Réponse des Parlements canadiens à la pandémie de COVID-19
En mai 2020, laRevue parlementaire canadienne a interrogé des greffiers dans l’ensemble des législatures canadiennes,avec l’aide du Centre Samara pour la démocratie. Dans le présent article, l’auteur résume leurs réponses (et fait des mises à jour), de manière à brosser un portrait détaillé de l’état de la démocratie parlementaire au Canada au début de la pandémie, puis à la fin du printemps et au début de l’été. Ce qui en ressort : une adaptation rapide dans certains cas,l’immobilisme dans d’autres cas, et le fait que le personnel législatif a travaillé d’arrache-pied dans toutes les législatures pour s’adapter à la nouvelle réalité logistique et politique. Le plus frappant : les écarts considérables entre les différentes législatures canadiennes. Il y a celles dont les membres n’ont pas siégé du tout depuis que la pandémie nous a frappés,celles qui ont apporté des changements minimes, et celles qui se sont adaptées de façon radicale pour permettre la tenue de délibérations à distance et de délibérations virtuelles.
Mike Morden
Introduction
Lorsque la pandémie est arrivée au Canada, pendant les premières semaines de mars, des milliers de milieux de travail au pays ont subi un changement radical, presque instantané. Le Parlement et les assemblées législatives n’ont pas fait exception.
Les législatures ne ressemblent toutefois pas aux autres milieux de travail. Ce sont des centres de délibération politique et de prise de décisions dont l’importance croît, au lieu de diminuer, en cas de crise. Il est également plus difficile d’y opérer des changements rapides, tant sur le plan pratique que sur le plan philosophique. Les législatures portent le poids de siècles d’usages, de conventions et de traditions. Les règles sont faites pour être durables, de sorte qu’il soit impossible de les manipuler pour tirer des avantages à court terme. La grippe espagnole a entraîné la fermeture des législatures canadiennes pendant des périodes prolongées en 1918 et 1919, mais l’actuelle pandémie est un événement sans précédent, à un point tel que les gouvernements, les Présidents, les greffiers et les députés doivent se débrouiller pour mener leurs activités sans pouvoir se baser sur l’expérience passée.
Bref, la crise même qui a rendu la prise de décisions publiques aussi lourde de conséquences a en même temps rendu la vie législative pratiquement impossible.
Comment les institutions canadiennes ont-elles réagi? En mai 2020, la Revue parlementaire canadienne a interrogé des greffiers dans l’ensemble des législatures canadiennes, avec l’aide du Centre Samara pour la démocratie. Leurs réponses permettent de brosser un portrait détaillé de l’état de la démocratie parlementaire au Canada au début de la pandémie. Ces réponses ont été mises à jour pour tenir compte des changements survenus à la fin du printemps et au début de l’été. Ce qui en ressort : une adaptation rapide dans certains cas, l’immobilisme dans d’autres cas, et le fait que le personnel législatif a travaillé d’arrache-pied dans toutes les assemblées législatives pour s’adapter à la nouvelle réalité logistique et politique.
Le plus frappant : les écarts considérables entre les différentes législatures canadiennes. Il y a celles dont les membres n’ont pas siégé du tout depuis que la pandémie nous a frappés, celles qui ont apporté des changements minimes, et celles qui se sont adaptées de façon radicale pour permettre les délibérations à distance et les délibérations virtuelles.
Confinement : réagir à l’arrivée de la pandémie
Le 11 mars, l’Organisation mondiale de la santé a qualifié l’épidémie de pandémie mondiale. Au cours de la même semaine, les infections à la COVID-19 ont commencé à se multiplier en Amérique du Nord et les écoles et les entreprises ont commencé à fermer leurs portes. Dès la semaine du 16 mars, de nombreuses régions du pays avaient mis en place des ordonnances de santé publique ou étaient sur le point de le faire, ce qui a considérablement freiné les déplacements des Canadiens et les interactions entre ces derniers. Les législatures se trouvaient dans différentes situations au moment du confinement, ce qui s’est transposé dans les décisions qu’elles ont prises concernant la suite des choses.
