L’intelligence en leadership –
Le leadership axé sur « l’humain » du Président de la Chambre des communes
Dans ce document de recherche, les auteurs explorent le concept du leadership axé sur l’humain, qui nécessite plus que des compétences techniques pour permettre de relever les défis actuels. Ils proposent un modèle de l’intelligence en leadership qui englobe l’intelligence émotionnelle, l’intelligence culturelle et l’intelligence technique. Le Président de la Chambre des communes est un exemple de leader qui utilise ces formes d’intelligence dans une proportion égale. Les auteurs soulignent l’importance d’un style de leadership souple et polyvalent, adapté au contexte et au moment auquel les faits se produisent. Pour mettre en application les trois formes d’intelligence, les leaders doivent avoir un grand instinct, qui peut être entretenu par le développement personnel et les expériences vécues. Les leaders efficaces mettent à profit les forces des conseillers qui les entourent et utilisent leur leadership sur eux-mêmes pour combler les lacunes dans leur leadership respectif. Les auteurs soulignent que la réélection de M. Rota à la présidence pour un second mandat est la preuve que son style de leadership axé sur l’humain, caractérisé par le calme, l’équité et le respect de tous les députés, ainsi que sa capacité de diriger avec humilité, discernement, responsabilité, empathie et capacité d’adaptation portent leurs fruits.
Ismaïl Albaidhani et Alexandre Mattard-Michaud
Introduction
Qu’est-ce qu’un leader? La définition la plus simple du terme « leader » est : « personne capable de mener ou de conduire les autres pour l’atteinte d’un but commun ». Au-delà de cette affirmation, une grande confusion persiste quant au rôle des leaders et aux caractéristiques qui les rendent « efficaces ». Certains pensent que le leadership est un don inné, un talent rare que possèdent seules quelques personnes qui ont du charisme. C’est un mythe. Le leadership repose sur des compétences de base qui s’apprennent. Pensez-vous qu’un leader est quelqu’un qui donne des ordres à suivre par les autres? Un autre mythe courant sur le leadership est qu’il est synonyme de « hiérarchie » et de « règles ».
De nos jours, le leadership ne consiste pas en des ordres donnés par la direction. L’approche adoptée dans les bureaux a tendance à être plus horizontale et moins hiérarchique qu’autrefois. À notre époque, bien des leaders ont peu de pouvoir officiel. Au contraire, un leader amène les membres de groupes diversifiés à surmonter des croyances contradictoires et à collaborer afin d’atteindre une vision commune.
Les leaders les plus efficaces ont recours à la défense des intérêts, plutôt qu’à l’autorité formelle, pour accomplir leur travail. Ils savent comment convaincre les gens et les groupes d’atteindre des objectifs communs, écouter et saisir les points de vue de différents horizons, établir des alliances de partisans diversifiés, ainsi que faire appel au savoir-faire et à la rétroaction des autres pour raffiner leurs stratégies.
Un de leurs principes de base consiste souvent à se poser la question suivante : « Pourquoi quelqu’un gagnerait-il à se faire diriger par moi? » Pratiquer un leadership authentique et s’efforcer d’être davantage soi-même tout en étant compétent est souvent la clé du succès.
Cependant, cela est plus facile à dire qu’à faire. La plupart des leaders ont recours à une certaine autorité formelle pour atteindre leurs objectifs. Par exemple, diriger des subordonnés d’échelons hiérarchiques inférieurs de l’organisation ou protéger leur territoire. Dans le monde réel, il est très rare de constater des exemples de leaders qui parviennent à entraîner leurs pairs et leurs collègues sans autorité formelle, dirigeant leur travail.
Le Président de la Chambre des communes exerce un leadership unique. Élu par les députés des différents partis politiques, le Président reçoit un vote de confiance de la part de ses collègues. C’est un grand honneur et un témoignage de l’estime que lui portent ses pairs.
Gardien impartial des droits et des privilèges de la Chambre des communes, le Président dirige les travaux de la Chambre dans l’intérêt véritable de l’ensemble des députés. Cependant, il ne participe pas au débat sur les questions liées aux mesures législatives ou aux décisions stratégiques du gouvernement.
