Le financement des hauts fonctionnaires du Parlement : l’expérience canadienne
Le Groupe consultatif de la Chambre des communes sur le financement et la surveillance des hauts fonctionnaires du Parlement a vu le jour à l’automne 2005, sous la forme d’un projet pilote de deux ans. Plus récemment, il a poursuivi ses travaux de façon ponctuelle. En gros, il présente au Conseil du Trésor les recommandations du Parlement concernant les demandes budgétaires de ses hauts fonctionnaires. On souhaitait que le Parlement devienne ainsi le décideur de facto pour les questions touchant les budgets de ses hauts fonctionnaires, et que ces derniers n’aient pas à craindre de représailles budgétaires s’ils venaient à contrarier un gouvernement. Le présent article décrit les circonstances ayant mené à la création du Groupe consultatif, donne un aperçu de son fonctionnement et passe en revue quelques développements dignes de mention. Il se termine par un examen des problèmes qui risquent de se poser et de quelques pistes de solution.
La recommandation de dépenses au Parlement est la prérogative exclusive de la Couronne. Le respect scrupuleux de ce principe explique ce qui demeure la principale limite officielle à l’indépendance des hauts fonctionnaires du Parlement au niveau fédéral. À l’exception de celui du commissaire aux conflits d’intérêts et à l’éthique, les budgets des hauts fonctionnaires du Parlement sont préparés de la même façon que ceux des ministères1. Les augmentations du pouvoir de dépenser (c’est-à-dire des budgets organisationnels) doivent faire l’objet de présentations au Conseil du Trésor, qui sont élaborées durant un processus prévoyant un examen minutieux par les fonctionnaires du Secrétariat du Conseil du Trésor (SCT) et des discussions entre ces derniers et le personnel du haut fonctionnaire concerné. Au bout du compte, les présentations budgétaires sont examinées par le Conseil du Trésor, de concert avec les recommandations du SCT. Les décisions du Conseil du Trésor établissent les budgets des dépenses qui seront par la suite déposés au Parlement par le président du Conseil du Trésor pour approbation.
Bien qu’aucun haut fonctionnaire du Parlement n’ait ouvertement accusé les gouvernements d’user de leur pouvoir budgétaire pour compromettre leur indépendance, dès la fin des années 1990, plusieurs s’inquiétaient du risque d’ingérence. Et ces inquiétudes ont sans doute été exacerbées par les remises en question de leur efficacité formulées durant la période de resserrement budgétaire du milieu des années 1990. Parmi les diverses réformes proposées, il y en avait une de l’ex-vérificateur général Denis Desautels, qui qualifiait le processus d’établissement des budgets de « relation non appropriée ». Il recommandait le modèle de financement du Royaume-Uni, où un comité rassemblant des députés de tous les partis établit le budget du National Audit Office (bureau national de vérification)2.
Les inquiétudes des hauts fonctionnaires du Parlement ont, par la suite, été reprises par deux comités permanents de la Chambre des communes (celui de l’accès à l’information, de la protection des renseignements personnels et de l’éthique, et celui des comptes publics), de même que par le Comité sénatorial permanent des finances nationales, dans des rapports qui recommandaient des variantes du modèle du Royaume-Uni3. Les recommandations relativement détaillées qu’a formulées le Comité permanent de l’accès à l’information, de la protection des renseignements personnels et de l’éthique de la Chambre sont, en grande partie, responsables du Groupe consultatif créé ultérieurement4.
Le Groupe consultatif sur le financement et la surveillance des hauts fonctionnaires du Parlement de la Chambre des communes a tenu sa première réunion le 3 novembre 2005. Conformément aux recommandations des comités permanents et au modèle britannique, il constitue un mécanisme informel (c’est-à-dire qu’il n’est pas prévu par le Règlement de la Chambre des communes et qu’il n’a donc aucun pouvoir officiel). Il permet aux parlementaires de formuler des recommandations au Conseil du Trésor sur les demandes d’augmentation de budget présentées par des hauts fonctionnaires du Parlement, ou encore sur les politiques et directives du Conseil du Trésor5. Le Groupe consultatif donne ainsi au Parlement la chance d’influer sur les décisions du Conseil du Trésor sans aller à l’encontre du principe de la recommandation royale, puisque les décisions finales relatives aux budgets ainsi que leur proposition au Parlement demeurent officiellement la responsabilité du Conseil du Trésor6. Toutefois, bien que celui-ci demeure l’autorité officielle en la matière, on s’attendait à ce qu’il devienne normal, sinon obligatoire, que les recommandations du Groupe consultatif soient adoptées par le Conseil du Trésor, comme c’est le cas au Royaume-Uni. En effet, si le gouvernement était en mesure d’adopter ou de rejeter les recommandations du Groupe consultatif comme bon lui semble, on pourrait pratiquement oublier la protection de l’indépendance des hauts fonctionnaires du Parlement que ce groupe devait justement garantir.
