L’Assemblée législative du Nouveau-Brunswick
Lorsque le Nouveau-Brunswick est entré dans la Confédération, en 1867, les fondations du modèle de Westminster de démocratie législative (à savoir un gouvernement représentatif et responsable) étaient déjà en place. De telles institutions étaient typiques dans les autres colonies britanniques de l’époque, qui se caractérisaient par un électorat relativement restreint, une activité gouvernementale de portée limitée et des méthodes de prise de décisions élitistes. Toutefois, tandis que les institutions parlementaires et la culture politique d’autres anciennes colonies britanniques évoluaient de la fin du XIXe siècle au début du XXe, il semble que le Nouveau-Brunswick, lui, se soit figé dans le temps jusqu’aux années 1960, caractérisées par des changements radicaux sur le plan de la gouvernance, des services sociaux, de l’éducation et de la redistribution des revenus, grâce au programme visionnaire « Chances égales pour tous » du premier ministre libéral Louis Robichaud. Depuis, une série de premiers ministres et de chefs de parti ont tenté de laisser leur marque sur la province. Quand les libéraux ont été battus en 2010, c’était la première fois, au Nouveau-Brunswick, qu’un parti perdait le pouvoir après un seul mandat. Le présent article brosse le portrait de la démocratie législative au Nouveau-Brunswick, depuis ses origines au XVIIIe siècle jusque dans les premières années du XXIe siècle.
Au Canada, le gouvernement représentatif a pris racine en 1758, avec l’établissement d’une assemblée législative en Nouvelle-Écosse. Ce type de gouvernement était déjà bien établi au moment de l’arrivée massive des loyalistes à la suite de la Révolution américaine, dans les années 1780. À une certaine époque, la Nouvelle-Écosse englobait une grande partie des provinces Maritimes d’aujourd’hui, notamment le territoire situé au nord de la baie de Fundy, appelé alors comté (néo-écossais) de Sunbury. Ce territoire a accueilli bon nombre des loyalistes nouvellement arrivés qui, pour la plupart, se sont établis à Saint John (constitué en ville en 1784) et plus en amont, le long du fleuve Saint-Jean.
Compte tenu de la distance qui les séparait du siège du gouvernement, situé à Halifax, les nouveaux arrivants n’ont pas tardé à réclamer leur propre assemblée législative. Cette requête a soulevé peu d’opposition de la part des autorités à Halifax. La Nouvelle-Écosse était restée « neutre » pendant la Révolution, même si de nombreux Néo-Écossais s’étaient montrés plus sympathiques à la cause révolutionnaire qu’à la cause loyaliste et n’étaient pas toujours d’accord avec les opinions politiques exprimées par les nouveaux venus loyalistes. Ces derniers, en retour, s’interrogeaient sur la loyauté de la Nouvelle-Écosse envers l’Empire. Quoi qu’il en soit, comme l’ont fait observer R. MacGregor Dawson1 et J. R. Mallory2, les nouveaux colons pouvaient s’en remettre à la common law britannique, car, en tant que colonie « établie » (à l’opposé de conquise), ils avaient droit à une telle assemblée représentative. Exerçant sa prérogative royale, le roi George III a accédé à la demande des colons en 1784 et octroyé au comté de Sunbury le statut de colonie distincte, qu’il a baptisée Nouveau-Brunswick en hommage à ses terres ancestrales. Thomas Carleton en est devenu le premier gouverneur. Les premières élections ont eu lieu en novembre 1785, et l’Assemblée législative s’est réunie pour la première fois à Saint John au mois de janvier suivant.
Le nouveau gouvernement du Nouveau-Brunswick suivait le modèle utilisé dans les autres colonies. Le parlement, bicaméral, comprenait une chambre haute, appelée Conseil législatif, et une chambre basse, l’Assemblée législative. Le gouverneur nommait le Conseil législatif et, comme c’était le cas dans toute l’Amérique du Nord britannique avant l’avènement du « gouvernement responsable », le Conseil possédait plus de pouvoirs que l’assemblée élue. Toutefois, c’est le gouverneur, que le roi nommait par l’entremise de l’Office britannique des colonies, qui exerçait le plus de pouvoir ou qui, du moins, pouvait le faire s’il le voulait. En outre, tous les membres du Conseil législatif faisaient également partie du conseil privé du gouverneur, appelé Conseil exécutif. En cette qualité, en plus de s’acquitter de leurs fonctions législatives, ils aidaient le gouverneur à administrer et à gouverner la colonie. Le plus souvent, les conseillers se réunissaient en tant que Conseil exécutif; toutefois, lorsque le parlement siégeait, ils se réunissaient en tant que Conseil législatif.
La pratique qui consiste à choisir le premier ministre et le Cabinet parmi les membres de l’assemblée élue, dont le gouvernement dépend pour son soutien, tire son origine des réformes parlementaires survenues en Grande-Bretagne au cours des XVIIIe et XIXe siècles. Dans le Haut et le Bas-Canada, de même qu’en Nouvelle-Écosse, ce sont des politiciens locaux charismatiques qui ont incité à la réforme, parfois dans la foulée de violentes protestations. Au Nouveau-Brunswick, en revanche, le gouvernement responsable a été instauré d’une façon plus progressive que brutale. La province comptait certes son lot de réformateurs, comme Charles Fisher et Lemuel Allan Wilmot, mais aucun n’a réussi à frapper l’imagination populaire avec autant de vigueur que Joseph Howe en Nouvelle-Écosse ou Louis-Joseph Papineau dans le Bas-Canada. D’autre part, certains lieutenants-gouverneurs du Nouveau-Brunswick de l’époque avaient peu d’intérêt pour la gouvernance quotidienne de leur colonie, tâche qu’ils ont déléguée en grande partie aux premiers ministres qui se sont succédé. Ces derniers ont rapidement trouvé utile de nommer des députés au Conseil exécutif. C’est ainsi que, par la suite, le premier ministre et le Conseil en sont venus à dépendre de l’appui de la chambre basse pour gouverner. Quoi qu’il en soit, et avec l’avantage du recul, on peut affirmer que l’instauration d’un gouvernement responsable au Nouveau-Brunswick est, en grande partie, attribuable à une volonté de suivre l’exemple des autres colonies. En outre, la propension de l’Office britannique des colonies à s’ingérer dans les affaires du Nouveau-Brunswick n’a cessé qu’en 1867, à l’avènement de la Confédération. Comme dans le reste de l’Amérique du Nord britannique, le Nouveau-Brunswick s’est vu doté d’un gouvernement responsable en 1854, sans tambour ni trompette toutefois.
