Le regroupement de projets de loi, c’est-à-dire la réintroduction, sans aucune modification, de toutes les dispositions de fond d’un projet de loi dans un autre projet de loi, a été utilisé à plusieurs reprises par le gouvernement durant la 1re session de la 42e législature. Dans cet article, l’auteur fait remarquer que cette façon de présenter un programme législatif est quelque peu inhabituelle et qu’elle mérite d’être examinée plus à fond du point de vue de la planification législative. Il explique que, même si le fait de fusionner ou de regrouper des questions connexes en un seul projet de loi maximise l’efficacité, le dépôt d’un projet de loi du gouvernement entraîne une myriade de conséquences juridiques et pratiques dépassant le Sénat et la Chambre des communes, dont certaines sont amplifiées lorsque les projets de loi sont regroupés. L’auteur soutient que la tendance récente à regrouper les projets de loi est liée à la prise de conscience du temps limité prévu dans le calendrier législatif entre les élections. Toutefois, si le regroupement de projets de loi devient une pratique plus courante dans l’avenir, il y aurait lieu de se pencher sur certaines questions relatives à la prévisibilité et à la cohérence du programme législatif.
Introduction
Les lecteurs passionnés de textes de loi doivent ressentir une forte impression de déjà vu lorsqu’ils parcourent les projets de loi déposés durant la 1re session de la 42e législature. Par exemple, on pourrait comparer le projet de loi C-75 à une poupée russe : il renferme les modifications au Code criminel proposées dans les projets de loi C-28, C-38 et C-39, ce dernier contenant déjà les modifications législatives proposées dans le projet de loi C-32. Pourtant, le projet de loi C-75 n’est pas un cas isolé : le projet de loi C-71, qui porte sur les armes à feu, contient les dispositions du projet de loi C-52; le projet de loi C-62, qui traite de l’emploi dans le secteur public, comporte les propositions des projets de loi C-5 et C-34; le projet de loi C-44, qui met en œuvre des dispositions du budget, englobe le projet de loi C-43; et le projet de loi C-76, portant sur les élections, renferme les mesures provenant du projet de loi C-33.
Il arrive souvent qu’un gouvernement regroupe des mesures législatives présentées antérieurement lorsqu’il dépose des projets au cours d’une nouvelle session ou législature1; or, il est plus rare qu’un gouvernement restructure des propositions législatives durant la même session sans y apporter de modifications2. Certes, le gouvernement en place est libre de structurer son programme législatif comme bon lui semble en vue de le présenter au Parlement, mais la pratique consistant à reproduire en bloc des dispositions d’un projet de loi dans un autre au cours de la même session parlementaire appelle un examen plus approfondi du point de vue de la planification législative.
Le présent article traite tout particulièrement de la situation où toutes les dispositions de fond d’un projet de loi sont incorporées sans modification dans un autre projet de loi3. Il faut faire la distinction entre cette situation unique et les cas où certaines parties d’un projet de loi sont présentées de nouveau dans un autre projet de loi pendant la même session. Prenons l’exemple d’un projet de loi qui a été déposé lors de la 41e législature, soit le projet de loi C-31, Loi visant à protéger le système d’immigration du Canada, qui comportait des parties du projet de loi C-4, Loi visant à empêcher les passeurs d’utiliser abusivement le système d’immigration canadien. Il est important de noter que seulement certaines dispositions du projet de loi C-4 ont été incorporées dans le projet de loi C-31 sans modification, alors que d’autres ont été modifiées4. Il est possible qu’au fil de l’évolution des politiques d’un gouvernement, il devienne nécessaire d’ajouter de nouvelles mesures qui renferment certaines dispositions présentées antérieurement5
Planification législative : vue d’ensemble
Il va sans dire qu’aucun projet de loi du gouvernement n’est déposé au Parlement sans une planification rigoureuse6. Tout d’abord, un gouvernement doit sélectionner lesquelles de ses politiques exigeant l’adoption d’une loi il présentera, puis décider à quel moment le projet de loi sera déposé ainsi que dans quelle chambre et sous quelle forme (p. ex. mesure autonome, ou intégrée dans une loi d’exécution du budget). Il doit également prévoir la manière dont il fera adopter la loi au Parlement, en se penchant notamment sur la sélection des comités chargés d’étudier le projet de loi, sur la question de savoir s’il faut soumettre le projet de loi à un comité avant ou après la deuxième lecture à la Chambre, ou s’il faut le soumettre à un examen préalable par le Sénat. Il doit aussi prendre en considération les conséquences parlementaires éventuelles, comme l’application du nouvel article 69.1 du Règlement de la Chambre qui permet au Président de diviser les questions d’un projet de loi omnibus aux fins du vote.
