La quête de légitimité du Sénat : Prochaines étapes vers une Chambre haute indépendante

Article 2 / 9 , 46 No. 1 (Printemps)

La quête de légitimité du Sénat : Prochaines étapes vers une Chambre haute indépendante

Maintenant que plus de 80 % de ses membres ne sont affiliés à aucun caucus partisan, la composition du Sénat du Canada revêt une forme sans précédent dans son histoire. S’appuyant sur son expérience en tant que facilitateur du Groupe des sénateurs indépendants, l’auteur fait le point sur la façon dont la Chambre haute s’est transformée depuis les changements apportés au processus de nomination en 2016. Se servant d’un article de grande importance rédigé par deux anciens éminents sénateurs comme point de départ, l’auteur passe en revue les récents changements apportés au Sénat et suggère d’autres réformes possibles qui pourraient contribuer à modifier les perceptions négatives de l’institution qui persistent chez de nombreux Canadiens. Il souligne que la popularité du nouveau processus de nomination ne suffira pas à convaincre le public que le Sénat doit être considéré comme un pilier de la démocratie canadienne.

L’hon. Yuen Pau Woo

Sept ans après la mise en place d’un nouveau processus de nomination des sénateurs, la composition de la Chambre haute du Canada n’a rien à voir avec celle des 150 dernières années. Avant la première série de sept sénateurs nommés à titre de membres non partisans au printemps 2016, on ne comptait que 13 sénateurs qui siégeaient à titre de membres indépendants, ce qui représentait 16 % du nombre total de sénateurs. En mars 2023, 83 ٪ des membres étaient des sénateurs non partisans. Les 74 sénateurs indépendants appartiennent à l’un des trois groupes parlementaires qui ne sont associés à aucun parti politique ou siègent comme membres non affiliés, et n’entretiennent aucun lien officiel avec les caucus partisans à la Chambre des communes1. Le seul groupe encore explicitement partisan est les sénateurs conservateurs, mais leur nombre est passé de 42 en mars 2016 à seulement 14 en mars 2023. La transition vers un Sénat plus indépendant est maintenant bien ancrée.

Toutefois, un changement dans le visage des sénateurs ne garantit pas la réussite des réformes annoncées par Justin Trudeau lors de l’expulsion des sénateurs libéraux de son caucus en 2014. Même si la nomination de sénateurs non partisans constitue sans doute l’ensemble de réformes le plus profond de l’histoire de la Chambre haute, cela ne constitue que la première étape de l’objectif à long terme de Justin Trudeau en matière de réformes visant à « […] rétablir la confiance du public à l’égard du Sénat et à favoriser un Sénat moins partisan et plus indépendant ». En modifiant uniquement le processus de nomination, le premier ministre a imposé au Sénat le défi plus vaste d’améliorer le rendement, l’efficacité et la crédibilité de la Chambre haute. Un sondage Nanos mené en 2021 a révélé que, bien que 76 % des Canadiens soient d’accord avec le nouveau processus de nomination fondé sur le mérite et que seulement 3 % d’entre eux souhaitent revenir au modèle précédent des nominations partisanes, la majorité des Canadiens continuent d’avoir une opinion médiocre du Sénat dans son ensemble2.

Le contraste entre l’approbation retentissante du processus de nomination des sénateurs et l’insatisfaction continue à l’égard de l’institution pose un défi unique pour le Sénat d’aujourd’hui : comment pouvons-nous faire en sorte que l’appui généralisé pour la nomination de sénateurs indépendants se traduise par un soutien accru à l’institution?

Il serait illusoire de supposer que la faveur du public à l’égard du Sénat deviendra inévitablement plus positive en raison de la composition de son effectif. Au contraire, il est probable qu’à mesure que l’effet de nouveauté du processus de nomination s’estompera, une antipathie profonde à l’égard de la Chambre haute – enracinée dans des enjeux de longue date sur sa légitimité – dominera l’opinion publique. Cela sera le cas même si la totalité des sénateurs sont non partisans3.

Une occasion historique

Cet article traite de la façon dont le Sénat, en tirant parti de sa nouvelle composition réformée et en s’appuyant sur les efforts de modernisation récents, peut s’attaquer à la question centrale de sa légitimité sans changement constitutionnel. Il repose sur l’idée que les réformes de 2016 présentées par le premier ministre Trudeau étaient nécessaires, mais pas suffisantes, pour redorer le blason du Sénat, terni par les scandales de dépenses des années précédentes. De plus, il laisse entendre que ces réformes visaient à mettre en branle d’autres changements qui amélioreraient la structure et le fonctionnement de la Chambre haute et, par extension, sa légitimité auprès de la population canadienne.