Le Président est chargé de tempérer le débat et de maintenir l’ordre conformément au Règlement de la Chambre des communes, soit les règles écrites de la Chambre. Il a aussi la responsabilité de trancher les questions de procédure qui peuvent y être soulevées. Dans le cadre de sa fonction de supervision de la Chambre, le Président doit veiller à maintenir l’équilibre pour permettre aux députés des partis majoritaires de mener leurs affaires de façon ordonnée tout en protégeant le droit de ceux des partis minoritaires de se faire entendre. Il veille en outre à ce que les droits individuels des députés, notamment la liberté de parole, l’exemption du devoir de juré et la protection contre l’obstruction, l’ingérence, l’intimidation et la brutalité, de même que les droits institutionnels de la Chambre, tels que le droit de réglementer ses affaires internes et le droit d’enquêter, de convoquer des témoins et d’exiger la production de documents, soient pleinement protégés et exercés.
Le Président est aussi l’administrateur en chef de l’Administration de la Chambre, dont il assure la direction et la gestion générales. Il est président du Bureau de régie interne, l’organe directeur de la Chambre des communes.
Le Président représente la Chambre des communes pour ce qui est de tous ses pouvoirs et de tous ses travaux. Il est le gardien des droits et privilèges des députés et représente la Chambre auprès du Sénat, de la Couronne et des autres organismes à l’extérieur du Parlement.
Dans cet article, nous utilisons des études de cas et des méthodes de recherche ethnographique pour établir un parallèle entre le style de leadership du Président et d’autres pratiques en matière de leadership moderne. Nous nous sommes concentrés sur trois grandes aptitudes du leadership nécessaires pour établir un modèle moderne du leadership axé sur l’humain :
l’intelligence émotionnelle;
l’intelligence culturelle;
l’intelligence technique.
Le contexte du leadership
Le contexte du leadership est vaste, car les styles des leaders varient considérablement d’une personne et d’une culture de groupe à une autre. Les méthodes, les caractéristiques et les comportements utilisés pour diriger, motiver et gérer les autres sont des indicateurs clés d’un style de leadership. Il s’agit également du facteur déterminant de la manière dont les leaders élaborent leur stratégie, mettent en œuvre des plans et réagissent aux changements tout en gérant les attentes des parties prenantes et le bien-être des membres de leur équipe.
Lorsque nous pensons à certaines personnes que nous considérons comme de grands leaders, nous constatons immédiatement qu’il existe souvent de grandes différences dans la manière dont chacune dirige.
Les leaders autoritaires, par exemple, sont souvent des visionnaires. Les leaders qui adoptent ce style se considèrent comme des mentors pour leurs adeptes. À ne pas confondre avec le leadership autocratique, le leadership autoritaire met davantage l’accent sur l’approche « Suivez-moi ». Les leaders autoritaires tracent une voie et encouragent ceux qui les entourent à les suivre.
Le leadership transactionnel ou directif, quant à lui, est un style qui repose sur les récompenses et les punitions. Ce style de leadership met l’accent sur la structure, en partant du principe que certaines personnes peuvent avoir besoin de plus de motivation pour accomplir leurs tâches.
Nous avons probablement déjà tous fait partie d’un groupe dont un membre a décidé de prendre les rênes, s’est porté le porte-parole du groupe et a instauré une vision commune, ce qui a permis d’installer la cohésion, de tisser des liens, de motiver les autres et d’insuffler la passion. Cette personne est très probablement considérée comme un leader transformationnel.
Souvent appelé « leadership délégatif », ce style vise à encourager l’esprit d’initiative chez les membres de l’équipe. Généralement, il s’agit de l’une des formes de leadership les moins intrusives, puisqu’elle consiste littéralement à « laisser les autres faire », et qu’elle est donc considérée comme un style de leadership sans intervention.
Le leadership démocratique ou participatif est un style qui encourage les leaders à écouter leurs subordonnés et à les faire participer au processus de prise de décisions. Ce style de leadership exige des leaders qu’ils soient inclusifs, qu’ils aient de bonnes aptitudes pour la communication et, surtout, qu’ils soient capables de partager les responsabilités. Une communication spontanée, ouverte et franche est souvent associée à un style de leadership participatif. Le travail à distance ou les équipes virtuelles peuvent rendre cet objectif particulièrement difficile à maintenir.