Cette tâche, qui est déjà ardue, se complique par l’imprévisibilité absolue du Parlement et la nature de la gouvernance. Un gouvernement qui a établi ses priorités législatives peut se voir contraint de mettre ces priorités en suspens pour légiférer rapidement par suite d’une décision inattendue d’un tribunal ou parce qu’une loi forçant le retour au travail doit être adoptée dans les plus brefs délais. Le caucus du gouvernement peut aussi perdre de nombreuses heures ou jours de débat en raison de manœuvres procédurales exigées à court préavis7 ou de circonstances tout à fait imprévisibles8.
En l’absence d’une planification minutieuse, il se peut que le temps à la Chambre soit gaspillé et que le projet de loi du gouvernement ne soit pas suffisamment débattu ou en mesure de franchir toutes les étapes du processus législatif avant la dissolution du Parlement. D’ailleurs, dans certains cas, un gouvernement peut décider, même si son programme pourrait être exécuté par une loi, qu’il existe une meilleure façon d’utiliser le temps au Parlement à l’égard d’une question donnée9.
L’impact potentiel de l’échec d’une loi gouvernementale dépasse largement les questions d’embarras politique ou parlementaire. Une question de confiance non adoptée peut entraîner la chute d’un gouvernement et déclencher des élections. Les crédits en souffrance pourraient devoir être corrigés au moyen d’un mandat spécial du gouverneur général pour assurer la poursuite du financement de services essentiels et le versement de prestations au titre de la Sécurité de la vieillesse, par exemple10. Concrètement, l’échec d’une mesure législative peut représenter la rupture d’une promesse électorale, qui devient plus tard un enjeu de campagne et une épine dans le pied du parti au pouvoir. Cela dit, tous les projets de loi du gouvernement ne sont pas présentés dans l’optique d’être adoptés11. Cependant, chacun représente un investissement de temps et de ressources aux frais des contribuables, qu’il s’agisse de rédacteurs législatifs, de jurilinguistes, de conseillers en politiques ou de rédacteurs de communiqués de presse, qui doivent vanter chaque projet de loi comme l’apothéose de l’excellence législative.
Bien entendu, la planification législative ne se fait pas en vase clos. De nombreux facteurs peuvent influencer le contenu de la loi et le calendrier connexe, comme le temps qu’il faudra pour élaborer un règlement – possiblement en consultation avec les provinces – afin qu’un régime législatif soit pleinement opérationnel. En outre, la législation pourrait devoir respecter un engagement international avant une date donnée ou réagir à certains événements internationaux qui peuvent également être très imprévisibles12. De plus, il se peut qu’on ait délibérément choisi d’inclure dans certains projets de loi des dispositions qui, autrement, sembleraient créer d’étranges alliances13.
De plus, la planification législative se recoupe avec la politique, et parfois d’une manière assez inconfortable. Les gouvernements minoritaires se demandent souvent si l’inclusion de certaines mesures dans leur législation ne risque pas d’entraîner la défaite de leur parti14. Or, même les gouvernements majoritaires doivent se demander si et quand le caucus au pouvoir devra voter sur une question susceptible de créer des divisions et d’avoir des conséquences électorales pour certains membres15. C’est là que la stratégie parlementaire et politique est souvent pleinement exposée – comme lorsqu’un gouvernement semble orchestrer l’absence de certains de ses membres lors d’un vote16.