Cela ne veut pas dire que la politique au Nouveau-Brunswick au XIXe siècle était dénuée de passion. Curieusement, une indifférence relative à l’égard d’enjeux comme ceux du gouvernement responsable coïncidait avec une forte émotivité au sein de la population au sujet de la consommation d’alcool dans la province. Des factions politiques comme les « Rummies » se colletaient avec les défendeurs de l’abstinence, tels les « Smashers », dont faisait partie celui qui deviendra premier ministre du Nouveau-Brunswick et l’un des pères de la Confédération, sir Samuel Leonard Tilley. Les diverses sociétés féminines antialcooliques ont aussi joué un rôle exceptionnellement actif en donnant une tribune aux Néo-Brunswickoises, qui étaient alors privées du droit de vote. Certaines de ces sociétés ont même rédigé des mesures législatives sur diverses causes sociales et convaincu des députés sympathisants de présenter des projets de loi en leur nom. Ces sociétés ont laissé en héritage aux Néo-Brunswickoises rien de moins que le droit de voter et de briguer les suffrages et, par leur flair politique et leurs aptitudes organisationnelles, ont largement contribué au succès de ce qui allait devenir la Women’s Enfranchisement Association du Nouveau-Brunswick.
Le Nouveau-Brunswick, la Nouvelle-Écosse, le Bas-Canada (futur Québec) et le Haut-Canada (futur Ontario) sont les provinces fondatrices du Canada. Cela dit, le Nouveau-Brunswick était réticent au départ à se joindre à la Confédération3. Le premier ministre Tilley, qui dirigeait la délégation du Nouveau-Brunswick lors des rencontres sur la Confédération à Charlottetown et à Québec, a été défait lors des élections de 1865 sur la question de la Confédération par le Parti anticonfédération dirigé par Albert J. Smith. Le gouverneur de la province, Arthur Hamilton-Gordon, a cependant reçu l’ordre de l’Office britannique des colonies de destituer le gouvernement dûment élu et de déclencher d’autres élections, qui ont eu lieu en 1866. Cette fois, les Néo-Brunswickois ont compris la gravité de la situation, c’est-à-dire qu’ils n’avaient d’autre choix que de se joindre à la Confédération. Le Parti de la confédération, dirigé par Peter Mitchell, a alors remporté la victoire avec une importante majorité. Dans l’intervalle, Tilley avait quitté la politique provinciale. Il devait se joindre plus tard au premier Cabinet du premier ministre John A. Macdonald, à Ottawa.
Comme les autres provinces, le Nouveau-Brunswick a rapidement pris des mesures pour abolir sa chambre haute, le Conseil législatif, ce qui fut fait en 1891. La raison d’être de ce geste semble tenir davantage aux coûts de fonctionnement de la chambre haute qu’à une préoccupation quelconque quant à son statut élitiste. Néanmoins, le temps nécessaire pour abolir cette chambre a mis à mal la patience du premier ministre du Nouveau-Brunswick de l’époque, Andrew Blair (1883-1896). Ce dernier se plaignait que les personnes qu’il avait nommées à la chambre haute — choisies pour leur volonté présumée d’appuyer son programme de réformes — montraient une alarmante indépendance dès qu’elles commençaient à y siéger. Andrew Blair a finalement obtenu le vote qu’il souhaitait; toutefois, le Conseil lui a imposé comme condition de le laisser siéger jusqu’aux prochaines élections. Le premier ministre a donc demandé et obtenu la dissolution du Parlement deux ans plus tôt que prévu. La loi ayant trait au Conseil législatif (An Act Relating to the Legislative Council) a aboli officiellement la chambre haute le 16 avril 1891.
Partis politiques
Il a fallu du temps avant que des partis soumis à une discipline rigoureuse voient le jour au Nouveau-Brunswick. Toutefois, depuis le début du XXe siècle, deux partis — et seulement deux — ont dominé le paysage politique de la province, soit les libéraux et les conservateurs (ou progressistes-conservateurs). Sur les 26 élections provinciales qui ont eu lieu entre 1908 et 2010, les libéraux et les progressistes-conservateurs ont remporté chacun 13 élections. Seuls ces deux partis ont connu la victoire dans cette province et, jusqu’en 2010, aucun d’eux n’avait été défait après un seul mandat, et rarement après deux. Des 1 371 sièges disputés durant cette période, 51 % ont été remportés par les libéraux et 47 % par les progressistes-conservateurs. Il est rare que d’autres partis aient reçu un soutien notable au Nouveau-Brunswick. Le Nouveau Parti démocratique (NPD) du Nouveau-Brunswick n’a fait élire qu’un seul député en cinq élections générales (1982, 1991, 1995, 1999 et 2003), et deux députés l’ont brièvement représenté à la suite d’une victoire lors d’une élection partielle, en 1984. Les seuls autres partis à avoir remporté des sièges à l’Assemblée législative sont celui des United Farmers of New Brunswick, qui a remporté six sièges en 1920, et le Confederation of Regions Party (Parti CoR), qui a fait élire huit députés en 1991 et trois en 1995. Le Parti CoR est le seul, outre les partis libéral et progressiste-conservateur, à avoir formé l’opposition officielle dans la province.