La formule du leadership axé sur l’humain
Les leaders d’aujourd’hui doivent faire face à de nouvelles réalités qui vont au-delà des styles de leadership que nous venons de décrire. Les troubles sociaux et politiques, la fusion de la vie professionnelle et de la vie privée ainsi que le travail hybride ajoutent tous une nouvelle couche de complexité à leur rôle. Les employés, les collègues et les subordonnés, en général, attendent davantage d’authenticité, d’empathie et de flexibilité de la part de leurs leaders; dans un paysage de plus en plus diversifié et changeant, le droit à l’erreur est mince.
Les dirigeants d’organismes doivent donner à leurs leaders les moyens d’exercer leur leadership de manière plus humaine, non seulement pour les employés, mais aussi pour l’organisme, ses membres et ses parties prenantes. Les employés et les subordonnés des leaders axés sur l’humain sont moins susceptibles de démissionner, sont plus motivés, et affichent de meilleurs résultats en matière de bien-être ainsi qu’un rendement plus élevé. Malheureusement, les leaders humains, ceux qui sont capables de diriger sans autorité formelle, sont rares. Qu’est-ce qui doit changer? Comment les organisations et les secteurs industriels peuvent-ils forger des leaders plus humains? D’abord, en comprenant que les leaders sont aussi des humains.
Traditionnellement, la capacité d’une personne à exercer du leadership était souvent mesurée par son intelligence. Les universités ont commencé à évaluer leurs meilleurs candidats à l’admission en faisant passer des tests de QI qui ne tenaient pas compte des différences culturelles. Les employeurs ont utilisé la même approche pour embaucher de nouveaux employés. Cependant, cette stratégie s’est avérée inefficace pour dénicher de véritables leaders capables de surmonter les épreuves de la vie.
Nous avons tous des forces cachées et puissantes dans notre esprit subconscient. Un bon leader inspire ses subordonnés, mais comment expliquer alors l’inspiration que suscitent des choses qui ne sont pas liées au pur intellect? Par exemple, en analysant ce qui influe sur notre comportement dans toutes les profondeurs de notre esprit, les scientifiques ne sont toujours pas parvenus à expliquer de manière satisfaisante la décharge électrique que nous ressentons lorsque nous sommes heureux et emballés, le Requiem de Mozart qui nous fait frissonner jusque dans l’âme, ainsi que la joie débordante que suscite un fou rire entre nos collègues et nos amis après que nous avons raconté une blague.
Sur le plan organisationnel, les leaders affichent un rendement nettement supérieur lorsqu’ils ne se contentent pas de paraître et de parler comme des leaders, mais lorsqu’ils pensent, qu’ils ressentent et qu’ils interagissent comme le type d’êtres humains que bien des gens admirent. Il faut évaluer, développer et entretenir en permanence les compétences essentielles que les leaders doivent posséder en examinant leur intelligence émotionnelle et culturelle parallèlement à leurs compétences et leurs aptitudes techniques.
Pour les mathématiciens, la formule de l’intelligence holistique du leadership humain dans une organisation peut être perçue comme une équation dynamique de l’efficacité du leader individuel et de son l’équipe à gérer simultanément leurs compétences émotionnelles, culturelles et techniques.
(Leadership humain = intelligence émotionnelle + intelligence culturelle + intelligence technique.)
Décortiquons maintenant cette formule à l’aide d’exemples concrets concernant un leader vivant, le Président de la Chambre des communes.
Les émotions humaines
Les émotions sont des états mentaux provoqués par des changements neurophysiologiques associés à des pensées, à des sentiments, à des réactions comportementales et à un certain degré de plaisir ou de désagrément. L’intelligence émotionnelle désigne la capacité d’une personne de percevoir, d’utiliser, de comprendre, de gérer et de maîtriser ses propres émotions ainsi que celles d’autres personnes ou au sein d’un groupe.
À la Chambre des communes, les débats entre les partis politiques illustrent les valeurs démocratiques en action. Par exemple, la période des questions, qui a lieu chaque jour de séance à la Chambre des communes, permet aux députés de poser des questions aux ministres, y compris au premier ministre. Cependant, en raison des différents points de vue des députés et des électeurs qu’ils représentent, les esprits ont tendance à s’échauffer au cours de cette partie des audiences. Les chahuts, les éclats de rire théâtraux répétés, les bruits indiscernables de protestations et de plaintes provenant des deux côtés de la Chambre ne sont que quelques manifestations de la forte intensité et de la charge d’émotions qui se manifestent quotidiennement à la Chambre.