De fait, l’exécution du plan législatif du gouvernement exige une coordination parlementaire minutieuse. Cela peut être difficile dans une nouvelle législature où de nombreux députés du gouvernement sont également nouveaux. Par exemple, la 42e législature a vu le rejet accidentel d’un article d’un projet de loi du gouvernement par un comité, apparemment causé par la confusion en son sein17. De plus, il y a eu égalité des voix lors du vote sur l’une des mesures du gouvernement qui, selon le whip, « était très serré. Beaucoup trop serré18 [TRADUCTION]. »
Contexte actuel
Compte tenu de ce qui précède, le regroupement de projets de loi émanant du gouvernement observé au cours de la 42e législature témoigne d’une curieuse planification législative. Du point de vue purement pragmatique, la juxtaposition ou la consolidation de questions connexes dans un seul projet de loi permet d’optimiser l’efficacité – un facteur important eu égard au temps et aux ressources limités de l’organe législatif. Toutefois, on en vient rapidement à se demander pourquoi les mesures proposées ont été présentées si l’objectif n’était pas de faire adopter le projet de loi. Finalement, presque tous les projets de loi du gouvernement qui sont subséquemment incorporés dans d’autres initiatives ne sont pas soumis à un débat à la deuxième lecture et demeurent simplement inscrits au Feuilleton et assortis d’un sort incertain19.
Si aucune modification n’est apportée aux dispositions dans les versions ultérieures, il est difficile de comprendre pourquoi les mesures n’ont pas été étudiées dans leur instrument législatif initial. Par exemple, si les mesures étaient d’abord présentées comme des avant-projets pour tester la réaction du public, peut-être qu’au lieu du dépôt d’un projet de loi, il aurait pu y avoir une consultation publique sur une ébauche, comme dans d’autres contextes législatifs.20.
Le gouvernement a mentionné dans son communiqué de presse sur le projet de loi -, en ce qui a trait aux autres projets de loi qu’il y a incorporés, que « [l]’inclusion de ces modifications dans un seul projet de loi permettra au Parlement d’examiner toutes ces réformes rapidement21. » Cette mention dénote peutêtre la motivation du gouvernement.
Le premier projet de loi figurant dans le projet de loi C-75, déposé en mars 2018, est le projet de loi C-32, qui a été déposé en novembre 2016. On pourrait soutenir que le gouvernement a disposé de suffisamment de temps pour étudier le projet de loi C-32, qui contient seulement cinq pages de dispositions législatives. Comme le gouvernement aurait pu faire adopter à tout moment les projets de loi contenus dans le projet de loi C-75, le fait qu’il veuille examiner ces projets de loi « rapidement » signifie peutêtre qu’il est maintenant particulièrement conscient de la fin imminente du calendrier législatif. Vu l’élection qui est nominalement fixée pour l’automne 2019, la Chambre ne dispose plus de beaucoup de temps pour faire passer le dossier au Sénat dans l’espoir de compléter le processus législatif avant la prochaine élection. Qui plus est, le gouvernement doit composer avec un manque d’influence au Sénat occasionné par la nomination de sénateurs indépendants, ce qui mine sa capacité de faciliter l’adoption de son programme à la Chambre haute selon son échéancier22.
Cependant, en y regardant de plus près, la situation est un peu plus surprenante. Par exemple, la disposition proposée dans le projet de loi C-32, contenue dans le projet de loi C-39 et reformulée dans le projet de loi C-75, concerne l’abrogation de l’interdiction des relations anales prévue au Code criminel, qui a été déclarée inconstitutionnelle par plusieurs cours d’appel. Or, cette disposition n’a pas été incluse dans le projet de loi C-51 qui, selon son sommaire, « modifie le Code criminel pour modifier, supprimer ou abroger des passages et des dispositions qui ont été jugés inconstitutionnels ou qui comportent des risques au regard de la Charte canadienne des droits et libertés ». On ne sait pas très bien pourquoi l’abrogation de cette disposition n’a pas été incluse dans le projet de loi C-51, ce qui semblerait pourtant logique. Pour savoir pourquoi le véhicule législatif est important du point de vue du calendrier, examinez l’état des deux projets de loi à l’ajournement de l’été 2018 : Le projet de loi C-51 était à l’étude par le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, ayant déjà été adopté par la Chambre, tandis que le projet de loi C-75 était devant le Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre.