En plus de participer à l’établissement des budgets, le Groupe consultatif doit aussi, comme l’indique son nom, exercer une certaine « surveillance ». Il peut ainsi examiner les préoccupations des hauts fonctionnaires du Parlement sur des directives administratives ou toute autre forme de contrôle de la part d’un organisme central, et présenter des recommandations au Conseil du Trésor. Cette responsabilité vise à tenir compte du fait que les hauts fonctionnaires du Parlement sont, en général, assujettis aux directives et aux politiques administratives et de gestion du Conseil du Trésor ainsi qu’à celles du Bureau du Conseil privé, et que celles-ci peuvent parfois ne pas convenir, étant donné le rôle particulier que doivent remplir les hauts fonctionnaires du Parlement.
Le fonctionnement du Groupe consultatif
Le Groupe consultatif s’est réuni périodiquement depuis 2005, selon les demandes budgétaires présentées par les hauts fonctionnaires du Parlement, et il a poursuivi ses travaux de façon ponctuelle après la période d’essai de deux ans prévue lors de sa création7. Il est composé de 13 députés de la Chambre des communes, soit le président de la Chambre (qui en assume la présidence) et des représentants de tous les partis politiques (en proportion des sièges qu’ils détiennent à la Chambre). Les réunions se tiennent dans une salle des comités de la Chambre des communes et, jusqu’à présent, elles ont porté sur l’examen des présentations budgétaires des hauts fonctionnaires du Parlement pris individuellement, ainsi que des documents d’évaluation que les fonctionnaires du SCT fourniraient normalement au Conseil du Trésor pour l’aider dans ses délibérations. Les rencontres commencent par des exposés du haut fonctionnaire du Parlement et des fonctionnaires du Secrétariat du Conseil du Trésor qui ont participé à l’élaboration de la présentation, puis se poursuivent par des échanges entre les membres du Groupe consultatif et le haut fonctionnaire principalement, bien que les membres puissent aussi dialoguer avec les fonctionnaires du SCT.
Le Groupe consultatif n’est pas un comité de la Chambre, mais, comme il tient ses réunions dans une salle des comités de celle-ci, qu’elles se déroulent selon une formule « exposé suivie de questions » qui est semblable à celle qui est employée par les comités, et qu’il consacre habituellement jusqu’à deux heures à chaque proposition budgétaire (la durée d’une réunion de comité type), ses rencontres ressemblent passablement à celles des comités permanents auxquelles les membres du Groupe consultatif participent plus régulièrement. La principale différence est que toutes ces réunions se déroulent à huis clos et qu’elles traitent de sujets principalement techniques et administratifs, puisque la plupart des présentations budgétaires visent à obtenir de faibles augmentations des crédits pour répondre à des pressions administratives. Ces caractéristiques ont ainsi permis de suivre de manière moins stricte la procédure prévue pour les comités permanents et d’établir un climat relativement non partisan où les décisions sont prises par consensus.
Il convient de noter que, dans la plupart des cas jusqu’à présent, le haut fonctionnaire du Parlement et les fonctionnaires du SCT s’entendent sur le contenu de la présentation budgétaire avant qu’elle ne soit remise au Groupe consultatif, ce qui évite à ce dernier de devoir régler des différends. En l’absence de désaccords, les réunions consistent habituellement en des échanges qui tournent autour de sujets semblables à ceux qui pourraient être abordés lors d’une réunion de comité sur les budgets annuels, à savoir les activités et le rendement du haut fonctionnaire du Parlement, ainsi que les développements qui sont survenus dans les domaines relevant de sa compétence et qui présentent un intérêt pour certains membres du Groupe consultatif. À ces échanges se greffent plus ou moins souvent d’autres discussions sur des questions opérationnelles plus précises que soulève la demande budgétaire. Ce type de rencontre se conclut normalement par une entente sur le contenu de la présentation budgétaire, après quoi un mémoire informant les ministres du Conseil du Trésor des recommandations du Groupe consultatif est préparé pour la signature du président. Ce document est ensuite transmis au Conseil du Trésor pour être soumis aux ministres lorsqu’ils examineront la présentation budgétaire et les recommandations du SCT.
