Proposition de réforme de la période des questions

Article 1 / 13 , Vol 33 No 3 (Automne)

Vol 33 No 3Proposition de réforme de la période des questions

Le 7 mai 2010, le député de Wellington—Halton Hills a déposé une motion demandant que le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre recommande des modifications à apporter au Règlement et aux autres conventions régissant les questions orales. Selon cette motion, le Comité devrait envisager, entre autres, (i) d’améliorer le décorum et de renforcer la discipline que peut exercer le président pour rehausser la dignité et l’autorité de la Chambre, (ii) d’allonger le temps alloué aux questions comme aux réponses, (iii) de revoir la convention suivant laquelle le ministre questionné n’est pas tenu de répondre, (iv) d’attribuer chaque jour la moitié des questions à des députés dont le nom et l’ordre de prise de parole seraient choisis au hasard, (v) de vouer le mercredi exclusivement aux questions destinées au premier ministre, (vi) de vouer les lundi, mardi, jeudi et vendredi aux questions destinées aux ministres autres que le premier ministre d’une manière qui oblige les ministres à être présents deux jours sur les quatre pour répondre aux questions concernant leur portefeuille selon un calendrier publié soumis à rotation et assurant une répartition équitable des ministres sur les quatre jours. La motion a fait l’objet d’un débat le 27 mai. Les extraits qui suivent sont tirés des délibérations de ce jour-là.

Michael Chong (conservateur, Wellington–Halton Hills) : Les Canadiens savent que quelque chose cloche dans leurs institutions démocratiques. Ils ne savent peut-être pas exactement quels processus, procédures et règles devraient être modifiés, mais ils savent que leurs institutions ont besoin d’un rajustement et ils veulent une réforme.

Nous devons donner suite à ces préoccupations et réformer le Parlement. La réforme parlementaire commence par la réforme de la période des questions. La période des questions – la période quotidienne de 45 minutes où les députés posent des questions au gouvernement pour qu’il rende des comptes sur ce qu’il fait – est au Parlement ce que le Parlement est à la démocratie. La période des questions est télédiffusée et, chaque jour, elle est retransmise par les médias nationaux à des millions de Canadiens, à ceux-là mêmes que nous représentons ici.

S’il y a une chose qu’on m’a clairement fait comprendre, dans mon rôle de député, au cours des dernières années et à nous tous à la Chambre, c’est que les Canadiens ordinaires sont déçus par le niveau des comportements affichés durant la période des questions et qu’ils veulent que leurs parlementaires se concentrent sur les questions vraiment importantes.

Depuis que cette motion a été rendue publique, il y a seulement un mois, j’ai reçu des appels téléphoniques, des lettres et des courriels de citoyens de partout au pays. De Kingston, un fier militaire canadien m’a écrit :

Je suis membre des Forces canadiennes depuis plus de 24 ans et le manque de courtoisie à la Chambre des communes est revenu occasionnellement dans les conversations au fil des ans. J’ai souvent pensé qu’il était extrêmement ironique que mes dirigeants politiques élus puissent parfois se montrer aussi puérils et avoir des comportements aussi lamentables alors que mes compagnons d’armes, soldats, marins et pilotes, sont astreints aux plus hautes normes de comportement, qu’ils soient ou non en service.

J’ai également entendu ces plaintes de la bouche d’enseignants, de camionneurs, d’élèves de cinquième année et de dirigeants d’entreprise. Même que des enseignants m’ont confié que les comportements durant la période des questions volaient si bas qu’ils n’amèneraient plus leurs élèves ici. C’est un signe on ne peut plus certain de la nécessité d’une réforme de la période des questions.

Plus de quatre Canadiens sur dix ont refusé de voter lors des dernières élections. C’est un signe que notre Parlement a besoin de réforme.

La période des questions orales n’est devenue qu’une tentative de marquer des points politiques faciles plutôt que de s’attarder aux questions dont les Canadiens se soucient vraiment.

La période des questions est maintenant le théâtre de comportements qui ne seraient tolérés dans aucune salle de conférences, salle à manger ou salle de classe. Par conséquent, on voit un fossé toujours grandissant se creuser entre les Canadiens, qui sont de plus en plus apolitiques, et le Parlement, qui est en de plus en plus partisan.