Cet article se fonde sur le document Une maison unifiée : l’indépendance du Sénat4, le document historique publié par le Forum des politiques publiques sur les réformes du Sénat de 2016 et ses répercussions sur la Chambre haute. Les auteurs Michael Kirby et Hugh Segal, deux éminents anciens sénateurs qui appartenaient respectivement aux caucus libéral et conservateur, affirment :

« Le nouveau processus de nomination instauré en janvier ne garantit en rien qu’un Sénat indépendant sera une réussite. Pas plus qu’il ne le condamne à l’échec. Cette réussite dépendra de la sagesse et de la souplesse dont sauront faire preuve les hommes et les femmes appelés à servir au Sénat. […] Les sénateurs d’aujourd’hui ont une chance exceptionnelle de sortir leur institution affaiblie de sa torpeur et de mettre en valeur sa contribution à la saine gouvernance du Canada. »

Je soumets cet article pour que le Sénat saisisse la « chance exceptionnelle » qui s’offre à lui. Les sénateurs Kirby et Segal ont été astucieux, voire clairvoyants, dans leurs observations sur les réformes qui venaient tout juste d’entrer en vigueur au moment de leur rédaction. Dans le présent article, je fais part de mes observations personnelles en tant que membre dirigeant du Sénat de ٢٠١٧ à ٢٠٢١ pour évaluer leurs propositions, de même que pour offrir mes propres suggestions. Ces points sont résumés sous cinq rubriques, qui correspondent essentiellement aux principales recommandations formulées par les deux anciens sénateurs.

Représentation régionale

Depuis sa création, le système du Sénat repose sur une représentation régionale égale. La négociation d’un nombre égal de sénateurs de chacune des régions qui a rendu possible la Confédération assure une certaine stabilité et une certaine prévisibilité à la Chambre haute. Mais cela constitue aussi une source constante de mécontentement pour les régions qui, après plus de 150 ans de changement démographique, sont gravement sous-représentées considérant leur population actuelle5.

Comme Kirby et Segal l’ont souligné, les exigences élevées établies dans la Constitution et confirmées dans le renvoi de 2014 à la Cour suprême6 signifient qu’il existe peu de possibilités à court terme de modifier la composition régionale du Sénat. Ils préconisent des « caucus » régionaux qui remplaceraient les groupes partisans et qui seraient responsables de nommer des sénateurs aux comités et d’assumer d’autres fonctions courantes.

Bien que peu de sénateurs soient en désaccord avec l’affirmation de Kirby et Segal selon laquelle « le facteur régional est fondamental à la raison d’être du Sénat », l’idée de s’organiser selon des lignes régionales n’a pas fait beaucoup d’adeptes.

L’identité régionale est importante pour tous les sénateurs, mais elle ne l’est pas assez pour que les sénateurs d’une région donnée s’en servent de base pour former un groupe parlementaire reconnu. Le Groupe des sénateurs canadiens, par exemple, a été créé en 2021 en tant que groupe de sénateurs qui accordent explicitement la priorité à la défense des intérêts régionaux, mais qui proviennent de différentes régions. Des sénateurs de la même région qui appartiennent à différents groupes se réunissent périodiquement, de façon ponctuelle, pour travailler sur des enjeux qui les touchent collectivement. Par exemple, les sénateurs du Canada atlantique ont réussi à se prononcer contre une disposition d’un projet de loi de 2018 qui aurait permis à un fournisseur de services ferroviaires de réduire le service dans la région7. Dans l’ensemble, cependant, il est rare que des sénateurs d’une région donnée se regroupent pour s’opposer collectivement à une position qui n’est généralement pas appuyée par la plupart des autres sénateurs ou pour exercer des pressions en ce sens.

La raison sous-jacente qui explique le manque d’adhésion à la proposition de Kirby et de Segal est que les sénateurs accordent généralement la priorité aux intérêts communs plutôt qu’à la camaraderie régionale. Cela vaut tant pour les caucus partisans que pour les groupes non partisans. Les membres du Groupe des sénateurs indépendants (GSI), par exemple, ne se sont pas regroupés uniquement dans le but d’attribuer les sièges des comités et d’autres fonctions administratives, mais également pour permettre une collaboration active et des échanges sur des projets de loi, des études en comité et d’autres activités de fond de la Chambre haute, à l’exception du vote « en bloc ». Le Groupe progressiste du Sénat (GPS), quant à lui, s’identifie comme un groupe de « sénateurs partageant les mêmes idées, unis par un ensemble de points de vue et une philosophie fondés sur les valeurs de liberté et d’égalité ». Dans une certaine mesure, le nouveau Sénat a renversé la proposition de Kirby et Segal. Plutôt que de s’organiser sur des lignes régionales et d’avoir des « groupes de pression à adhésion volontaire » avec lesquels « les sénateurs peuvent choisir de fraterniser à des fins politiques et stratégiques », la préférence semble aller dans le sens contraire.

Quelle que soit la couleur partisane du gouvernement qui prendra le pouvoir dans les années à venir, il est difficile d’imaginer, dans un avenir prévisible, un retour complet du Sénat à une Chambre partisane. Néanmoins, il est tout aussi difficile d’imaginer la nature et le style des regroupements non partisans qui émergeront au fil des ans. Dans une large mesure, la réponse à cette dernière question dépend de la façon dont les sénateurs comprennent la signification d’un Sénat « indépendant » et visent à opérationnaliser cette indépendance.

Changements au Règlement du Sénat

Les anciens sénateurs Kirby et Segal soulignent l’extrême importance de modifier le Règlement du Sénat pour accorder un statut à des groupes autres que les caucus partisans. Voici ce qu’ils écrivent à ce sujet :

« Les sénateurs indépendants doivent obtenir des droits proportionnels à ceux des sénateurs partisans s’ils veulent jouer un rôle appréciable dans la gestion du programme du Sénat, la composition des comités, la répartition du budget du Sénat, etc. »

De fait, le Règlement du Sénat a été modifié en 2017 pour reconnaître les « groupes parlementaires » autres que les caucus partisans, et le principe de proportionnalité a été codifié comme moyen d’attribuer les sièges parmi les divers groupes et caucus reconnus. Cependant, de nombreuses règles du Sénat continuent de refléter le duopole de pouvoir entre le gouvernement et l’opposition. Une tentative visant à modifier les règles en ce sens8 n’a pas été suivie d’un vote lors de la première session de la 43e législature, et une deuxième tentative s’est avérée infructueuse lors de la deuxième session lorsque la motion est morte au Feuilleton.