La Nouvelle-Écosse, l’Île-du-Prince-Édouard et le Nunavut ne siégeaient pas à la mi-mars. La Nouvelle-Écosse et le Nunavut venaient de terminer leurs séances et avaient adopté leurs budgets, tandis que les députés de l’Île-du-Prince-Édouard n’avaient pas encore siégé en 2020. Ces trois administrations ont prolongé l’interruption en cours pour une période indéterminée.
La plupart des autres législatures ont suspendu ou rapidement mis fin à leur séance du printemps. La plupart (l’Ontario, la Colombie-Britannique, le Manitoba, le Nouveau-Brunswick, Terre-Neuve-et-Labrador, la Chambre des communes et le Sénat) ont repris leurs travaux pour tenir des séances d’urgence d’une journée plus tard au mois de mars, puis en avril. C’est l’Assemblée législative de l’Alberta qui a maintenu les délibérations les plus typiques. De fait, ses députés ont continué de se réunir, mais il y avait des limites quant au nombre de députés pouvant être présents et l’horaire des séances a été modifié.
Jours de séance et délibérations
On a observé une grande diversité en ce qui concerne la fréquence à laquelle les législatures canadiennes se sont réunies pour poursuivre leurs travaux depuis le début de la pandémie. L’Alberta est, de loin, l’Assemblée législative qui a tenu le plus grand nombre de séances pendant le printemps et l’été. Les assemblées législatives de la Nouvelle-Écosse et du Nunavut n’ont pas siégé au cours des cinq mois qui ont suivi la déclaration de pandémie. Bon nombre de législatures ont tenu une ou plusieurs séances d’une journée en mars et en avril afin d’adopter des mesures de soutien et des mesures d’urgence. Plusieurs assemblées législatives provinciales, de même que l’Assemblée législative des Territoires du Nord-Ouest, ont recommencé à siéger de façon un peu plus régulière à compter du mois de mai ou de juin.
Tout comme les séances en chambre qui étaient au départ épisodiques et irrégulières, au moins une partie des travaux des comités se sont poursuivis tout au long de la période de pandémie ou ont recommencé à la fin du printemps et au début de l’été dans presque toutes les législatures. L’éventail de travaux de comités qui a pu se poursuivre varie d’une administration à l’autre, et a généralement connu une hausse à compter de la fin du printemps. À la Chambre des communes, par exemple, le Comité permanent des finances et le Comité permanent de la santé ont été autorisés à tenir des réunions à distance pour la première fois à la fin du mois de mars. En avril, quatre autres comités ont pu reprendre leurs travaux à distance et l’éventail de travaux des comités a été élargi de nouveau à la fin du mois de mai. La Nouvelle-Écosse constitue encore une fois un cas notable à cet égard parce que seul le Comité des ressources humaines, qui doit tenir une réunion mensuelle aux termes de la loi, s’est réuni dans les cinq mois qui ont suivi le début de la pandémie.
Dans certains cas, des comités spéciaux ont aussi été créés, que ce soit pour permettre un examen approfondi des mesures prises par le gouvernement, ou pour permettre aux partis d’opposition de participer dans une certaine mesure à la prise de décision du gouvernement. Dans cette dernière catégorie, le Nouveau-Brunswick et Terre-Neuve-et-Labrador ont créé à l’extérieur de leur assemblée législative des comités spéciaux comprenant les chefs des partis d’opposition. À la Chambre des communes, un Comité spécial sur la pandémie de la COVID-19 a été créé à la fin du mois d’avril. Au cours de ses réunions, il y a eu des échanges virtuels et présentiels ressemblant à la période des questions. De même, au Québec, l’Assemblée nationale a autorisé les toutes premières réunions de comité virtuelles pour permettre aux députés provinciaux de poser des questions aux ministres.
Les cérémonies parlementaires ont été en grande partie maintenues, avec certains ajustements. Toutes les législatures qui siégeaient au début de la période de pandémie l’ont fait en maintenant la masse à sa place habituelle. Le cortège du Président a eu lieu dans la plupart des cas, mais il a été omis en Ontario lors des premières séances d’urgence avant d’être rétabli, et il a été simplifié ailleurs. D’autres ajustements ont aussi été apportés aux cérémonies. Au Yukon, par exemple, la commissaire a accordé la sanction à des projets de loi sans la présence habituelle de ses assistants.