Problèmes éventuels et pistes de solution
Jusqu’à présent, les travaux du Groupe consultatif ont été, dans l’ensemble, menés rondement parce que les hauts fonctionnaires et les fonctionnaires du SCT s’entendent souvent sur les présentations budgétaires avant leur témoignage et parce que les membres ont adopté une démarche prudente et non partisane. En outre, plusieurs hauts fonctionnaires du Parlement ont salué la mise sur pied du Groupe consultatif et le travail qu’il accomplit8.
Toutefois, l’absence de conflit public ou politique ne suffit pas, à elle seule, pour conclure à un processus sans faille. Deux aspects de la démarche actuelle du Groupe consultatif sont susceptibles de créer des problèmes sur le plan de l’efficacité et pourraient donc nous forcer à examiner certaines options pour les résoudre.
« Protéger » les hauts fonctionnaires des mesures visant à accroître la discipline budgétaire
La plupart du temps, le Groupe consultatif s’est réuni pour examiner des présentations budgétaires sur lesquelles le haut fonctionnaire et les fonctionnaires du SCT s’entendaient, mais il est aussi arrivé quelques fois qu’il y ait divergence entre la demande budgétaire d’un haut fonctionnaire et les recommandations des fonctionnaires du SCT. Le problème fondamental dans un tel cas, c’est que le Groupe consultatif doit prendre position sur des recommandations susceptibles de refléter les préoccupations du SCT sur des questions d’administration ou de gestion, plutôt qu’une hostilité partisane à l’endroit du mandat ou de la conduite du haut fonctionnaire. S’il se range à l’avis du haut fonctionnaire, il ne protège pas celui-ci et ses homologues du danger d’ingérence politique, raison pour laquelle il a été créé au départ. Il risque plutôt de réduire la capacité des fonctionnaires du SCT d’encourager la discipline financière et la saine gestion.
Jusqu’à présent, à une seule exception près, les désaccords entre les hauts fonctionnaires du Parlement et les fonctionnaires du SCT ont été résolus en respectant les recommandations du SCT. Toutefois, à ses débuts (en novembre 2005), le Groupe consultatif a tranché une telle mésentente recommandant une hausse des crédits budgétaires supérieure à celle que les fonctionnaires du SCT étaient prêts à accorder, mais quand même inférieure à ce qui était demandé par le haut fonctionnaire. Même s’il ne fait aucun doute que cette décision témoigne d’un instinct politique sincère visant à tenter de trouver une solution de compromis raisonnable, il est plus difficile de déterminer si elle satisfait aux exigences en matière de responsabilité financière et d’efficacité administrative.
Puisque le Groupe consultatif n’a fait preuve qu’une seule fois d’une telle générosité inhabituelle en plus de quatre ans d’existence, on pourrait être tenté de conclure que ce genre de situation ne pose pas vraiment problème. Toutefois, on est loin de pouvoir affirmer que cette tendance du Groupe consultatif à appuyer les recommandations du SCT ne pourrait pas inciter un haut fonctionnaire à tirer parti de manière douteuse de ce nouveau processus budgétaire. Du point de vue du haut fonctionnaire dont la demande s’est heurtée à une certaine résistance du SCT, la possibilité de chercher une solution au différend au niveau du Groupe consultatif représente une option où il n’a rien à perdre, puisque le pire qui puisse lui arriver, c’est que le Groupe appuie les restrictions budgétaires demandées par les fonctionnaires du SCT. Du point de vue de ces derniers, en revanche, l’impossibilité d’en arriver à une entente avec le haut fonctionnaire signifie que les préoccupations du SCT devront être défendues devant les politiciens qui siègent au Groupe consultatif, qui entretiennent souvent des relations de travail cordiales avec les hauts fonctionnaires du Parlement et sont généralement enclins à les appuyer pour des raisons politiques. Les fonctionnaires du SCT ont donc, à tout le moins, intérêt à explorer toutes les options possibles pour trouver une solution de compromis avec un haut fonctionnaire, afin d’éviter d’avoir à faire des concessions moins prévisibles qui seraient décidées par le Groupe consultatif.