Avec l’adoption de modifications à la Loi sur le Parlement du Canada en juin 2022, le statut unique de l’opposition au Sénat est devenu beaucoup plus incertain. Maintenant que les groupes parlementaires autres que le gouvernement et l’opposition sont reconnus et que tous les groupes autres que le gouvernement sont mis sur un pied d’égalité9, la nécessité d’apporter d’autres changements au Règlement du Sénat afin d’inscrire l’égalité entre les groupes parlementaires n’a jamais été aussi pressante.

Malgré cela, la résistance partisane risque de perdurer. Les sénateurs Kirby et Segal ont été visionnaires à ce sujet :

« Les sénateurs indépendants doivent agir ensemble au moins une fois, même si certains d’entre eux estiment que le regroupement de sénateurs est contraire au principe de l’indépendance (une notion simpliste avec laquelle nous ne sommes pas d’accord), pour faire changer les règles et ainsi assurer leur pertinence. Sur cette seule question, les sénateurs indépendants doivent être solidaires, sans quoi aucun véritable changement n’aura lieu. »

L’article de Kirby et Segal proposait cinq recommandations précises pour modifier le Règlement :

  • Que les sénateurs élisent le Président du Sénat à bulletin secret.

Contrairement à la règle en vigueur à la Chambre des communes, le Président du Sénat est nommé par le premier ministre sur avis du gouverneur général. Il semblerait incohérent qu’un gouvernement qui appuie l’indépendance des sénateurs n’appuie pas également un Sénat qui choisit lui-même la personne qui occupera le poste de Président. Le fait que le Sénat échappe de plus en plus au contrôle du Cabinet du premier ministre explique probablement la réticence du premier ministre à renoncer également à cette prérogative. Le Président, après tout, a le pouvoir d’arbitrer des désaccords entre les sénateurs qui revêtent une certaine importance pour la législation, de rappeler le Sénat conformément aux priorités du gouvernement et de représenter le pays en matière de protocole.

L’incongruité, cependant, est trop grande pour être maintenue et ce n’est qu’une question de temps avant que des sénateurs non partisans n’exercent des pressions pour obtenir le droit d’élire leur Président. Le Sénat a déjà prévu un processus spécial pour l’élection du Président intérimaire, et le Comité permanent du Règlement doit examiner des changements officiels au Règlement du Sénat qui le rendraient permanent.

Un bon moment pour apporter un changement au processus de nomination du Président serait à la suite du départ à la retraite de l’actuel Président, le sénateur George Furey, qui est respecté par tous les groupes et dont la position n’est aucunement contestée.

Toutefois, la perte de contrôle supplémentaire du gouvernement sur les procédures du Sénat sera préoccupante pour tout gouvernement et devrait être envisagée dans le contexte d’autres réformes qui, à mon avis, définiront plus clairement le rôle du gouvernement à la Chambre haute.

  • Que les présidents des comités permanents soient choisis par les membres des comités.

Le Règlement du Sénat stipule déjà que les présidents des comités permanents sont élus par les membres de ces comités. Cependant, Kirby et Segal contestent la convention de longue date qui consiste à répartir les présidents des comités permanents entre les groupes et les caucus reconnus dans le cadre des négociations plus vastes sur l’attribution des sièges aux comités. Bien qu’il existe un protocole officiel pour la nomination et l’élection des présidents aux « séances d’organisation » des comités, il s’agit presque toujours d’un exercice pour la forme, les présidents étant déjà désignés et convenus par les groupes et les caucus avant la réunion.

Dans un Sénat plus indépendant, il est logique que les présidents des comités soient choisis par les membres de ces comités plutôt que par les groupes qui « contrôlent » ces postes. J’appuie cette idée, même si elle risque de faire face à l’opposition du caucus conservateur et de certains petits groupes non partisans craignant d’être sous-représentés dans la répartition globale des présidents. Le problème est peut-être plus sensible lorsqu’un groupe détient la majorité des sièges au sein d’un comité, mais ce n’est un problème que si les sénateurs d’un groupe votent en bloc. Une solution hybride pourrait faire en sorte que tous les groupes soient représentés au sein des « comités directeurs », mais que les postes de président et de vice-président soient soumis à une élection.

  • Que la période des questions au Sénat, dont l’efficacité a toujours été limitée par la présence dans la Chambre d’un seul ministre, soit entièrement remaniée.

La pertinence de la période des questions au Sénat a changé avec l’avènement d’une Chambre haute plus indépendante, la pratique de cette tradition étant de plus en plus contestée. Les partisans s’irritent de l’absence de réponses significatives de la part du représentant du gouvernement au Sénat, mais se réjouissent d’avoir l’occasion de marquer des points politiques en posant simplement leurs questions. Les non-partisans, par contre, sont généralement partagés entre la volonté de réformer la période des questions, aussi théâtrale que grotesque, et celle de l’éliminer complètement.

