Sur les rayons

Article 12 / 15 , Vol 43 No. 1 (Printemps)

Sur les rayons

Government Information in Canada: Access and Stewardship. Amanda Wakaruk et Sam-chin Li, dir.Edmonton, University of Alberta Press, 376 p.

L’été dernier, lorsque la Nouvelle-Écosse a accueilli la conférence annuelle de l’Association parlementaire du Commonwealth (Région canadienne), j’ai travaillé au bureau d’information. Il y avait des périodes creuses, alors j’ai entrepris de lire Government Information in Canada: Access and Stewardship, publié sous la direction d’Amanda Wakaruk et de Sam-Chin Li. Il s’agit d’un sujet qui m’intéresse beaucoup en tant que professionnel de l’information, et j’ai fini par être complètement absorbé par ma lecture. Certains délégués me demandaient quel était le livre qui me captivait autant et je crois que je les ai déçus lorsque je leur ai montré la couverture. Pourtant, ils n’auraient pas dû être déçus.

Vous vous dites sûrement : « Je comprends pourquoi ce genre de livre peut intéresser un bibliothécaire, mais pourquoi devrait-il intéresser un parlementaire? Qu’est-ce que je pourrais en tirer? »

Dans une démocratie, l’accès public à l’information n’est pas un souhait, c’est une nécessité. J’en ai pris véritablement conscience il y a quelques années lorsque j’ai participé à une visite à vélo des pays baltes organisée par des bibliothécaires pour des bibliothécaires. Nous sommes allés de bibliothèque en bibliothèque en parcourant à vélo l’arrière-pays de la Lituanie, de la Lettonie et de l’Estonie. Pendant tout le circuit, les quelque 80 bibliothécaires ont été traités avec beaucoup d’égards par la population et par les politiciens. Les gens chantaient nos louanges partout où nous allions. Partout, les gens applaudissaient à notre passage et on déroulait pour nous le tapis rouge; à plusieurs reprises, la police nous a escortés. La population des pays baltes, longtemps soumise au joug soviétique, n’avait pas la liberté d’information et la liberté d’accéder à l’information. Elle comprend la nécessité de l’accès à l’information en démocratie. Dans cette région du monde, on ne ferme pas de bibliothèques, on en ouvre de nouvelles et on s’assure que toute la population a accès à l’information dont elle a besoin. En bref, les gens réalisent la valeur durable de l’accès à l’information gouvernementale – un des principaux objectifs du livre en question.

Ce livre vous aidera, en tant que parlementaire, à comprendre comment et pourquoi les bibliothèques conservent et archivent l’information gouvernementale au profit des générations actuelles et futures. Ces efforts contribuent à assurer le fonctionnement de la démocratie pour les années à venir. Comme les personnes qui ont contribué au livre sont toutes des bibliothécaires qui ont travaillé dans le domaine et que leurs commentaires sont fondés sur des années d’expérience et d’apprentissage, les parlementaires bénéficieront d’un récit de première main donnant un aperçu des défis et des problèmes vécus par les bibliothécaires dans leur rôle d’intendance. Le lecteur apprend aussi quelles sont les menaces réelles qui guettent la conservation de l’information gouvernementale et l’accès à cette dernière.

Il n’est peut-être pas utile pour les parlementaires de lire tout le livre. En revanche, certaines parties méritent leur attention. Dans le reste de ma critique, je vais aborder les chapitres qui, selon moi, pourraient être utiles aux parlementaires.

Le premier chapitre examine l’état des systèmes de dépôt gouvernementaux au Canada, autant au niveau fédéral qu’au niveau provincial, et repose sur une enquête menée par trois bibliothécaires d’université qui travaillent dans le domaine. Ce chapitre sert de fondement et jette les bases du reste du livre. Il donne un aperçu objectif de la situation actuelle au Canada et il indique clairement quelles provinces ont des programmes de dépôt et de dépôt légal et lesquelles n’en ont pas.

Le chapitre trois a aussi été écrit par une bibliothécaire qui travaille sur le terrain; il est axé sur la Bibliothèque du Parlement et il aborde la question des règles et des règlements au Parlement avant d’analyser les endroits où trouver l’information parlementaire. Le tableau qui suit l’évolution de la question du contrôle des armes à feu au moyen des archives parlementaires intéressera particulièrement les parlementaires. Les autrices montrent l’évolution du contrôle des armes à feu depuis les déclarations faites le 7 décembre 1989 dans la foulée de la fusillade survenue à l’École polytechnique de Montréal jusqu’à l’adoption de la Loi sur la délivrance simple et sécuritaire des permis d’armes à feu en 2015.

