Réforme du vote de confiance : un rôle pour le Président dans le Règlement

Article 4 / 11 , 46 No. 2 (Été)

Réforme du vote de confiance : un rôle pour le Président dans le Règlement

La convention sur la confiance est une caractéristique fondamentale du régime parlementaire, mais sa définition est vague et générale. La déception quant à son efficacité pour demander des comptes à un gouvernement, son utilisation abusive à des fins purement politiques et l’absence de conditions équitables pour son utilisation ont conduit à demander des réformes. Dans cet article, l’auteur explore la nature du vote de confiance, expose certaines raisons justifiant sa réforme, passe en revue quelques propositions de réforme antérieures au Canada et au Royaume-Uni et, enfin, propose sa propre idée sur la façon de répondre aux critiques concernant son recours historique et actuel à la Chambre des communes. L’auteur suggère aux parlementaires de créer un règlement qui confère un rôle particulier au Président pour statuer sur la pertinence de considérer un vote à venir comme une question de confiance. Étant donné que les décisions du Président sur le vote de confiance pourraient être contestées, elles seraient de nature consultative et n’interféreraient pas avec d’autres conventions sur la confiance telles que le pouvoir de dissolution de la Couronne. Toutefois, son utilisation à des fins purement politiques serait affaiblie, des lignes directrices publiques élaborées par le Président pourraient mieux définir la signification du vote de confiance et contribuer à la compétence civique, la bienséance et l’ordre seraient rétablis lorsque des questions de confiance se posent, et il n’y aurait pas de risque de justiciabilité des tribunaux. Il conclut en suggérant que cette réforme contribuerait grandement à renforcer la position de la Chambre des communes par rapport au pouvoir exécutif.

Gary William O’Brien

La convention sur la confiance, l’exigence selon laquelle un gouvernement doit conserver l’appui de la majorité des députés de la Chambre pour continuer à gouverner, est décrite comme une « caractéristique fondamentale du gouvernement parlementaire1 ». Peter Aucoin, Jennifer Smith et Geoff Dinsdale écrivent qu’elle « sous-tend le système de gouvernement responsable […] Toutes les autres règles découlent logiquement de cette convention ou doivent s’y conformer2 ». Compte tenu de son importance pour le Parlement, on pourrait penser que la convention sur la confiance est bien comprise et ne prête pas à controverse. Cependant, sa définition est relativement vague et générale, basée sur la tradition et non sur une loi ou un règlement. Robert MacGregor Dawson a suggéré qu’elle reposait sur une « base abstraite […] on lui refuse toute description explicite3 ». Son imprécision a suscité des désaccords, des critiques, des moqueries à l’égard du Parlement et des crises politiques. Sa déception en tant que procédure permettant de demander des comptes aux gouvernements, son utilisation à des fins purement politiques et l’absence de conditions équitables ont conduit à des appels en faveur de sa réforme.

Cet article passe brièvement en revue certaines des propositions visant à réformer le vote de confiance, c’est-à-dire la façon dont la confiance est exprimée et ses répercussions, au sein des parlements canadien et britannique. Il conclut par une recommandation précise sur la façon de renforcer la légitimité du vote de confiance au sein du Parlement du Canada.

La nature du vote de confiance et la nécessité d’une réforme

La convention sur la confiance découle de la prérogative de la Couronne de nommer les ministres, mais avec le prérequis que, pour ce faire, les gouvernements doivent compter sur l’appui du Parlement. Il trouve son origine dans les tentatives de la Chambre des communes britannique, au xviiie siècle, de contester le droit de la Couronne à être seule responsable de la nomination et de la révocation des ministres. Au xixe siècle, une convention avait été établie selon laquelle le droit de la Couronne de nommer les ministres était limité par la nécessité pour le gouvernement de conserver la confiance de la Chambre4.

