Quelques réflexions personnelles sur la période des questions
Le 6 octobre 2010, la Chambre des communes a adopté la motion d’initiative parlementaire présentée par Michael Chong pour réformer la période des questions, puis l’a renvoyée au Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre. (Pour en savoir plus sur la réforme proposée, voir la livraison d’automne de la Revue parlementaire canadienne.) Dans le présent article, un député explique les raisons pour lesquelles il appuie cette réforme.
Comme je suis député depuis relativement peu de temps, j’exprimerai avec franchise mes réflexions sur la période des questions et, en particulier, sur la réforme proposée par Michael Chong.
Avant d’être élu à la Chambre, j’ai dirigé une banque d’alimentation à London, en Ontario, où je suis toujours directeur bénévole. J’ai également été pompier pendant 30 ans. Il y a presque quatre ans, j’ai affronté Elizabeth May dans une élection partielle.
Elizabeth et moi-même avons travaillé ensemble à un certain nombre de dossiers. Ed Holder, qui représente, au nom du Parti conservateur, la circonscription de London-Ouest, est un bon ami et nous a beaucoup aidés à la banque d’alimentation. Je suis donc habitué à travailler dans la concertation, malgré les différences de points de vue. Toutefois, cela ne m’a pas préparé à ce que j’ai découvert lorsque je suis arrivé à la Chambre des communes.
La première fois qu’on m’a demandé de me présenter comme député, j’ai refusé. Cela ne m’intéressait pas. Mais, finalement, j’ai accepté, en partie parce que ma femme m’y a poussé. Ma campagne était axée sur quatre grands thèmes :
- les questions féminines
- l’environnement
- la réputation internationale du Canada et sa participation sur l’échiquier international, principalement par l’entremise de l’ACDI
- le respect mutuel.
J’ai pensé à l’époque, et je pense toujours, qu’on ne s’occupe pas correctement de ces dossiers. En fait, une trentaine de millions de Canadiens sont aux prises avec des problèmes bien réels qui leur importent. Et, par différents mécanismes et filtres, bon nombre de ces problèmes sont débattus à la Chambre et pendant la période des questions. Les Canadiens s’intéressent à la chose politique, et nous devons les prendre au sérieux. Il nous faudrait pouvoir discuter et débattre de toutes ces questions de manière civilisée. Mais ce n’est pas le cas. Il y a la discipline de parti. Nous prenons position et il est très difficile de dialoguer.
Le jour de mon arrivée à la Chambre, tous se sont levés et m’ont applaudi, comme ils le font pour chaque nouveau député. Peu après, la période des questions a commencé et j’ai eu l’impression d’être pris dans un tourbillon. J’ai dû m’habituer au déroulement des séances.
J’ai passé dernièrement une fin de semaine de planification stratégique organisée par ma banque d’alimentation. La demande y a augmenté de 35 p. 100. Nous aidons 3 500 familles par mois. Pourtant, je ne vois pas de solution et ne sais même pas si le Parlement prend la chose au sérieux. Cela m’inquiète. Il y a de grands enjeux avec lesquels les Canadiens sont aux prises, qu’ils participent au processus politique ou non. Je pense que la période des questions devrait refléter la gravité de notre situation.
Je représente une circonscription de 110 000 personnes. J’ai été élu. Je devrais être capable d’être un député et un fonctionnaire digne et respecté.
Lorsque Michael Chong m’a téléphoné, un dimanche après-midi, j’étais en train de sauter sur un trampoline avec les trois enfants africains que j’ai adoptés. Il m’a dit : « Glen, j’ai conçu une initiative et je me demandais si tu étais disposé à l’appuyer. » Je suis descendu du trampoline, mes enfants me tirant pour que j’y remonte, et j’ai écouté. J’étais vraiment d’accord avec ses propos.