Le système bipartite du Nouveau-Brunswick jouit donc d’une grande stabilité, ce qui a influé sur la dynamique entre le gouvernement et l’opposition. Bien que les résultats des élections de 2010 puissent signaler la fin de ce cycle, une grande partie de l’histoire politique du Nouveau-Brunswick s’est déroulée ainsi : un parti remporte une confortable majorité et fait face à une opposition démoralisée, principalement constituée de membres de l’ancien parti au pouvoir habitués depuis trop longtemps à tenir le haut du pavé. Le parti défait s’engage alors dans un processus de reconstruction qui entraîne, invariablement, la démission de députés d’expérience (en particulier le chef du parti), afin de faire place à du sang neuf. L’opposition est donc dirigée par un chef inefficace et sans expérience, ce qui facilite la réélection du parti au pouvoir. La plupart du temps, le chef « sans expérience » défait est évincé au profit d’un autre nouveau chef, qui a encore plus de difficulté à s’opposer efficacement à un parti au pouvoir désormais très confiant.
Pourtant, il est si facile de gouverner dans de telles conditions que le parti au pouvoir cède à la complaisance et à la négligence, et la confiance fait place rapidement à l’arrogance. À la longue, après deux ou trois mandats, cette arrogance finit par irriter de plus en plus la population, et le gouvernement essuie une cuisante défaite. Le parti au pouvoir se trouve alors dans l’opposition, démoralisé, mais déterminé à faire peau neuve à l’aide d’un nouveau chef. Et ainsi se répète le cycle. Comme le montre le tableau 1, depuis 1960, il n’est arrivé qu’une seule fois que les mêmes premier ministre et chef de l’opposition se sont fait face lors d’élections consécutives.
Depuis les années 1950, les premiers ministres du Nouveau-Brunswick sont plutôt jeunes au moment de l’accession de leur parti au pouvoir. En 2010, David Alward est devenu le « plus vieux » premier ministre à entrer en fonction depuis Hugh John Flemming, en 1952. Alward n’avait que 50 ans, Flemming, 53 ans. Louis Robichaud, Richard Hatfield, Frank McKenna, Bernard Lord et Shawn Graham avaient tous moins de 40 ans lorsqu’ils sont entrés en poste.
Système électoral
La politique électorale était traditionnellement dominée par les notables et les familles influentes (les « patrons ») de chaque comté ou circonscription électorale. Voilà qui explique la tradition de « localisme », de clientélisme, de « régalade » et de népotisme de la province4 et la lente évolution des partis : la politique était en grande partie une affaire locale et les notables du cru craignaient de perdre leur pouvoir au profit des représentants du parti central. À l’origine, les limites des circonscriptions électorales de la province correspondaient à celles des comtés, disposition qui a persisté sans grand changement jusqu’en 1974. Chaque circonscription se voyait assigner un certain nombre de députés (de deux à cinq), selon la taille de la population et la présence de communautés distinctes dans chacune d’elles. Toutefois, les frontières des nouveaux comtés et le nombre de sièges étaient assignés de façon arbitraire et non sans une certaine manipulation des limites électorales à des fins partisanes. De plus, la présence de conseils de comté élus (et d’autres appareils gouvernementaux) dotés de responsabilités et de pouvoirs considérables contribuait à renforcer le sentiment de localisme.
Selon le système de circonscription plurinominale, les citoyens pouvaient voter pour autant de candidats qu’il y avait de postes de député à combler dans leur circonscription. Les élections avaient lieu à différentes dates dans différentes circonscriptions et se poursuivaient pendant plusieurs jours, et les gagnants étaient choisis suivant le principe de la majorité simple. En 1857, le Nouveau-Brunswick a adopté le mode de scrutin secret. Il s’agissait de la première colonie de l’Amérique du Nord britannique à l’utiliser, un an seulement après l’Australie. Le scrutin secret a été utilisé pour la première fois lors des élections provinciales de 1861.
Il a fallu plus de 100 ans pour que le vote soit vraiment secret. Jusqu’aux réformes électorales de la fin des années 1960, les bulletins n’étaient que des feuilles vierges sur lesquelles les électeurs devaient écrire les noms des candidats de leur choix (sans faire de fautes d’orthographe) . À titre de « service public », les partis politiques préparaient leurs propres bulletins (sur lesquels ne figuraient que leurs candidats), qu’ils distribuaient à la porte des bureaux de scrutin. Cette méthode simplifiait la tâche des électeurs, qui votaient pour tous les candidats d’un même parti. Il s’agissait d’un « vote de fidélité », en quelque sorte. Ainsi, on pouvait aisément deviner les intentions de vote de chacun.
Selon John Garner, qui a si bien dit du Nouveau-Brunswick d’avant la Confédération qu’il possédait le droit de vote le plus restrictif de l’Amérique du Nord britannique, les Néo-Brunswickois parvenaient bien souvent à contourner les restrictions qui leur étaient imposées5. La propriété terrienne était l’un des premiers critères d’admissibilité, mais comme les terres étaient abordables à l’époque précédant la Confédération et les centres urbains, plutôt rares, la plupart des citoyens de sexe masculin possédaient des terres. Ceux qui n’en avaient pas étaient probablement des « affranchis » (des hommes de métier vivant à Saint John, par exemple) qui bénéficiaient également du droit de vote. On signale même des cas de femmes qui ont pu voter étant donné qu’elles possédaient un bien en tenure franche, bien que, sous le couvert de vouloir clarifier le droit de vote, le gouvernement ait adopté, en 1843, une loi refusant explicitement aux femmes un tel droit. Les catholiques (et les juifs) avaient déjà été privés de leur droit de vote en 1786, en bonne partie parce que les propriétaires terriens acadiens du comté de Westmorland (dont la presque totalité était catholiques) avaient voté en nombre suffisant pour défaire le candidat de l’establishment. Les exigences relatives à la propriété ont finalement été abrogées en 1889.
