Réflexion sur la prière : Analyse de la prière à l’Assemblée législative de la Colombie-Britannique, 2003-2019

Article 4 / 9 , Vol 44 No. 3 (Automne)

Réflexion sur la prière : Analyse de la prière à l’Assemblée législative de la Colombie-Britannique, 2003-2019

Les partisans de la récitation de la prière en début de journée à l’Assemblée législative de la Colombie-Britannique font valoir que le fait de commencer la journée par une prière provenant chaque fois d’un député différent contribue à accroître les occasions de représenter les points de vue des minorités et les autres points de vue, dans un contexte qui est par ailleurs très axé sur la tradition chrétienne. L’analyse de 873 prières prononcées à l’Assemblée du 6 octobre 2003 au 12 février 2019 brosse un tout autre tableau, démontrant que l’usage diffère. Les prières sont surtout, et de plus en plus, de nature religieuse, et de moins en moins de députés décident d’en présenter une. Le nom de l’usage a été modifié dans le Règlement à la fin de 2019, et la rubrique s’intitule dorénavant « prières et réflexions », mais, dans l’article, on souligne que cet usage, qui n’est pas représentatif des croyances en Colombie-Britannique, devrait être aboli.

Teale N. Phelps Bondaroff, Ian Bushfield, Katie E. Marshall, Ranil Prasad et Noah Laurence

Introduction
En novembre 2019, l’Assemblée législative de la Colombie-Britannique a adopté à l’unanimité une modification à l’article 25 du Règlement, où sont énumérées ses affaires courantes. Le premier point à l’ordre du jour après l’arrivée du Président dans la Chambre est passé de « prières » à « prières et réflexions1 ». De plus, en octobre 2019, le greffier a mis à jour la liste de prières types remise aux députés de l’Assemblée, qui comprend maintenant des prières appartenant à diverses traditions religieuses. Il est trop tôt pour mesurer l’incidence d’un tel changement sur le contenu des prières et des réflexions entendues à l’Assemblée, mais il est clair que celui-ci visait à rendre ce point à l’ordre du jour plus inclusif.

L’une des principales questions abordées dans House of Prayers, un rapport récemment publié par l’Association, portait sur le contenu des prières prononcées à l’Assemblée législative de la Colombie-Britannique, à savoir si ces prières reflètent bien la diversité de la population. Les auteurs du rapport ont passé en revue toutes les prières (873) prononcées à l’Assemblée législative du 6 octobre 2003 au 12 février 20192. Le rapport faisait suite au travail des chercheurs Bueckert, Parisotto et Roberts, publié dans la présente publication, qui portait sur l’aspect religieux des prières précédant les discours du Trône3. Dans le présent article, nous présentons un sommaire des conclusions quantitatives de ce rapport, qui constituait la première recherche exhaustive sur le contenu des prières quotidiennes à l’Assemblée législative de la Colombie-Britannique. Nous avons l’intention d’alimenter les discussions relatives aux prières prononcées dans les Assemblées législatives au Canada. Les personnes désirant obtenir davantage d’information concernant les conclusions et l’analyse du rapport, les codes, la méthodologie utilisée, les recommandations ainsi que l’examen en profondeur des divers enjeux sont invitées à consulter le rapport.

Les prières dans les Assemblées législatives au Canada
L’usage voulant que toute séance commence par une prière dans les Assemblées ayant adopté le modèle de Westminster remonterait au Parlement britannique, en 1558, sous le règne d’Elizabeth I. Il aurait ensuite été adopté en 1877 au Canada4. La Chambre des communes et le Sénat du Canada commencent tous deux leurs séances par la lecture d’une prière non confessionnelle standard, suivie d’un moment de réflexion dans le silence.