J’ai pensé aux deux soldats revenus d’Afghanistan qui sont venus me voir dans mon bureau il y a deux ans pour me demander d’assister à la période des questions. Je les connaissais tous les deux, car leur casernement se trouve dans ma circonscription. Ce mercredi après-midi, la période des questions a été particulièrement houleuse. De retour à mon bureau, je leur ai demandé ce qu’ils pensaient de ce qu’ils venaient de voir. Ces deux hommes, qui avaient fait la guerre, m’ont regardé et m’ont dit : « C’est pour cela qu’on se bat? »
Je pense que c’est comme ça que nous voit le public. Ces hommes et ces femmes qui se battent pour notre sécurité à l’étranger nous voient nous chamailler. Ce n’est pas pour cela qu’ils se battent. Ils croient en notre droit de discuter, en notre droit d’exprimer des points de vue différents. Mais ils croient également en un parlement qui traite des enjeux avec respect et les règle.
Je me demande combien de députés sont gênés de faire venir des écoliers à la période des questions. Je pense que nous devons changer. Il faut que nous changions, car de moins en moins de gens vont voter. De moins en moins prêtent attention à ce qui se passe et, dès qu’ils me voient me comporter de façon irrespectueuse, ils se détournent. Le Parlement doit leur paraître un endroit digne. C’est pour cela que nous devons changer en tant que députés.
Le projet de réforme de la période des questions nous présente une occasion qui me semble très importante. Il est temps que nous, les députés, reconnaissions honnêtement que nous nous sommes mal comportés. C’est difficile à faire, mais je pense que cela est nécessaire. Il est temps que nous commencions à nous conduire avec respect ou que nous reconnaissions tout simplement que nous en sommes incapables.
Lorsque mon parti me demande de présenter une question lors de la période des questions, je lui demande tout d’abord de me la montrer. D’habitude je refuse, car son seul but semble de mettre le gouvernement dans l’embarras. Je sais que c’est là quelque chose que des députés font, et cela est correct. Mais ce n’est pas mon style. Je n’ai donc présenté aucune question à la période des questions. Je reste observateur et regarde John Baird faire ce qu’il fait.
John Baird et moi-même n’avons absolument rien en commun. Il me donne toujours une tape dans le dos quand il me voit. C’est sans doute un chic type, mais je dois dire qu’il m’énerve. Une fois, il a dit quelque chose à propos d’un sujet qui m’est très cher. J’ai crié : « Ce n’est pas vrai! » Tout le monde autour de moi était extrêmement surpris, comme si c’était la première fois qu’ils m’entendaient crier.
Je siège au Comité des affaires étrangères et la question soulevée par M. Baird était très importante pour moi. Lorsque je suis rentré le soir chez moi, j’ai téléphoné à ma femme et lui ai dit que j’étais un idiot. J’ai écrit sur mon blogue qu’il ne faut pas crier et qu’il faut bien se comporter et je me suis mal conduit. Comme je n’ai pas véritablement bien traité John Baird en public, il fallait que je corrige la situation en public.
Alors, j’ai abordé le sujet sur mon blogue ce soir-là et expliqué le type de député que j’étais. Je m’étais trompé. Je peux faire mieux. Nous pouvons tous faire mieux. Puis, le lendemain, à la période des questions, je suis allé vers lui et lui ai serré la main. Il m’a dit qu’il comprenait ce que je faisais. Il a été respectueux, et j’ai apprécié.
Je ne pense pas que nous devions toujours diaboliser les autres. Il me semble incontestable que tous ceux qui briguent un poste de député ont un cœur. Ils doivent sûrement penser que ce travail est très important. Je pense que la motion de Michael Chong a pour objet de faire réfléchir les députés, de leur montrer que ce n’est pas leur chambre, que ce n’est pas la Chambre du chef du parti. C’est la Chambre du peuple canadien. Nous devons nous comporter en conséquence.
J’ai parlé à de nombreux députés qui estiment que le déroulement de la période des questions est injustifié, mais qui ignorent comment changer les choses. Eh bien, ils ne peuvent plus le dire. Nous avons la possibilité de voter pour le changement. Je demande à tous mes collègues députés de saisir cette occasion de le faire. Essayons de changer et d’être le genre de personnes que nous souhaitons réellement être.