Sur les rayons
Against Reform, de John Pepall, University of Toronto Centre for Public Management Monograph Series, University of Toronto Press, Toronto 2010.
Ce livre constitue un réquisitoire intéressant et bien écrit contre divers projets de réforme qui dominent la pensée canadienne depuis les 50 dernières années.
Il aurait pu représenter pour le conservatisme politique du XXIe siècle ce que l’ouvrage Lament For A Nation de George Grant a représenté pour le conservatisme intellectuel du XXe. Or, il donne plutôt l’impression d’être une critique boiteuse de plusieurs idées qui le sont aussi. Néanmoins, il présente des observations et des idées qui méritent l’attention des réformateurs en herbe et des partisans du statu quo.
L’auteur présente sa thèse de façon simple et élégante :
Nous avons oublié comment notre institution politique a vu le jour et les raison de son existence. Les médias, les universitaires et les politiciens ont une propension au changement, et la masse des gens satisfaits de nos institutions sont discrets, tandis que ceux qui souhaitent les changer se refusent à l’être. Nous sommes distraits par le spectacle de la politique américaine. Mais le plus important, c’est que nous comprenons mal la démocratie et que, dans l’espoir d’obtenir ce que nous pensons que les gens veulent, nous risquons que ceux-ci perdent le contrôle du gouvernement (p. 3).
Le problème résulte en grande partie d’une confusion entre parlement et gouvernement. à l’origine, le parlement n’avait rien à voir avec le gouvernement. Ce dernier était entre les mains du roi, et le parlement était convoqué pour voter des crédits et présenter des doléances. Même après que le gouvernement a été assujetti au parlement, leurs rôles restèrent distincts.
L’autorité, la cohérence et les travaux nécessaires au fonctionnement d’un gouvernement dépassent les capacités d’une assemblée de centaines de personnes. Le Parlement, la Chambre des communes en particulier, a toujours un rôle de soutien et d’examen. Il peut d’ailleurs faire ou défaire un gouvernement. Il doit en exposer les défauts et veiller à les faire corriger de façon détaillée, mais il ne peut pas élaborer les politiques, choisir les gens, administrer les programmes ni s’acquitter de toutes les autres tâches du gouvernement (p. 99).
L’auteur consacre plusieurs chapitres à soutenir la thèse que les élections à date fixe, la représentation proportionnelle, un sénat élu, les initiatives de destitution et la confirmation des nominations par le Parlement sont plus ou moins incompatibles avec le régime parlementaire classique qu’il a décrit.
Il est particulièrement hostile à la représentation proportionnelle. Il y consacre d’ailleurs pas moins de cinq chapitres et aborde séparément les référendums de l’Ontario et de la Colombie-Britannique. Un seul chapitre porte sur la réforme parlementaire, la plus grande partie servant à discréditer une proposition bidon – les votes libres – qui n’a jamais constitué une réforme sérieuse, sauf dans les rêves des premiers réformistes et dans l’esprit quelque peu confus de Paul Martin, dont le plan d’action prévoyait des votes libres de première, deuxième et troisième catégorie.
La réforme des comités n’occupe qu’une demi-page, mais le principal argument de l’auteur est convaincant. On a peut-être commis une erreur en permettant aux comités d’agir en tant qu’entités autonomes au lieu d’être au service de la Chambre, rôle qui leur avait été confié au départ et qu’ils continuent de jouer au sein de la plupart des assemblées législatives. Il discute de changements visant à renforcer le rôle des projets de loi d’initiative parlementaire, mais conclut qu’en donnant plus de place à ce type de projet de loi, « on ne ferait que flatter la vanité des députés. Cela ne ferait pas de tort à personne, mais ne ferait aucun bien non plus » (p. 109).
Le livre déçoit non seulement parce que l’auteur porte quelques coups bas à des cibles faciles, mais aussi parce qu’il n’explique pas assez en détail pourquoi nos institutions politiques sont devenues dysfonctionnelles, surtout depuis l’avènement du gouvernement minoritaire. Voici deux raisons possibles qui méritaient d’être prises en considération.
A-t-on fait adopter des réformes bien intentionnées pour faire contrepoids à l’extraordinaire pouvoir de l’exécutif durant la longue période (1980-2004) de gouvernement majoritaire sans réfléchir à l’application de ces réformes en situation de gouvernement minoritaire?