Une partie du problème réside dans le rôle ambigu du représentant du gouvernement, qui est davantage un messager du gouvernement que quelqu’un qui parle véritablement en son nom. Reconnaissant la demande d’une plus grande reddition de comptes pendant la période des questions, les représentants actuels et précédents du gouvernement ont fait de la venue des ministres de la Couronne au Sénat une priorité, dans le cadre des affaires courantes et pas uniquement pour des projets de loi précis. Cette tendance a été interrompue par la pandémie de COVID-19 et il n’y a aucune certitude quant à la capacité des dirigeants actuels de s’entendre sur la façon de relancer le processus.

Même si la période des questions est restructurée de manière à ce que les ministres du gouvernement occupent une place plus importante (ou exclusive), elle sera tout de même entravée par le fait de privilégier les questions d’un caucus partisan qui s’autoproclame la seule « opposition » à la Chambre haute. Cette critique ne vise pas à établir ce qui constitue des questions acceptables et inacceptables, mais plutôt à déterminer si tous les sénateurs de la Chambre sont traités équitablement dans leur désir de poser des questions au gouvernement. Cela nous amène au cœur même d’une question à laquelle le Sénat a refusé de répondre, même après six ans de transition vers une Chambre haute plus indépendante : que signifie l’opposition dans un Sénat largement non partisan?

  • Que l’âge minimal de 30 ans exigé pour un sénateur soit aboli.

L’idée d’une exigence d’âge adulte minimum pour faire partie de l’une des institutions démocratiques du Canada ne correspond plus aux sensibilités modernes. Cependant, en l’absence de limites de mandat, la perspective qu’un sénateur non élu serve pendant plus de six décennies (tant que la retraite est obligatoire à 75 ans) est peu attrayante et peut donner lieu à toutes sortes d’abus. Dans les faits, l’âge minimal requis est une faible priorité pour la réforme du Sénat et devrait idéalement être traité à un moment où la situation générale de la Chambre haute se sera améliorée aux yeux du public, peut-être grâce à des réformes plus fondamentales qui touchent sa gouvernance et sa pratique.

  • Que l’obligation pour un sénateur de posséder des biens d’une valeur nette d’au moins 4 000 $ soit éliminée.

La condition relative à l’avoir net est elle aussi archaïque et engendre une certaine exclusion. Bien que le montant en dollars actuel soit faible, l’intention aristocratique initiale de cette exigence nous rappelle malheureusement pourquoi tant de Canadiens se désintéressent la Chambre haute. Heureusement, cette exigence peut être supprimée sans rouvrir la Constitution. Dans l’ordre des priorités en matière de réforme, celle-ci se classe avant le seuil d’âge, mais des questions sont plus urgentes à régler dans l’avenir immédiat10.

Le rôle du gouvernement au Sénat

Kirby et Segal s’expriment peu sur la création en 2016 d’un « représentant du gouvernement au Sénat », qui a remplacé le poste historique de « leader du gouvernement au Sénat ». Leurs recommandations dans ce domaine visent principalement à s’assurer que le Bureau du représentant du gouvernement (BRG) dispose de ressources adéquates fournies par le Bureau du Conseil privé (BCP) et que le représentant du gouvernement joue le rôle d’intermédiaire honnête en convoquant des réunions hebdomadaires pour tous les sénateurs. Ils ont raison de définir ce qui constitue essentiellement les exigences fonctionnelles du poste, mais je crois qu’une critique plus fondamentale est de mise.

Deux sénateurs indépendants très compétents ont occupé le poste de représentant du gouvernement depuis 2016. Le sénateur Peter Harder (2016-2019) et le sénateur Marc Gold (2019-présent) ont exercé leurs fonctions avec dévouement, patience et intégrité. Ils ont également été bien appuyés par une petite équipe d’autres sénateurs indépendants mis au service du BRG.

Le modèle actuel présente toutefois deux problèmes. Avec le temps, ces enjeux sont devenus plus évidents et moins facilement conciliables avec l’orientation fondamentale d’une Chambre haute plus indépendante.

La position des sénateurs qui représentent le gouvernement mais qui, néanmoins, s’identifient comme « non affiliés » est contradictoire. Les explications données par les sénateurs qui se trouvent dans cette position sont, au mieux, peu convaincantes11. La plupart des autres sénateurs se contentent d’ignorer cette contradiction par commodité, mais c’est un problème qui, avec le temps, pourrait susciter du cynisme en ce qui concerne la relation entre le BRG et les sénateurs indépendants. Avec de futurs représentants du gouvernement moins adroits, l’ambiguïté entourant les allégeances du BRG pourrait nuire considérablement à la réputation du Sénat dans son ensemble.

La solution à ce problème est de laisser tomber l’artifice d’un groupe de sénateurs qui sont à la fois représentants du gouvernement et indépendants de celui-ci. Un très petit nombre de postes sénatoriaux qui font partie du gouvernement, sans équivoque, devraient être établis. Cette formule reviendrait à rétablir le poste de leader du gouvernement au Sénat, à faire de cette personne un membre à part entière du Cabinet et à fournir le plein soutien du BCP pour le poste. Cette même personne serait le ministre responsable du Sénat – un poste que le gouvernement a déjà créé, mais qui est actuellement occupé par un député de la Chambre des communes. Le gouvernement a récemment ajouté à la confusion des rôles en créant un autre poste, celui de secrétaire parlementaire du représentant du gouvernement au Sénat – un député qui est un membre du Cabinet de second rang et qui est chargé d’appuyer un sénateur indépendant qui ne fait pas partie du Cabinet.