Toujours dans le domaine du droit pénal, le projet de loi C-74 portant exécution du budget modifie le Code criminel afin d’établir un « régime d’accords de réparation », communément appelés accords de poursuite différée. En présentant le projet de loi C-75, le gouvernement a annoncé qu’il visait « à améliorer l’efficacité du système de justice pénale et à réduire les délais judiciaires23. » De toute évidence, la modification au Code criminel prévue dans le budget aurait été un choix naturel pour le projet de loi C-75. Son inclusion dans le budget en fait une question de confiance. Pourquoi certaines questions liées à la justice pénale devraient-elles être traitées plus rapidement dans le cadre du processus budgétaire en tant que questions de confiance alors que d’autres devraient être traitées séparément? Le registre officiel est muet sur ce point, bien qu’assurément, des analyses ont dû être effectuées au gouvernement avant que soit recommandée la prise des décisions établies dans les projets de loi C-51, C-74 et C-7524.
Conséquences du dépôt
La simple présentation d’une mesure législative gouvernementale entraîne une myriade de conséquences juridiques et pratiques qui dépassent le cadre du Sénat et de la Chambre des communes. Certaines de ces conséquences sont accentuées dans le cas des projets de loi regroupés.
Premièrement, la présentation d’une nouvelle loi peut avoir une incidence sur les litiges25. Dans une affaire récente, par exemple, le gouvernement a écrit au tribunal pour l’informer du dépôt d’un projet de loi après la conclusion d’une audience, mais avant que le jugement soit rendu26. Dans une autre, un protonotaire (officier de justice de la Cour fédérale) a été placé dans la délicate situation de devoir décider s’il y avait lieu de suspendre les procédures en attendant l’abrogation proposée d’une disposition, étant donné « l’équilibre à trouver entre éviter des dépenses inutiles de fonds et ressources publics dans le cas très probable que la question devienne théorique […] et assurer, si la législation abrogée est retardée ou échoue, que la question puisse être traitée sans retard excessif27. »
L’impact de la législation proposée sur les litiges ne doit pas être pris à la légère – en effet, des vies peuvent être mises en suspens en attendant que le Parlement se prononce sur une question. Par exemple, une cause de divorce a été suspendue après l’adoption d’une loi gouvernementale qui déterminerait l’issue de la controverse juridique28. Le projet de loi est demeuré au Feuilleton de février 2012 jusqu’à son adoption unanime par la Chambre, avec amendements à chaque étape, en juin 2013, puis son adoption subséquente par le Sénat29. Pendant la période d’attente, le couple n’était ni certain de la validité du mariage, ni en mesure de compléter le processus de divorce.
Comme on peut l’imaginer, le regroupement peut présenter un défi particulier dans le contexte d’un litige. Par exemple, si le gouvernement demande d’attendre qu’une mesure législative soit présentée au Parlement, la bonne volonté du tribunal peut s’estomper rapidement s’il semble que le projet de loi sera abandonné. En effet, une fois le projet de loi regroupé déposé, le gouvernement devra aviser les parties au litige et peut-être préparer de nouvelles observations susceptibles d’être jugées moins crédibles au vu d’affirmations antérieures concernant le projet de loi précédent30.
Deuxièmement, le regroupement de projets de loi a des conséquences uniques sur les acteurs parlementaires. En effet, ces derniers ont peut-être étudié les projets de loi précédents et même prévu des amendements. En outre, les parlementaires – y compris ceux faisant partie du caucus au pouvoir – doivent être au fait des initiatives législatives du gouvernement lorsqu’ils préparent des projets de loi d’initiative parlementaire, car leur dur labeur pourrait être rendu inutile ou nécessiter des modifications ultérieures.
Par exemple, un projet de loi d’initiative parlementaire31 visant à réduire l’âge du droit de vote a été présenté en même temps que le « registre des futurs électeurs » proposé dans le C-33. C’est logique, car l’âge de ceux qui seront inscrits dans un registre des « futurs » électeurs sera certainement influencé par l’abaissement de l’âge du droit de vote. Toutefois, comme ce projet de loi d’initiative parlementaire était inscrit au Feuilleton des avis, le gouvernement a déposé le projet de loi C-76, qui renfermait les dispositions sur le « Registre des futurs électeurs » du projet de loi C-33. Donc, si le projet de loi d’initiative parlementaire progresse, une nouvelle disposition de coordination devra être établie pour donner suite aux modifications apportées par le projet de loi C-76.