Avons-nous perdu de vue que la réforme doit toujours trouver un équilibre entre le fait que le gouvernement doit gouverner et l’opposition s’opposer, et décidé qu’elle devait principalement servir à faciliter la vie des parlementaires?
L’auteur a, en outre, tort de critiquer deux ou trois réformes en particulier. Par rapport à sa propre façon de voir comment un parlement devrait fonctionner, la confirmation des nominations par les comités parlementaires constitue, en fait, une réussite.
Essentiellement, on procède comme suit : une fois la nomination annoncée, la personne nommée est convoquée devant un comité qui peut l’interroger de façon respectueuse, serrée ou carrément hostile. Le comité prend ensuite une décision et en fait rapport à la Chambre. Toutefois, dans le cas de Glen Murray, cette décision n’a eu aucune incidence sur sa nomination à la tête de la Table ronde nationale sur l’environnement et l’économie en 2005. En effet, le Comité permanent de l’environnement et du développement durable a tenu des audiences et fini par voter contre la nomination de ce candidat par 7 voix contre 4, mais Paul Martin l’a confirmée quand même.
En 2006, le Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires a rejeté la nomination proposée de l’entrepreneur calgarien Gwyn Morgan au poste de président de la nouvelle Commission des nominations publiques. Au lieu de chercher un autre candidat ou de ratifier la nomination en dépit de la décision du Comité, comme l’avait fait M. Martin, le gouvernement semble avoir abandonné l’idée de créer la Commission.
Ces deux exemples illustrent bien comment le parlement devrait fonctionner. Les membres discutent et délibèrent, mais la responsabilité de la nomination appartient à l’organe exécutif et, si ce dernier décide de ne pas écouter le comité, il devra en fin de compte assumer la responsabilité de sa décision. Il ne s’agit pas d’une ratification, d’un avis et d’un consentement, ni d’un véto. Si les débats semblent parfois inconvenants, ils s’inscrivent néanmoins dans la tradition parlementaire prônée par John Stuart Mill, selon laquelle une discussion franche et ouverte, si déplaisante soit-elle, est le fondement de nos libertés.
L’auteur fait aussi erreur dans sa critique concernant le changement d’appartenance politique. Il condamne les projets de loi, comme celui de Peter Stoffer, qui visent à empêcher les députés de changer de parti à moins de se présenter à une élection partielle : « Les partis doivent pouvoir se diviser, fusionner, disparaître et naître afin de trouver la cohérence qui permet à un gouvernement de fonctionner. Mais si, pendant que cela se produisait, tous les éventuels députés transfuges devaient se faire réélire, le développement politique serait freiné et les députés concernés seraient coincés dans des partis qui ne répondent plus à leurs besoins » (p. 105).
C’est peut-être vrai dans le cas des simples députés, mais l’auteur fait abstraction de sa propre logique s’il n’établit pas de distinction entre ceux qui ne font que changer de parti et ceux qui changent de parti pour se joindre au gouvernement, comme l’ont fait Belinda Stronach et David Emerson. Jusqu’en 1931, une loi obligeait tout élu nommé au poste de ministre à se faire réélire. Nous ne voulons pas retourner en arrière et obliger toutes les personnes nommées au Cabinet à démissionner de leur poste de député et à se représenter à une élection partielle, mais pourquoi ne pas emboîter le pas aux provinces et aux territoires qui ont légiféré afin de prévenir les situations comme celles de Mme Stronach et de M. Emerson, qui tournent en dérision notre forme de gouvernement.
Enfin, l’auteur est un peu trop préoccupé par son thème – contre la réforme. En effet, il ne propose même pas de changements qui pourraient s’avérer salutaires. Par exemple, l’emploi du temps à la Chambre des communes est peut-être la plus grande source de frustration pour les députés, les intervenants et la population. Il doit pourtant exister un moyen terme entre le gouvernement majoritaire qui a recours aux motions d’attribution du temps de façon arrogante et le gouvernement minoritaire qui doit faire face à une obstruction systématique de la part de l’opposition.
Quel dommage que l’auteur n’ait pas mis à contribution son grand talent d’analyse pour proposer des solutions novatrices à ce problème et à beaucoup d’autres auxquels se heurtent nos institutions!
Gary Levy
Ottawa
Parliament and Congress: Representation and Scrutiny in the Twenty-First Century, de William McKay et Charles W. Johnson, Oxford University Press, 2010.