Deux remarques s’imposent quant à sa nature. Premièrement, étant donné que le vote de confiance définit les relations entre le gouvernement et la Chambre des communes, on ne saurait trop insister sur son importance en tant que mécanisme de contrôle et de responsabilité. Comme le souligne Rodney Brazier, il confère une légitimité aux actions du gouvernement puisqu’en théorie « il oblige tout gouvernement à se défendre, à expliquer ses politiques et à justifier ses actions, devant ses propres députés, devant les partis d’opposition et, à travers eux, devant le pays5 ».

Certains considèrent toutefois que cette relation est ambiguë, ce qui remet en question l’efficacité du vote de confiance. Nevil Johnson écrit :

Il incombe au Parlement d’interpeller le gouvernement, de le contrôler et de demander des comptes à ses membres. Mais la montée en puissance de partis politiques disciplinés, après avoir revendiqué un mandat d’action en vertu d’une majorité électorale, a introduit une profonde ambiguïté dans les relations entre le Parlement et le gouvernement. La Chambre des communes est-elle là pour conférer une autorité au pouvoir exécutif et exercer une fonction essentielle et de contrôle à l’égard de ses députés, ou sa fonction principale est-elle désormais de faciliter la règle de la majorité et la réalisation des promesses faites par les partis lors d’une élection6?

L’efficacité et la légitimité du gouvernement dépendent de la capacité du Cabinet à gouverner, qui repose en grande partie sur la gestion de ses membres. D’autre part, le Parlement a le devoir de demander des comptes. Ce conflit entre la domination du pouvoir exécutif et le rôle du Parlement en tant qu’assemblée législative représentative entraîne des répercussions sur la pratique du vote de confiance. Pour Dawn Oliver, il convient de veiller à ce que les conventions constitutionnelles, comme le vote de confiance, permettent au Parlement d’imposer efficacement la reddition de compte ministérielle :

[…] le fonctionnement de ces conventions a changé au fil des ans, ce qui a soulevé des questions quant à la nature exacte des conventions relatives à la responsabilité individuelle, à la propriété des règles et à l’efficacité avec laquelle le Parlement peut espérer demander des comptes aux ministres. Ces questions soulèvent à leur tour des interrogations quant à la nécessité de mettre en place des mécanismes de responsabilité supplémentaires ou de remplacement […] et si et comment le Parlement peut être réformé de manière à lui permettre de demander des comptes aux ministres de façon adéquate7.

Deuxièmement, le vote de confiance est foncièrement politique. Bien qu’il n’y ait pas d’exigence juridique pour un gouvernement de démissionner ou de demander une dissolution s’il perd un vote de confiance, il prend ces mesures dans l’attente des sanctions politiques qui pourraient éventuellement s’ensuivre. Philip Norton écrit que, si un gouvernement perd un vote de blâme, « il lui sera pratiquement impossible de continuer à gouverner, car il est peu probable qu’il puisse faire voter les subsides par la Chambre8 ». Son exercice, estime Margaret Demerieux, « est une question politique, qui doit être jugée en fonction de principes politiques ou de ses conséquences politiques9 ».

Compte tenu de sa nature politique, il peut être utilisé de manière abusive. Par exemple, en l’absence de contrainte formelle, un gouvernement peut déclarer que tout vote est un vote de confiance, ce qui lui permet d’exercer des pressions sur les députés afin de maximiser sa marge de manœuvre. Dans les situations de gouvernement minoritaire, il peut faire pression sur l’opposition pour qu’elle revienne sur son devoir de demander des comptes par crainte d’élections générales (si le gouvernement pense être en mesure de gagner ces élections). M. Norton a appelé cette tactique « l’option nucléaire parlementaire10 ».