Le rôle du Président est de veiller à ce que la période des questions se déroule de manière civilisée, à ce que les questions et les réponses prennent place dans un délai déterminé, et à ce que les personnes qui posent des questions ainsi que celles qui y répondent puissent faire entendre leurs commentaires. Le Président veille également à ce que le débat ne soit pas interrompu pendant cette période, sauf s’il estime que les émotions empêchent de tenir une discussion civilisée. Par exemple, il peut interrompre les délibérations si un député utilise une formulation non parlementaire.
Comment le Président et les membres de l’équipe de direction de la présidence parviennent-ils à concilier le geste délicat consistant à s’assurer que chaque voix est entendue et la gestion des émotions suscitées par les points de vue divers et souvent polarisés des députés sur les préoccupations des Canadiens?
Après avoir observé les interventions du Président actuel, M. Anthony Rota, par exemple, nous pensons que celui-ci a trouvé un moyen d’utiliser diverses techniques spontanées, mais efficaces pour gérer la portion émotionnelle des débats des députés lorsqu’il occupe le Fauteuil. Grâce à sa lecture intuitive de la charge émotionnelle dans la salle, M. Rota utilise parfois uniquement son langage corporel pour maîtriser la situation. Il se lève silencieusement avec un grand sourire, ce qui apaise les membres dans la salle en attirant l’attention des députés sur l’importance de garder leur calme et de maintenir un débat constructif.
Dès que les émotions commencent à devenir incontrôlables, M. Rota reste ferme et rappelle d’une voix forte aux députés l’importance de faire entendre chaque voix, ce qui ramène la Chambre au décorum qui s’applique.
Adoptant le « leadership axé sur l’humain », il laisse parfois intentionnellement place aux émotions s’il estime que celles-ci sont encore constructives et bien gérées. Une fois la poussière retombée, il rappelle les règles aux députés ou les remercie simplement d’avoir maintenu un débat civilisé et constructif.
Le Président et son équipe de direction font preuve d’empathie pour lire les émotions dans la Chambre et déploient diverses techniques pour y réagir de manière appropriée par l’humour, le langage corporel, des déclarations fermes et d’autres moyens. Leur analyse rapide de la situation et de la réaction la plus efficace illustre l’importance de l’utilisation d’une intelligence émotionnelle élevée pour faire avancer le travail de la Chambre, au service de la démocratie parlementaire.
Ce « leadership humain » empathique se manifeste également lorsque le Président dirige son équipe au bureau, en se mettant à leur place, tout en étant capable d’articuler une vision inspirante.
Enfin, des milliers de Canadiens écrivent au Président pour réagir positivement ou négativement aux événements et aux sujets débattus par les députés à la Chambre. En prêtant attention à leurs préoccupations et à leurs réactions, en prenant le temps de comprendre leur position et en veillant à ce qu’ils reçoivent en temps utile des réponses plus réfléchies que de simples remerciements, le Président Rota fait preuve de compétences en matière de « leadership humain » au-delà des personnes qu’il préside ou qu’il gère dans son bureau.
La culture et la diversité
La culture est un terme générique qui englobe le comportement social, les institutions et les normes en vigueur dans les groupes d’humains, ainsi que les connaissances, les croyances, les arts, les lois, les coutumes, les capacités et les habitudes des membres de ces groupes. Les humains acquièrent une culture par l’apprentissage et la socialisation, comme en témoigne la diversité des cultures dans la société.
L’intelligence culturelle d’un leader se reflète dans sa capacité de reconnaître, de s’adapter et de travailler efficacement au sein de divers groupes et de différentes cultures.
Les députés de la Chambre des communes sont diversifiés. En outre, ils représentent diverses populations de la société canadienne. L’âge, le sexe, la religion, la race, la langue, l’origine ethnique, l’orientation sexuelle, le contexte socio-économique et politique, le type de personnalité, les expériences professionnelles, le style d’apprentissage et d’autres facteurs d’un député correspondent à des segments plus larges de la population canadienne.