Par ailleurs, le Nouveau-Brunswick est également l’une des dernières provinces à accorder (ou, plus exactement, à accorder de nouveau) le droit de vote aux femmes. Il leur a reconnu ce droit en 1919 et celui de briguer les suffrages en 1934. Toutefois, il faudra attendre jusqu’en 1967, avec l’élection de la progressiste-conservatrice Brenda Robertson, pour que les femmes fassent leur entrée à l’Assemblée législative. Par la suite, jamais plus de quatre candidates n’ont réussi à se faire élire jusqu’en 1987, où sept femmes ont été élues. En 1991, ce nombre est passé à 10, un résultat inégalé jusqu’à ce jour (8 femmes ont été élues en 2010).
Anglophones et francophones
Les enjeux d’ordre culturel et linguistique ont toujours fait partie de l’histoire politique du Nouveau-Brunswick et tiennent le devant de la scène depuis les années 1960. Au début, toutefois, ces enjeux concernaient surtout l’Église catholique romaine, dont les fidèles se composaient principalement de Néo-Brunswickois anglophones de descendance irlandaise et d’Acadiens francophones. Dans l’arène politique, en revanche, la participation des Acadiens était extrêmement restreinte, les catholiques ayant dû attendre jusqu’en 1810 pour pouvoir voter, et jusqu’en 1830 pour pouvoir briguer les suffrages.
Avant 1960, le seul Acadien à accéder au poste de premier ministre est le libéral Peter J. Veniot, qui est entré en fonction en 1923 à la suite de la démission du premier ministre en place. Toutefois, son parti a perdu les élections générales de 1925. C’est ainsi que Louis J. Robichaud est devenu le premier Acadien à mener un parti à la victoire, en 1960. Il est également le premier premier ministre de langue maternelle française. Néanmoins, Robichaud et d’autres députés acadiens savaient qu’ils se devaient de parler anglais pour être compris d’un auditoire plus vaste. Parmi les grandes réformes prises à l’initiative de Robichaud, on trouve l’instauration de la traduction simultanée à la Chambre et lors des réunions des comités parlementaires, en 1967. Cette mesure coïncidait avec l’adoption du bilinguisme officiel dans l’ensemble des activités et des services du gouvernement. La Loi sur les langues officielles du Nouveau-Brunswick a reçu la sanction royale le 18 avril 1969. Toutefois, le Bureau de traduction, qui relève du ministère de l’Approvisionnement et des Services, existait déjà depuis deux ans (août 1967). Les Lois révisées du Nouveau-Brunswick ont été publiées dans les deux langues officielles en 1973. Il en est de même pour toutes les mesures législatives depuis.
De nos jours, après une suite de premiers ministres bilingues ou presque (depuis Frank McKenna, en 1987), on considère que le premier ministre se doit de pouvoir converser dans les deux langues officielles. En fait, tous les premiers ministres sont bilingues depuis l’époque de Richard Hatfield, dernier premier ministre unilingue du Nouveau-Brunswick.
Ironiquement (ou peut-être de manière significative), l’unilinguisme de Hatfield n’a pas empêché son parti de rallier les francophones de la province. Jusqu’à Hatfield, et pendant une bonne partie de l’histoire électorale du Nouveau-Brunswick, l’électorat était fixé de sorte que la plupart des anglophones votaient pour le progressistes-conservateurs et les francophones, pour les libéraux. Toutefois, comme le font remarquer Cross et Stewart6, tout a changé en 1982 lorsque le progressistes-conservateurs a réussi à obtenir la faveur d’une bonne partie de l’électorat francophone, résultat directement attribuable aux efforts de Richard Hatfield pour courtiser les francophones. La tendance s’est maintenue lors des élections de 1987, qualifiées d’extraordinaires non seulement parce que les libéraux ont raflé tous les sièges, mais également parce qu’ils y sont parvenus en s’attirant les voix d’une partie importante de l’électorat anglophone. Aujourd’hui, comme le montrent de récents sondages, l’électorat n’est pas fixé comme il l’a déjà été, et il n’existe plus de clivage linguistique perceptible dans le soutien exprimé aux deux grands partis.
Le choc des élections générales de 1987
Quand on relate l’histoire du Nouveau-Brunswick, on ne peut passer sous silence les élections générales de 1987. Les caméras de télévision ont bien saisi le choc causé par les résultats lorsque le chef libéral Frank McKenna est monté sur scène pour prendre acte de la victoire de son parti. Il a littéralement reculé quand il a appris que son parti était sur le point de remporter les 58 sièges de la province.
À première vue, il semblait que le raz-de-marée libéral avait finalement mis un terme à la domination exercée par les deux grandes formations politiques dans la province, ce qui était vrai, du moins en partie. Comme nous l’avons expliqué précédemment, le progressistes-conservateurs avait déjà accompli des percées dans les circonscriptions francophones en 1982. Or, voilà que les libéraux arrivaient à rafler l’ensemble des circonscriptions majoritairement anglophones. Qui plus est, le vide laissé par les progressistes-conservateurs, désormais hors-jeux, a permis l’émergence d’autres partis, notamment le parti Confederation of Regions (CoR), parti populiste de droite qui a connu un certain succès lors des élections générales de 1991 et de 1995. Ainsi, depuis les élections de 1987, il semble que l’électorat, jusque-là stable, soit devenu plus volatil. Et comme on l’a constaté au cours des quelques élections suivantes, il a butiné d’un parti à un autre.