S’il n’y a pas d’obstacle constitutionnel ou procédural à la nomination de sénateurs à titre de ministres de la Couronne, des défis conceptuels et concrets sont néanmoins à relever. L’enjeu conceptuel pour le gouvernement, c’est que rétablir le poste de leader du gouvernement au Sénat et faire de cette personne le ministre responsable du Sénat marquera un revirement dans son engagement déclaré de ne nommer que des sénateurs non partisans. Le défi concret concerne le moment et la géographie des vacances au Sénat, puisque le gouvernement ne peut nommer des sénateurs que lorsqu’il y a vacance et qu’il est limité par l’endroit où se trouvent ces vacances.

Ni l’un ni l’autre de ces problèmes n’est insurmontable. Un changement dans le processus de nomination d’un petit nombre de sénateurs représenterait un léger changement de cap dans le plan de modernisation du Sénat du gouvernement et ne modifierait pas l’orientation fondamentale du changement dans une Chambre haute dont la composition est déjà de plus de 80 % non partisane.

La capacité du gouvernement de trouver des sièges à la Chambre haute dépendra des postes actuellement vacants. Au moment d’écrire ces lignes, avec 16 sièges vacants au Sénat dans neuf provinces, le gouvernement n’aurait probablement pas de mal à trouver des personnes provenant des provinces où il y a des sièges vacants au Sénat et qui possèdent les compétences recherchées. Toutefois, les sièges vacants pourraient ne pas être légion au moment où le gouvernement doit pourvoir ses postes

La solution, pour le gouvernement, consisterait alors à utiliser ses pouvoirs de réserve pour créer des sièges supplémentaires au Sénat expressément dans le but de former un caucus du gouvernement à la Chambre haute. La Constitution permet l’ajout de quatre ou huit sénateurs dans certains cas, représentant les quatre régions du Canada12.

L’une des conditions de ces nominations spéciales devrait être qu’elles soient d’une durée limitée. Un sénateur appelé à représenter le gouvernement dans une Chambre haute indépendante ne devrait siéger que tant qu’il occupe le poste à titre de représentant du gouvernement. La limite à la durée du mandat est inconstitutionnelle, mais les sénateurs qui occupent ces postes pourraient s’engager à démissionner après leur mandat et seraient tenus responsables de le faire par leurs collègues et le grand public13.

Que le rôle du gouvernement au Sénat se poursuive sous la forme actuelle d’un « représentant » ou qu’il soit rétabli à celui d’un « leader », le contingent du gouvernement au Sénat demeurerait très faible par rapport au nombre total de sénateurs. Il devrait en être ainsi d’une Chambre haute qui se veut indépendante. Ainsi, bon nombre des fonctions procédurales du gouvernement pourraient être automatisées par l’application d’un Règlement; par exemple, la présentation de motions à diverses étapes d’un projet de loi. Les fonctions de persuasion du gouvernement peuvent toutefois être exercées par le ministre responsable du projet de loi, qui devrait comparaître devant le Sénat dans le cadre du processus normal.

Règlement des différends

Deux des recommandations les plus importantes de Kirby et Segal portent sur le règlement des différends. Les voici :

  • Que l’on renoue avec la convention de longue date voulant que des représentants des deux Chambres se réunissent en conférence lorsqu’il y a impasse.

Cela fait plus de 75 ans que la Chambre des communes et le Sénat ont tenu une conférence pour régler une impasse au sujet d’un projet de loi, mais l’une ou l’autre des deux Chambres peut prendre cette mesure. La recommandation de Kirby et Segal vise donc moins à introduire une nouvelle pratique qu’à en ressusciter une ancienne. Selon les auteurs, « devant l’avènement d’un Sénat indépendant et la perspective d’une augmentation du nombre de situations d’impasse sur la modification de textes législatifs, il s’agit d’un bon moment pour rétablir le véhicule que sont les conférences ».

Au cours des six années qui se sont écoulées depuis les réformes de 2016, le Sénat a amendé 34 projets de loi émanant du gouvernement sur un total de 122 projets de loi de ce genre envoyés à la Chambre haute pour étude14. Ainsi, Kirby et Segal avaient raison de prévoir que le Sénat serait plus actif en proposant des amendements. Pendant cette période, cependant, il n’y a eu qu’une seule « impasse », liée au projet de loi S-3, Loi modifiant la Loi sur les Indiens, dans le cadre de laquelle la Chambre des communes a fini par adopter des amendements du Sénat après deux séries d’échanges entre les deux Chambres, sans avoir recours à une conférence.

Étant donné que le Sénat a proposé plus d’amendements à des projets de loi émanant du gouvernement que jamais auparavant et qu’il a refusé de rejeter ces projets de loi même si ses amendements avaient été repoussés, les sénateurs semblent éviter les situations de véritable impasse qui entraîneraient le rejet d’un projet de loi. Bien que le recours à des conférences entre les deux Chambres demeure une option, celui-ci supposerait un niveau élevé, voire dangereux, d’impasse que le Sénat ne s’est pas autorisé. Pour cette raison, nous ne devrions pas agir de manière cavalière à l’égard de l’utilisation des conférences ou croire qu’il s’agit d’une solution magique pour résoudre les différends entre les deux Chambres.