Les usages varient grandement à l’échelle Canada pour ce qui est des prières récitées dans les Assemblées législatives. Nous avons communiqué avec des greffiers et des Présidents de partout au pays, nous avons passé en revue les règlements, nous avons épluché le hansard5 et nous avons recensé les usages suivants :

Yukon : Le Président lit l’une des quatre prières traditionnelles.
Alberta : Le Président lit une prière de son propre cru. Le Président actuel récite une prière non confessionnelle semblable à celle qui est lue au Parlement britannique, alors que l’ancien Président rédigeait sa propre prière avant chaque séance.
Territoires du Nord-Ouest : Les députés de l’Assemblée récitent une prière qu’ils ont préparée; de temps à autre, la prière cérémonielle au tambour est également prononcée.
Nunavut : Les députés de l’Assemblée récitent une prière de leur propre cru.
Saskatchewan : Le Président récite une prière traditionnelle non confessionnelle.
Manitoba : Le Président récite une prière traditionnelle non confessionnelle.
Ontario : Le Président récite le Notre Père. Depuis 2008, cette prière est suivie de la lecture d’une prière autochtone, bouddhiste, musulmane, juive, bahá’íe ou sikhe, à tour de rôle.
Québec : Les séances de l’Assemblée nationale débutent avec un moment de réflexion dans le silence. La récitation d’une prière a été abolie en 1976.
Nouveau-Brunswick : Les députés de l’Assemblée récitent une prière à l’intention de Dieu et de Jésus pour le bienêtre de la Reine et du lieutenantgouverneur, suivie du Notre Père en français et en anglais (ou une version mixte).
Terre-Neuve-et-Labrador : Les séances n’ont jamais débuté avec une prière.
Nouvelle-Écosse : Le Président récite une version abrégée du Notre Père, rédigée par le Président Mitchell en 1972.
Île-du-Prince-Édouard : Le Président récite une prière à l’intention de Dieu et de Jésus pour le bienêtre de la Reine et du lieutenantgouverneur, suivie du Notre Père6.
La procédure relative aux prières à l’Assemblée législative de la Colombie-Britannique
Les « prières et réflexions » ont lieu dès l’ouverture de la séance par le Président. Lorsqu’il s’agit d’une journée où un discours du Trône est prononcé, un chef religieux, un chef autochtone ou un Aîné est invité à prononcer la prière. Normalement, un député de l’Assemblée récite une prière ou offre une réflexion. Dans l’édition actuelle du document sur les usages parlementaires de la Colombie-Britannique, il est indiqué que, normalement, « le Président invite un député à réciter la prière ou à offrir une réflexion. Ce député est désigné au préalable par le whip de son caucus7 » [Traduction]. Il peut offrir une prière ou une réflexion de son choix, ou encore en réciter une qui figure sur la liste de prières types fournie par le greffier.

Selon la procédure législative, le contenu de cette partie de l’ordre du jour « peut provenir de toute confession religieuse ou représenter des traditions culturelles différentes; il peut s’agir d’une reconnaissance du territoire ancestral ou d’un moment de réflexion8 » [Traduction]. Il convient de noter que les prières et les réflexions sont offertes « alors que les hauts fonctionnaires et les étrangers sont présents; il s’agit de la seule partie des délibérations qui n’est pas reproduite verbatim dans le hansard9 » [Traduction].

En octobre 2019, on a mis à jour la liste des prières « afin de s’assurer que les prières incluent toute une gamme de réflexions non religieuses ainsi que des prières provenant des principaux groupes religieux10 ». Les cinq prières qui figuraient auparavant sur la liste ont été révisées et reformulées : l’une d’entre elles a été remplacée, le mot « amen » a été retiré des quatre autres prières, et la mention de « Dieu » a été retirée de la dernière. On a également bonifié la liste pour y inclure une « reconnaissance des terres ancestrales » ainsi que des prières issues des traditions des religions bouddhiste, chrétienne, hindouiste, judaïque, islamique et sikhe.

Méthodologie
De nombreuses Assemblées législatives au pays, y compris la Chambre des communes et le Sénat, reconnaissant que les prières constituent un acte privé, n’admettent pas les membres du public pendant celles-ci. Nombre d’entre elles suspendent également la radiodiffusion des séances pendant cette partie et ne consignent dans le hansard ni le contenu des prières ni le nom de la personne qui les prononce. En Colombie-Britannique, le contenu des prières et des réflexions n’est pas consigné dans le hansard, bien que les prières soient retransmises lors de la diffusion des séances.