Les perturbations provoquées par la pandémie ont été parfois profondes, parfois banales. Par exemple, les législatures ont revu leur manière de distribuer aux députés des documents comme les projets de loi, les motions ou le Feuilleton et Feuilleton des avis. Certaines législatures ont tout simplement arrêté de distribuer des documents directement aux députés à leur pupitre ou ont exigé que les députés euxmêmes fournissent un nombre restreint de copies papier au Bureau. Au Nouveau-Brunswick, les documents papier ont été interdits; tous les documents sont distribués par voie électronique. Au Québec, l’Assemblée nationale a lancé un système électronique de classification des documents à la fin du mois de mai, lorsqu’elle a recommencé à siéger de manière plus régulière.
Maintenir l’équilibre entre la sécurité et la participation_: le problème de la distanciation physique
Lors des dernières séances régulières et des séances d’adaptation à la pandémie qui ont suivi, il a fallu tenir compte d’un problème logistique fondamental : la plupart des assemblées législatives ne sont pas assez grandes pour permettre une distanciation suffisante entre les députés de manière à respecter les lignes directrices de la santé publique. Les législatures ellesmêmes ont dû sabrer leurs équipes d’employés. Dans certains cas, les changements ont été radicaux. Des législatures, par exemple, ont décidé de retirer les pages et de fonctionner avec un moins grand nombre de greffiers et de sténographes parlementaires qu’à la normale. La gestion de la distanciation physique entre les députés, cependant, est un problème beaucoup plus délicat.
Pour respecter les lignes directrices de distanciation physique à la fin de la session du printemps écourtée, le Yukon a instauré un nouveau plan de salle plaçant certains députés dans la tribune publique (qui avait été fermée au public). L’Assemblée législative de l’Île-du-Prince-Édouard a également réussi à accueillir tous les députés en modifiant son plan de salle. La plupart des législatures qui ont tenu des séances pendant cette période, cependant, ont fixé des limites quant au nombre de députés pouvant être présents. Les décisions à cet égard ont principalement été prises par les leaders parlementaires, mais ces derniers ont consulté les responsables de la santé publique afin de déterminer combien de députés pouvaient siéger simultanément en toute sécurité.
Limiter l’accès des députés aux législatures, alors qu’ils ont tous été dûment élus pour représenter leur collectivité et leurs électeurs, comptait parmi les adaptations les plus controversées auxquelles les législatures ont dû procéder. Le nombre restreint de sièges occupés devait être partagé entre les partis, ce qui a nécessité des négociations entre les leaders parlementaires. Dans la plupart des cas, un consensus a été dégagé quant à la manière de procéder (le nombre restreint de députés correspondant grosso modo à la distribution des sièges). Ce n’est toutefois pas une vérité universelle.
Lors de certaines séances réduites, l’opposition était légèrement surreprésentée, ce qui découlait d’une entente et ne modifiait en rien le risque d’incidence sur les travaux. En Ontario, par exemple, le gouvernement a siégé avec une majorité symbolique d’un député de plus que les partis de l’opposition combinés pendant les premières séances d’urgence d’une journée, alors qu’il détenait environ six sièges sur dix à l’Assemblée législative. En Saskatchewan, le gouvernement a siégé avec la majorité absolue (dix sièges, alors que l’opposition en comptait cinq), ce qui était tout de même moins que la majorité de sièges qu’il détient à l’Assemblée législative. Certains arrangements étaient plus complexes. À l’Assemblée nationale du Québec, par exemple, une motion a été adoptée afin d’établir une répartition proportionnelle des députés lors de la plupart des délibérations en chambre, et d’autres dispositions ont été prises pour la période des questions, au cours de laquelle les partis de l’opposition ont gagné des députés aux dépens de ceux du gouvernement.