Le premier devoir constitutionnel d’un gouvernement est de rendre compte au Parlement de sa législation et de ses politiques. Mais, comme F.F. Ridley écrit :

[…] la possession du pouvoir peut permettre à ceux qui le détiennent de manipuler le système, d’influencer l’économie de manière à ce qu’elle soit plus saine juste au moment où l’horloge électorale est sur le point de sonner, peut-être aussi de fixer le moment où l’horloge sonnera […] Dans une démocratie, la constitution ne devraitelle pas essayer de garantir des règles du jeu équitables, ne devrait-il pas y avoir des règles pour contrôler l’utilisation du pouvoir pour garder le pouvoir11?

Options de réforme : propositions parlementaires

La Constitution canadienne et le citoyen de Pierre Elliott Trudeau (1969)

Cette publication présente des propositions d’amendements formels à la Loi de 1867 sur l’Amérique du Nord britannique. Parmi ses nombreuses recommandations, M. Trudeau note que des aspects importants du système parlementaire sont fondés sur des conventions non écrites, ce qui donne « une idée très incomplète de notre système de gouvernement ». Une nouvelle constitution doit « permettre au public de connaître et d’apprécier les caractéristiques essentielles [de nos institutions politiques] ». Selon Pierre Elliott Trudeau, les conditions et les moyens par lesquels le premier ministre et les autres ministres entrent en fonction et quittent leurs fonctions doivent être définis, et le vote de confiance doit être réformé.

Ses propositions découlent sans aucun doute des événements survenus l’année précédente, lorsque le gouvernement Pearson avait été défait en troisième lecture d’un projet de loi sur l’impôt sur le revenu. Comme l’a fait remarquer Andrew Heard, pendant une grande partie du xxe siècle, « les gouvernements se comportaient comme si chaque vote était un vote de confiance12 ». Ils ont peutêtre été guidés par la déclaration de Sir John G. Bourinot en 1895.

L’ancien greffier de la Chambre des communes avait écrit :

[E]n cas de défaite du gouvernement au Parlement, le premier ministre doit soit démissionner, soit convaincre le gouverneur général qu’il a droit à une dissolution ou à des élections générales au motif que le vote de blâme ne représente pas le sentiment du pays13.

De toute évidence, Mackenzie King pensait que les gouvernements ne pouvaient pas rester en place s’ils étaient battus. Comme il l’a déclaré à la Chambre des communes en 1923 :

Les mesures gouvernementales sont adoptées à la lumière d’une politique mûrement réfléchie et une administration qui adopterait sa législation d’une autre manière ne serait pas en droit d’attendre du Parlement une seconde chance une fois qu’elle aurait essuyé une défaite sur une question qu’elle est prête à dire à la Chambre qu’elle considère comme étant d’une importance capitale pour l’intérêt public14.

En 1968, la vision mécaniste de Sir Bourinot sur le vote de confiance est devenue un mythe constitutionnel. Le 19 février, le gouvernement minoritaire de Pearson a perdu en troisième lecture un projet de loi (C-193) visant à augmenter l’impôt sur le revenu, par 84 voix contre 82. Il a ensuite présenté une motion indiquant que la Chambre ne considérait pas le vote sur le projet de loi C-193 comme un vote de défiance à l’égard du gouvernement. Après un débat de cinq jours, la motion a été adoptée par ١٣٨ voix contre ١١٩15.

Le document de 1969 proposait d’inclure dans la Constitution un texte écrit précisant les circonstances dans lesquelles un premier ministre serait tenu de démissionner :

[…] le premier ministre devrait pouvoir démissionner et devrait être obligé de le faire s’il n’obtient pas un vote de confiance à la Chambre des communes lorsque le gouverneur général juge qu’il n’a pas le droit de dissoudre le Parlement ou si, lors d’une élection générale, une autre personne a obtenu l’appui d’une nette majorité à la Chambre des communes.

Ce qui constitue la confiance « serait laissé à l’appréciation de la Chambre des communes », et non du gouvernement. Le document n’entre pas dans le détail de ce que serait cette détermination ni des facteurs concernés. Il n’a pas non plus commenté l’incidence de la participation potentielle des tribunaux à l’égard des questions soumises au Parlement. Même si le document a stimulé la discussion et les mesures sur de nombreux aspects de la réforme constitutionnelle au Canada, la convention sur la confiance est restée inchangée.