Nous avons donc commencé par demander à 52 volontaires de transcrire toutes les prières disponibles. Au total, ceux-ci ont transcrit 877 prières, ce qui inclut chaque prière prononcée à l’Assemblée législative de la Colombie-Britannique du 6 octobre 2003, lorsque les vidéos des séances ont commencé à être archivées, au 12 février 2019, soit la date de fin de la 3e session de la 41e législature. On a assigné un code aux prières ainsi transcrites en tenant compte de divers facteurs, comme leur structure, leur contenu et leur caractère religieux. Afin d’accroître la fiabilité des résultats, deux évaluateurs devaient assigner un code à la même prière, et une troisième personne devait vérifier la fiabilité entre les codes. Les données ont ensuite été analysées à l’aide de divers outils analytiques.

Toutes les interventions ne constituaient pas nécessairement une prière. Certains députés lisaient des poèmes ou des citations ou demandaient un moment de silence. Pour assurer une certaine uniformité, nous désignons toute déclaration faite pendant ce point de l’ordre du jour comme étant une « prière ». Quelque 877 prières ont été transcrites, mais le nombre total de prières ayant été analysées pour une catégorie donnée d’analyse est variable. Deux des prières contenaient de longs segments qui étaient soit inaudibles, soit inintelligibles, et cinq d’entre elles ont été prononcées entièrement en langue autochtone : les membres de notre équipe n’étaient pas en mesure de bien les transcrire ou les traduire. Ils ont également transcrit ٢٣ prières précédant des discours du Trône (ce que nous avons appelé des « prières du Trône »). Puisque des invités ont prononcé ces prières, celles-ci ont été exclues des analyses, qui portaient exclusivement sur les prières prononcées par des députés provinciaux (n=843). La version intégrale du rapport House of Prayers renferme d’autres conclusions ainsi que des tableaux et des graphiques.

Données
Structure
D’abord, les auteurs de l’étude ont voulu déterminer à quelle fréquence les députés prononçaient une prière type comparativement à une prière de leur propre cru. Dans 50 pour cent des cas (434 prières), les députés prononçaient une prière type ou une combinaison de prières types. Lorsqu’ils récitaient une prière type, ils combinaient des prières ou y apportaient des changements mineurs. Les prières combinées représentaient 4,7 pour cent (41 prières) de toutes les prières récitées, et 9,3 pour cent de toutes les prières types. Sur toutes les prières prononcées, 139 (32 pour cent) contenaient des modifications dans une moindre mesure.

Les auteurs ont ensuite examiné la structure et le contenu des prières pour en déterminer le caractère religieux. Cela a permis de déterminer si le fait que les députés se soient fait demander par le Président de « diriger la prière » augmentait nécessairement la probabilité qu’ils adoptent la structure typique d’une prière « traditionnelle », même lorsque le contenu n’était pas religieux. Si l’on inclut les prières prononcées au début d’une nouvelle session, 91,9 pour cent des prières prononcées à l’Assemblée législative de la Colombie-Britannique (797 sur 867) se terminaient par « amen ». Il est intéressant de noter que 88,7 pour cent des prières désignées comme des prières « laïques » se terminaient tout de même par le mot « amen » (voir ciaprès).

Pour déterminer le caractère religieux des prières, les auteurs de l’étude ont vérifié si la prière contenait le nom d’une divinité. Ils ont créé un glossaire de noms de divinités et ont recensé 466 prières et prières en début de session (53,8 pour cent) contenant le nom d’une d’entre elles. D’après le glossaire de termes religieux, au total 566 (65,3 pour cent) des prières prononcées à l’Assemblée législative de la Colombie-Britannique contenaient des formulations religieuses, y compris les prières du Trône. Il convient de noter que les évaluateurs ont fait preuve de prudence à l’égard des termes polysémiques, tels que « grace » et « praise » en anglais, qui ont des origines ainsi qu’une utilisation similaires, mais qui pourraient avoir différentes connotations en fonction du contexte religieux ou non religieux. C’est l’une des raisons pour lesquelles ils ont fait appel à des êtres humains, et non pas à un compte de mots informatisé, pour faire le décompte de ce type de mots. Il convient de souligner que le Notre Père n’a été récité que neuf fois, ce qui contraste avec d’autres Assemblées, où cette prière fait partie du quotidien.