On a laissé aux caucus et aux dirigeants des partis le soin de décider quels députés devaient être présents. Comme pour la plupart des décisions prises à l’interne par les caucus, les motifs retenus pour choisir quels députés seraient présents demeurent, dans la plupart des cas, un secret bien gardé. Le sondage réalisé par la Revue parlementaire canadienne fait toutefois la lumière sur cette question. En Ontario, par exemple, les partis ont choisi qui inclure en tenant compte d’une panoplie de considérations. Ils ont choisi les députés en tenant compte de ceux dont la présence était pertinente dans le cadre des délibérations (p. ex. ministres, adjoints parlementaires, porte-parole), de considérations régionales (un parti s’est expressément assuré que chaque région était représentée, tandis qu’un autre parti a principalement choisi des députés pouvant facilement se rendre à Toronto), de l’état de santé des députés eux-mêmes et de leurs responsabilités familiales. Cette description donne à penser que dans certains partis, il y a eu un certain consensus, ou du moins des critères acceptés pour faire un choix entre les différents députés.
Parallèlement, les prises de décisions internes quant aux députés pouvant être présents à la Chambre des communes ont suscité une certaine controverse lorsque le député conservateur Scott Reid s’est plaint publiquement d’être exclu, et donc de vivre de l’interférence entravant sa capacité d’exercer ses droits et d’assumer ses responsabilités en tant que parlementaire. Il a occupé son siège lors d’une séance d’urgence d’une journée, ce qui allait à l’encontre des directives de son parti.
Quoi qu’il en soit, le résultat est inconfortable : la vaste majorité des législateurs n’ont pas été pris en compte dans la plupart des votes qui se sont tenus pendant la pandémie. La Colombie-Britannique, la seule assemblée législative à avoir permis le vote à distance pour les affaires en chambre, est une exception que nous examinerons plus loin. L’Assemblée nationale du Québec offre un autre modèle unique. Un décret spécial adopté au début du mois de mai a permis de mettre en place un processus de vote par procuration en bloc, grâce auquel les chefs des partis ont pu voter au nom de l’ensemble des membres de leur caucus. Tous les députés appartenant à ces groupes parlementaires, y compris ceux qui n’étaient pas présents, étaient ainsi inscrits comme ayant voté.
Virage virtuel? La technologie au service des parlements en temps de pandémie
Les ordonnances de santé publique et le manque d’espace physique ont restreint la participation, mais la technologie a offert des solutions pour l’élargir de nouveau. Les législatures canadiennes ont tiré profit de la technologie, ici aussi, à des niveaux très variables.
Au Canada, c’est l’Assemblée de la Colombie-Britannique qui s’est le plus rapprochée d’un parlement virtuel en temps de pandémie. Les délibérations virtuelles hybrides de la chambre ont été lancées à la fin du mois de juin. Il y avait jusqu’à 24 députés présents en chambre; les autres députés prenaient part aux délibérations par vidéoconférence. En vertu d’ordres sessionnels, qui devaient au départ arriver à échéance à la fin d’août, les députés présents virtuellement étaient pris en compte dans le calcul du quorum et pouvaient voter par appel nominal. La procédure et la période de vote ont été modifiées pour permettre aux députés d’y participer en ligne et en personne. La chambre virtuelle hybride a tenu des séances les lundis, mardis et mercredis; les jeudis et vendredis, le Comité des subsides a tenu des réunions entièrement virtuelles toute la journée. D’autres législatures envisagent la mise en place de chambres virtuelles permettant le vote à distance pour l’automne et l’hiver (c’est la solution prônée par le Comité de la procédure et des affaires de la Chambre, notamment), mais, au moment d’écrire ces lignes, nulle autre ne l’a encore fait.
Plusieurs législatures ont toutefois autorisé la participation à distance pour les travaux des comités. La Colombie-Britannique, le Québec et les Territoires du Nord-Ouest ont ouvert la voie en passant rapidement à des réunions à distance à la fin du mois de mars et en avril. D’autres législatures ont ensuite autorisé leurs comités à en faire autant (en adoptant un modèle entièrement virtuel ou en adoptant un modèle hybride avec des membres présents physiquement et d’autres présents par vidéoconférence). Le Comité spécial sur la pandémie de la COVID-19 de la Chambre des communes, dont tous les députés sont membres, a mené ses activités tant en personne que virtuellement (y compris lors d’échanges ressemblant à la période des questions au cours desquelles les membres ont pu poser des questions aux ministres). La participation à distance a également été autorisée lorsque la Chambre des communes a tenu des séances à plusieurs reprises pendant l’été, après s’être constituée en comité plénier.