Nous, parlementaires, devons combler ce fossé, réformer le Parlement et regagner le respect des Canadiens. C’est pourquoi je propose aujourd’hui la motion no 517, qui vise à réformer la période des questions. Grâce aux six propositions qu’elle contient, la période des questions pourrait servir à faire la lumière sur ce qui importe vraiment aux yeux des Canadiens.

J’aimerais prendre les quelques minutes qui suivent pour expliquer chacune de ces six propositions plus en détail.

Premièrement, la motion parle d’améliorer le décorum et de renforcer la discipline que peut exercer le président.

Qu’ils soient enseignants avec des groupes d’élèves en sortie de classe ou dirigeants d’entreprise, les Canadiens veulent que les députés se comportent mieux pendant la période des questions. Leur comportement actuel est inacceptable dans n’importe quel contexte social, et à plus forte raison au Parlement national. Les plaidoyers en faveur d’un meilleur décorum ne suffisent pas. Nous, députés, devons donner au président de la Chambre le mandat de faire appliquer les règles que l’on trouve déjà dans le Règlement et dans les conventions.

La deuxième proposition vise à prolonger la période accordée pour poser une question et la période accordée pour y répondre. Actuellement, on accorde 35 secondes pour poser une question et 35 pour y répondre. Cela ne suffit pas. Nous entendons des questions rhétoriques et des réponses rhétoriques.

Nous avons déjà ici prolongé le temps accordé pour poser une question et pour y répondre. La limite de 35 secondes est un innovation récente. Pendant des décennies, les parlementaires ont disposé d’une minute à une minute et demie pour poser une question et les ministres avaient jusqu’à une minute et demie pour y répondre. Allonger la période accordée pour poser les questions et pour y répondre fera en sorte que des questions de fond seront posées et des réponses plus substantielles seront données.

Dans le National Post, Tasha Kheiriddin déclare que :

la formule actuelle des 35 secondes peut donner des clips sonores taillés sur mesure pour les nouvelles du soir, mais permet difficilement d’aller au fond des choses ou d’exprimer des propos réfléchis.

Elle ajoute que la motion :

est renforcée par des travaux de recherche effectués dans les parlements d’Europe occidentale, où on a constaté que la prolongation du temps accordé pour les questions et les réponses permettait des échanges plus approfondis.

La troisième proposition contenue dans la motion exhorte le Comité à réexaminer la convention voulant qu’un ministre ne soit pas tenu de répondre à une question. Je comprends qu’il ne soit parfois pas possible à un ministre de répondre s’il est à l’extérieur du pays pour s’acquitter de ses fonctions de représentation du Canada. Le reste du temps, la règle des 35 secondes aboutit à des questions rhétoriques et à des réponses qui deviennent rhétoriques et le gouvernement, pour de bonnes raisons, désigne un ministre en particulier pour répondre à ces questions rhétoriques.

Si nous voulons améliorer la période des questions et parvenir à des questions et à des réponses de fond, il nous faut réexaminer la convention voulant qu’un ministre ne soit pas tenu de répondre aux questions.

Quatrièmement, je propose dans la motion d’accorder chaque jour la moitié des questions aux députés d’arrière-ban. Actuellement, au cours de la période des questions, les députés ne peuvent poser de questions que s’ils obtiennent au préalable l’approbation du leader parlementaire ou du whip de leur parti. Cela nie à mon sens le droit des simples députés de représenter leurs électeurs et de poser au gouvernement des questions concernant leur circonscription.

Le fait que, dans tous les partis, les députés doivent obtenir l’approbation de leur leader parlementaire ou du whip de leur parti pour pouvoir prendre la parole lors de la période des questions est une pratique récente. Elle n’existait pas ici avant les années 1990. En fait, j’ai parlé avec un ancien député qui a siégé à la Chambre pendant plus de 20 ans au cours des années 1970 et 1980. Il m’a dit qu’il était scandalisé de constater que le président ne donnait plus la parole spontanément aux députés pendant la période des questions. Il m’a dit qu’à son époque, les chefs de partis et les personnes qu’ils désignaient prenaient la parole pendant les deux ou trois premières séries de questions. Par la suite, les députés d’arrière-ban pouvaient attirer l’attention du président et prendre la parole pour poser des questions sur des sujets qui préoccupaient leurs électeurs. Nous devons revenir à un système qui ressemble à cela afin de renforcer le rôle de la députation.

