Quand la révision des limites des circonscriptions électorales est soumise au Comité de la procédure

Article 4 / 11 , Vol. 47 No. 1 (Printemps)

Quand la révision des limites des circonscriptions électorales est soumise au Comité de la procédure

Les changements apportés aux limites des circonscriptions électorales fédérales du Canada touchent toutes les personnes qui vivent dans une circonscription donnée. Pourtant, le processus de révision des limites ne se tient qu’une fois tous les 10 ans. Par conséquent, le public et les députés ont tendance à ne pas connaître le fonctionnement et le déroulement du processus. Il n’y a qu’un avantage à ce que tous les Canadiens comprennent mieux les mesures qui sont prises pour déterminer dans quelle circonscription ils sont inscrits et qui d’autre sera co-inscrit dans cette même circonscription. Dans cet article, l’auteur explique d’abord comment ce processus se déroule en vertu de la Loi sur la révision des limites des circonscriptions électorales (LRLCE) du Canada, y compris le rôle important joué par le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre des communes (PROC). Il présente ensuite quelques observations sur les révisions de 2022.

Andre Barnes

Introduction

La Chambre des communes du Canada redistribue ses sièges et révise les limites de ses districts électoraux (ou circonscriptions) à des intervalles déclenchés par le recensement fédéral. La redistribution des sièges se fait par l’application des règles énoncées à l’article 51 de la Loi constitutionnelle de 1867, tandis que le processus de révision des limites des circonscriptions comporte une série d’étapes linéaires et séquentielles, chacune étant assortie d’une date limite d’achèvement.

Au cours du processus de révision des limites des circonscriptions électorales, les députés ont l’occasion d’exprimer leur point de vue sur la configuration des circonscriptions proposées par chaque province et les noms des circonscriptions directement aux commissions de délimitation des circonscriptions (commissions) indépendantes et neutres, qui sont responsables de prendre ces décisions. Cette étape du processus s’amorce lorsque les 10 commissions font déposer leurs rapports à la Chambre des communes. Une fois déposé, chaque rapport est réputé être renvoyé au Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre (PROC).

Le présent article portera sur le travail effectué par le PROC pendant le processus de révision des limites des circonscriptions électorales. Toutefois, pour mieux comprendre comment le rôle du PROC s’inscrit dans le contexte plus général, je vais d’abord vous donner un peu de contexte au sujet du processus de révision.

Contexte

Le plus récent processus de révision des limites des circonscriptions électorales a commencé en octobre 2021 et les nouvelles circonscriptions qui en découleront s’appliqueront à une élection générale tenue après le 22 avril 20241.

En tant que parlement bicaméral, la Chambre basse du Canada utilise la représentation selon la population comme base pour déterminer le nombre de ses membres. À mesure que la population du Canada change et se déplace à l’intérieur du pays, la Chambre modifie son nombre de sièges pour tenir compte de cette évolution. En revanche, le Sénat utilise la représentation régionale comme base pour sa répartition des sièges et son nombre fixe de membres.

Le fondement juridique de la redistribution des sièges à la Chambre se trouve dans la Loi constitutionnelle de 1867, tandis que la Loi sur la révision des limites des circonscriptions électorales (LRLCE) fournit le cadre juridique pour la révision des limites des circonscriptions électorales. De plus, les principes constitutionnels et les exigences juridiques du processus de révision peuvent être contestés devant les tribunaux. À ce titre, certaines décisions des tribunaux servent à éclairer les exigences que les commissions doivent respecter lors des révisions.

Dans chaque province, le travail qui consiste à

diviser le territoire en circonscriptions électorales,

décrire les limites,

dénombrer la population dans chaque circonscription électorale,

donner un nom à chaque circonscription,

est effectué par une commission indépendante et neutre composée de trois membres. Chaque commission a le dernier mot au sujet des limites des circonscriptions électorales et des noms des circonscriptions électorales d’une province. Bien qu’Élections Canada appuie le travail des commissions par l’entremise de divers services professionnels, financiers, techniques et administratifs, il ne joue aucun rôle dans le choix des limites des circonscriptions électorales ou des noms des circonscriptions.

Les trois territoires du Canada ne sont pas inclus dans le processus de révision. En vertu du paragraphe 51(2) de la Loi constitutionnelle de 1867, chaque territoire est lui-même une circonscription, et les trois territoires se voient attribuer un siège chacun. Pour modifier les limites des circonscriptions électorales ou le nom d’une circonscription territoriale, il faudrait modifier la Loi constitutionnelle de 1867.