Caractère religieux
L’un des objectifs de l’étude consistait à évaluer le caractère religieux des prières récitées par les députés provinciaux. Quatre catégories ont été créées :

Ne constituait pas une prière tout ce qui ne pouvait pas être classifié comme une prière ou une invocation; l’intervention n’a pas la structure d’une prière et n’en contient pas des éléments constitutifs (invoquer le divin ou la transcendance) ni de termes religieux et ne se termine pas par le mot « amen ». Il s’agissait de députés qui récitaient de la poésie laïque, qui lisaient des citations ou qui proposaient un moment de silence ou de réflexion silencieuse.

Invocation ou prière laïque : Une invocation ou un témoignage de reconnaissance ne s’adressant pas directement à une divinité ou à une entité transcendante. Il s’agissait de prières qui se terminaient par le mot « amen », mais qui n’incluaient aucune référence au divin ou à la transcendance, au surnaturel, à une divinité ou à une puissance supérieure; ces interventions n’incluaient aucun autre terme religieux.

Prière non confessionnelle : Toute prière qui invoque le divin ou la transcendance, une divinité, une puissance supérieure ou une entité surnaturelle ou qui contient des termes religieux sans pouvoir être facilement associée à une tradition religieuse en particulier.

Prière confessionnelle : Toute prière pouvant être associée à une tradition religieuse particulière. Les évaluateurs ont classé cette prière comme étant rattachée à cette religion particulière. Ils devaient prêter attention à un certain nombre d’indicateurs, y compris le nom de divinités précises, des références à des célébrations ou à des textes religieux, des termes associés à une tradition précise ou encore à une prière en particulier (le Notre Père, le Chema Israël, le Bismillahir Rahmanir Raheem, etc.).

Les évaluateurs avaient pour consigne d’être très prudents lorsqu’ils indiquaient qu’une prière était confessionnelle et de n’inclure que les prières qui s’inscrivaient sans équivoque dans la confession en question. Par exemple, la structure et le contenu d’une prière que l’on récite sous forme de dialogue personnel, en s’adressant directement à Dieu, et qui contient de nombreuses références au « seigneur » pouvaient être catégorisés comme constituant une prière chrétienne. Cependant, selon plusieurs traditions, on utilise le terme « seigneur » pour faire référence à une divinité. Ainsi, si la prière ne comprenait aucun autre terme chrétien, elle était catégorisée comme étant laïque. Nous reconnaissons que cela peut mener à une sous-estimation du nombre de prières pouvant être catégorisées comme chrétiennes, mais comprenant des termes qui peuvent être associés à différentes confessions religieuses.

Si l’on inclut les prières du Trône, 49,5 pour cent des prières (429) récitées à l’Assemblée législative de la Colombie-Britannique étaient de nature non confessionnelle, tandis que 21,7 pour cent des autres prières (188) étaient confessionnelles. Étant donné le caractère religieux de ces deux catégories, les auteurs ont conclu que 71,2 pour cent des prières récitées à l’Assemblée législative de la Colombie-Britannique étaient de nature religieuse.

Tableau 1 : Le caractère religieux des prières récitées à l’Assemblée législative de la Colombie-Britannique

Type de prière

Nombre

Pourcentage

Confessionnelle

188

21,7 pour cent

Non confessionnelle

429

49,5 pour cent

Laïque

238

27,5 pour cent

N’est pas une prière

12

1,4 pour cent

Parmi les prières confessionnelles, 93,1 pour cent (175) sont chrétiennes. Ainsi, 20,2 pour cent (175) de toutes les prières récitées à l’Assemblée législative de la ColombieBritannique étaient explicitement chrétiennes. Le deuxième rang revient aux prières juives, qui étaient au nombre de quatre (1,6 pour cent de toutes les prières confessionnelles et 0,4 pour cent de toutes les prières).

Le reste du contenu
Étant donné l’importance de la vérité et de la réconciliation, il était intéressant d’évaluer la présence des langues autochtones et du contenu autochtone dans les prières. Ce type de prière était consigné lorsqu’un mot, une phrase, quelques phrases ou alors tout le contenu étaient en langue autochtone, ou alors si du contenu autochtone était transmis en anglais. Parmi les prières récitées au début d’une session, ٤,٨ pour cent (٤٢) comprenaient un mot en langue autochtone, souvent une affirmation ou une conclusion fondée sur un rituel, ressemblant quelque peu à « amen » ou à « merci ». Le terme revenant le plus souvent était « sabak », un mot gitxsan souvent utilisé par les députés de Stikine et de Skeena.