Lors d’un entretien avec Michael Enright à l’émission The Sunday Edition, diffusée par notre radiodiffuseur public national, l’ancien chef néo-démocrate Ed Broadbent a déclaré : « Nous avons encore des changements à faire pour donner plus d’importance aux députés. » Il a ajouté : « C’est aux députés qu’il incombe de s’affirmer et de faire valoir leurs droits démocratiques. »

Les deux derniers éléments proposés dans ma motion feraient en sorte de désigner des jours spécifiques où le premier ministre et d’autres ministres de la Couronne devraient assister à la période des questions. À l’heure actuelle, la préparation de la période des questions exige près de quatre heures par jour par ministre. Le gouvernement compte environ 40 ministres de la Couronne. Chaque jour, ces ministres passent quatre heures à préparer la période des questions ou à y assister. Des situations semblables ont été vécues par des gouvernements précédents.

Au cours d’une période des questions type, seuls cinq ou six, peut-être jusqu’à huit ou neuf, ministres répondent vraiment à des questions. Autrement dit, 30 ministres passent quatre heures par jour à se préparer à la période des questions et à y assister sans rien y apporter et sans répondre à la moindre question. Par conséquent, beaucoup de ressources et de temps sont utilisés de façon improductive.

J’espère donc que les députés acceptent et soutiennent cet appel au débat sur la réforme de la période des questions orales.

Je propose de ne rien changer au temps réservé à la période des questions, mais d’instaurer un système de rotation qui permettrait au gouvernement d’utiliser plus judicieusement ses ressources et son temps et aux partis d’opposition de se concentrer sur des sujets précis selon les jours.

Les Canadiens souhaitent une réforme de leur Parlement. Ils veulent que leurs institutions démocratiques fonctionnent mieux et que le niveau du débat soit rehaussé. Cette motion constitue un premier pas, mais néanmoins un pas important vers cette réforme parlementaire.

J’aimerais terminer en disant quelques mots sur le grand parlementaire que fut Edmund Burke, qui a dit :

« Tout gouvernement, à vrai dire, tout avantage ou bénéfice humain, toute vertu et tout acte prudent, sont fondés sur le compromis et le troc ».

Je suis tout à fait disposé à adopter l’esprit de cette observation de M. Burke et à accueillir des amendements constructifs qui viennent appuyer l’esprit de cette motion en vue d’établir un consensus. J’invite donc les députés à appuyer cette motion.

Marlene Jennings (libérale, Notre-Dame-de-Grâce–Lachine) : J’aimerais déclarer d’emblée, au nom de l’opposition officielle, que nous, les libéraux, avons l’intention d’appuyer la motion déposée par le député de Wellington–Halton Hills.

Nous croyons que c’est une initiative louable. Nous croyons que c’est le temps, à nouveau, de regarder la question de la forme de la période des questions orales et l’objectif qu’elle vise.

Nous sommes très contents que le député de Wellington–Halton Hills ait confirmé à la Chambre qu’il est ouvert à des suggestions et à des modifications. Il souhaite que sa motion soit adoptée à la Chambre afin qu’elle soit renvoyée au Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre. Il souhaite également que les membres de ce comité, dont je suis, fassent une étude complète dans le but d’améliorer la période des questions tant sur le plan de la substance que de la forme.

J’aimerais seulement expliquer un peu comment cela se passe en Australie et au Royaume-Uni. D’après ce que je comprends, au Royaume-Uni, tous les mercredis pendant lesquels la Chambre des communes britannique siège, 30 minutes sont réservées aux questions destinées au premier ministre; cette pratique a été instituée en 1961. Les députés qui désirent lui poser une question doivent faire inscrire leur nom au Feuilleton. Les noms sont alors tirés au sort pour déterminer l’ordre dans lequel ils seront appelés par le président.

Traditionnellement, le chef de l’opposition est le premier député du côté de l’opposition à être appelé après la première question, que celle-ci ait été posée par le gouvernement ou l’opposition. Par ailleurs, le chef de l’opposition a le droit de poser six autres questions réparties en deux groupes de trois. Enfin, quand le premier ministre est en déplacement officiel, un suppléant répond alors aux questions. Voilà quelques-unes des modalités en place à la Chambre des communes britannique. Il s’agit d’un grand contraste par rapport à ce que nous avons ici au Canada.

Au sein du Commonwealth d’Australie, au Parlement fédéral et dans tous les parlements des États australiens, la période des questions orales est sacrée. Habituellement, les députés ministériels et les députés de l’opposition posent en alternance des questions aux ministres. Ce sont les députés de l’opposition qui commencent.

