réputation économique générale de la province sont des conditions préalables à la mise en place de programmes d’austérité. Une population stagnante ou en baisse peut aussi être entrer en ligne de compte. L’idée de retrancher des sièges fait son chemin vers les autres provinces qui sont aux prises avec les mêmes contraintes financières et a des retombées sur celles-ci. Un parti d’opposition qui remporte les élections ou un nouveau premier ministre cherchant à se démarquer par rapport à un gouvernement essoufflé, en particulier, aura la volonté nécessaire pour s’attaquer aux problèmes.
Les débats politiques empruntent des voies diverses. Ils n’ont pas d’ordre particulier; en effet, les échanges se font dans les deux sens entre le Cabinet, le caucus, l’Assemblée et les commissions de délimitation des circonscriptions, des consultations publiques sont tenues et des groupes d’intérêt exercent des pressions. Une analyse politique vient progressivement remplacer la rhétorique de dénigrement des politiciens, qui est bien vue pendant la campagne électorale. On invoque des inquiétudes quant aux différences entre la taille des circonscriptions et à l’obligation constitutionnelle de respecter le principe d’une personne, un vote. On constate une surreprésentation par rapport aux autres provinces. Surtout, on présente la décision de réduire la taille du gouvernement comme une riposte démocratique à l’opinion publique selon laquelle l’administration est trop lourde, et on affirme que cela permet de moderniser des institutions désuètes.
Ce qui fait pencher la balance, c’est la détermination du premier ministre. La volonté de réduire le nombre de sièges prend généralement sa source dans la conviction intime que, depuis longtemps, la province compte trop de politiciens. Cette conviction mijote dans la tête des collègues qui ont entendu les plaintes de la population et en sont arrivés à la même conclusion. Il peut arriver que l’idée soit soulevée lors d’une séance de réflexion du caucus, ou peut-être aussi que la volonté politique n’ était pas au rendez-vous lorsque la commission de délimitation des circonscriptions électorales précédente a suggéré le changement. Une telle proposition peut aussi être faite en réaction aux reportages des médias qui affirment que l’appareil politique est trop lourd. Tout comme la réduction des salaires ou des pensions des politiciens a une valeur symbolique, et tout comme le dégraissement du Cabinet envoie un message d’efficacité et d’aversion pour les faveurs politiques, les premiers ministres des provinces reconnaissent qu’une assemblée de taille plus modeste peut démontrer leur engagement à réduire les dépenses. Un coup de hache figuratif dans l’Assemblée législative provoque un sentiment d’ équité et donne une image de sacrifices, car il symbolise le fait que tout le monde se partage le fardeau équitablement.
Un Cabinet inquiet peut repérer l’avantage à tirer sur le plan politique s’il s’aventurait à réduire la taille du gouvernement. Il étudie sérieusement la possibilité de vendre des biens du gouvernement, d’annoncer des augmentations d’impôt et de taxes, ainsi que de baisser les salaires et d’effectuer des mises à pied au sein de la fonction publique. Quand le ministre de la Santé prévoit de fermer des hôpitaux ou que celui de l’ Éducation planifie la fusion de conseils scolaires, il reconnaît qu’il est nécessaire de donner l’exemple sur le plan budgétaire afin de pouvoir prendre plus facilement des décisions difficiles. Il peut alléguer que la réduction du nombre de sièges permettra de réaliser des économies, ce qui contribuera à réduire au minimum l’incidence sur les services gouvernementaux. Cela démontre que le gouvernement prend au sérieux l’allégement de l’administration.
Normalement, c’est le ministre de la Justice ou le ministre des Finances qui fait la promotion de la politique de réduction. Le premier ministre doit absolument lui offrir son soutien unilatéral afin de convaincre ses collègues qui sont plus ambivalents. Comme c’est le cas pour de nombreuses politiques proposées, une masse critique de députés emboîtent habituellement le pas, mais, dans le cas qui nous occupe, il est tout de même très possible que des membres du caucus soient mécontents. Il est difficile pour les politiciens d’adopter une position publique commune lorsqu’ils craignent de perdre leur emploi. Les moyens habituels employés pour encourager le caucus à intérioriser ses frustrations perdent leur efficacité à mesure que ses membres apprennent qu’un siège sera éliminé, et que son titulaire devra affronter ses adversaires dans une course à l’investiture. En outre, les membres de l’exécutif des associations de circonscription risquent de perdre leur poste et peuvent exercer des pressions sur leur député pour que celui-ci s’oppose à un changement. Certains députés doivent évaluer l’unité du caucus en regard de l’assurance de leur propre sécurité d’emploi, mais pour d’autres, le dilemme ne se pose pas.