Une seule prière incluait une phrase prononcée en langue autochtone, et une seule en comprenait plus d’une. Les cinq prières récitées presque entièrement en langue autochtone étaient des prières prononcées à l’ouverture d’une nouvelle session. Trois d’entre elles l’ont été par Elmer George père, un Aîné de la Nation Songhees. En tout, 5,6 pour cent (49) de toutes les prières récitées à l’Assemblée législative de la Colombie-Britannique contenaient au moins un mot en langue autochtone. Trois prières ont été consignées comme comprenant du contenu autochtone transmis en anglais, portant ainsi le pourcentage des prières incluant du contenu autochtone à 6,0 pour cent (52) si l’on inclut la catégorie précitée des mots en langue autochtone.

Les prières étaient également consignées si elles étaient récitées dans une langue autre que l’anglais ou une langue autochtone. Un peu comme dans le cas des langues autochtones, les évaluateurs devaient faire une distinction pour les prières contenant un mot ou une ou des phases dans cette autre langue. Dans pratiquement tous les cas, à une exception près, il s’agissait de phrases ou d’expressions dans une autre langue. En tout, 1,2 pour cent (10) des prières contenaient des phrases dans d’autres langues, et trois d’entre elles ont été récitées à l’occasion d’une cérémonie marquant l’ouverture d’une législature.

Pendant le processus de transcription, plusieurs volontaires ont constaté des critiques subtiles ou des attaques partisanes dans lesquelles le député avait fait référence, pendant la prière, à des enjeux à la Chambre, ou avait félicité ou dénoncé une personne de façon voilée. Voici un exemple clair provenant d’une prière prononcée le 19 octobre 2011 : « Et nous remercions les gens du Canada pour le contrat de construction navale. » Un exemple un peu plus subtil est celui d’un député qui a cité la prière des travailleurs agricoles de Cesar Chavez, le 16 novembre 2011, au moment où l’augmentation du salaire minimum, qui ne s’appliquait pas aux travailleurs agricoles, est entrée en vigueur. Ce type de contenu était souvent subtil. Ainsi, seulement 10 prières ont été répertoriées comme présentant un contenu ouvertement partisan. La prière la plus partisane a été dédiée aux membres du Syndicat des employés de la santé (Health Employees’ Union), qui, le 29 avril 2004, se sont fait conseiller de « prendre note des occasions qui s’offrent à eux et de faire les bons choix pour euxmêmes et pour les membres de leur famille » [Traduction]. Cela apparaissait dans le bulletin de grève du syndicat de l’époque.

Analyse
Nous avons commencé notre analyse en examinant le nombre de prières récitées par député. Lorsqu’un tableau comparatif a été créé pour chacune des Assemblées incluses dans l’étude, nous avons remarqué qu’avec le temps, de moins en moins de députés prononçaient des prières. La fréquence des prières variait considérablement; certains députés (30 sur 117) ont récité une seule prière, alors que trois d’entre eux en ont exécuté plus de 30. Leonard Krog, qui représente Nanaimo, se trouvait au premier rang de tous les classements, ce qui laisse entendre que les partis n’établissent pas de liste de rotation pour décider des députés qui réciteront une prière, et que c’est l’intérêt des députés qui prime; ainsi, ceux qui souhaitent le plus réciter une prière se portent plus souvent volontaires que d’autres.

L’Assemblée législative de la Colombie-Britannique était surtout composée de deux partis pendant la période pertinente pour l’étude, soit le Parti libéral et le Nouveau Parti démocratique. Le Parti vert a fait élire trois députés, et un seul d’entre eux a récité des prières (deux en tout). Ainsi, nous avons délibérément exclu ce parti de notre analyse par affiliation partisane.