Comité spécial sur la réforme de la Chambre des communes, 1984-1985 (Comité McGrath)

Ce Comité de sept membres a été nommé en 1984 pour examiner les pouvoirs, les procédures et les pratiques de la Chambre des communes. La convention sur la confiance a été l’un des nombreux sujets abordés. Le Comité a conclu que le concept de confiance devait être assoupli, en particulier l’idée que chaque affaire remet en question la confiance dans le gouvernement. Cela n’était pas nécessaire puisque la question de la confiance avait été « réellement réglée par les électeurs » [traduction].

Le Comité a estimé que la réforme fondamentale allait au-delà du changement institutionnel. Ce qu’il fallait, c’était changer le système des partis. Les députés doivent insister pour que la discipline des rouages du parti soit assouplie et que davantage de votes libres soient tenus. Il appelait à des changements d’attitude de la part des gouvernements, des dirigeants des partis et des simples députés.

Avec le recul, on constate que le Comité McGrath n’a guère contribué à affaiblir la discipline de parti ou à limiter le pouvoir discrétionnaire du gouvernement de décider si celui-ci conserve ou non la confiance de la Chambre. C.E.S. (Ned) Franks a écrit :

En octobre 1986, rien n’avait été fait pour modifier la convention sur la confiance. Il est même peu probable que cela se produise. Le passage d’une discipline stricte à des votes libres signifierait un changement substantiel du pouvoir des partis vers les députés individuels […] Le Comité (McGrath) souhaitait qu’un changement d’attitude vienne en premier lieu et entraîne un changement de pouvoir. En fait, il demandait un cadeau de courtoisie et de faveur de la part des partis, et non la reconnaissance de la réalité d’une authenticité et d’une base de pouvoir nouvelles et renforcées pour les députés canadiens, dont il n’existe aucune preuve et qui, en fait, n’existe pas16.

La Fixed-term Parliaments Act 2011 (FTPA) de David Cameron et Nick Clegg

Comme au Canada, avant l’adoption de la FTPA, les votes de confiance au parlement britannique étaient fondés sur la convention. Le gouvernement de coalition des conservateurs et des libérauxdémocrates, dirigé respectivement par David Cameron et Nick Clegg, a décidé d’inscrire la convention dans la loi, tout en conservant le principe selon lequel l’autorité d’un gouvernement découle de la confiance que lui accorde la Chambre des communes.

La loi qui s’est ensuivie, que le député Peter Tapsell a qualifiée de « presque révolutionnaire dans son concept17 », a décrit les conditions des élections générales à la suite de la perte d’une motion de censure explicitement formulée. Il a fixé la date des élections générales à cinq ans. Des élections anticipées seraient organisées si une majorité des deux tiers se prononçait en faveur du projet ou si le gouvernement perdait un vote de défiance.

La coalition, dont le principal porte-parole était le vice-premier ministre Nick Clegg, a avancé diverses raisons pour expliquer la nécessité d’une réforme :

La loi a été conçue pour empêcher un gouvernement de chercher à organiser des élections générales pour ses propres raisons politiques. M. Clegg a déclaré à la Chambre : « Le projet de loi a un objectif unique et clair : introduire des parlements à durée déterminée au Royaume-Uni afin de supprimer le droit d’un premier ministre de demander la dissolution du Parlement à des fins purement politiques […] Pour la première fois dans notre histoire, le calendrier des élections générales ne sera pas le jouet des gouvernements […] Surtout si, pour une raison quelconque, il est nécessaire de dissoudre le Parlement plus tôt que prévu, ce sera à la Chambre des communes d’en décider » [traduction].

La loi a établi, par le biais d’un statut, un mécanisme d’application neutre.