M. Rota et les membres de son équipe de direction d’occupants du Fauteuil font preuve de l’impartialité et de l’équité nécessaires au maintien de la confiance et de la bonne volonté de la Chambre en incorporant des pratiques qui reflètent cette diversité. Les occupants du Fauteuil, qui sont issus des différents partis politiques représentés au sein de la Chambre, sont capables de comprendre les différents points de vue de leurs collègues qui sont députés tout en conservant leur neutralité. L’équipe de direction a atteint un équilibre entre les sexes. Les membres de l’équipe s’entretiennent avec les députés dans la langue de leur choix et transmettent les messages essentiels dans les deux langues officielles du Canada. Ils prennent également en compte les différents besoins de participation des personnes qui accèdent aux débats virtuellement et des autres personnes présentes dans la salle, afin de favoriser un milieu de travail inclusif pendant les débats.
M. Rota doit s’acquitter d’un certain nombre d’obligations diplomatiques, comme le maintien des relations avec les parlements provinciaux, territoriaux et étrangers, la supervision des échanges parlementaires et la facilitation des programmes de coopération avec d’autres Parlements. Le fait de s’appuyer sur l’intelligence culturelle pour interagir avec ces divers dignitaires afin de forger des partenariats et des relations dans le monde entier est un autre exemple de l’utilisation de compétences humaines en leadership pour atteindre des objectifs.
La logique et le raisonnement
La logique est une compétence qui permet de cibler des critères rationnels à l’aide desquels effectuer une argumentation. Les capacités intellectuelles et les aptitudes cognitives d’un leader à raisonner, à trouver la logique et à résoudre des problèmes sont ce que nous appelons, dans cette étude, l’intelligence technique.
M. Rota et les membres de son équipe d’occupants du Fauteuil traitent régulièrement de questions complexes liées à la nature du travail au Parlement. Les députés s’efforcent de plaire à leurs électeurs, de respecter les idéologies de leurs partis politiques respectifs, de faire avancer un programme législatif, de gérer des bureaux et des équipes dans différents endroits et de répondre simultanément aux demandes des médias.
M. Rota et les membres de son équipe reçoivent de nombreuses questions de privilège de la part des députés; il s’agit de violations de privilège ou d’outrages reprochés. Un député qui désire soulever une question de privilège à la Chambre doit d’abord convaincre la présidence que, de prime abord, sa préoccupation peut faire l’objet d’une question de privilège.
M. Rota écoute attentivement et globalement le raisonnement du député et prend la question en délibéré. Cette méthode lui permet de travailler avec son équipe, qui comprend le greffier de la Chambre, les hauts fonctionnaires et les experts en procédure, afin d’évaluer la validité de l’argument sur la base de l’interprétation des règles et des traditions. Cette consultation et cette discussion aboutissent à une décision du Président que lui-même, son adjoint ou ses assistants remettent au député afin d’assurer le bon déroulement des travaux. Un tel travail de procédure technique nécessite des compétences approfondies en recherche permettant de trouver des exemples historiques similaires. En combinant ces précédents avec une vision moderne du travail du Parlement, M. Rota et son équipe sont parvenus à un jugement solide qui permet au processus législatif de se poursuivre.
Le Président Rota, en tant que président du Bureau de régie interne, a fait preuve d’un grand leadership technique dans sa gestion d’une crise sans précédent dans l’histoire de la Chambre des communes. En collaboration avec les membres du Bureau de régie interne, ceux de son équipe de gestion et le greffier, les dirigeants de l’Administration de la Chambre ont trouvé des moyens de répondre à la tâche complexe de maintenir les opérations essentielles tout au long de la pandémie. La solution, qui a d’abord été de permettre le télétravail et les réunions virtuelles, a abouti à l’adoption du mode hybride.
Conclusion
Plus le rôle d’un leader est important, plus celui-ci devrait être humain. Pour exercer un « leadership axé sur l’humain » efficace, il faut bien plus que des compétences techniques pour pouvoir relever les défis d’aujourd’hui. Il faut s’adapter à des émotions intenses, à différentes cultures et à une diversité accrue, tout en répondant à des problèmes complexes qui nécessitent une logique solide.