  • L’auto-limitation législative du veto absolu du Sénat à un veto suspensif de six mois

Pour contrer le plus grand risque d’impasse lié aux projets de loi, les sénateurs Kirby et Segal ont relancé l’idée de longue date selon laquelle la Chambre haute devrait s’abstenir de bénéficier d’un veto absolu, et adopter plutôt un veto suspensif de six mois. Un rapport de 1980 du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles proposait ce changement, qui s’est opéré à la Chambre des lords du Royaume-Uni en 1911.

Je conviens que le risque d’impasse est plus grand avec un Sénat plus indépendant, mais je doute qu’il soit aussi grand que ce que craignaient les sénateurs Kirby et Segal. Le rejet d’un projet de loi émanant du gouvernement au Sénat avant 2016 aurait constitué un effort délibéré de la part d’un caucus partisan déterminé, avec le nombre de sièges nécessaire pour le faire. Un résultat semblable au Sénat actuel serait plus probablement accidentel. Une pluralité de sénateurs indépendants pourrait, par inadvertance, rejeter un projet de loi en croyant qu’un nombre suffisant de sénateurs protégerait la tradition de longue date qui consiste à ne pas rejeter les projets de loi approuvés par la Chambre des communes.

Le rejet « accidentel » d’un projet de loi émanant du gouvernement est à certains égards pire qu’un rejet délibéré, car un Sénat non partisan ne pourrait pas compter sur l’appui d’un parti politique comme pourrait le faire un Sénat partisan. Le rejet d’un projet de loi émanant du gouvernement au Sénat pourrait avoir l’appui de la population, mais un tel rejet susciterait probablement un nouveau ressentiment à l’égard du caractère « antidémocratique » de la Chambre haute et soulèverait des questions au sujet de la légitimité de l’institution.

Pour ces raisons, je conviens que le Sénat devrait renoncer au pouvoir que lui confère son droit de veto absolu. Cet acte de désarmement unilatéral pourrait être le plus important correctif à apporter à la Chambre haute, qui est sans cesse qualifiée d’antidémocratique parce que ses membres ne sont pas élus.

La nécessité qu’un veto suspensif de six mois remplace le veto absolu est toutefois moins évidente. Kirby et Segal présentent les arguments suivants :

« Dans les situations très exceptionnelles où le Sénat se sent obligé de résister à la volonté des Communes, le veto suspensif contraindrait toutes les parties prenantes à reprendre leur réflexion du début. Le Sénat aurait alors l’occasion de présenter ses arguments en détail à la population. Si, au terme de la période de six mois, le gouvernement et la Chambre des communes demeurent convaincus de l’appui de la population au projet de loi et insistent pour l’adopter à nouveau à la Chambre des communes, le Sénat aura accompli son devoir et pourra donner son aval en toute sérénité. »

Bien que leur logique soit solide, elle repose sur la croyance que le public fera une grande distinction entre un délai de six mois et un veto absolu. Mon sentiment à ce sujet est que l’indignation suscitée par le rejet au Sénat d’un projet de loi approuvé par la Chambre des communes serait aussi majeure dans le cas d’un veto suspensif que dans le cas d’un « non » absolu. En réalité, tous les veto du Sénat sont des veto suspensifs de fait, en ce sens que les gouvernements peuvent présenter le même projet de loi au cours d’une nouvelle législature (après une prorogation ou après une élection). C’est ce qui s’est produit avec le projet de loi sur le libre-échange entre le Canada et les États-Unis en 1988.

C’est pourquoi, en ce qui concerne l’« option nucléaire » du Sénat, il y a lieu de supprimer le veto absolu sans possibilité d’avoir recours à un veto suspensif, ce qui pourrait se faire en « constitutionnalisant » une règle empêchant le Sénat d’insister pour faire accepter ses amendements si la Chambre a voté pour les rejeter.

La suppression du veto absolu pourrait rendre le Sénat plus activiste, mais il en irait de même s’il conservait un veto suspensif, comme l’a démontré l’expérience de la Chambre des lords du Royaume-Uni. Du point de vue de l’adoucissement de l’activisme sénatorial excessif, il n’y a pas de raison a priori de favoriser un veto suspensif plutôt que la suppression de tout veto.

Le plus grand défi pourrait bien être de savoir si les amendements du Sénat seront pris au sérieux par la Chambre des communes si la Chambre haute perd sa capacité d’insister pour les faire accepter. Cela nous ramène à l’éternelle question de la légitimité et de la crédibilité du Sénat auprès des Canadiens. J’ai l’impression que le plus grand risque à moyen et à long terme pour le Sénat consiste à conserver son droit de veto et à l’utiliser, accidentellement ou délibérément. Ne pas bénéficier d’un droit de veto absolu peut, en théorie, restreindre le pouvoir du Sénat, mais un tel acte de désarmement unilatéral, conjugué à d’autres initiatives de modernisation favorisant l’indépendance institutionnelle et individuelle, pourrait clarifier le rôle du Sénat et lui permettre de gagner de nouveaux appuis auprès des Canadiens15.

La signification de l’indépendance du Sénat et de « l’opposition »

Cet article part du principe que la nomination de membres non partisans au Sénat du Canada ne suffira pas pour que la Chambre haute obtienne la faveur durable des Canadiens, objet de sa quête de légitimité populaire depuis plus de 150 ans.