Les auteurs de cet ouvrage majestueux ont été respectivement greffier de la Chambre des communes à Londres de 1998 à 2002, et parliamentarian à la Chambre des représentants à Washington de 1994 à 2004.
Le livre est une analyse comparative du développement des systèmes parlementaires de la Grande-Bretagne et des états-Unis au cours des quarante dernières années, poursuivant dans la foulée de l’ouvrage du même titre publié en 1972 par Bradshaw et Pring. Le style n’est pas celui d’un précis de procédure parlementaire, mais bien celui d’une véritable cartographie des mouvements d’idées, des événements et des décisions qui ont orienté l’état actuel de ces systèmes.
La grande vertu de cette comparaison est de ne pas se limiter à identifier les différences et les similitudes entre les deux systèmes. à chaque occasion, les auteurs font l’effort d’érudition supplémentaire d’aller rechercher les origines historiques de ces points de comparaison et d’en retracer le développement historique jusqu’à la fin de 2009. Cette vertigineuse mise en perspective permet au lecteur non seulement de connaître, mais aussi de comprendre ces distinctions.
Le chapitre 1, « Introduction », et le chapitre 2, « Basic Constitutional Distinctions », représentent un condensé de théorie politique des deux systèmes de gouvernement. Comme on peut s’y attendre, le principe fondamental sur lequel repose le système de Westminster demeure ce qu’au Canada il est convenu d’appeler le « gouvernement responsable », c’est-à-dire le soutien de la Chambre comme fondement de la légitimité de l’exercice du pouvoir exécutif, et le test régulier de ce soutien que permet la présence de l’exécutif à la Chambre des communes. Par opposition, le système constitutionnel américain a voulu protéger les gouvernés par une constitution écrite et a retiré à l’exécutif une part importante de son pouvoir d’initiative législative, en lui garantissant en contrepartie un mandat fixe.
En Angleterre, les deux chambres permettaient à la noblesse et aux communes de se surveiller mutuellement afin d’éviter une tyrannie populaire, alors que la tyrannie du Roi était rendue improbable par l’instauration d’un pouvoir judiciaire séparé. Aux états-Unis, les distinctions entre le Sénat et la Chambre ne reflètent pas des classes sociales, mais plutôt des tâches distinctes : la plus grande prévisibilité du Sénat, propre à rassurer les puissances étrangères dans la négociation de traités et la nomination d’ambassadeurs, et la responsabilité de la Chambre envers l’électorat et, par son entremise, la responsabilité de tout le gouvernement par le contrôle des représentants sur les budgets de l’exécutif.
La tendance de fond qu’ont identifiée les auteurs au cours des quarante dernières années est la capacité qu’ont eue les deux parlements de s’affirmer de manière tangible contre un exécutif qui avait pu imposer son contrôle incontestable à la suite des grands conflits du XXe siècle. Pour le lecteur canadien, ce constat de McKay et Johnson est d’un grand intérêt, puisqu’une telle tendance ne s’est pas développée au Canada. Face à ce phénomène consacré chez nous de la concentration du pouvoir entre les mains de l’exécutif, si souvent décrit et si pauvrement expliqué, plusieurs sections du livre offrent des pistes de réflexion stimulantes.
Par exemple, à Westminster, le développement des select committees et la création d’une chambre de débats parallèle constituent deux innovations qui ont été identifiées par les auteurs comme ayant contribué à rehausser l’emprise du pouvoir législatif sur les décisions gouvernementales d’une manière moins partisane ou, à tout le moins, à redonner aux parlementaires un rôle accru dans la définition des politiques.
Les select committees sont l’équivalent de nos comités permanents, dont nul n’ignore la pauvreté d’influence qu’ils exercent sur l’élaboration des politiques. Le chapitre 8 décrit comment les comités du Parlement britannique ont acquis une plus grande importance, bien sûr incomparablement plus limitée que celle des comités permanents du Congrès américain. D’abord, l’une des raisons expliquant la faiblesse traditionnelle des comités parlementaires britanniques tient à la mauvaise réputation qu’ils se sont acquise à partir du début du XXe siècle, lorsqu’ils ont tenté de faire le procès des agissements de certains membres du gouvernement et sont rapidement devenus des cirques partisans. Ce risque est réapparu régulièrement et demeure toujours présent bien sûr, tant en Grande-Bretagne qu’au Canada.