Comparativement aux néodémocrates, les députés libéraux étaient beaucoup plus susceptibles de réciter l’une des prières types qu’une prière de leur propre, soit 64,0 pour cent du temps (comparativement à 35,0 pour cent pour les néodémocrates). Lorsque les néodémocrates ont prononcé une prière type, ils étaient plus susceptibles de la modifier, ce qu’ils ont fait 55,1 pour cent du temps, comparativement aux libéraux, qui ont altéré les prières 22,5 pour cent du temps. Les députés récitent de moins en moins de prières types, préférant en rédiger de leur propre cru. Cette tendance a été observée chez les deux partis.

Nous avons conclu que les députés provinciaux néodémocrates étaient légèrement plus susceptibles de réciter des prières laïques que les libéraux (31,4 pour cent et 26,0 pour cent respectivement). Les libéraux étaient beaucoup plus susceptibles de prononcer des prières confessionnelles (la grande majorité des prières étant chrétiennes), ٢٦,٠ pour cent des prières étant confessionnelles, comparativement à 10,3 pour cent chez les députés provinciaux du NPD. Étant donné ces statistiques, il n’est pas surprenant de constater que les libéraux étaient beaucoup plus susceptibles de réciter des prières chrétiennes, avec 25,4 pour cent de prières chrétiennes pour les libéraux, comparativement à 9,2 pour cent chez les députés néodémocrates. Chez les deux partis, le nombre de prières confessionnelles et chrétiennes n’a cessé d’augmenter au fil du temps. Les prières laïques récitées par les députés des deux partis diminuent graduellement, et la proportion des prières chrétiennes augmente constamment chez les deux partis, étant plus du double qu’il y a 10 ans.

Pour ce qui est du contenu autochtone, les néodémocrates étaient considérablement plus susceptibles d’en inclure dans leurs prières (11,7 pour cent contre 0,2 pour cent). Malgré le fait que peu de prières incluaient du contenu autochtone (6 pour cent), les données ont révélé une augmentation soutenue.

Les prières comptaient en moyenne 89 mots et elles sont de plus en plus longues chez les deux partis avec le temps. De plus, les prières religieuses (non confessionnelles et confessionnelles) étaient généralement plus longues que celles à caractère laïque. Les prières religieuses récitées par les libéraux étaient 2,09 fois plus longues que les prières laïques prononcées par leurs collègues du caucus. Les prières religieuses récitées par les néodémocrates étaient 1,52 fois plus longues. De façon générale, malgré le fait que les prières chrétiennes ne représentent que 20,2 pour cent des prières au total, elles comptaient pour 25,6 pour cent des 70 079 termes employés.

Discussion
Les données démographiques de la Colombie-Britannique peuvent s’avérer utiles pour l’évaluation de la correspondance entre les prières récitées et les croyances des Britanno-Colombiens. L’Enquête nationale auprès des ménages de 2011 révèle que 44,6 pour cent d’entre eux se disent chrétiens, 44,1 pour cent n’ont pas d’affiliation religieuse, 4,7 pour cent se disent sikhs, 2,1 pour cent bouddhistes, 1,8 pour cent musulmans, 1,1 pour cent hindous, 0,5 pour cent juifs, et 4,1 pour cent ont indiqué avoir une autre religion. Ces statistiques contrastent grandement avec les conclusions de l’étude. Lorsqu’il était possible de déterminer la religion (prières confessionnelles), toutes les religions non chrétiennes, à l’exception du judaïsme, étaient sousreprésentées. Il n’y aurait pas eu de prières sikhes, bien que les sikhs représentent environ cinq pour cent de la population de la Colombie-Britannique. Ce manque de diversité est également présent dans les langues et le contenu autochtones, qui étaient présents dans six pour cent des prières seulement, et souvent il ne s’agissait que d’un seul mot. Il convient de noter cependant que les langues autochtones sont de plus en plus utilisées au fil du temps.

Il apparaît clairement que les prières récitées à l’Assemblée législative ne reflètent pas un segment important et croissant de la population, à savoir les BritannoColombiens non religieux, qui représentent 44,1 des résidants de la province, alors que les prières religieuses comptent pour 71,2 pour cent de celles-ci. De plus, le simple fait que le contenu religieux soit retiré, réduit ou voilé ne signifie pas que la prière reflète les croyances des personnes non religieuses, étant donné que ces croyances sont fort diverses. On ne peut raisonnablement conclure que 27,5 pour cent des prières jugées laïques à l’Assemblée législative de la Colombie-Britannique reflètent les convictions des Britanno-Colombiens non croyants.