Protéger les hauts fonctionnaires sauf lorsqu’ils sont attaqués
Le Conseil du Trésor souhaite, bien sûr, accepter les recommandations du Groupe consultatif visant à garantir aux hauts fonctionnaires une protection essentielle contre l’ingérence gouvernementale. C’est seulement lorsque le Conseil du Trésor adoptera automatiquement ou, à tout le moins, couramment ses recommandations, comme c’est le cas dans d’autres pays dont le Royaume-Uni, que le Groupe consultatif fournira réellement un autre palier de protection contre les tentatives politiques visant à limiter l’action des hauts fonctionnaires par des mesures d’étranglement ou de représailles d’ordre budgétaire.
Le deuxième cas où les travaux du Groupe consultatif n’ont pas donné les résultats escomptés concerne le comportement du Conseil du Trésor plutôt que celui du Groupe consultatif comme tel. Au début de 2009, le Conseil du Trésor n’a pas accordé le montant total d’une augmentation budgétaire demandée par le commissaire à l’information et recommandée par le Groupe consultatif. Par conséquent, le Budget supplémentaire des dépenses (A) de 2009-2010 ne prévoyait pas les fonds nécessaires à des projets systémiques et de défense des droits qui avaient été approuvés tant par le Groupe consultatif que par les fonctionnaires du SCT9.
On peut certes avoir des motifs raisonnables de faire preuve de scepticisme face aux diverses activités « proactives » dans lesquelles plusieurs hauts fonctionnaires du Parlement se sont lancés au fil des ans. Toutefois, le fait que le Conseil du Trésor ait choisi de ne pas tenir compte de la recommandation du Groupe et qu’il ait pu le faire sans susciter de réaction tangible de la part du Parlement donne à penser que les travaux du Groupe consultatif ne mettent pas les hauts fonctionnaires du Parlement à l’abri de décisions budgétaires unilatérales du gouvernement.
Il est difficile de déterminer l’importance à accorder à ce seul cas où le Conseil du Trésor n’a pas accepté les recommandations du Groupe consultatif. L’absence de réaction des membres de celui-ci ou du Parlement semble, par contre, indiquer que le Canada n’est toujours pas prêt à établir une convention voulant que le Parlement ait le dernier mot, en pratique sinon sur le plan constitutionnel, sur les budgets de ses hauts fonctionnaires. De manière plus générale, ce cas nous amène à nous demander si le Groupe consultatif permet réellement de protéger les hauts fonctionnaires du Parlement, puisque les rejets de leurs demandes budgétaires après qu’elles ont survécu à l’examen minutieux des fonctionnaires du SCT étaient déjà exceptionnels avant sa création. En effet, sa mise sur pied devait, avant tout, éliminer toute crainte de représailles budgétaires pouvant dissuader les hauts fonctionnaires du Parlement de prendre des mesures qui risqueraient de déplaire au gouvernement. Ici, on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que même un seul cas puisse avoir un impact important, dans la mesure où les hauts fonctionnaires sont enclins à avoir de telles craintes. Heureusement, au Canada, ces inquiétudes ne semblent pas avoir fait taire les critiques des hauts fonctionnaires à l’égard du gouvernement par le passé, pas plus qu’elles ne semblent le faire aujourd’hui.
Un autre aspect de cette question à considérer est le rapport qu’elle a avec la discipline financière dont il a été question précédemment. La possibilité que le Conseil du Trésor puisse exercer sa responsabilité officielle ultime à l’égard des budgets et refuser d’accorder la totalité du montant recommandé par le Groupe consultatif (et ses propres fonctionnaires) représente le seul mécanisme qui permet actuellement d’empêcher toute forme d’exploitation inappropriée du Groupe consultatif par des hauts fonctionnaires du Parlement. Par conséquent, avant de nous engager à instaurer une convention rigide interdisant au Conseil du Trésor de déroger aux recommandations du Groupe consultatif, nous devons être certains que cette solution n’ouvrira pas la porte aux abus.