La première illustration de la moins forte partisannerie qui prévaut à Westminster tient au fait que les quelques tentatives par des membres du parti gouvernemental de transmettre l’ébauche d’un rapport de manière à permettre au gouvernement de préparer sa riposte ont été fortement décriées publiquement comme un bris de convention. à Westminster, les secrétaires parlementaires (parliamentary private secretaries) ne peuvent pas siéger aux select committees.
Au Canada, l’influence prépondérante des secrétaires parlementaires sur les travaux des comités fait en sorte que c’est le gouvernement lui-même qui oriente les délibérations avant même qu’une ébauche de rapport soit préparée. De plus, cette présence des secrétaires parlementaires limite le rôle des présidents de comité à celui d’horlogers. à Westminster, les députés qui agissent comme porte-parole des partis d’opposition ne peuvent siéger sur ces comités qu’à certaines conditions très restrictives. Autrement dit, les select committees sont devenus la chasse gardée des députés d’arrière-ban.
En ce sens, ils ont pu développer une indépendance et un esprit de collégialité enviables. Entre les partis, la répartition des postes de président des comités de la Chambre des communes se fait par négociation entre les whips en proportion de la répartition des sièges à la Chambre, un peu comme cela se fait au Canada pour les comités permanents du Sénat. Il n’y a pas, comme au Canada, de présidences attribuées par règlement à des membres du gouvernement ou de l’opposition, sauf un très petit nombre d’exceptions. Aux états-Unis, les présidences de comités sont toutes attribuées d’office aux représentants de la majorité parlementaire.
Au chapitre 3, « The Four Houses », on retrouve une mine de renseignements sur les règles fondamentales de procédure et leur évolution. On y présente également un autre élément d’innovation, d’inspiration australienne, qui a permis de rehausser le rôle de la Chambre des communes à Westminster, soit la création d’une chambre parallèle de débats dans le Westminster Hall.
Le temps de débat est l’une des denrées les plus précieuses dans tout système parlementaire, puisqu’il constitue le principal outil dont disposent l’opposition ou la minorité pour exprimer leur point de vue et, dans le système britannique, pour se faire valoir comme solution de rechange au gouvernement.
Les débats à Westminster Hall se font sur les questions moins controversées (ajournement, rapports de comité, etc.) sur lesquelles il y a entente de fond entre les principaux partis. Cela a permis de libérer l’équivalent du tiers du temps de débat à la Chambre pour procéder à des travaux non conflictuels et de maintenir ainsi une durée raisonnable pour les échanges à la Chambre sur les sujets qui divisent. Les lords, par l’instauration des Grand Committees sont allés même un peu plus loin et peuvent, par exemple, procéder à l’adoption de projets de loi à différentes étapes lorsqu’il n’y a pas d’opposition.
Les chapitres 4 et 5, « Representatives, Members, Lords, and Senators » et « Procedural Basics », présentent une admirable synthèse des règles régissant les activités des parlementaires et l’organisation des débats. Le chapitre 6, « The Power of the Purse », décrit ce qui, de l’avis des auteurs, constitue le domaine d’activités pour lequel les différences entre les deux systèmes sont les plus marquées. Alors que les Communes ne votent sur les questions financières qu’à l’initiative de la Couronne, c’est la Chambre des représentants qui garde le contrôle sur l’allocation des ressources, avec toutefois la menace habituellement prévisible du véto présidentiel.
Pour le lecteur canadien moins familier avec le processus budgétaire américain, ce chapitre décrit un processus qui est d’une effrayante complexité en comparaison des procédures d’autorisation relativement simples et passives du système britannique. Il illustre également la puissance législatrice des membres du Congrès, qui est sans commune mesure avec ce qu’offre le système de Westminster à ses parlementaires s’ils ne sont pas ministres.
Dans le chapitre 7, « Scrutiny and Oversight », on trouve quelques initiatives parlementaires qui réconcilient un peu avec le système de Westminster après que le lecteur a été étourdi par la force financière du Congrès et l’impotence relative du Parlement. On notera, en particulier, la volonté des Communes d’imposer des limites à la prérogative royale de déployer des forces armées dans les zones de conflit.