D’autres intervenants parlementaires sont aussi touchés par le dépôt d’un projet de loi. Par exemple, la Bibliothèque du Parlement prépare des résumés législatifs concernant des projets de loi du gouvernement, et les agents supérieurs du Parlement peuvent examiner et commenter des projets de loi32. Ils seront contraints à modifier et à mettre à jour leur travail pour tenir compte de la nouvelle situation législative du gouvernement.
Enfin, la population et la fonction publique sont elles aussi touchées par le dépôt d’un projet de loi. Bien qu’une grande partie du travail effectué par la fonction publique fédérale est en appui à la présentation d’une loi, le secteur public réagit aux travaux du Parlement en évaluant l’incidence qu’aura le projet de loi sur ses activités et en préparant la mise en œuvre des projets de loi qui seront adoptés. Mentionnons, à titre d’exemple, les provinces qui doivent se préparer à prendre en charge l’incidence qu’aura une loi fédérale sur elles. Par extension, il se peut que des membres de la population réagissent à une mesure proposée en planifiant leurs activités en conséquence33.
Bref, lorsqu’il regroupe des projets de loi, le gouvernement devrait tenir compte non seulement de ses besoins à l’égard du Parlement et de l’avancement de son programme, mais aussi des conséquences possibles pour les juges, les plaideurs, les groupes de défense, les parlementaires – y compris son propre caucus – et les Canadiens ordinaires. On s’attend à ce qu’un gouvernement présente des mesures législatives, surtout lorsqu’il est majoritaire.
Analyse
Peut-être que la vague actuelle de regroupements de projets de loi est liée à la prise de conscience du temps limité dont on dispose pour légiférer avant une élection, mais aussi à la difficulté de faire adopter de nombreuses mesures législatives d’un coup. En effet, il est plus simple de confier un projet de loi à un seul comité, ce qui réduit la marge d’erreur lors de l’étude article par article. Cela permet également d’atténuer le fardeau pesant sur les fonctionnaires qui, autrement, pourraient avoir à comparaître à plusieurs reprises devant un comité pour des mesures connexes.
Cela dit, le regroupement législatif est un curieux choix de planification législative qui soulève plus de questions que de réponses : Est-il approprié pour un gouvernement de présenter une mesure législative qu’il n’a pas l’intention de faire adopter? À quel moment, après la formation d’un nouveau gouvernement, son plan législatif devrait-il être en place? Un gouvernement devrait-il signaler directement qu’il abandonne un projet de loi34 ou qu’il en présentera d’autres?
La nature des projets de loi dont le Parlement était saisi a déjà été judicieusement résumée par un ancien Président de la Chambre en sa qualité ultérieure de juge en chef adjoint de la Cour fédérale : « Je ne peux rien imaginer de moins prévisible que le cours d’une mesure législative au Parlement. En effet, la seule chose qui soit certaine dans la vie au Parlement, c’est que rien n’est certain35. »
Une prévisibilité parlementaire totale ne serait pas souhaitable, c’est-à-dire qu’il n’est pas suggéré que le Sénat ou la Chambre accélère l’adoption des affaires émanant du gouvernement comme s’il s’agissait d’une approbation. Toutefois, il est possible pour un gouvernement d’être prévisible et cohérent avec son approche en matière de planification législative au Parlement. On peut soutenir que la prévisibilité est maximisée lorsqu’une mesure gouvernementale est contenue dans un seul projet de loi déposé et que le gouvernement fait progresser cette mesure dans le processus législatif. En outre, si les dispositions sont intégrées dans un autre projet de loi, il devrait y avoir une logique discernable quant aux instruments législatifs qui leur sont associés.
Au cours de la 42e législature, les curieuses combinaisons législatives du gouvernement ont été tout sauf prévisibles. Peutêtre est-ce le fruit de son évolution – un nouveau gouvernement a besoin de temps pour s’adapter aux réalités du Parlement36. Toutefois, avec l’imminence des élections et l’expérience accrue du gouvernement, ce regroupement pourrait-il se poursuivre? Ou s’agit-il d’un simple coup de projecteur sur le radar parlementaire, qui aboutira au retour de la prévisibilité? La réponse, bien sûr, est tout sauf prévisible.
Charlie Feldman