Aux termes du Règlement de la Chambre des représentants, le premier ministre peut mettre fin à la période des questions en proposant que les questions qui restent soient inscrites au Feuilleton. Il semble que le premier ministre puisse mettre fin prématurément à la période des questions, bien que cela ne se produise pratiquement jamais à cause des critiques que cela ne manquerait pas de susciter.

Je crois aussi qu’il serait intéressant que le Comité de la procédure et des affaires de la Chambre se penche sur les assemblées législatives au Canada.

À la Chambre des représentants de l’Australie et de ses États membres, aucune limite de temps n’est imposée aux réponses. Ce n’est pas le cas au Sénat australien.

Enfin, au Parlement de l’État de Victoria, on peut poser aux ministres un nombre donné de « questions sans préavis ». Le nombre des questions est déterminé proportionnellement au nombre de sièges des partis représentés à la Chambre.

Certains députés ont dit que, si la motion était adoptée dans sa forme actuelle, cela pourrait être dangereux pour les députés de l’opposition, car le nombre de questions qu’on les autoriserait à poser ne serait pas nécessairement proportionnel au nombre de sièges qu’ils détiennent à la Chambre.

Ce point est très important. Il serait important de veiller à ce que le nombre de questions accordées aux partis de l’opposition soit proportionnel au nombre de sièges qu’ils détiennent. Il pourrait y avoir un tirage au sort pour les libéraux, un pour les bloquistes et un pour les néo-démocrates, si bien que la proportion serait assurée.

Si je regarde la législature de ma propre province, la belle province du Québec, on constate que, lors de la période des questions orales à l’Assemblée nationale, le temps alloué pour les questions est beaucoup plus long que ce à quoi nous avons droit en Chambre et le temps alloué pour les réponses est le même.

J’étais une amatrice de l’Assemblée nationale avant d’arriver sur la Colline parlementaire et je peux dire que, malgré quelques exceptions, cela permet vraiment aux partis d’opposition et au gouvernement de vraiment entrer dans le sujet et de l’aborder de manière plus détaillée. Je trouvais que cela fournissait aux spectateurs, comme je l’étais à l’époque, une meilleure connaissance des enjeux. Je comprenais mieux les enjeux et les raisons pour lesquelles un parti adoptait une position sur un sujet particulier et qu’un autre défendait une position différente. Je comprenais mieux pourquoi le gouvernement avait pris telle décision ou adopté telle politique. Les députés de l’opposition avaient plus de temps pour poser des questions et les ministres disposaient de plus de temps pour y répondre.

Mario Laframboise (bloquiste, Argenteuil–Papineau–Mirabel) : Nous avons, depuis 2006, un gouvernement minoritaire. Inévitablement, ce gouvernement se sent un peu oppressé par les questions de l’opposition. Préalablement à cela, il y a eu le scandale des commandites, et la période des questions de la Chambre a eu une grande influence sur le déroulement de la politique au Canada. Si on veut changer la façon de procéder, il ne faut surtout pas enlever son pouvoir à l’opposition, à savoir poser des questions aux personnes qui le méritent. À l’époque du scandale des commandites, Alfonso Gagliano était bombardé de questions tous les jours. Il faut donc voir quel effet aura la motion du député conservateur sur cette façon de procéder.

Le Bloc québécois est d’accord sur le premier sous-alinéa de la motion :

(i) améliorer le décorum et renforcer la discipline que peut exercer le président pour rehausser la dignité et l’autorité de la Chambre,

Nous l’avons déjà mentionné à plusieurs reprises à la Chambre. Évidemment, nous croyons que le président a le pouvoir d’améliorer le décorum. C’est sa responsabilité propre, et il doit y voir.

Il y a d’autres sous-alinéas à cette motion :

(ii) allonger le temps alloué aux questions comme aux réponses,

J’écoutais l’allocution de la députée libérale, juste avant moi. Elle faisait référence à l’Assemblée nationale du Québec. Il ne faut pas oublier qu’il y a présentement deux fois et demie moins de députés à l’Assemblée nationale qu’à la Chambre. Lorsqu’il y aura eu la réforme de la Chambre des communes telle que proposée par les conservateurs, qui ajoutera une trentaine de députés, l’Assemblée nationale aura trois fois moins de députés que la Chambre des communes. Il est donc normal que, durant la période de questions, les questions et les réponses soient plus longues compte tenu du fait qu’il y a moins de députés.