Même si cette affirmation du Parlement ne s’est incarnée que dans des motions et non dans des lois, elle n’illustre pas moins la difficulté grandissante de la Couronne à maintenir des pans importants de son pouvoir discrétionnaire hors de l’examen parlementaire. On peut certes noter des pressions similaires au Canada, mais, contrairement à la Grande-Bretagne, il ne semble pas y avoir ici de tendance qui soit clairement décisive.
Alors que l’affirmation du Parlement en Grande-Bretagne s’est faite sur la base d’une moins grande partisannerie des débats et des travaux des comités, cette même affirmation s’est développée aux états-Unis en même temps qu’une inquiétante intensification de la partisannerie et de la mainmise des majorités parlementaires sur la manipulation et la suspension des règles d’attribution du temps de débat à la minorité. Cette question est abordée à plusieurs reprises dans le livre, mais le chapitre 9, « Legislation », y consacre une section importante.
Dans le système américain, l’attribution du temps se fait de manière beaucoup moins prévisible, par des négociations de coulisse, et, en particulier, par l’intervention-surprise du Rules Committee qui est toujours contrôlé par la majorité et qui, par une décision prise en pleine nuit, peut souvent forcer le débat sur une question dès le lendemain sans avoir donné de préavis. étant donné la résistance grandissante des représentants à être présents à Washington – ce qui limite le temps consacré aux levées de fonds et à « l’écoute de leurs électeurs » -, il devient alors possible pour la majorité d’orchestrer des votes-surprises. Cette tactique de plus en plus fréquente, et plusieurs autres qui sont décrites en détail dans le livre, illustrent la partisannerie grandissante qui prévaut au Congrès.
Les chapitres 10 et 11, « Privilege and Contempt » et « Ethics and Standards », décrivent les règles et les conventions qui encadrent les droits et les comportements des parlementaires. Les auteurs y retracent les limites qui ont été progressivement imposées par les cours au privilège parlementaire. Au Congrès, ce sont les multiples et parfois étonnantes manipulations des règles de procédure, habituellement motivées par des promesses faites à des bailleurs de fonds, qui soulèvent les questionnements les plus importants.
Le chapitre 12, « Conclusion », ne fait que deux pages, et laisse soupçonner que le chapitre 11 était peut-être la conclusion, mais qu’il fallait un jugement final qui n’aurait pas eu la même force s’il avait été présenté comme une annexe ou un postscriptum. Charles Johnson y cite l’extrait de sa lettre de démission comme parliamentarian de la Chambre des représentants en 2004. Il parle de « l’énormité des développements contemporains » de l’évolution procédurale. Son jugement est très sévère :
Ces tendances et d’autres plus récentes symbolisent l’affaiblissement des traditions de transparence, d’équité et de capacité délibérante qui ont caractérisé la Chambre des représentants. (p. 547)
La manipulation des règles par le Rules Committee est identifiée comme l’une des sources d’inquiétude les plus importantes. L’auteur blâme directement le Parti républicain. Après avoir indiqué que les deux chambres américaines avaient été pendant si longtemps sous le contrôle du même parti durant la dernière partie du XXe siècle, il avance la possibilité suivante :
[…] lorsque les républicains ont pris le contrôle, leur frustration avait été si grande et leur programme était si urgent qu’ils se sont sentis justifiés de prendre des raccourcis législatifs. (p. 548)En contrepartie,
[il] persiste aux Communes le sentiment inexprimé que la guerre politique a des limites et que tout ne devrait pas aller au vainqueur. (p. 548)Le lecteur canadien sera certainement tenté de situer l’évolution du Parlement d’Ottawa sur l’une ou l’autre de ces deux pistes.
Il est impossible de rendre justice à la richesse du contenu de cet ouvrage dans le cadre d’un simple compte rendu. Il s’agit d’une somme colossale sur le plan des connaissances, de la profondeur d’analyse et de la clarté du point de vue. Les auteurs, avec noble humilité, acceptent d’emblée que leur œuvre sera rapidement condamnée à une inévitable désuétude, étant donné les changements importants que le contexte politique actuel permet d’anticiper. Elle n’en demeurera pas moins la référence obligée pour des générations de futurs historiens qui chercheront à comprendre ce qu’ont été le Parlement britannique et le Congrès américain en ce début de XXIe siècle.
Jean-Rodrigue Paré
Analyste
Service d’information et
de recherche parlementaires
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