Néanmoins, plus de 20 ans après, la province semble avoir renoué avec le système bipartite, et même avec l’ancienne répartition géographique du vote (le nord de la province votant libéral et le sud, progressiste-conservateur). À une exception, les 13 députés libéraux élus en 2010 se trouvent dans les circonscriptions comprises dans ce qu’on appelle la « côte acadienne », qui s’étend de la localité de Dalhousie jusqu’au comté de Kent. Les libéraux détiennent un seul siège dans le sud-ouest du Nouveau-Brunswick, et deux dans la région de Moncton (dans le sud-est de la province). Ils sont absents des régions métropolitaines de Saint John et de Fredericton. En outre, bien que la volatilité électorale ait été plus forte en 2010 que lors des élections précédentes, en 2006, elle demeure modérée comparativement à la période de 1987 à 1999. Le Nouveau-Brunswick semble encore abriter ce qu’on a qualifié de système bipartite le plus durable et parfait du Canada.
Les élections de 1987 ont eu une incidence notable sur la démocratie législative au Nouveau-Brunswick. Au départ, on s’est surtout attaché à l’ampleur de la victoire des libéraux et à l’effet de distorsion de la formule électorale majoritaire. Par la suite, l’attention s’est portée sur la nécessité de redessiner la carte électorale, sur la sous-représentation de certains groupes à l’Assemblée législative et sur la possibilité de remplacer le système uninominal majoritaire à un tour. Le gouvernement McKenna ne s’est attaqué qu’à l’établissement d’une nouvelle carte, laissant la Commission sur la démocratie législative du Nouveau-Brunswick de Bernard Lord régler, ou tenter de régler, d’autres questions d’ordre électoral.
En 1987, les libéraux ont remporté la victoire avec une marge considérable, obtenant 60 % des suffrages et la totalité des sièges. Cela dit, les écarts entre les circonscriptions étaient tout aussi énormes. La plus grande circonscription de l’époque (Petitcodiac) comptait, en 1987, 19 930 électeurs admissibles, tandis que la plus petite (Queens-Nord) en comptait 4 064. Étant donné que chaque député représentait une circonscription, la valeur d’une voix exprimée à Queens-Nord valait cinq fois plus qu’à Petitcodiac. D’autres inégalités étaient tout aussi criantes. Bien que de tels écarts n’aient rien d’exceptionnel au Nouveau-Brunswick, un nouveau facteur était apparu : l’entrée en vigueur, en 1985, des dispositions en matière d’égalité de l’article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés de 1982.
L’article 3 de la Charte garantissait déjà le droit de vote à tous les citoyens. Ensemble, les articles 3 et 15 donnaient des munitions aux tenants de la parité du nombre d’électeurs : la pondération égale d’un vote entre les circonscriptions constituait désormais un droit. Faisant fi des affaires judiciaires en instance ailleurs au pays, le gouvernement du Nouveau-Brunswick a décidé de procéder à un réaménagement en profondeur de la carte électorale par l’entremise d’une commission indépendante. Créée en mars 1991, la Commission de délimitation des circonscriptions électorales a tenu deux grandes séries d’audiences publiques dans la province pendant les deux années qui ont suivi et a déposé son dernier rapport en décembre 1993. Les commissaires ont tenu compte de la décision Carter de 1991 de la Cour suprême du Canada7, selon laquelle l’article 3 a pour objet le droit à une « représentation effective » et non l’égalité du pouvoir électoral. Quoi qu’il en soit, l’esprit de la décision nécessitait également la justification des écarts par rapport à la parité du nombre des électeurs. La Commission a donc éliminé les écarts bruts dans la taille des circonscriptions en exigeant que celles-ci se situent à plus ou moins 25 % de la moyenne provinciale. L’Assemblée législative a accepté les recommandations de la Commission en faveur d’une nouvelle carte électorale, si bien qu’au moment des élections de 1995, la province affichait l’un des taux d’inégalité entre les circonscriptions les plus bas au pays, elle qui présentait auparavant l’un des taux les plus élevés. Le coefficient de Gini sur l’inégalité, qui est fréquemment utilisé dans les études sur le remaniement des circonscriptions électorales, est passé de 0,205 en 1987 à 0,079 en 1995. Cet exercice de remaniement a servi de tremplin à d’autres réformes du genre 10 ans plus tard.
À la suite des élections générales de 1987, le gouvernement McKenna a également dû intervenir, du moins à court terme, dans la procédure interne de l’Assemblée législative. En effet, en raison de l’absence de députés de l’opposition, il a fallu prendre certaines dispositions particulières, comme faire poser des questions au gouvernement par les députés d’arrière-ban libéraux, faire asseoir certains ministres, y compris le premier ministre, à la gauche du président, fournir de l’aide à la recherche aux partis d’opposition non élus et, par la suite, permettre aux chefs de ces partis d’occuper à la Chambre des sièges normalement réservés aux médias. De l’aveu général, il s’agissait là de mesures temporaires, qui ont d’ailleurs rapidement été abandonnées à la suite des élections de 1991, au cours desquelles 12 députés de l’opposition se sont fait élire. Jusqu’à un certain point, néanmoins, ces mesures ont attiré l’attention sur la nécessité, premièrement, d’améliorer les ressources en personnel auxiliaire à l’Assemblée législative et dans les bureaux de circonscription, et, deuxièmement, de renforcer la tâche de surveillance de l’Assemblée.