Le problème, comme je l’ai dit tout à l’heure au député conservateur qui a proposé la motion, c’est qu’on ne veut pas que le fait d’allonger le temps des questions et des réponses diminue le nombre de questions que pourrait poser l’opposition. Évidemment, il n’a pas été clair. Ce qu’il nous a dit, c’est qu’on devrait poser des questions moins longues. Pourquoi, le Bloc Québécois poserait-il des questions de 30 secondes ou de 20 secondes? Parce qu’il veut garder le nombre de questions qu’il a présentement. Sinon, il faudra allonger la période de questions. Or allonger la période de questions, cela veut dire déplacer les comités, cela veut dire bien des choses. Ce n’est pas pour rien que ces décisions ont été prises auparavant.

Le troisième sous-alinéa est :

(iii) revoir la convention suivant laquelle le ministre questionné n’est pas tenu de répondre,

On a toujours dit que c’était une période de questions, et pas une période de réponses. Les ministres pourront toujours nous dire qu’ils nous ont répondu et ne pas le faire à notre convenance. Je me questionne donc par rapport à ce sous-alinéa.

(iv) attribuer chaque jour la moitié des questions à des députés dont le nom et l’ordre de prise de parole seraient choisis au hasard,

Quant à moi, quand je lis le texte tel qu’il est présenté, je sens qu’on veut réduire et museler l’opposition, mais on s’opposera toujours au musellement que pourrait faire le Parti conservateur.

Encore une fois, si l’objectif est de permettre à tous les députés de la Chambre d’avoir droit au tirage, donc autant les députés au pouvoir que ceux qui sont dans l’opposition, cela veut dire qu’on ajoute un nombre de questions aux députés du gouvernement et, encore une fois, cela signifie moins de questions pour l’opposition. Cela voudrait dire qu’on aurait eu moins de questions dans les 440 qu’on a posées lors du scandale des commandites, moins de questions pour le Bloc Québécois afin qu’il fasse le ménage dans ce parlement.

(v) vouer le mercredi exclusivement aux questions destinées au premier ministre,

(vi) vouer les lundi, mardi, jeudi et vendredi aux questions destinées aux ministres autres que le premier ministre d’une manière qui oblige les ministres […]

Cela voudrait dire que, si un sujet de l’actualité touche un ministre et que sa journée est le jeudi ou le mardi de la semaine suivante, on attendrait une semaine avant de poser la question au ministre concerné. Cela n’a aucun sens. Pour le premier ministre, on attendrait une semaine avant de lui poser la question le mercredi. Je prends pour référence l’effet que la période des questions a eu sur le scandale des commandites. Cela a permis de découvrir, jour après jour, l’ampleur du plus grand scandale ayant touché le gouvernement canadien dans toute l’histoire du Canada.

Évidemment, on comprendra que, lorsqu’on regarde la motion, on peut être en faveur du principe. On est d’accord pour qu’il y ait un meilleur décorum en cette chambre et on soutiendra toute mesure à cet égard. Mais quand on regarde la motion déposée par le collègue conservateur, on s’aperçoit qu’on tente encore une fois de museler l’opposition et on ne l’acceptera jamais. Je peux comprendre que le Parti libéral, qui a vécu durement le scandale des commandites, appuie la motion. Néanmoins, on comprendra que le Bloc Québécois, qui veut plus de transparence en cette chambre, s’opposera à toute mesure qui pourrait limiter le temps qui est alloué à l’opposition pour poser des questions. Évidemment, les discussions qu’on aura et les prises de position qu’on prendra seront toujours pour défendre le droit d’obtenir plus de transparence.

Je sais que le collègue conservateur nous a tendu la main, mais on ne peut pas faire autrement que de voir que c’est tout de même le Parti conservateur qui a prorogé la Chambre alors qu’il y avait beaucoup de pression dans le dossier des prisonniers afghans. C’est ce gouvernement qui a refusé de remettre les documents et le président a dû prendre une décision historique pour forcer le gouvernement à remettre les documents. C’est aussi ce gouvernement qui refuse maintenant de permettre la comparution de son personnel politique devant les comités. Il faut donc faire attention.