Le concept consistant à prévoir du temps pour les prières influence grandement la façon dont ce temps est utilisé. Les données, loin de dicter le temps alloué aux diverses traditions religieuses pour le partage des croyances, démontrent que ce temps est généralement perçu comme un moment consacré aux prières chrétiennes. Ainsi, les autres croyances et traditions sont perçues comme des religions invitées, qui ont tendance à reprendre la structure déjà établie, puisque 88,7 pour cent des prières « laïques » se terminaient par le mot « amen », un terme qui marque normalement la fin d’une prière chrétienne. Même si le pourcentage de 27,5 pour cent reflétait bien les croyances des personnes non religieuses, les non-croyants seraient tout de même fortement sous-représentés, à l’instar des personnes de nombreuses autres traditions religieuses. Cela nous amène à conclure que la prière à l’Assemblée législative de la Colombie-Britannique exclut les non-croyants et les personnes qui ne sont pas de confession chrétienne.

De moins en moins de députés semblent souhaiter réciter des prières, puisqu’une poignée de députés prononcent la majorité des prières, et que le pourcentage de députés qui le font a diminué au fil du temps. Nous croyons que cela indique qu’un nombre croissant de députés s’opposent à cette pratique ou, à tout le moins, sont ambivalents à son égard. Lorsque nous avons sondé les députés quant aux prières récitées à l’Assemblée législative de la Colombie-Britannique, ceux qui s’opposaient à la pratique ont déclaré ne pas souhaiter réciter eux-mêmes de prière. Un des députés a indiqué ceci : « Je n’appuie pas cette pratique puisque je crois qu’il devrait y avoir séparation de l’Église et de l’État, que cette séparation soit réelle ou perçue » [Traduction], et il a également indiqué : « Oui, j’ai eu l’occasion de réciter une prière, mais je n’en ai rien fait » [Traduction].

Conclusion
L’étude a permis de mettre en exergue un certain nombre de tendances qui poussent à la réflexion concernant la prière à l’Assemblée législative de la Colombie-Britannique. Nous avons observé que de moins en moins de députés prononcent une prière, et que les prières sont plus longues et de nature plus religieuse. La proportion de prières chrétiennes a plus que doublé au cours de la dernière décennie, une tendance observée chez les deux grands partis politiques.

Les prières récitées à l’Assemblée législative de la Colombie-Britannique ne cadrent pas avec les diverses croyances de la population. La pratique, loin de promouvoir la diversité, tend à favoriser une tradition religieuse en particulier et à donner la préséance aux croyances religieuses au détriment des croyances non religieuses. Essentiellement, les prières à l’Assemblée excluent les non-croyants et les députés membres de groupes confessionnels minoritaires.

Une réforme s’impose. Le fait que l’on ait modifié l’article 25 du Règlement pour passer de « prières » à « prières et réflexions » est un pas dans la bonne direction. Cependant, d’autres mesures sont nécessaires si l’on veut faire de l’Assemblée un endroit plus inclusif, où tous les Britanno-Colombiens se sentent les bienvenus. La mise à jour des prières types constitue également un progrès. Toutefois, le fait que les députés aient choisi de lire une prière type 50 pour cent du temps et que la prière choisie ne soit pas uniforme démontre que le fait de modifier ou de bonifier la liste ne garantit pas que les nouvelles prières seront prononcées d’une façon le moindrement régulière. De plus, la procédure de modification de cette liste comporte des difficultés d’ordre pratique et peut être même constitutionnelle, puisque les hauts fonctionnaires sont appelés à se prononcer sur les religions et les prières qui y seront incluses11.

Si les députés de l’Assemblée législative de la Colombie-Britannique souhaitent continuer cette pratique empreinte d’exclusion, ils pourraient envisager d’adopter une approche semblable à celle du Parlement écossais, où un invité anime les « périodes de réflexion », qui « suivent un modèle reprenant la répartition des croyances en Écosse (selon les données du recensement) 12 » [Traduction]. Adopter une telle pratique au quotidien constituerait un fardeau administratif considérable, ce qui explique peutêtre pourquoi le Parlement écossais ne prévoit qu’une seule période de réflexion par semaine. De plus, il s’avérerait également difficile d’assurer une représentation adéquate de la population.