Le PROC et le processus de révision des limites des circonscriptions électorales

Rapports de la Commission

Dans le cadre de ses travaux, une commission finit par préparer jusqu’à trois versions du rapport sur les limites des circonscriptions électorales fédérales d’une province :

La première version du rapport de la Commission doit être préparée avant la tenue des audiences publiques. Comme les députés sont des membres du public, ils sont autorisés à participer à une audience publique.

La deuxième version contient des révisions apportées à la fin de l’étape de l’audience publique. Cette deuxième version est déposée à la Chambre des communes et renvoyée au PROC. À ce stade-ci, seuls les députés ont la possibilité de s’opposer à des dispositions particulières de la deuxième version.

La troisième version répond aux oppositions des députés et constitue la version finale des travaux de la Commission. Si aucun député ne s’oppose à une disposition de la deuxième version du rapport d’une commission provinciale, la deuxième version devient le rapport final et il n’est pas nécessaire de produire une troisième version.

Le rôle du PROC dans le processus de délimitation des circonscriptions électorales commence dès qu’une des 10 commissions provinciales fait déposer la deuxième version de son rapport à la Chambre. Les 10 rapports sont déposés individuellement et, habituellement, pas tous le même jour. La rapidité avec laquelle les commissions remplissent la deuxième version de leurs rapports peut être influencée par la taille relative de la population de la province ou d’autres facteurs de complication.

En raison de la nature séquentielle du processus de révision, chaque étape étant assortie d’un délai, il est possible de prédire, avec une exactitude raisonnable, à quel moment le PROC commencera à jouer son rôle dans ce processus. Le tableau 1 indique la date à laquelle la deuxième version du rapport de chaque commission a été déposée à la Chambre.

La LRLCE établit les exigences relatives aux renseignements que chaque version de ces rapports doit contenir. Dans le cas de la deuxième version d’un rapport de la Commission, elle doit exposer « ses réflexions et ses propositions concernant le partage de la province en circonscriptions électorales, les limites et les populations respectives de celles-ci, ainsi que le nom à leur attribuer2 ».

De façon générale, le rapport de la Commission présente également des renseignements contextuels sur le processus lui-même, l’approche adoptée par la Commission dans l’exécution de ses travaux et les motifs de ses décisions. De plus, les commissions fournissent souvent des renseignements sur la façon dont elles ont interprété leurs obligations juridiques en vertu de la LRLCE et dont elles ont cherché à concilier ces obligations, qui sont parfois concurrentes.

La LRLCE s’applique également aux 10 provinces, malgré leurs différences géographiques et démographiques. Toutefois, la loi laisse une certaine latitude aux commissions pour interpréter les exigences juridiques3 qui déterminent les limites raisonnables des circonscriptions. Par conséquent, chaque commission peut accorder plus ou moins d’importance à la parité électorale, aux communautés d’intérêts, à la spécificité d’une circonscription électorale, à l’évolution historique des limites et au souci de faire en sorte que la superficie des circonscriptions dans les régions peu peuplées, rurales ou septentrionales de la province ne soit pas trop vaste.

Oppositions officielles des députés

Le dépôt d’un rapport de la Commission à la Chambre des communes marque le début d’une période de 30 jours civils au cours de laquelle tout4 député peut déposer auprès du greffier du PROC une opposition au sujet du rapport. Pour qu’une opposition puisse être examinée par le PROC, elle doit satisfaire aux exigences suivantes, qui sont énoncées dans la LRLCE. Autrement dit, l’opposition doit :

être soumise par écrit, sous la forme d’une motion;

préciser les dispositions du rapport faisant l’objet de l’opposition et les motifs de l’opposition;

être signée par au moins 10 députés.

L’utilisation du terme « opposition » dans la LRLCE, pour décrire le désir d’un député de donner son avis sur la deuxième version du rapport de la Commission, sous-tend qu’un député qui soumet une opposition est en désaccord avec la proposition de la Commission. Cependant, au moins au cours des deux dernières révisions des limites des circonscriptions électorales, le PROC a jugé acceptables les cas où des députés ont formulé des oppositions en faveur de la deuxième version du rapport de la commission, sans s’opposer techniquement à quelque disposition que ce soit.