Ce n’est pas suffisant parce que les non-partisans peuvent tomber dans les mêmes ornières idéologiques qui caractérisent une chambre partisane. Alors que le péché originel d’une Chambre haute partisane est sa soumission à la Chambre des communes et son imitation, une tendance semblable afflige les non-partisans qui se définissent de façon restreinte par l’inverse, c’est-à-dire comme une Chambre qui s’oppose à la Chambre basse.

La voie vers une légitimité accrue du Sénat dépend en grande partie de la façon dont les sénateurs partisans et non partisans comprennent le sens de l’indépendance et de l’opposition. Pour les sénateurs partisans, l’indépendance découle du fait qu’ils n’ont pas à se présenter aux élections et qu’ils peuvent siéger jusqu’à l’âge de 75 ans. Ce point de vue, cependant, est incompatible avec la croyance connexe selon laquelle un caucus partisan a le droit spécial d’être l’« opposition » au Sénat parce qu’il est lié à un groupe semblable à la Chambre des communes.

Si les sénateurs sont indépendants en raison de leur mandat non électif, il s’ensuit que chacun d’eux a la capacité de « s’opposer » aux décisions prises à la Chambre basse. Ce qui n’est pas congruent, c’est l’idée qu’un groupe de sénateurs dispose d’un plus grand droit d’être considéré comme « l’opposition » en raison de ses liens avec l’opposition actuelle à la Chambre des communes.

Cette contradiction deviendra très manifeste si le gouvernement vient à changer en faveur des conservateurs; les conservateurs du Sénat changeront sans aucun doute leur appellation d’« opposition » à « gouvernement ». Cette pratique revient à être l’opposition lorsque le mauvais parti est au pouvoir et à ne pas être l’opposition lorsque le bon parti est au pouvoir.

Un Sénat plus indépendant ne devrait pas permettre à un groupe de bénéficier de privilèges qui ne sont pas accordés à d’autres groupes en raison d’une vision dépassée de ce que signifie être « l’opposition ». Cette vision revient à affirmer que certaines formes d’opposition aux projets de loi émanant du gouvernement sont plus valables que d’autres. C’est une autre raison pour laquelle il est si important de modifier la Loi sur le Parlement du Canada afin d’accorder un statut équitable aux groupes autres que le gouvernement et l’opposition. Ce n’est pas tant que tout le Sénat devrait être « l’opposition », mais que l’opposition au Sénat devrait être définie par son caractère non partisan, plutôt que par l’auto-proclamation d’un groupe particulier16.

Un des sophismes associés à la notion d’indépendance de la Chambre haute est l’idée selon laquelle le critère décisif de l’opposition consiste à voter contre un projet de loi émanant du gouvernement. Il n’est pas étonnant que les partisans défendent cette position, mais de nombreux sénateurs non partisans et observateurs du Sénat sont également de cet avis. Par conséquent, de nombreux examens du bilan du Sénat depuis les réformes de 2016 utilisent la mesure du vote contre les projets de loi émanant du gouvernement comme critère de vérification de l’indépendance du Sénat17.

Il s’agit toutefois d’une vision étroite à courte vue de l’indépendance du Sénat. Elle en dit plus sur le désir d’un sénateur d’agir sans contrainte institutionnelle que sur l’indépendance de l’institution. En tant que Chambre complémentaire de la Chambre des communes, le Sénat du Canada ne devrait pas se définir en fonction de la fréquence à laquelle il rejette les projets de loi, mais en tant que Chambre qui amplifie, clarifie et, de temps à autre, corrige les projets de loi qui proviennent de la Chambre des communes élue. Il y parvient non seulement au moyen d’un vote à l’étape de la troisième lecture sur un projet de loi donné, mais surtout au moyen de l’examen législatif, qui comprend des activités à l’intérieur et à l’extérieur du Sénat. Imaginez un scénario où le Sénat rejetterait régulièrement les projets de loi provenant de la Chambre des communes. Un tel bilan serait considéré comme un excellent résultat en matière d’« indépendance », mais il est peu probable que la plupart des Canadiens estimeraient qu’il s’agit d’un gage de réussite de la part d’un Sénat indépendant.

La quête de légitimité

À mesure que le Sénat passe de l’incertitude entourant le nouveau processus de nomination à l’intégration des sénateurs non partisans à la composition de la Chambre haute, il sera essentiel que les sénateurs délaissent les questions d’identité de groupe au profit de la modernisation et du renforcement de l’institution. Il n’existe pas de panacée au défi de légitimité que le Sénat a dû relever depuis sa création, et la nomination de sénateurs non partisans ne fait pas exception. Cela dit, l’appui actuel du public à l’égard du nouveau processus de nomination représente une occasion en or d’aller de l’avant avec des réformes, des changements au Règlement et des mises à jour législatives axés sur l’amélioration du fonctionnement de l’institution. Bien que cet article ne traite que de quelques volets de la réforme, il s’agit des plus évidents pour le grand public et de ceux qui sont les plus susceptibles de rehausser la position de l’institution, de sorte que le Sénat ne soit pas perçu seulement comme une caractéristique inévitable d’un système de gouvernance hérité, mais comme un pilier important, peut-être même précieux, de la démocratie canadienne.

Notes

1 L’évolution démographique de la composition du Sénat actuel, qui compte un nombre plus ou moins égal d’hommes et de femmes, une douzaine de membres autochtones et une plus grande diversité que jamais, est tout aussi importante.