Le modèle proposé dans cet article combine diverses capacités de leadership qui englobent l’intelligence émotionnelle, l’intelligence culturelle et l’intelligence technique. Les leaders utilisent ces trois domaines de compétences de base à différents moments et dans des proportions variables pour être de bons leaders. Cet article présente des exemples de la manière dont le Président Rota et les membres de son équipe d’occupants du Fauteuil utilisent chacune des trois capacités pour adopter un style de leadership très « humain ».
Alors que le Président de la Chambre des communes utilise souvent une proportion égale de variables de l’intelligence du leadership (les aptitudes émotionnelles, culturelles et techniques), d’autres leaders, dans des contextes et des secteurs d’activité différents, peuvent adapter le modèle à chaque situation. Cet aspect permet de souligner l’importance d’un style de leadership souple, car il n’existe pas de style de leadership universel qui convient à toutes les circonstances.
Le poids de chacune des trois variables dépendra fortement du choix du moment et du contexte. Dans certains secteurs en particulier, comme l’armée, l’aviation, la finance et d’autres secteurs techniques, il est possible d’accorder plus d’importance à l’intelligence technique pour résoudre les problèmes et faire avancer les choses, tout en déployant une bonne dose d’intelligence émotionnelle et culturelle. D’autre part, les leaders d’industrie dans les secteurs de l’art et des services peuvent avoir besoin de déployer une plus grande partie de leurs compétences en intelligence émotionnelle et en intelligence culturelle pour engager et motiver leurs employés, tout en utilisant une bonne partie de leur intelligence technique pour se rapprocher de leurs objectifs organisationnels.
Pour décider du moment auquel il convient de déployer chaque capacité, les leaders doivent avoir un grand instinct (sixième sens). Ils doivent être capables de prendre le pouls de la salle et de tenir compte des différentes voix non exprimées par les différents publics. Selon nous, les variables du modèle de l’intelligence du leadership et l’instinct qui permet de savoir quand déployer chaque type d’intelligence ne sont pas innés; elles peuvent être acquises au fil des expériences vécues. Ce processus de développement personnel fera l’objet d’un prochain article.
Alors que nous associons souvent le leadership à une personne, les leaders efficaces savent que celui-ci repose aussi sur leadership complémentaire du groupe. Les leaders mettent à profit les forces des conseillers qui les entourent, y compris sur les points dans lesquels ils peuvent présenter des lacunes, afin de les aider à codiriger, et surtout sur ces points. Un bon leader, qui peut être fort sur le plan technique, peut demander à d’autres de l’aider à communiquer avec les autres (intelligence émotionnelle) et à comprendre les différents points de vue et styles de communication (intelligence culturelle). Une qualité fondamentale d’un bon « leader axé sur l’humain » réside dans sa capacité d’appliquer son leadership à lui-même. La conscience aiguë des forces et des ressources qui l’entourent l’aide à combler les lacunes.
La réélection du Président Rota pour un second mandat à la présidence, face à six autres candidats, dénote une confiance dans sa capacité de veiller au bon déroulement des débats. Sa capacité de faire traverser la pandémie à la Chambre en toute sécurité et de gérer la transformation technologique de ses procédures a permis d’éviter que le phare de la démocratie ne s’éteigne pendant une période difficile dans l’histoire du pays. Son approche équitable et respectueuse de chacun, y compris des députés qui utilisent l’une ou l’autre des langues officielles du pays, des députés autochtones, des députés d’origines diverses et des groupes minoritaires, des indépendants et des partisans, a permis de garantir que les voix élues pour représenter les Canadiens dans toutes les circonscriptions soient entendues et bien représentées dans le cadre des travaux de la Chambre des communes.
Le Président Rota et les membres de son équipe de direction démontrent la grande valeur de l’utilisation du « leadership axé sur l’humain » dans une organisation complexe qui peut être difficile à gérer de façon efficace. Avec humilité, discernement et dynamisme, ils démontrent que la responsabilité, l’empathie, l’authenticité et l’adaptabilité peuvent être utilisées pour relever les défis prévus et imprévus.
Sources
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Goleman, Daniel. « Emotional intelligence: Issues in paradigm building ». The emotionally intelligent workplace, 13 (2001), 26.
Laperrière-Marcoux G. et Albaidhani, I. « Renforcer les capacités pour l’avenir – S’adapter au changement ». Revue parlementaire canadienne, 45(1) (2022), p. 8.