La raison pour laquelle les oppositions des députés à l’appui des propositions de la Commission ont été autorisées par le PROC pourrait être considérée comme un contrepoids aux caractéristiques inhérentes du processus de révision des limites des circonscriptions électorales.

Le processus est séquentiel de sorte que l’étape suivante comporte le risque d’écraser l’étape précédente. De plus, ce sont les commissions qui font des propositions, tandis que le public et les députés répondent à ces propositions en soumettant des commentaires. On pourrait faire valoir qu’en sollicitant la rétroaction du public, on est plus susceptible d’entendre la voix des personnes qui sont poussées à agir par mécontentement à l’égard d’une proposition que celle des personnes qui sont poussées à agir par satisfaction à l’égard d’une proposition.

De façon générale, toutes les oppositions des députés portent sur l’une des deux questions suivantes : les limites des circonscriptions proposées ou le nom proposé pour une circonscription. En déposant une opposition, un député devrait envisager de présenter une proposition de rechange à la Commission, mais il n’est pas tenu de le faire.

Dans le cas des oppositions à la configuration proposée d’une circonscription, il n’est pas rare qu’un député s’oppose à la configuration proposée de plusieurs circonscriptions, par exemple en s’opposant à toutes les configurations de circonscriptions d’une ville ou d’une région. En effet, lors de la révision des limites des circonscriptions électorales de 2012, 12 députés de la Saskatchewan ont chacun déposé des oppositions qui, essentiellement, contestaient la configuration des circonscriptions pour l’ensemble de la province5.

Les études du PROC des oppositions des députés

La fin du délai de 30 jours accordé aux députés pour déposer des oppositions à la deuxième version du rapport de la Commission reporte le compte des jours à une période ultérieure du processus de révision : Le PROC dispose ensuite de 30 jours6 de séance pour examiner les oppositions des députés et en faire rapport à la Chambre.

En 2012 et 2022, le PROC, en tant que comité plénier, s’est penché sur les oppositions des députés au rapport d’une commission provinciale. Pour la révision de 2002, le PROC 7a chargé un sous-comité (appelé le Sous-comité de la révision des limites des circonscriptions électorales) d’effectuer ce travail. Dans tous les cas, le rapport de chaque province a fait l’objet d’une étude distincte et a donné lieu à 10 rapports de comité distincts.

À cette étape du processus, la LRLCE donne aux députés l’occasion de s’opposer à toute disposition du rapport d’une commission. La loi est muette au sujet de toute information qualitative ou quantitative que les députés pourraient porter à l’attention de la Commission pour que leur opposition soit juridiquement, sinon moralement, socialement ou historiquement convaincante pour la Commission.

Dans le cas des oppositions aux propositions de délimitation des circonscriptions électorales, les députés fondent habituellement leur opposition sur les critères énoncés à l’article 15 de la LRLCE, que les commissions doivent prendre en considération pour déterminer des limites de circonscription raisonnables8.

En ce qui concerne les oppositions aux noms de circonscription proposés, les députés appuient habituellement leur point de vue en faisant valoir leur connaissance de la région pour proposer d’ajouter ou de supprimer des lieux ou des noms utilisés dans la composition du nom d’une circonscription proposé. Depuis 1998, les commissions ont consulté la Commission de toponymie du Canada (CTC) pour obtenir des conseils en matière de dénomination. À cette fin, le secrétariat de la CTC a préparé un ensemble de lignes directrices pour aider les commissions provinciales à examiner les noms des circonscriptions fédérales afin d’en déterminer le caractère adéquat. Cependant, les oppositions des députés à l’égard des noms de circonscription proposés renvoient rarement, voire jamais, à ces lignes directrices de la CTC.

Il convient de souligner que le PROC n’étudie pas le rapport d’une commission provinciale. Le rôle du PROC consiste plutôt à étudier uniquement les oppositions des députés au rapport d’une commission. Par conséquent, lorsqu’aucun député ne s’oppose à un rapport sur les limites des circonscriptions électorales d’une province, le PROC informe seulement la Chambre qu’aucune opposition n’a été déposée dans ladite province.