Commission sur la démocratie législative
Ces questions et des questions connexes ont plus tard fait l’objet d’un examen par la Commission sur la démocratie législative (CDL), créée le 19 décembre 2003 par le gouvernement Lord.
Les huit commissaires de la CDL, que coprésidaient Lorne McGuigan et Lise Ouellette, provenaient des différentes régions de la province, et leur sélection visait à assurer une représentation démographique de la société néo-brunswickoise. Bill Cross, alors professeur de science politique à l’Université Mount Allison, était le directeur de recherche, tandis que David McLaughlin, conseiller principal du gouvernement Lord, était le sous-ministre responsable de la Commission et dirigeait une équipe de cinq personnes employées à temps plein. Ainsi formée, la CDL a entrepris une recherche au cours de laquelle un certain nombre d’universitaires lui ont soumis des mémoires portant sur différents sujets, regroupés par la suite dans un ouvrage intitulé Democratic Reform in New Brunswick8. De plus, la Commission a mené de vastes consultations par le truchement d’audiences publiques, de réunions avec des dirigeants communautaires et de rencontres avec des groupes sociaux cibles (les jeunes, les femmes et les francophones). Elle a également sollicité l’opinion de la population en ligne.
Ce que le gouvernement entendait par « réforme démocratique » était clairement défini : la Commission devait la Commission devait notamment « [e]xaminer des façons d’accroître la démocratie directe en proposant une loi sur les référendums au Nouveau-Brunswick établissant les règles et les directives permettant la tenue, dans la province, de référendums exécutoires sur des questions importantes de politique gouvernementale, et formuler des recommandations à cet effet ».
D’autres directives étaient plus ambiguës et plus abstraites. Par exemple, la consigne de formuler des recommandations visant à « examiner des façons d’améliorer la participation du public au processus de prise de décisions gouvernemental et législatif » était très générale et donnait peu d’indications. En plus de se pencher sur la question des référendums, la CDL a donc décidé de son propre chef d’étudier la question du désengagement des jeunes et celle de la sous-représentation des femmes et des Autochtones au sein de l’Assemblée législative. Elle a présenté des recommandations précises visant à inciter les partis à élargir leurs activités de recrutement. De plus, la Commission a prié le ministère de l’Éducation d’adopter « un nouveau programme d’éducation civique obligatoire provincial, de la maternelle à la 12e année ». De la même façon, dans le domaine de la « Réforme législative », la Commission devait simplement « examiner des façons d’accroître le rôle de l’Assemblée législative et des députés provinciaux dans la prise de décisions tout en assurant une plus grande responsabilisation des députés à l’égard de leurs électeurs et de la population du Nouveau-Brunswick, et formuler des recommandations à cet effet ». Elle devait aussi « examiner des façons d’améliorer la transparence et la responsabilisation en ce qui concerne les nominations à des organismes, conseils et commissions, et formuler des recommandations à cet effet ».
La CDL a terminé son rapport dans les délais prévus (à la fin de 2004), mais le gouvernement Lord n’y a pas donné suite immédiatement. En mai 2005, par voie d’une motion amendée des libéraux, l’Assemblée législative a adopté une résolution (motion 76) demandant qu’un des comités de la Chambre examine (à tout le moins) le quatrième chapitre du rapport, qui expose les recommandations de la Commission sur le renforcement « du rôle des députés et des députées et de l’Assemblée législative », et recommande des mesures en conséquence. Toutefois, le Comité d’administration de l’Assemblée législative n’a pu terminer l’examen des recommandations en raison du déclenchement des élections, en 2006. Dans l’intervalle, le gouvernement Lord a publié sa propre réponse, en juin 2006, dans laquelle il promettait, entre autres réformes, d’adopter une mesure législative fixant la date des élections, de renforcer la loi référendaire, de revoir et de rendre plus efficace le système des comités de l’Assemblée législative et de tenir un référendum sur une proposition de système électoral fondé sur la représentation proportionnelle. Toutefois, aucune de ces mesures n’a été mise en œuvre, car Bernard Lord a déclenché les élections deux mois plus tard (et seulement trois ans après le début de son mandat). Le gouvernement Lord ayant été défait, c’est à son successeur, le Parti libéral (sous la direction de Graham), qu’il revenait de donner suite aux recommandations de la Commission.
Le gouvernement libéral a rejeté ou ignoré bon nombre des recommandations de la CDL, mais en a adopté d’autres. Un rejet à signaler est celui de la recommandation la plus controversée et draconienne faite par la Commission, conformément à la directive qu’elle avait reçue de combiner la représentation proportionnelle avec des circonscriptions uninominales. Loin de représenter une solution facile, le système mixte que proposait la Commission aurait néanmoins assuré une représentation régionale en combinant 36 sièges de circonscription uninominale et 20 sièges de liste dans des districts régionaux plurinominaux.
Le gouvernement a néanmoins donné suite à la recommandation d’adopter une loi sur des élections à date fixe. Il s’agissait d’une mesure promise par le premier ministre Lord pendant sa première campagne électorale (alors qu’il était à la tête de l’opposition), en réaction à une opinion largement répandue, à savoir que les premiers ministres ne devraient pas être en mesure de déterminer à leur avantage la date des élections. La CDL en convenait et a recommandé que les élections provinciales soient tenues « à une date fixe à partir du lundi 15 octobre 2007 et par la suite tous les quatre ans le troisième lundi d’octobre ». Bien sûr, une mesure législative en ce sens ne pourrait lier le lieutenant-gouverneur, et on ne sait trop quelle pénalité pourrait être imposée à un premier ministre qui ferait fi de la loi.