Ce parlement a toujours fonctionné d’une certaine façon et je pense que cela a donné de bons résultats. Cela a entre autres permis de mettre au jour tout le scandale des commandites. Si les conservateurs essaient encore une fois de modifier la loi pour qu’on puisse ne plus jamais mettre au jour les scandales des gouvernements qui sont au pouvoir, cela me pose beaucoup de problèmes. Nous sommes favorables à la première partie de la motion, soit l’alinéa 1, qui dit qu’il faut améliorer le décorum et renforcer la discipline que peut exercer le président, mais nous ne sommes pas favorables à tous les autres alinéas.

Inévitablement, compte tenu qu’il y a plus de désaccords que d’accords, nous serons contre la motion, même si nous encourageons fortement le député, si sa motion est rejetée, d’en déposer une autre dans laquelle il essaiera de respecter le fait que l’opposition a le droit de poser toutes les questions. C’est le porte-voix de tous ceux et celles qui veulent savoir ce que fait le gouvernement.

Libby Davies (néo-démocrate, Vancouver-Est) : Cette motion est un véritable effort de réflexion sur ce qui se passe dans notre enceinte, particulièrement à la période des questions. La motion propose des pistes constructives dont nous pouvons discuter et, espérons-le, que nous pourrons renvoyer au Comité de la procédure et des affaires de la Chambre.

Le NPD appuiera la motion. Nous croyons qu’elle doit être étudiée au Comité et qu’elle devrait faire l’objet d’un débat approfondi. Cela étant dit, je veux faire part à la Chambre de certaines préoccupations.

Je fais remarquer que le NPD est, depuis longtemps, le champion de la réforme parlementaire à la Chambre. Dans l’histoire récente, nous pouvons remonter au rapport McGrath, publié en 1985. C’était un document d’environ 100 pages sur la réforme parlementaire. Bill Blaikie, un député du Nouveau Parti démocratique qui est éventuellement devenu le doyen de la Chambre, a participé à la rédaction de ce rapport, qui recommandait des modifications de la procédure parlementaire, dont un certain nombre ont d’ailleurs été adoptées.

Je dois dire que, depuis ce temps, très peu de choses ont changé à la Chambre. Le Règlement de la Chambre a été un peu modifié. À titre d’exemple, les règles concernant les motions d’adoption ont été modifiées. Paradoxalement, les conservateurs siégeaient alors dans l’opposition. Ce changement a permis d’élargir un peu la portée des débats. Cela mis à part, nous n’avons vraiment rien fait sur bien des points qui mériteraient d’être étudiés.

Bien sûr, notre parti a présenté des motions à la Chambre concernant, par exemple, les prorogations et la nécessité d’imposer des limites à cet égard afin d’éviter les abus dont le gouvernement et le premier ministre actuels se sont rendus coupables. Pour nous, ce sont autant d’éléments d’une réforme parlementaire terriblement nécessaire sur lesquels il faudrait se pencher.

En 1992, Dawn Black, une de nos députées, était membre d’un comité consultatif spécial du président chargé d’étudier le décorum. J’ai examiné le rapport de ce comité. C’était un très bon rapport, mais il n’a pas vraiment eu de suite.

En 2006, après quelques incidents carrément scandaleux à la Chambre en termes de sexisme et de chauvinisme et inadmissibles en termes de comportement, le Comité de la procédure et des affaires de la Chambre s’est penché sur la question. Dawn Black a siégé à ce comité parce qu’elle avait participé à l’étude précédente. Je rappelle qu’il y a eu un long débat sur le décorum et que le 37e rapport du Comité de la procédure et des affaires de la Chambre fait état de l’opinion de certains députés, notamment en ce qui concerne le décorum, mais ne prévoit aucune mesure à cet égard.

Nous n’avons pas un bilan très remarquable pour ce qui est du traitement de ces questions et de l’analyse des modifications substantielles qui s’imposent. Quoi qu’il en soit, la présente motion nous donne l’occasion de dire au Comité qu’il faut tenir un débat sérieux sur le décorum, sur la période des questions et de voir quels changements peuvent être apportés.

J’aimerais passer en revue quelques-unes des suggestions que le député a faites.

En principe, l’idée de permettre des questions et des réponses plus longues est judicieuse. Néanmoins, un des problèmes vient du fait que la période des questions orales ne dure que 45 minutes. Comme il y a quatre partis à la Chambre et qu’on alloue à chacun un temps proportionnel, le temps pour poser une question a été ramené à 35 secondes. Bon nombre d’autres variables entrent également en jeu. Il faut s’assurer que les députés ont suffisamment de temps pour poser des questions appropriées et, espérons-le, pour obtenir des réponses adéquates. Cependant, à moins que ne soit prolongée la durée de la période des questions orales, nous serions fort préoccupés en tant que quatrième parti, à l’instar de n’importe quel autre quatrième ou troisième parti, de perdre des possibilités de poser des questions si la durée des questions était plus longue. Il faut tenir compte de ces diverses variables.