Certains députés, observateurs et même, à l’occasion, une commission, ont laissé entendre que le PROC pourrait utiliser son pouvoir de reddition de compte, à cette étape, pour soulever des facteurs à considérer ou formuler des recommandations à l’intention de la Chambre au sujet du fonctionnement du processus plus vaste de la LRLCE ou des questions qui en découlent (par exemple, les ressources parlementaires des députés liées à leur fonction de représentation). Cependant, le PROC est d’avis que tout examen de ce genre devrait être effectué séparément du processus de révision9. Dans le cadre de son mandat, le PROC est habilité, en vertu du Règlement de la Chambre des communes, à examiner toutes les questions relatives à l’élection des députés à la Chambre des communes et à en faire rapport10.

De plus, la LRLCE ne dit rien de la preuve documentaire qu’un député que pourrait vouloir soumettre au PROC lorsqu’il dépose une opposition. En 2012 et 2022, le PROC a reçu des oppositions de députés dont la longueur, mesurée en pages, variait de volumineuse à minimale.

Comme c’est le cas pour presque tous les rapports des comités parlementaires, les rapports de fond du PROC pour chaque commission provinciale sont rédigés par les analystes de la Bibliothèque du Parlement. Pour les révisions de 2012 et de 2022, en résumant les oppositions des députés, l’approche adoptée par les analystes, à la demande du PROC, a consisté à présenter chaque opposition sous le meilleur jour possible. Autrement dit, exprimer l’opposition du député d’une manière que le député lui-même appuierait.

Réexamen des oppositions des députés et décision par les commissions

Lorsqu’il a terminé son travail d’examen, après avoir pris en considération les oppositions des députés et les avoir compilées dans un rapport de la Commission, le président du PROC présente ses conclusions dans un rapport de comité. Celui-ci est déposé à la Chambre, accompagné d’une copie des oppositions, des procès-verbaux et des transcriptions textuelles.

Les recommandations formulées par le PROC concernant la configuration des limites d’une circonscription ou le nom d’une circonscription ne sont pas contraignantes pour le processus décisionnel des commissions. En fait, le paragraphe 23(1) de la LRLCE exige seulement que les commissions « étudie[nt] l’opposition et statue[nt] en l’espèce ». Ainsi, une commission ne modifiera ses propositions de limites ou de noms de circonscription que si elle accepte les oppositions d’un député.

Le taux de rejet des oppositions des députés par les commissions a tendance à être élevé. En 2012 et 2022, le nombre fois où des oppositions soumises par des députés ont reçu l’assentiment d’une commission dans une province donnée pouvait se compter sur les doigts d’une main.

La nature interreliée de toutes les circonscriptions proposées dans une province est un facteur important qui peut entraîner le rejet de l’opposition d’un député par une commission. La création de circonscriptions destinées à couvrir l’ensemble de la géographie d’une province pourrait être considérée comme la création de pièces d’un casse-tête. Suivant cette analogie, l’opposition typique d’un député consiste à changer la forme d’une seule pièce du casse-tête, sachant que ce changement doit nécessairement entraîner une augmentation ou une diminution concomitante de la taille de la pièce voisine.

Autrement dit, pour déplacer une limite dans une circonscription, il faut souvent apporter des rajustements dans les circonscriptions voisines pour maintenir l’équilibre de la population relative ou respecter d’autres facteurs juridiques. Ces répercussions peuvent ensuite se répercuter sur toute la région, voire sur toute la province. Ainsi, un député qui propose un changement à la configuration d’une circonscription, par exemple, sur l’île de Vancouver, peut en venir à influer sur la configuration des circonscriptions à l’est des Rocheuses en Colombie-Britannique.

Observations sur les caractéristiques de la Loi sur la révision des limites des circonscriptions électorales

Le processus est dirigé par le gouvernement fédéral

Il y a de nombreux avantages à ce qu’un processus de révision des limites des circonscriptions électorales soit dirigé par le gouvernement fédéral, par opposition à des processus qui seraient gérés par chaque province en utilisant la méthode qu’elle choisit. Ces avantages sont liés à l’uniformité et à la prévisibilité. Le processus actuel est uniforme et prévisible en ce qui concerne :

les qualifications des commissaires, le processus de nomination, ainsi que leur mandat et leurs pouvoirs;

les tâches et les calendriers pour l’achèvement des travaux de chaque commission;

les critères juridiques qui doivent être appliqués par les commissions dans l’exécution de leurs travaux;

les ressources, les installations et le soutien fournis aux commissions.

Il est probable que le fait qu’une seule entité, Élections Canada, fournisse de l’assistance technique et la mémoire institutionnelle aux commissions permette de réaliser des économies d’échelle.