Quoi qu’il en soit, le projet de loi 75, Loi modifiant la Loi sur l’Assemblée législative, a finalement été adopté lors de la 1re session de la 56e législature et a reçu la sanction royale le 26 juin 2007, avec un changement mineur : la date des élections a été fixée au 27 septembre 2010 au lieu du 15 octobre 2007, comme le recommandait la Commission. Il était devenu nécessaire de modifier la date pour fixer les mandats de quatre ans en fonction de la date des élections de 2006 qui avaient été déclenchées par le premier ministre Lord un an avant la date que lui-même proposait. Comme l’écrit Donald Desserud, deux événements ont convaincu Lord de laisser tomber ses prétentions de ne jamais déclencher des élections uniquement pour tirer parti de circonstances favorables.
Le premier est une brève remontée dans les sondages montrant que, malgré la débâcle de la dernière session, les progressistes-conservateurs avaient une fois de plus l’aval d’une majorité de Néo-Brunswickois, pour la première fois depuis 2003. Le second est la démission du député conservateur de Tantramar, Peter Mesheau. Bernard Lord se trouvait maintenant confronté à la possibilité de faire face à l’Assemblée avec seulement 26 députés, sans compter le président. Les libéraux, avec leurs 26 sièges, pouvaient probablement compter sur le vote du député indépendant, ce qui leur donnait 27 voix. Et, ici encore, le vote du président ne serait d’aucune aide dans le cas d’une motion de censure. On pouvait envisager une rapide élection partielle, mais, avec le départ du populaire député Mesheau, les progressistes-conservateurs n’étaient pas certains de l’emporter. Si les libéraux devaient récupérer ce siège (qu’ils avaient occupé de 1987 à 1999), ils auraient occupé plus de sièges que les progressistes-conservateurs9.
Une autre recommandation qui a été acceptée et instituée est la création de la Commission sur la délimitation des circonscriptions électorales et la représentation. En fait, la rapidité avec laquelle la loi établissant cette commission a été présentée, approuvée, puis sanctionnée le 30 juin 2005, est bien particulière. Comme il a été déjà mentionné, le remaniement de la carte électorale et son calcul constituent la réforme touchant l’Assemblée législative qui a le plus marqué les années McKenna. Stewart Hyson avait étudié les forces et les faiblesses des propositions de la commission indépendante de 1991-1993 sur la délimitation des circonscriptions du Nouveau-Brunswick10, et la Commission sur la démocratie législative avait, pour sa part, suggéré des améliorations. Par conséquent, tout était en place pour promulguer une loi visant à orienter les futurs remaniements. En rétrospective, il se peut que ce soit la principale raison ayant motivé la création de la Commission sur la démocratie législative.
La Loi sur la délimitation des circonscriptions électorales et la représentation exigeait, pour la première fois dans la province, la constitution, après chaque recensement décennal, d’une commission indépendante sur la délimitation des circonscriptions électorales afin d’étudier la répartition des sièges. Les élections générales de 2006 ont été les premières à bénéficier d’une telle commission, qui était formée de deux coprésidentes représentant les deux communautés linguistiques et de cinq autres membres. En outre, selon la Loi, la commission doit tenir des audiences publiques, établir un calendrier strict pour mener à bien l’exercice de répartition et dresser la liste des critères de délimitation des circonscriptions électorales. Contrairement à la commission de 1991-1993, qui n’a tenu compte que des électeurs admissibles dans ses calculs, la commission formée aux termes de la Loi sur la délimitation des circonscriptions électorales et la représentation utilise la population totale dénombrée lors du recensement. Un quotient est d’abord établi en divisant la population provinciale par 55 (soit le nombre de circonscriptions). Puis, la commission esquisse les délimitations des circonscriptions en fonction de ce quotient, dans les limites acceptables de la variance de la population. C’est cet attachement sans précédent à la parité du nombre des électeurs qui distingue tant la nouvelle loi.
En plus d’accepter les recommandations de la CDL concernant la tenue d’élections à date fixe et la constitution de commissions sur la délimitation des circonscriptions électorales après chaque recensement, le gouvernement Graham a également suivi le conseil de la Commission d’apporter d’autres ajustements notables, bien que progressifs, au processus électoral. Élections Nouveau-Brunswick a commencé à « moderniser le processus électoral ». Pour les élections municipales, on utilise désormais des machines à voter en remplacement du traditionnel bulletin en papier déposé dans les boîtes de scrutin. En 2010, on a utilisé ces mêmes dispositifs pour les bulletins de vote spéciaux. En outre, les électeurs peuvent dorénavant voter en tout temps pendant la durée officielle de la campagne électorale, soit lors d’une des journées de vote par anticipation prévues ou par bulletin de vote spécial au bureau du directeur du scrutin local. Les électeurs n’ont pas à expliquer pourquoi ils ont besoin d’un bulletin spécial ni pourquoi ils souhaitent voter par anticipation.
D’autres changements ont également eu une incidence sur les travaux de l’Assemblée législative, notamment l’adoption « d’un calendrier des travaux législatifs standard avec des sessions d’automne et de printemps fixes ». Des modifications ont également été apportées à la Loi sur les conflits d’intérêts des députés et des membres du Conseil exécutif. Désormais, les membres du Cabinet ne peuvent plus accepter « un salaire, de l’aide financière ou d’autres prestations d’un parti politique enregistré ou d’une association de circonscription enregistrée ». Finalement, Élections Nouveau-Brunswick jouit maintenant d’un mandat élargi et relève désormais du contrôleur du financement politique, ce qui permet d’assurer une meilleure supervision des nouvelles règles régissant le financement public.