Elle est bien loin l’époque où Tommy Douglas intervenait pour poser une question très rationnelle et réfléchie qui durait peut-être quelques minutes. Il n’y avait pas de caméras de télévision à cette époque. Il faut reconnaître que la télévision et l’attention que portent les médias à la période des questions ont vraiment modifié le déroulement des travaux de la Chambre.

Un des problèmes est la durée de la période des questions, qui fait qu’on dispose de très peu de temps pour chaque question.

Je trouve intéressant que le député ait cité des journalistes qui ont dit qu’ils aimeraient que nous soyons plus soucieux du décorum. C’est un peu ironique, parce que c’est l’histoire de la poule et de l’œuf. Nous posons ces questions de 35 secondes, puis les échanges sont repris dans les médias. Ils sont aux aguets, et plus les propos sont scandaleux, plus la couverture médiatique sera importante. C’est un cycle sans fin.

Si nous voulons changer les choses, rétablir le décorum et faire en sorte que la période des questions soit un volet plus sérieux de notre travail, les médias doivent également changer leur opinion à l’égard du débat et des travaux de la Chambre. Nous devrions peut-être inviter leurs représentants aux séances du Comité et discuter du décorum et de la période des questions avec eux, et leur en expliquer le fonctionnement. Je reconnais que les gens qui viennent ici et qui prennent place à la tribune sont plutôt horrifiés par notre comportement.

Il est question également de vouer une journée exclusivement aux questions destinées au premier ministre. D’ailleurs, bon nombre des suggestions s’inspirent de ce qui se fait au Royaume-Uni, et j’ai pu constater moi-même le déroulement de certaines de ces procédures. Il y a des idées intéressantes qui permettraient aux députés de poser des questions à saveur plus locale ou qui leur assureraient la présence à la Chambre d’un ministre en particulier. Toutefois, nous devons également savoir que le gouvernement pourra rendre des comptes à l’opposition tous les jours grâce aux questions destinées au premier ministre. Ce serait très différent si l’on s’appuyait sur le modèle britannique en vouant une seule journée à ces questions. Je doute que le niveau de reddition de comptes réponde à nos attentes.

Il y a probablement d’autres questions qui méritent d’être abordées. Mais le plus important du point de vue des néo-démocrates, en appui à cette motion, c’est qu’il doit y avoir une discussion sérieuse entre tous les partis sur la façon de procéder. Nous devons avoir une discussion non partisane concernant une réforme parlementaire globale. Je conviens que le public se concentre beaucoup sur la période des questions, car c’est la période sur laquelle les médias se concentrent, mais il y a d’autres réformes démocratiques possibles.

Nous avions déposé une motion sur la prorogation, une motion qui a reçu l’appui de la majorité des députés. Nous avons également proposé des initiatives sur la représentation proportionnelle, qui constitue, selon nous, un élément fondamental de la réforme démocratique. Cet élément porte sur la façon dont nous sommes élus. Actuellement, la façon dont nous sommes élus n’est pas représentative du nombre de votes que nous recevons à l’échelle du pays. Par conséquent, la composition de la Chambre n’est pas représentative de la réalité en termes du pourcentage de votes que chaque parti obtient.

Par conséquent, nous sommes prêts à nous pencher sur la période des questions. Toutefois, nous désirons également affirmer très clairement qu’il faut aller au-delà de la période des questions. Il est question ici d’une réforme démocratique, qui doit comprendre des propositions touchant à la réforme électorale, à la représentation proportionnelle et à la prorogation. Nous allons d’ailleurs présenter un projet de loi à ce sujet. Voilà les questions dont il faudrait discuter sans tarder.

De toute évidence, le député a longuement réfléchi à sa motion. Nous devrions encourager le Comité à étudier ces propositions, à analyser peut-être ce qui se passe dans d’autres pays et à déterminer les réformes à envisager. En ce qui concerne la question du décorum, si nous sommes vraiment sérieux, nous devons être prêts à dire qu’il faut absolument que des changements soient apportés. En ce qui concerne l’idée selon laquelle le président dispose de tous les outils nécessaires, peut-être que c’est vrai. Quoi qu’il en soit, tous les partis doivent s’entendre et nous devons veiller à améliorer le décorum dans cette enceinte parce que les gens sont vraiment choqués de ce qu’ils voient. En tant que représentants de la population dans cette enceinte, nous ne devrions pas nous comporter de cette manière.