Les greffiers ont signalé peu d’obstacles logistiques majeurs. La Chambre des communes et le Sénat ont adapté leurs outils technologiques dans une version de Zoom pour abonnés, qui permet l’interprétation simultanée, de même qu’une sécurité accrue et des contrôles pour l’Administration de la Chambre et l’Administration du Sénat. Des tests de connexion sont effectués pour les députés, les sénateurs et les témoins immédiatement avant le début des réunions de comité. Des mesures de protection et de soutien ont été mises en place pour régler les inévitables pépins. Par exemple, au Yukon, si un député éprouve des problèmes avec sa connexion vidéo, le greffier du comité le connecte immédiatement aux délibérations par téléconférence. Les services législatifs, comme ceux offerts par les bibliothèques et les équipes de soutien à la recherche, se font dorénavant en grande partie à distance, mais ils sont toujours offerts aux députés, sans exception.
Une adaptation technologique a également été requise pour le travail dans les circonscriptions. De fait, l’arrivée de la pandémie a entraîné une hausse importante des demandes d’aide de la part des électeurs. Tout d’abord pour rapatrier les proches coincés à l’étranger, puis pour s’y retrouver dans la foule de nouveaux programmes et de nouvelles mesures d’aide. La plupart des députés et des employés de circonscription ont dû répondre à ces demandes de la maison, sans accès immédiat aux ressources auxquelles ils font généralement appel au bureau. Le Nouveau-Brunswick, Terre-Neuve-et-Labrador, la Saskatchewan et la Chambre des communes ont indiqué avoir élaboré des lignes directrices pour veiller à ce que les pratiques de travail soient sûres, de même que pour que le travail de circonscription se fasse dorénavant en ligne. Plusieurs législatures se sont également procuré des licences de plateformes de vidéoconférence pour les utiliser dans les circonscriptions. En fin de compte, cependant, les députés disposent d’une grande latitude (et assument de lourdes responsabilités) en ce qui concerne la gestion des services offerts dans leur circonscription.
Allons-nous franchir incessamment une autre étape en ce qui concerne les délibérations virtuelles? Il est difficile de le prédire. Les différentes législatures semblent avoir évalué différemment les éventuels défis logistiques et constitutionnels. Par exemple, les greffiers de l’Ontario signalent de possibles obstacles constitutionnels, notamment l’exigence relative au quorum pour la Chambre des communes fédérale, qui requiert la « présence » d’un nombre défini de membres. L’Assemblée législative de la Colombie-Britannique a exercé son autonomie sur ses procédures internes et a déterminé à l’unanimité ce qu’elle considère être la présence de ses membres à ses délibérations et comment elle le fait. Le Comité de la procédure et des affaires de la Chambre a d’ailleurs conseillé à la Chambre des communes d’en faire autant. Plusieurs législatures signalent que des députés ont soulevé des préoccupations à propos de l’accès équitable aux services à large bande dans les régions rurales et éloignées, de même qu’à propos de l’inégalité de l’accès à la technologie entre les députés. Or, les deux législatures qui ont le plus facilité la participation à distance, c’est-à-dire l’Assemblée législative de la Colombie-Britannique et la Chambre des communes, ont passablement bien relevé ces défis jusqu’à maintenant. Une autre inquiétude soulevée par les députés : le risque que le passage à la participation à distance, même en temps de pandémie, n’érode l’engagement mutuel de se réunir en personne dans des circonstances normales.
Mais les greffiers interrogés s’accordent à dire que, quoi qu’il arrive ensuite, les décisions concernant les procédures virtuelles appartiennent aux membres eux-mêmes – et ces décisions peuvent être dictées par les événements. Si les vagues subséquentes d’infection prévues nous frappent bel et bien (en fait, au moment de rédiger ce numéro, ces vagues ont déjà fait leur apparition dans différentes régions), la question de la participation à distance pourrait susciter un regain d’intérêt au sein des législatures.