Prochaines étapes possibles
Les options étudiées ces dernières années nécessiteraient de consolider le Groupe consultatif, par le recrutement de sénateurs ou la création d’un groupe complémentaire au Sénat, et par son institutionnalisation dans le Règlement (ou un équivalent) de l’une des deux chambres ou des deux. Avant de prendre ces mesures, il faudrait toutefois distinguer plus clairement les questions administratives des questions politiques, et veiller à ce que le Groupe consultatif exécute plus efficacement les tâches pour lesquelles il a été créé. Deux réformes pourraient contribuer à l’atteinte de ces objectifs.
La première consisterait à réserver une brève période de temps, peut-être 30 minutes, aux réunions sur les présentations budgétaires où il y a entente entre le haut fonctionnaire et les fonctionnaires du SCT, avec possibilité de prolongation au besoin. Ainsi, les membres du Groupe consultatif consacreraient moins de temps à des discussions générales liées à des demandes de financement ordinaires qui ne prêtent pas à controverse. L’économie de temps serait limitée, étant donné que les réunions sont peu fréquentes, mais, au moins, le temps des membres serait utilisé de manière aussi efficace que celui des ministres du Conseil du Trésor, où les demandes mineures et principalement administratives sont habituellement traitées en quelques minutes. Cette option pourrait aussi aider les membres du Groupe consultatif à séparer les demandes ordinaires des demandes plus importantes, et à se concentrer sur ces dernières.
La seconde réforme serait complémentaire et consisterait à établir une procédure pour permettre au Groupe consultatif de réagir à tout refus du Conseil du Trésor de donner suite à l’une de ses recommandations concernant le budget d’un haut fonctionnaire du Parlement. Le président du Conseil du Trésor pourrait alors être invité à comparaître devant le Groupe consultatif pour expliquer la décision du Conseil, et le haut fonctionnaire concerné pourrait avoir le droit d’assister à cette réunion et d’intervenir. Une telle procédure pourrait peut-être permettre au Groupe consultatif d’examiner, à huis clos et loin des débats polarisés, si la décision du Conseil du Trésor tient essentiellement de la prudence financière, ou bien si elle constitue une façon de tenter de nuire au travail et à l’efficacité d’un haut fonctionnaire. Dans ce dernier cas, le Groupe consultatif pourrait inviter le comité permanent approprié à examiner la question budgétaire à l’occasion de séances publiques10. Il est évident qu’une telle procédure compromettrait, au moins temporairement, le climat non partisan qui a régné jusqu’à maintenant au sein du Groupe consultatif, mais elle pourrait lui permettre de s’acquitter plus efficacement de son mandat premier.
Conclusion
Pour le Parlement et la population, une information et des avis indépendants demeurent des piliers particulièrement importants de la démocratie dans les régimes parlementaires modelés sur celui de Westminster, où il n’y a pas de séparation des pouvoirs pour limiter ceux de l’exécutif. Il demeure donc valable de veiller à ce que l’indépendance des hauts fonctionnaires du Parlement ne soit pas compromise par un contrôle gouvernemental des budgets.
Même si la plupart des travaux du Groupe consultatif donnent à penser qu’il remplit dans l’ensemble son mandat de manière efficace, les deux cas d’exception susmentionnés soulèvent des questions. Il est, en effet, possible que le Groupe consultatif ait très bien protégé l’indépendance des hauts fonctionnaires du Parlement, mais il se peut également qu’il ait simplement joué un rôle généralement inoffensif pour les gouvernements. En fait, il est même possible qu’il ait davantage contribué à faire obstacle à la discipline financière et à la saine gestion qu’à protéger les hauts fonctionnaires de l’ingérence politique.
Les prochaines étapes de l’expérience du Groupe consultatif devraient surtout permettre de s’assurer qu’il protège réellement l’indépendance des hauts fonctionnaires du Parlement, tout en cherchant un meilleur équilibre entre cette protection et le maintien des contrôles administratifs et financiers. Les modestes changements susmentionnés pourraient être un début. D’une manière plus générale, ils pourraient aider les parlementaires à se concentrer sur la définition des problèmes et leur examen minutieux, des responsabilités essentielles à l’efficacité du Parlement, et les protéger d’une plus grande intervention dans les responsabilités de l’exécutif, ce qui serait tout à fait inapproprié dans un parlement d’inspiration britannique.
Notes
1. Le budget du commissaire aux conflits d’intérêts et à l’éthique est déposé à la Chambre des communes par le président de celle-ci.