Un député voulant en savoir plus peut éventuellement indiquer que l’exercice de réduction n’entraînera que des économies minimes et attirer l’attention sur son incidence fâcheuse sur la représentation. Il peut aussi formuler des propositions raisonnables concernant le maintien du nombre de représentants et suggérer qu’on songe à augmenter ce nombre. Il pourrait être nécessaire de tenir un vote libre afin d’ éviter les reportages négatifs sur le comportement antidémocratique du gouvernement. S’il est la cible de critiques de la part du Cabinet, du caucus ou de la population, le premier ministre qui tient à tronquer le nombre de sièges peut réaliser un compromis en faisant un sacrifice moindre, ou il peut parfois même renoncer complètement à son projet.
En fin de compte, le symbolisme politique du nombre définitif de députés l’emportera sur tout autre raisonnement numérique. L’Ontario a cherché à reproduire le nombre de députés à l’Assemblée provinciale. Le cabinet du premier ministre du Nouveau-Brunswick s’est fixé un objectif de réduction de 10 % et a fait passer à moins de ٥٠ le nombre de députés, qui est de 49 depuis 2014. Le gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador a quant à lui d’abord proposé d’éliminer 10 sièges pour abaisser leur nombre à ٣٨ lors des élections de 2015, et a finalement choisi, de concert avec l’opposition officielle, d’arrondir ce nombre à 40. Il est probable que ceux qui font la promotion de l’élimination de sièges tentent d’avoir un impact politique que les formules mathématiques ne peuvent leur assurer.
De plus, la proposition de réduire le plus possible le nombre d’ élus a une valeur sur le plan politique, car elle sème la dissension. Les adversaires se font prendre au piège, car ceux qui ne soutiennent pas la position du gouvernement sont étiquetés comme étant des dépensiers ayant perdu de vue la réalité. Il existe des divisions semblables au sein des caucus de l’opposition. Une autre forme d’opportunisme politique peut consister à effectuer un redécoupage pour déconcerter un adversaire bien organisé ayant déjà tenu des courses à l’investiture pour ses candidats. De plus, le retranchement de sièges peut permettre au premier ministre de retarder la tenue d’ élections pour aider la commission de délimitation des circonscriptions électorales à accomplir son travail. Dans cette optique, les éléments composant la formule gagnante pour un gouvernement qui voudrait réduire le nombre de sièges sont, d’une part, des problèmes économiques, et d’autre part, des avantages politiques.
Conclusion
Il n’existe pas de bonne réponse à la question de savoir si une assemblée législative devrait compter plus ou moins de députés. Ce qui importe, c’est le rôle que jouent ses députés. Quel que soit le côté du débat où l’on se situe, force est de reconnaître que les politiciens qui exploitent la colère de la population à l’endroit de la classe politique attirent l’attention sur de graves problèmes en ce qui concerne la démocratie parlementaire. Un gouvernement qui cherche à réduire le nombre de sièges sans en avoir discut é pendant la campagne électorale ou sans soumettre l’idée à un référendum prête le flanc aux critiques, ses détracteurs pouvant prétendre qu’il manifeste de l’indifférence à l’ égard des principes démocratiques. Fait plus inquiétant encore, c’est que, s’il est possible de proposer de réduire le nombre de politiciens, c’est parce que la population a l’impression qu’ils ont peu d’importance.
Notes
1 Paul E.J. Thomas et J.P. Lewis, « Executive creep in Canadian provincial legislatures. » Revue canadienne de science politique 52, no 2 (2019) : p. 363-383.
2 Jeff Gray et Tom Cardoso, « Provincial and territorial legislatures spend fewer days in session than a decade ago, Globe analysis finds. » Globe and Mail , 4 juillet (2019). URL: https://www.theglobeandmail.com/canada/article-provincial-and-territorial-legislatures-spend-fewer-days-in-session/
3 Voir Kristof Jacobs et Simon Otjes, « Explaining the size of assemblies: A longitudinal analysis of the design and reform of assembly sizes in democracies around the world. » Electoral Studies 40 (2015): p. 280–292.
4 Cet article fait la synthèse de l’information présentée dans Alex Marland, « Fewer politicians and smaller assemblies: How party elites rationalize reducing the number of seats in a legislature—Lessons from Canada. » The Journal of Legislative Studies 25, no 2 (2019) : p. 149-168.
5 Pour obtenir de plus amples renseignements sur la réduction du nombre de sièges en Ontario, voir David Pond, « Imposing a neo-liberal theory of representation on the Westminster model: A Canadian case. » The Journal of Legislative Studies 11, n o 2 (2005) : p. 170-193. : p. 170-193.
6 Jeff Gray, « Ford’s court win sets off fresh battles in Toronto civic election ». Globe and Mail, 19 septembre (2018). URL : https://www.theglobeandmail.com/canada/toronto/article-ontario-court-of-appeal-sides-with-premier-ford/