Conclusion : l’histoire en temps réel
Six mois après le début de cette pandémie séculaire, les législatures du Canada présentent un portrait confus. Elles ont sensiblement eu les mêmes défis à relever, mais elles en sont arrivées, à certains égards, à des réponses diamétralement opposées. Ayant mis en place les procédures virtuelles les plus étendues, la Colombie-Britannique se trouve à une extrémité du spectre de l’innovation (du moins dans le contexte canadien – de nombreuses autres législatures internationales avaient institué des dispositions similaires.) À l’autre extrémité du spectre : l’Alberta, qui a favorisé le maintien du statu quo depuis le début et qui a été considérablement plus active que toutes les autres législatures au pays. Finalement, des assemblées législatives comme celle de la Nouvelle-Écosse ont essentiellement été mises en veilleuse. Il est toutefois irréaliste de croire que cette stratégie peut s’échelonner sur l’ensemble de la période de pandémie.
Une chose est sûre : nous ne connaissons pas encore la fin de l’histoire. La pandémie est bien présente, mais nous ne connaissons pas son évolution, sa trajectoire et sa durée. Les législatures qui ont évité les séances du printemps sont maintenant confrontées à un problème comparable pour l’automne et l’hiver. Comme la pandémie perdure, il est hautement probable que l’on misera sur davantage d’innovations de toutes sortes. Le fait que la question du fonctionnement est devenue polarisée à certains endroits complique toutefois passablement les choses. À la Chambre des communes, par exemple, le gouvernement et l’opposition officielle semblent actuellement se trouver dans une impasse. De fait, les libéraux prônent un élargissement des délibérations virtuelles, tandis que les conservateurs veulent des changements qui rendraient possibles des séances en personne avec un plus grand nombre de députés.
Les législatures observent d’innombrables usages, coutumes et conventions. Il n’existe cependant aucun manuel qui explique comment affronter une crise d’une telle ampleur et les différents obstacles qui s’y rattachent. Ces assemblées particulières ressortiront d’une bien étrange façon dans les annales de l’histoire parlementaire du Canada. Or, même si elles ne peuvent pas mener leurs activités comme elles le feraient normalement, elles peuvent continuer d’assumer leurs responsabilités vitales de leadership public. Dans le cadre des décisions qui ont été prises jusqu’à maintenant, tout comme celles qui viendront, les dirigeants et le personnel législatif se voient forcés de déterminer ce qui peut être modifié, ce qui peut être adapté à une période unique et ce qui est tout simplement immuable.
Nombre de jours de séance, du 16 mars au 1er septembre 2020 |
||
Chambre des communes |
14 |
Séances épisodiques d’une à trois journées |
Sénat |
12 |
Séances d’une journée, séance de deux semaines en juin |
Colombie-Britannique |
21 |
Séance d’une journée en mars, séances semi-régulières de juin à août |
Alberta |
58 |
Séances semi-régulières de mars à août |
Saskatchewan |
17 |
Ajournement le 18 mars, séances semi-régulières de la mi-juin au début du mois de juillet |
Manitoba |
9 |
Séance d’une journée en avril, une journée de séance par semaine en mai |
Ontario |
23 |
Séances d’une journée en mars et en avril, deux jours par semaine de la mi-mai au mois de juin, trois jours par semaine en juillet |
Québec |
13 |
Trois jours par semaine de la fin mai à la mi-juin |
Nouveau-Brunswick |
11 |
Trois jours par semaine de la fin mai au mois de juin |
Nouvelle-Écosse |
0 |
|
Île-du-Prince-Édouard |
28 |
Séances régulières de la fin mai au début du mois de juillet |
Terre-Neuve-et-Labrador |
9 |
Séances d’une journée en mars et en mai, séance de deux semaines en juin |
Yukon |
4 |
Aucune séance après le 19 mars |
Territoires du Nord-Ouest |
15 |
Séances semi-régulières de la fin mai à la mi-juin |
Nunavut |
0 |