Une autre option serait de remplacer la période de « prières et réflexions » par une reconnaissance des terres autochtones, la procédure et les protocoles relatifs à cette pratique devant être élaborés en collaboration avec des intervenants autochtones. Cette dernière recommandation s’avère essentielle pour que tous les peuples et toutes les traditions autochtones de la province soient représentés, et que cette pratique puisse s’inscrire dans le processus de réconciliation, et ne pas devenir futile.

Les prières pourraient être remplacées par un moment de réflexion dans le silence, comme c’est le cas à l’Assemblée nationale du Québec. Les traditions religieuses de par le monde sont si nombreuses, et leurs croyances et leurs pratiques, si diverses, qu’il serait impossible de rédiger une prière laïque ou non confessionnelle. Une réflexion silencieuse permettrait aux députés de se préparer à prendre part aux séances législatives de la manière qu’ils jugent appropriée.

La mesure la plus simple serait d’abolir la prière à l’Assemblée législative. Les députés souhaitant prier avant le début d’une séance pourraient le faire au moment et de la façon de leur choix.

Notes
1 Voir Ryan-Lloyd, K., Sogomonian, A., Sourial, S. et Wall E. (dir.) (2020), Parliamentary practice in British Columbia, 5e éd. Victoria, Colombie-Britannique : Assemblée législative de la Colombie-Britannique, 97; voir aussi MacMinn, E. G. (2008), Parliamentary practice in British Columbia, 4e éd. Legislative Assembly of British Columbia, 56.

2 Phelps Bondaroff, T.N., Bushfield, I., Marshall, K.E., Prasad, R. et Laurence, N. (septembre 2019), House of prayers : An analysis of prayers in the Legislative Assembly of British Columbia, 2003–2019, BC Humanist Association, 1–138, https://www.bchumanist.ca/house_of_prayers_report.

3 Bueckert, C., Hill, R., Parisotto, M. et Roberts, M. (2017), « Religion, faith and spirituality in the Legislative Assembly of British Columbia », Revue parlementaire canadienne (printemps), 25-29.

4 Sandford, M. (2013), Traditions and customs of the house: House of Commons background paper, https://www.parliament.uk/about/how/business/prayers/; et Fizet, C. (2 juin 2010), Reopening the discussion on the use of ‘the Lord’s Prayer’ in the Ontario Legislature, article présenté à l’occasion de la réunion annuelle de l’Association canadienne de science politique de 2010, Université Concordia, Montréal, Canada, p.2.

5 Voir aussi Bueckert et al. 2017:25; Lanouette, M. (2009), « Prayer in the Legislature: tradition meets secularization », Revue parlementaire canadienne (hiver), 1-7, 6; Fizet 2010; et Boissinot, J. (17 avril 2015), « The end of prayer in the councils of the nation », The Globe and Mail, https://www.theglobeandmail.com/opinion/editorials/the-end-of-prayer-in-the-councils-of-the-nation/article24010902/.

6 Voir Phelps Bondaroff, T.N., Prasad, R., Laurence, N., Darveau-Morin, A., Bushfield, I. et Thom, A. (2020), Legislative prayer across Canada, BC Humanist Association, août, 1-8, https://www.bchumanist.ca/prayer-across-canada.

7 Ryan-Lloyd et al. 2020:97.

8 Ibid.

9 Ibid.

10 K. Ryan-Lloyd, greffière intérimaire de la Chambre, correspondance avec les auteurs, 21 août 2019.

11 Pour un examen détaillé de ces difficultés, voir Bushfield, I. et Phelps Bondaroff, T.N. (2020), Arbiters of faith: Legislative Assembly of BC entanglement with religious dogma resulting from legislative prayer, Secularism and Nonreligion, 9, 1-16.

12 Parlement écossais (27 juin 2019), Scottish Parliament fact sheet: contributors to time for reflections: sessions 5, https://www.parliament.scot/ResearchBriefingsAndFactsheets/Factsheets/Contributors_to_Time_for_Reflection_Session_5.pdf; et voir Lanouette 2009:6.

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