Les chapitres suivants abordent respectivement la situation en Alberta, en Saskatchewan et en Ontario. Pour les parlementaires, la fin de chacun de ces chapitres sera particulièrement intéressante, puisqu’il y est question des défis des gouvernements ouverts et de l’information numérique, notamment en ce qui a trait à la conservation et à l’accès. Par exemple, certains gouvernements décident de ne pas publier des documents au format PDF. Même si ce format est aujourd’hui facilement accessible, qu’en sera-t-il dans le futur? Les bibliothécaires et les services de conservation doivent décider des documents à conserver et de la façon de les conserver pour les générations futures. Par le fait même, ils doivent convenir de ce qu’est un document. Comment trouver ces documents? Les services de conservation devraient-ils convertir ces documents vers un autre format? Comment archiver ces documents? Jusqu’à quand ces formats seront-ils utilisés? Devrait-on, au fil du temps, convertir les documents vers les formats du moment? Quel est le risque de perdre le document pour toujours?

Les trois derniers chapitres sont tournés vers l’avenir et traitent de la nécessité de la compréhension et de la collaboration pour que les générations futures aient accès aux informations gouvernementales essentielles. Les chapitres 10 et 11 sont particulièrement révélateurs et méritent une lecture attentive.

« Au cours des deux dernières décennies, la bibliothéconomie de l’information gouvernementale nous a appris que l’information gouvernementale au format électronique est beaucoup plus précaire que ne l’a été l’information au format papier pendant les cent dernières années. [Traduction] » (p. ٢٧٥)

Dans le chapitre 10, les auteurs soulignent qu’

« il est plus facile de trouver et de lire le rapport d’un arpenteur sur les terres autochtones présenté au gouvernement du Canda et publié en ١٨٩٧ que de trouver et de lire un document de recherche universitaire présenté à la Commission royale sur les peuples autochtones […] en ١٩٩٧ [traduction] » (p. ٢٧٦).

Afin de montrer les problèmes liés à la conservation, les auteurs utilisent un exemple tiré de la Commission Romanow sur l’avenir des soins de santé au Canada. « Les transcriptions et […] les documents présentés par les intervenants ne sont plus dans le site Web de Santé Canada. [Traduction] » Ils ont appris qu’il existait un seul exemplaire de ces documents, sur un CD dans le tiroir d’un fonctionnaire fédéral. Lorsqu’ils ont interrogé cet employé, il a répondu que personne ne s’intéressait à ces documents. Heureusement, grâce à la collaboration de Bibliothèque et Archives Canada, ces documents ont pu être sauvés. Un autre exemple est le retrait du journal vidéo de Stephen Harper et des publications qu’il faisait au quotidien. Ces documents ont une valeur probante et ils devraient être conservés comme il se doit. Ces constats sont choquants et les parlementaires peuvent aider à redresser la situation. À la lecture de l’annexe 10.1, qui comprend une proposition et un appel aux partenariats, et de l’annexe 10.2, qui présente une résolution concernant l’accès à l’information du gouvernement fédéral, les parlementaires saisiront l’importance de cette question, les défis liés à la conservation de l’information gouvernementale et la nécessité de rendre ces informations accessibles.

Une autre révélation stupéfiante des derniers chapitres est qu’

« on peut penser que davantage d’information gouvernementale est produite au format électronique chaque année que l’ensemble des deux ou trois millions d’éléments d’information gouvernementale accumulés au format non numérique dans le cadre du FDLP (Federal Deposit Library Program des États-Unis) depuis 200 ans [traduction] » (p. 305).

Le contexte est comparable au Canada.

Les auteurs travaillent tous dans le secteur de l’information gouvernementale; ce ne sont pas des universitaires. Comme ce livre repose sur leurs expériences concrètes et leurs observations, c’est un incontournable pour tous ceux qui s’intéressent à l’information gouvernementale au Canada, notamment à sa diffusion, à son accessibilité et à sa conservation. Le livre donne un aperçu historique de la façon dont l’information gouvernementale a été traitée dans le passé et de la façon dont elle est traitée au XXIe siècle. Il présente des problèmes réels, ainsi que des solutions potentielles, qui existent présentement.

Si vous avez lu cette « critique » jusqu’ici, j’espère que je vous aurai convaincu de l’importance d’au moins parcourir les parties du livre qui portent sur la situation actuelle de l’information gouvernementale au Canada. En résumé, l’heure est grave pour l’information gouvernementale. Les parlementaires peuvent contribuer à résoudre certains des problèmes, à condition de comprendre la situation. Ce livre peut vous aider à y arriver.

David McDonald

Bibliothécaire législatif,
Assemblée législative de la Nouvelle-Écosse

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