La loi a affaibli la politisation du vote de confiance en retirant au premier ministre le pouvoir de maximiser la loyauté du vote des députés de l’arrière-ban du gouvernement. Le premier ministre ne peut plus désigner un vote comme un vote de confiance et ainsi précipiter des élections en cas de défaite18.

Cela a permis de distinguer la perte d’un vote sur une question politique essentielle de la perte d’un vote de confiance. Comme l’a noté le comité spécial des Lords (Lords Select Committee), il est désormais possible « pour le gouvernement de conserver la confiance de la Chambre des communes au sens statutaire, en remportant un vote sur une motion de défiance, tout en la perdant au sens politique, c’est-à-dire en l’absence de soutien pour une partie essentielle de son programme politique19 ».

La FTPA n’a duré que 11 ans et a disparu brusquement en mars 2022, lorsqu’elle a été abrogée discrètement. Elle a abouti à un blocage parlementaire ingérable. Si les gouvernements sont restés au pouvoir, ils ont perdu le contrôle de leur capacité à légiférer et ont été empêchés de demander une dissolution pour permettre aux électeurs de s’exprimer. Steven Chaplin fait remarquer :

« En 2018 et en 2019, le gouvernement britannique s’est maintenu, a perdu vote après vote sur le Brexit, et pourtant la Chambre a refusé de voter la non-confiance au gouvernement […] Il est clair qu’une règle générale selon laquelle la confiance ne peut être déterminée que par l’opposition peut avoir des conséquences inattendues qui paralysent à la fois le Parlement et le gouvernement20 ».

Renforcer la légitimité du vote de confiance : une proposition

La réforme du vote de confiance n’a rencontré que peu de succès, que ce soit au Canada ou au Royaume-Uni. Certaines propositions dépassent la seule capacité de la Chambre des communes, par exemple la réforme du système des partis ou la modification du système électoral. L’adoption de pratiques provenant d’autres juridictions peut faire l’objet d’une résistance au motif qu’elles ne sont pas conformes aux traditions parlementaires de Westminster. Au Royaume-Uni, la FTPA a été un échec embarrassant, car elle a entraîné la paralysie du gouvernement et ébranlé la crédibilité du Parlement. Au Canada, la résistance à la textualisation des conventions constitutionnelles, que ce soit dans la Loi constitutionnelle de 1867, la Loi sur le Parlement du Canada ou dans un projet de manuel du cabinet, persiste. Le plaidoyer de McGrath en faveur d’une réforme du système des partis n’a eu que peu de résultats.

Comme l’a souligné Margaret Demerieux, lors de l’exercice du vote de confiance, l’intérêt politique personnel reste une considération primordiale. Le gouvernement et l’opposition continueront à « faire de la politique » avec les votes de confiance. Pour réussir, les propositions de réforme doivent chercher un moyen, non pas de dépolitiser le vote de confiance, mais de tempérer sa nature politique.

Proposition de participation du Président

Une autre option consiste à faire participer le Président. Une telle idée est généralement rejetée d’emblée. Marc Bosc et André Gagnon affirment que « ces questions de confiance ne relèvent pas de la procédure parlementaire, pas plus qu’elles ne peuvent être tranchées par le Président21 ». Ils fournissent des références à la jurisprudence d’auteurs tels que Lucien Lamoureux et Peter Milliken.

Cependant, il est clair qu’un mécanisme de responsabilité supplémentaire est nécessaire pour permettre au vote de confiance de mieux obliger les ministres à rendre des comptes. La participation du Président devrait au moins être envisagée comme une option. Même si les questions de confiance sont sans aucun doute des questions politiques et non juridiques, elles ne peuvent pas a priori être considérées comme ne relevant pas de la procédure pour la simple raison qu’elles provoquent du désordre et prennent du temps précieux à la Chambre. Les rappels au règlement sur les questions de confiance manquent d’un arbitre et d’un processus neutres pour les résoudre. Plus important encore, dans sa forme actuelle, le vote de confiance n’est pas accepté par les acteurs concernés. En théorie, les conventions constitutionnelles exigent une telle acceptation.