2. Vérificateur général du Canada, Le point sur une décennie au service du Parlement : Rapport du vérificateur général du Canada à la Chambre des communes, Ottawa, Bureau du vérificateur général, février 2001, p. 94 (voir aussi la section « Questions d’une importance particulière » du rapport de novembre 2003 de la vérificatrice générale, qui reprend cette proposition).
3. Voir Kristen Douglas et Nancy Holmes, « Le financement des hauts fonctionnaires du Parlement », Revue parlementaire canadienne, vol. 28, no 3 (automne 2005).
4. Voir le quatrième rapport du Comité permanent de l’accès à l’information, de la protection des renseignements personnels et de l’éthique, Un nouveau mécanisme de financement pour les hauts fonctionnaires du Parlement, 2005. La principale différence entre ces rapports est la proposition que ce mécanisme de financement parlementaire soit confié à un groupe consultatif informel plutôt qu’au Bureau de régie interne de la Chambre des communes.
5. Les demandes budgétaires du commissaire à l’éthique étaient déjà soumises à l’approbation du président de la Chambre, ce qui le plaçait dans une catégorie à part. C’est pourquoi le commissaire à l’éthique (aujourd’hui le commissaire aux conflits d’intérêts et à l’éthique) n’a pas été inclus dans le projet pilote.
6. Il convient de noter que les responsabilités exercées par les comités permanents en matière de surveillance et de reddition des comptes lors de l’examen annuel des budgets ne permettent pas de remédier au problème qui a mené à la création du Groupe consultatif. Le principe de la recommandation royale limite le rôle du Parlement.
7. Parce qu’il revêt un caractère informel et qu’il est peu connu de la population, les travaux du Groupe consultatif sont passés relativement inaperçus. Son influence a toutefois été saluée par le commissaire à l’information au chapitre 1 de son rapport annuel de 2006-2007, et il fait l’objet de commentaires positifs de la part de plusieurs hauts fonctionnaires du Parlement lors de témoignages devant des comités permanents. Le Groupe fait aussi l’objet d’un bref commentaire par Paul Thomas dans « Examen parlementaire et redressement de griefs », Revue parlementaire canadienne, printemps 2007, p. 11 et 12; et par Élise Hurtubise-Loranger dans « Commonwealth Experience I – Federal Accountability and Beyond in Canada », chapitre 6 de Parliament’s Watchdogs: At The Crossroads, sous la direction d’Oonagh Gay et Barry K. Winetrobe, en collaboration avec le U.K. Study of Parliament Group, publié par The Constitution Unit, University College de Londres, 2008, p. 71 et suivantes. Pour une analyse plus récente des répercussions du Groupe sur les tendances générales dans le milieu des hauts fonctionnaires du Parlement, voir Jack Stilborn, « The Officers of Parliament: More Watchdogs, More Teeth, Better Governance? », chapitre 12 de How Ottawa Spends, 2010-2011 : Recession, Realignment and the New Deficit Era, sous la direction de G. Bruce Doern et Christopher Stoney, McGill-Queen’s University Press, 2010.
8. Voir, par exemple, le Rapport annuel du Commissaire à l’information 2006-2007, ministre des Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, 2007, p. 21.
9. Voir les témoignages de la réunion du 3 juin 2009 du Comité permanent de l’accès à l’information, de la protection des renseignements personnels et de l’éthique de la Chambre des communes, plus particulièrement la déclaration liminaire de Robert Marleau et ses réponses aux questions de Bill Siksay.
10. Cette procédure pourrait aussi permettre d’éviter des problèmes survenus au Royaume-Uni concernant un organisme créé par une loi et constitué de parlementaires — la Commission des comptes publics (Public Accounts Commission) — qui était chargé d’examiner les budgets du bureau national de vérification (National Audit Office) depuis 1983. En 2007, en raison de préoccupations relatives aux dépenses personnelles du contrôleur et vérificateur général du Royaume-Uni, le Parlement a été critiqué parce qu’il n’avit pas su exercer un contrôle financier approprié, ce qui a provoqué des réformes du régime de gouvernance. Voir Oonagh Gay, « The U.K. Perspective: Ad Hocery At The Centre », chapitre 2 de l’ouvrage de Gay et Winetrobe cité à la note 7, p. 19.