Il est également important de savoir qu’un processus de révision des limites des circonscriptions fédérales sous-tend qu’il s’agit d’un processus « universel ». Par conséquent, les commissions de l’Ontario et de l’Île-du-Prince-Édouard, par exemple, doivent suivre le même processus et respecter les mêmes calendriers, malgré leurs différences flagrantes en matière de taille relative de la population (14,8 millions et 0,16 million, respectivement), de taille géographique. (1,076 million de km2 et 0,0057 million de km2, respectivement) et des sièges à la Chambre des communes (122 et 4 respectivement).

Les 10 commissions provinciales sont neutres et indépendantes

Le processus actuel de révision des limites des circonscriptions électorales vise à isoler le travail des commissions de l’influence des calculs politiques. Les commissions sont censées fonctionner de façon neutre et sont indépendantes du Parlement et du gouvernement en place. Cela n’a pas toujours été le cas.

De 1872 à 1903, la redistribution des sièges à la Chambre des communes pour les provinces existantes se faisait par des projets de loi du gouvernement. Ces projets de loi contenaient une description des limites de chaque circonscription électorale. Cette méthode de révision des sièges a été décrite comme « très tendancieuse et visait à maximiser les succès électoraux du parti au pouvoir11 ».

En 1903, le processus de redistribution des sièges et de rajustement des circonscriptions électorales a été modifié. Même si la pratique consistant à présenter un projet de loi d’initiative ministérielle visant à modifier les circonscriptions électorales et les limites des circonscriptions électorales est demeurée, le projet de loi ne contenait aucun détail sur l’établissement des limites des circonscriptions électorales. Après la deuxième lecture, le projet de loi a été renvoyé à un comité spécial de la Chambre dont les membres provenaient de tous les partis12. Ce comité spécial avait le pouvoir de préparer des annexes qui décrivent les limites des circonscriptions électorales pour toutes les circonscriptions. Cependant, ce processus « demeurait très partial » 13 De plus, les membres n’avaient pas reçu de lignes directrices sur lesquelles fonder leurs décisions.

En 1964, le Parlement a adopté la Loi sur la révision des limites des circonscriptions électorales (LRLCE). En vertu de la LRLCE, la responsabilité de l’établissement et de la révision des limites des circonscriptions électorales a été confiée à des commissions de délimitation des circonscriptions électorales non partisanes.

Les commissions effectuent leur travail sans lien de dépendance avec le Parlement. Leurs membres sont choisis par des représentants indépendants (c.àd. le juge en chef de chaque province et le Président de la Chambre des communes). Elles mènent de vastes consultations pour formuler leurs propositions, sont habilitées à modifier leurs propositions à la suite de consultations, doivent justifier leurs décisions selon des critères juridiques et des précédents historiques, et ont le dernier mot sur les décisions relatives à la configuration des limites et aux noms des circonscriptions.

Le lien entre le recensement décennal fédéral et la révision des limites des circonscriptions électorales

Le premier recensement décennal du Canada a eu lieu en 1871 en vertu de la Loi sur le recensement (LR)14. La LR prévoyait qu’après le recensement de 1871, un recensement devait être effectué tous les 10 ans par la suite. Selon Statistique Canada, l’objectif principal du recensement de 1871 était de « déterminer le nombre de représentants au nouveau parlement en fonction de la taille de la population15 ».

De plus, l’article 51 de la version originale de l’Acte de l’Amérique du Nord britannique de 1867, rebaptisée plus tard Loi constitutionnelle de 1867, prévoyait que la représentation à la Chambre des communes devait être rajustée après la fin du recensement décennal.

Le processus de révision des limites des circonscriptions électorales est de nature séquentielle

Au cours de la révision de 2022, un bon nombre d’oppositions déposées par des députés étaient essentiellement d’accord avec la première version du rapport de la Commission, mais en désaccord avec les révisions apportées par la Commission après l’étape de l’audience publique.

Ils avaient alors expliqué au PROC qu’ils avaient entendu des personnes ou des communautés d’intérêts ou d’identités qui avaient étudié la première version du rapport d’une commission se disant très satisfaits des configurations proposées. Ils avaient donc décidé de ne pas assister aux audiences publiques pour faire part de leur satisfaction aux commissaires.

Cependant, de nombreux participants ont assisté aux audiences publiques, et bon nombre d’entre eux étaient insatisfaits de la première version du rapport de la Commission. Ces participants ont proposé que des révisions soient apportées au rapport.