2 Quatre-vingts pour cent de la population qualifie le fait que « les nouveaux sénateurs siègent comme indépendants et ne sont pas actifs au sein d’un parti politique » de « changement positif » pour le Sénat. À l’inverse, 22 % des répondants estiment que le Sénat est « inefficace/inutile », 7 % qu’il s’agit d’un « gaspillage d’argent » et 6 % le décrivent comme « désuet ». https://nanos.co/wp-content/uploads/2021/05/2021-1596-Dasko-Press-Release-Final.pdf

3 Cela ne signifie pas qu’il est préférable de revenir au modèle précédent des nominations partisanes au Sénat. Au contraire, revenir à l’approche des « récompenses et faveurs » ne fera qu’accélérer et accentuer l’antipathie publique à l’égard du Sénat.

4 Michael Kirby et Hugh Segal. « Une maison unifiée : l’indépendance du Sénat ». Forum des politiques publiques, 22 septembre 2016. URL : https://ppforum.ca/fr/publications/a-house-undivided-making-senate-independence-work/

5 Bien que le Sénat n’ait jamais été axé sur la « représentation proportionnelle à la population », il y a quelque chose d’absurde dans le fait que la région de l’Atlantique, qui compte 2,3 millions d’habitants, soit représentée par 30 sénateurs, alors que l’Ouest canadien, qui lui compte 11,5 millions d’habitants, ne dispose que de 24 sénateurs.

6 Renvoi relatif à la réforme du Sénat, (2014) 1 RCS 704, numéro de dossier 35203. Cour suprême du Canada (CSC), https://scc-csc.lexum.com/scc-csc/scc-csc/fr/item/13614/index.do

7 C–49, Loi apportant des modifications à la Loi sur les transports au Canada et à d’autres lois concernant les transports ainsi que des modifications connexes et corrélatives à d’autres lois

8 Le sénateur Woo a présenté une motion visant à modifier le Règlement du Sénat le 18 février 2020. URL : https://sencanada.ca/Content/SEN/Chamber/431/debates/pdf/008db_2020-02-18-f.pdf#page=41. Le sénateur Tannas a proposé des amendements à cette motion le 23 juin 2020. URL : https://sencanada.ca/Content/SEN/Chamber/431/debates/pdf/026db_2020-06-23-f.pdf#page=47

9 La version révisée de la Loi sur le Parlement du Canada ne reconnaît que jusqu’à trois groupes autres que le gouvernement et l’opposition et prévoit une allocation aux dirigeants de ces groupes selon une échelle mobile, le groupe le plus nombreux recevant les mêmes montants que l’opposition.

10 Le Comité sénatorial des affaires juridiques a demandé la suppression de cette condition en 1980, et la Cour suprême a confirmé que cela serait justifié en vertu de la procédure de modification fédérale unilatérale. Un enjeu connexe est le critère selon lequel les sénateurs doivent posséder des terres dans la province ou le territoire qu’ils représentent – un autre vestige des origines aristocratiques de la Chambre haute.

11 Extrait du premier discours du sénateur Peter Harder à titre de représentant du gouvernement au Sénat : « Comme le premier ministre me l’a dit, il s’attendait à ce que je siège comme indépendant, mais je représenterai le gouvernement du Canada au Sénat. […] Je ne me vois pas jouer un rôle partisan, mais bien un rôle de représentant du gouvernement. Je suis persuadé que cette conception évoluera à mesure que nous chercherons de nouveaux moyens de travailler ensemble. […] Le fait de travailler avec mes collègues qui siègent comme indépendants, ainsi qu’avec l’ensemble des sénateurs […] m’anime d’un esprit d’indépendance et me confère une obligation et une responsabilité que j’accepte au nom du gouvernement à titre de représentant du gouvernement au Sénat. » URL : https://sencanada.ca/Content/SEN/Chamber/421/debates/pdf/025db_2016-04-12-f.pdf#page=0

12 « Le gouverneur général peut, dans les cas où, sur sa recommandation, la Reine estime indiqué de pourvoir à quatre ou huit sièges supplémentaires au Sénat, y nommer le nombre correspondant de personnes remplissant les conditions requises, selon une répartition assurant l’égalité de représentation entre les quatre régions. » l

13 Les tentatives passées de « limites de mandat » volontaires ne sont toutefois pas encourageantes. La plupart des sénateurs conservateurs nommés par le premier ministre Harper, censément pour des mandats « fixes » de huit ans, n’ont pas renoncé à leur siège à la fin de ces mandats.

14 De juin 2016 à la fin de la 43e législature.

15 La suppression du droit de veto absolu du Sénat, toutefois, ne devrait pas s’étendre aux modifications constitutionnelles; la Loi constitutionnelle de 1982 prévoit un veto suspensif de 180 jours. Compte tenu du caractère central de la Constitution et du rôle historique du Sénat dans son évolution, il semblerait approprié de conserver le pouvoir résiduel d’un veto suspensif sur les enjeux de cette catégorie.

16 La question de savoir combien de groupes « de l’opposition » devraient être admis dans un Sénat plus indépendant est une question distincte qui ne change rien au fait que tous ces groupes devraient être traités équitablement. On peut soutenir que le seuil minimal actuel de neuf sénateurs pour être admissible à la reconnaissance est trop bas. Le Sénat dispose lui-même du pouvoir de modifier ce seuil.

17 Un exemple récent se trouve à l’adresse suivante : https://nationalpost.com/news/politics/exclusive-senate-analysis-canada.

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