S’il est vrai que demander aux présidents de prendre des décisions définitives sur les questions de confiance peut à juste titre dépasser les pouvoirs du Président, il serait utile qu’ils puissent au moins donner un avis sur ces questions si l’on veut que les objectifs de la réforme soient plus facilement atteints. Les présidents canadiens ne se sont jamais limités aux questions de procédure. Ils participent activement à l’administration de la Chambre et aux fonctions cérémonielles et représentent le Parlement du Canada lors de conférences internationales et au sein de délégations parlementaires. Ils ont parfois présidé des comités de la Chambre.

L’Accord constitutionnel de Charlottetown de 1992, qui a échoué et qui a été approuvé à l’unanimité par tous les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux, a proposé des idées « hors des sentiers battus » pour tenter de revitaliser le Parlement du Canada. Par exemple, en ce qui concerne sa recommandation de modifier les pouvoirs du Sénat sur la législation relative aux ressources naturelles et aux recettes et dépenses, l’Accord propose de donner au Président de la Chambre des communes le pouvoir d’exercer son jugement pour décider de la classification des projets de loi22. Un tel pouvoir aurait sans aucun doute eu une incidence politique nationale. Le risque de susciter des critiques politiques concernant les décisions du Président a été jugé moins important que l’établissement d’un processus constitutionnel pour la classification des projets de loi.

Cet article propose de confier au Président, par le biais d’un règlement, le soin de statuer sur toutes les questions de procédure relatives au vote de confiance, sous réserve d’un recours devant la Chambre. Ce faisant, le Président s’appuierait sur des lignes directrices relatives à l’exercice de ce pouvoir, similaires aux lignes directrices élaborées pour la voix prépondérante de la présidence. Étant donné que les décisions du Président sur le vote de confiance pourraient être contestées, elles seraient de nature consultative et n’interféreraient pas avec d’autres conventions sur la confiance telles que le pouvoir de dissolution de la Couronne. Les intérêts politiques à l’origine du vote de confiance ne seraient pas touchés de manière irréversible puisque tous les députés seraient libres de faire appel de ces décisions.

Lorsqu’il rend une telle décision, le Président prend en considération divers facteurs, tels que (i) la question de savoir si des élections générales sont justifiées; (ii) les conséquences de la non-application de la convention; (iii) la question de savoir si les motions inscrites au Feuilleton ou les amendements proposés au cours du débat sont des motions de confiance implicites; (iv) la nécessité de protéger le droit de l’opposition de demander des comptes aux gouvernements et le droit des gouvernements de gouverner; et (v) ce qui serait dans l’intérêt de la Chambre des communes en tant que représentante du peuple canadien.

La participation du Président rendrait le vote de confiance plus légitime. Les gouvernements ne peuvent pas déclarer unilatéralement une question de confiance sans l’intervention du Président lorsque des rappels au Règlement sont présentés. Son utilisation à des fins purement politiques serait affaiblie. Les premiers ministres pourraient encore contraindre les députés à soutenir le gouvernement ou faire pression sur l’opposition pour qu’elle fasse des compromis dans ses demandes au cours des négociations législatives, mais pour ce faire, ils devraient défier le Président en cas de décision défavorable. Les lignes directrices publiques élaborées par le Président pourraient mieux expliquer la signification du vote de confiance et contribuer à la compétence civique. La bienséance et l’ordre seraient rétablis lorsque des questions de confiance se posent. Il n’y aurait pas de risque de justiciabilité des tribunaux. En bref, la création d’un tel règlement contribuerait grandement à renforcer la position de la Chambre des communes par rapport au pouvoir exécutif.

Notes

1 Marc Bosc et André Gagnon, dir., « Chapitre 2 : Les législatures et les ministères », La procédure et les usages de la Chambre des communes, 3e éd., 2017.