Ainsi, au cours du processus de révision de 2022, de nombreuses personnes et collectivités avaient appuyé en silence la première version du rapport de la Commission et avaient plus tard été surprises et déçues par les changements qui avaient été apportés par la Commission dans sa deuxième version révisée. Cependant, à ce moment-là, l’étape de l’audience publique était terminée, et il était trop tard pour que le public puisse donner directement son avis aux commissions.

Certaines régions d’une province ont perdu des sièges

La formule d’attribution des sièges à la Chambre des communes aux dix provinces du Canada est énoncée aux paragraphes 51(1), 51(1.1) et 51A de la Loi constitutionnelle de 1867. Le paragraphe 51(1) contient les six règles mises en place par la Loi sur la représentation équitable, qui est entrée en vigueur en décembre 2011.

En juin 2022, le projet de loi C-14, Loi modifiant la Loi constitutionnelle de 1867 (représentation électorale), a modifié la deuxième règle et a eu pour effet d’empêcher que le Québec perde un siège à la Chambre lors de la redistribution des sièges en 2022.

Par conséquent, lors de la redistribution des sièges de 2022, aucune province n’a vu son nombre de sièges à la Chambre des communes réduit.

Cependant, à l’intérieur de deux provinces, certaines régions ont perdu des sièges. Il s’agit des régions de l’est du Québec, du centre-ville de Toronto et du nord de l’Ontario. Dans chacune de ces régions, le nombre de sièges a été réduit d’un siège.

En gros, la raison de ces pertes de sièges dans ces régions était attribuable à la répartition inégale de la population dans chaque province. Sur le plan géographique, le Canada vient au deuxième rang des pays du monde pour sa superficie. Cependant, en 2022, 73,7 % des Canadiens vivaient dans un grand centre urbain16. De plus, en 2017, on a constaté que 66 % des Canadiens vivaient à moins de 100 km de la frontière américaine17.

Conclusion

Grâce à leur connaissance approfondie de leur propre circonscription et des collectivités qui l’entourent, les députés peuvent apporter une précieuse contribution au processus de recherche et de collecte d’information des commissaires au moyen d’interventions écrites ou orales lors des assemblées publiques. De plus, selon le processus établi dans la LRLCE, les députés ont une deuxième occasion d’interagir officiellement avec chaque commission provinciale, après que chaque commission a déposé son rapport aux fins d’examen par le PROC. À cette dernière étape, la question de savoir si ces oppositions seront acceptées ou rejetées dépend en grande partie de la nature de l’opposition et de son effet sur la nature complexe et interreliée qu’un rajustement apporté à une circonscription aurait sur d’autres circonscriptions. Le présent article, qui décrit le processus suivi par le PROC et présente des observations sur certaines caractéristiques de la LRLCE en arrive à la conclusion que d’importants avantages sont rattachés à un processus de révision des limites indépendant, neutre et géré par le gouvernement fédéral. Cependant, l’utilisation d’un processus qui suit une série d’étapes séquentielles produit certaines caractéristiques inévitables sur le plan du travail.

Notes

1 Gouvernement du Canada, Proclamation donnant force de loi aux décrets de représentation électorale avec effet à compter de la première dissolution du Parlement postérieure au 22 avril 2024.

2 Loi sur la révision des limites des circonscriptions électorales, L.R.C., 1985, ch. E-3, par. 20 (1).

3 LRLCE, art. 15.

4 La LRLCE ne précise pas si un député de la province X peut dûment déposer une opposition auprès du PROC au sujet de la deuxième version du rapport d’une commission pour la province Y. Par conséquent, tout député peut dûment déposer une opposition au sujet de la deuxième version du rapport d’une commission pour une province.

5 Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre des communes, Rapport de la Commission de délimitation des circonscriptions électorales fédérales pour la province de la Saskatchewan 2012, cinquante-septième rapport, juin 2013.

6 Le paragraphe 22(1) de la LRLCE prévoit que le PROC peut demander une prorogation du délai d’une durée indéterminée, au-delà de 30 jours de séance, pour terminer l’étude du rapport d’une commission.

7 Selon le seizième rapport du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre des communes. (Remarque : À l’époque, le Comité était désigné par l’acronyme HAFF plutôt que PROC) : Le Sous-comité était composé d’un membre de chaque parti, en plus du président.