Tom Lukiwski (conservateur, Regina–Lumsden–Lake Centre) : Je crois qu’il n’est pas un seul député auquel un de ses électeurs ne soit pas venu se plaindre des écarts de conduite ou du manque de décorum observés pendant la période des questions. Cela devrait suffire à nous faire tous réfléchir sérieusement à notre comportement.

Par conséquent, non seulement il était grand temps de présenter cette motion, mais il convient de l’examiner soigneusement. Plusieurs intervenants qui m’ont précédé ce soir ont suggéré d’y apporter des modifications. Le député de Wellington–Halton Hills a dit qu’il était ouvert à des amendements constructifs, car il reconnaît qu’il n’y a pas de monopole sur les bonnes idées.

Le principe et l’esprit de cette motion sont excellents, mais on peut encore l’améliorer. J’aimerais suggérer au député de Wellington–Halton Hills deux ou trois idées qui renforceraient et amélioreraient, à mon avis, cette motion. Je vais donc les soumettre maintenant à la réflexion de mes collègues.

Le premier changement que je suggérerais concerne la partie de la motion dans laquelle le député dit que le Comité de la procédure et des affaires de la Chambre devrait recommander des modifications au Règlement régissant la période des questions.

La période des questions n’est pas régie par le Règlement. Il y a plutôt une convention officieuse qui oriente la période des questions depuis plus de 100 ans.


Comme le député de
Wellington–Halton Hills l’a souligné, un ministre peut souvent avoir de bonnes raisons de ne pas répondre à une question. Obliger un ministre à répondre à une question est quelque peu restrictif.

Il est quelque peu restrictif de recommander que le Règlement soit modifié afin qu’il précise la forme que devrait prendre la période des questions. Au lieu de demander au Comité de la procédure et des affaires de la Chambre de recommander des modifications à apporter au Règlement, il faudrait plutôt simplement recommander que ce comité réalise une étude à ce sujet. Au bout du compte, le Comité ne recommanderait peut-être aucune modification au Règlement. Il pourrait toutefois recommander autre chose, mais il ne devrait pas être tenu d’examiner uniquement le Règlement. Le mot « étudier » a une portée beaucoup plus vaste que le fait de recommander des modifications, car cette question doit être examinée très soigneusement.

La motion du député dit aussi que nous devrions revoir la convention suivant laquelle les ministres ne sont pas tenus de répondre aux questions qui leur sont posées directement. En d’autres mots, il suggère qu’ils devraient répondre directement aux questions qui leur sont posées. Je ne suis pas sûr que c’est ce qu’il faut faire.

En raison de la complexité d’un dossier, il arrive souvent que plusieurs ministres partagent certaines responsabilités. Parfois, sans le vouloir, j’en suis certain, des députés de l’opposition n’adressent pas leurs questions aux ministres compétents. Cette partie de la motion est quelque peu restrictive et devrait être modifiée, voire supprimée.

Il me semble, en outre, que la période de six mois que le député deWellington—Halton Hills propose d’accorder au Comité de la procédure et des affaires de la Chambre pour mener cette étude est un peu courte. Je m’explique.

Les événements des derniers mois au Parlement constituent un bon exemple. Comme on le sait, lorsqu’une question de privilège est soulevée et que la présidence juge que celle-ci est fondée de prime abord, la question est immédiatement renvoyée au Comité de la procédure et des affaires de la Chambre pour qu’il l’étudie. Si cela devait se produire de nouveau, six mois ne seraient pas suffisants, selon moi, mais ils pourraient l’être. J’aimerais que le délai soit plus long. Cela dit, je m’apprête à proposer au député de Wellington—Halton Hills un amendement amical qui ne fait pas mention d’une période de plus de six mois. Je pense que le Comité devrait contribuer aux discussions à ce sujet.

Je crois sincèrement que cette motion suscitera beaucoup de discussion.


NDLR : Le débat de cette motion a été ajourné. Aucune autre mesure n’a été prise avant la suspension des activités de la Chambre pour l’été, le 17 juin 2010.

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