2 Peter Aucoin, Jennifer Smith et Geoff Dinsdale, Le gouvernement responsable : Éclaircir l’essentiel, éliminer les mythes et explorer le changement, Ottawa, Centre canadien de gestion, 2004, p. 22.

3 R. MacGregor Dawson, The Government of Canada, révisé par Norman Ward, 5e édition, Toronto, Presses de l’Université de Toronto, 1970, p. 18 [traduction].

4 Philip Norton, « The Fixed-term Parliaments Act and Votes of Confidence », Parliamentary Affairs, volume 69, no 1, janvier ٢٠١٦, p. 3-18. Voir également Gary O’Brien, « Origines de la convention de la confiance », Revue parlementaire canadienne, automne 1984, p. 14.

5 Rodney Brazier, Constitutional Practice, Oxford, Clarendon Press, ١٩٨٨, p. ١٧٦-١٧٧ [traduction].

6 Nevil Johnson, Reshaping the British Constitution: Essays in Political Interpretation, New York, Palgrave Macmillan, 2004, p. 103 [traduction].

7 Dawn Oliver, Constitutional Reform in the United Kingdom, Oxford, Oxford University Press, 2003, p. 213-214 [traduction].

8 Philip Norton, « The Fixed-term Parliaments Act and Votes of Confidence », Parliamentary Affairs, volume 69, no 1, janvier ٢٠١٦, p. 3-18 [traduction].

9 Margaret Demerieux, « The Codification of Constitutional Conventions in the Commonwealth Caribbean Constitutions », The International and Comparative Law Quarterly, vol. 31, no 2, avril ١٩٨٢, p. ٢٦٥ [traduction].

10 Philip Norton, « The Fixed-term Parliaments Act and Votes of Confidence », Parliamentary Affairs, volume 69, no 1, janvier ٢٠١٦, p. 3-18 [traduction].

11 F.F. Ridley, « Using Power to Check Power: The need for Constitutional Checks », Parliamentary Affairs, vol. 44, no 4, octobre ١٩٩١, p. ٤٤٢ [traduction].

12 Andrew Heard, « Les conventions constitutionnelles et le Parlement », Revue parlementaire canadienne, vol. 28, no ٢, 2005, p. 22.

13 Sir J.G. Bourinot, How Canada is Governed, 2e edition, Toronto, The Copp, Clark Co., 1895, p. 82-83 [traduction].

14 Débats de la Chambre des communes, 12 février 1923, p. 220.

15 Voir les Débats de la Chambre des communes, 19-28 février 1968, p. 6896-7078. Il a justifié ses actions en affirmant que « ce que le gouvernement traitera comme une question suffisamment importante pour exiger la démission ou la dissolution est, en premier lieu, une question qui relève du gouvernement » [traduction].

16 Franks, The Parliament of Canada, p. 140 [traduction].

17 Débats de la Chambre des communes du Royaume-Uni, 13 septembre 2010.

18 Philip Norton, « The Fixed-term Parliaments Act and Votes of Confidence », Parliamentary Affairs, volume 69, no 1, janvier ٢٠١٦, p. 3-18.

19 Royaume-Uni, House of Lords. Select Committee on the Constitution, A Question of Confidence? The Fixed-term Parliaments Act 2011, 12e rapport de la séance ٢٠١٩-٢٠٢١, HL Paper ١٢١ [traduction].

20 Steven Chaplin, « We should have confidence in the way confidence is working in Parliament », Hill Times, 23 novembre ٢٠٢٠ [traduction].

21 Marc Bosc et André Gagnon, dir., « Chapitre 7 : Le Président et les autres présidents de séance de la Chambre », La procédure et les usages de la Chambre des communes, 3e éd., ٢٠١٧.

22 Canada, Rapport du consensus sur la Constitution (Accord de Charlottetown), texte définitif, Ottawa, 28 août 1992.

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