8 Dans la délimitation des circonscriptions électorales, les commissions doivent tenir compte des facteurs suivants en vertu de l’article 15 de la LRLCE : la parité électorale, les communautés d’intérêts, la spécificité d’une circonscription électorale, l’évolution historique des limites et le souci de faire en sorte que la superficie des circonscriptions dans les régions peu peuplées, rurales ou septentrionales de la province ne soit pas trop vaste.

9 Voir par exemple le seizième rapport du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, 37e législature, 3e session, déposé à la Chambre des communes en avril 2004 ou après l’achèvement du rôle du PROC dans le processus de révision des limites des circonscriptions électorales.

10 Règlement de la Chambre des communes, sous-alinéa 108(3)(a)(iii) du Règlement.

11 Marc Bosc et André Gagnon, éd., « Chapitre 4 : La Chambre des communes et les députés – Historique », La procédure et les usages de la Chambre des communes, 3e éd., 2017.

12 Ibid.

13 bid.

14 Loi sur le recensement (33 Victoria, chapitre XXI).

15 Statistique Canada, Historique du Recensement du Canada.

16 Statistique Canada, La croissance et l’étalement des grands centres urbains du Canada se poursuivent.

17 Statistique Canada, Taille et croissance de la population canadienne : faits saillants du Recensement de 2016.

Tableau 1 – Chronologie des études menées en 2023 par le Comité permanent sur
la procédure et les affaires de la Chambre pour examiner les rapports des dix commissions provinciales de délimitation des circonscriptions électorales

Province

Date du dépôt du rapport de la Commission à la Chambre

Oppositions des députés*

Nombre de députés qui comparaissent comme témoins

Début de l’étude par
le Comité

Nombre
de réunions**

Présentation du rapport du
Comité à la Chambre

Oppositions acceptées***

Nouvelle-Écosse

17 novembre, 2022

3/1

3

31 janvier, 2023

2

20 mars, 2023

0/1

Île-du-Prince-Édouard

29 novembre 2022

0

0

8 février, 2023

1

8 février, 2023

Nouveau-Brunswick

30 novembre, 2022

0/1

1

31 janvier, 2023

2

20 mars, 2023

0/0

Saskatchewan

6 decembre 2022

3/0

3

2 février, 2023

2

20 mars, 2023

2/0

Manitoba

6 decembre, 2022

2(3)/0

3

2 février, 2023

2

20 mars, 2023

1/0

Terre-Neuve-et-Labrador

7 decembre, 2022

0

0

8 février, 2023

1

8 mars, 2023

Québec

1er février, 2023

11/10

18

23 février, 2023

4

17 mai, 2023

3/8

Alberta

2 février, 2023

5/2

5

23 février, 2023

2

17 mai, 2023

2/1

Colombie-Britannique

8 février, 2023

10(21)/10(21)

14

18 février, 2023

3

31 mai, 2023

2/6

Ontario

10 février, 2023

19(24)/9(10)

18

18 février, 2023

4

7 juin, 2023

5/6

Total

53(70)/33(45)

92

23

Remarques :
*Cette catégorie comprend les oppositions à la configuration des limites des circonscriptions électorales (représentées par le numérateur) et les noms des circonscriptions (représentées par le dénominateur). Elle tient également compte des oppositions qui ont été préparées conjointement par deux députés ou plus comme une même opposition, mais indique le nombre total de députés qui ont signé une opposition entre parenthèses. Enfin, elle tient également compte des oppositions déposées à l’appui du statu quo. Par exemple, en Ontario, 19(24)/9(10) signifie qu’il y a eu 19 oppositions à la configuration des limites des circonscriptions électorales et qu’un total de 24 députés ont déposé une opposition ou une opposition conjointe à la configuration des limites d’une circonscription électorale alors qu’il y avait 9 oppositions au nom d’une circonscription et qu’un total de 10 députés ont déposé une opposition ou une opposition conjointe au nom d’une circonscription.
**Cette catégorie comprend l’utilisation d’une partie d’une réunion du Comité de deux ou trois heures ou de toute la réunion du Comité de deux ou trois heures.
***Cette catégorie comprend les oppositions acceptées par les commissions, les oppositions relatives à la configuration d’une circonscription électorale étant le numérateur, et les oppositions relatives au nom d’une circonscription étant le dénominateur.
Source : Tableau préparé par la Bibliothèque du Parlement à partir du site Web de la Chambre des communes,
Comités – PROC.

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