Structures et fonctionnement de l’Assemblée
La 57e législature du Nouveau-Brunswick est dominée par les députés du Parti progressiste-conservateur, lequel se décrit traditionnellement comme étant de centre-droite et ouvert à la libre entreprise. Par conséquent, il n’est pas étonnant que 14 des 55 députés soient issus du milieu des affaires ou aient étudié en administration des affaires. Tous font partie du caucus du Parti progressiste-conservateur. Neuf députés (cinq progressistes-conservateurs, quatre libéraux) ont une formation en éducation et ont enseigné au niveau secondaire, collégial ou universitaire. Cinq (trois progressistes-conservateurs, deux libéraux) viennent du secteur de la foresterie, de l’agriculture ou des pêches. Quatre députés (trois progressistes-conservateurs, un libéral) ont déjà fait partie des forces armées ou des services de police ou d’incendie. Trois (deux progressistes-conservateurs, un libéral) font carrière en immobilier, et deux (un progressiste-conservateur, un libéral) ont déjà fait du travail ou de l’activisme social. L’Assemblée législative compte également un médecin, un dentiste et un avocat (tous des progressistes-conservateurs) et un infirmier (libéral). Il est de tradition, au Nouveau-Brunswick, que le procureur général et le ministre de la Justice soient des membres actifs du Barreau du Nouveau-Brunswick (des avocats, donc). Par conséquent, le seul avocat du caucus progressiste-conservateur et, aussi, de toute l’Assemblée législative (l’honorable Marie-Claude Blais, Moncton-Nord), était assuré de faire partie du Cabinet. Finalement, six députés (cinq progressistes-conservateurs, un libéral) ont assumé des charges publiques au niveau municipal, notamment en qualité de maire, d’adjoint au maire ou de conseiller municipal.
Les femmes sont gravement sous-représentées au sein de l’Assemblée législative du Nouveau-Brunswick. À l’heure actuelle, seulement 8 des 55 députés de la province sont des femmes, et toutes font partie du caucus progressiste-conservateur.
Dans le but d’augmenter la probabilité de l’élection de femmes à l’Assemblée législative, la CDL a recommandé des réformes, dont l’attribution aux partis d’incitatifs monétaires pour les motiver à nommer des candidats de sexe féminin :
Que des modifications soient apportées à la Loi sur le financement de l’activité politique afin d’assurer l’égalité hommes-femmes à l’Assemblée législative en augmentant de 1,00 dollar par vote l’allocation annuelle accordée aux partis politiques dans lesquels les femmes constituent au moins 35 pour cent des candidats aux élections provinciales précédentes. Cette mesure d’incitation serait révisée une fois que l’Assemblée législative du Nouveau-Brunswick se composera d’au moins 45 pour cent de femmes11.
L’ancien gouvernement libéral avait promis, à la place, d’augmenter le taux de remboursement des dépenses électorales accordé aux associations de circonscription pour les élections de 2010, de façon à ce que les femmes ayant obtenu au moins 15 % des voix soient admissibles à un remboursement de 55 % au lieu de 50 %, comme c’est le cas ordinairement. Toutefois, cette réforme n’a jamais été instituée.
Malgré des indications laissant croire qu’elle s’attaquerait sérieusement au dossier, la CDL s’est finalement contentée de recommander que la question de la représentation autochtone fasse l’objet d’un complément d’étude. Et, même si l’engagement ultérieur de l’ancien gouvernement libéral d’amorcer des pourparlers entre les chefs autochtones et le Conseil exécutif semblait prometteur, il y a lieu de s’inquiéter du fait que ce gouvernement ait omis d’inclure d’autres législateurs dans le dialogue proposé. Dans l’intervalle, en 2003, Thomas J. Burke est devenu le premier et, jusqu’à présent, le seul Autochtone néo-brunswickois à accéder à la députation. Burke a été réélu en 2006 et a brièvement siégé dans le Cabinet de Graham; toutefois, il a perdu son siège en 2010. Finalement, le premier lieutenant-gouverneur autochtone, Graydon Nicholas, est entré en fonction à l’automne 2009. M. Nicholas avait été juge à la cour provinciale pendant 18 ans. En date de 2011, le Nouveau-Brunswick ne compte aucun député autochtone sur la scène provinciale.
Il est difficile d’établir la répartition linguistique (anglophones et francophones) à l’Assemblée législative, car bon nombre de députés sont bilingues et il ne faut pas toujours se fier au patronyme pour déterminer si un député est de langue maternelle française ou anglaise. Toutefois, il semble qu’en date de 2010, 15 des 55 députés étaient francophones, dont 8 libéraux.
Travaux de l’Assemblée législative
Comme c’est le cas presque partout ailleurs au Canada, au Nouveau-Brunswick, ce sont les députés qui élisent le président de l’Assemblée législative. Ils suivent la méthode dite « d’Ottawa », selon laquelle tous les députés (à l’exception des chefs des partis enregistrés et des ministres) sont admissibles à ce poste à moins d’avoir demandé que leur nom soit retiré de la liste de candidats. En théorie, au Nouveau-Brunswick, le président a toujours été élu; dans la pratique, toutefois, tous les présidents ont été et continuent d’être nommés par le gouvernement. En 1995, le processus de sélection du président a été officialisé, et des dispositions relatives à la tenue d’un scrutin secret ont été adoptées en vertu du Règlement de l’Assemblée législative. Cela dit, on n’a eu recours à cette méthode qu’en 1995, la seule année où deux candidats se sont disputé le poste. Depuis, comme c’était le cas auparavant, les premiers ministres se sont servis du poste de président un peu pour récompenser ou apaiser un député n’ayant pas été nommé au conseil des ministres, et chaque titulaire s’est trouvé seul dans la course. Cet emploi de la nomination a fait l’objet de critiques, la dernière fois (en 2010) de la part de l’ancien greffier de l’Assemblée législative, David Peterson, pour qui une telle nomination par le premier ministre (qui dessert le système en agissant ainsi) écarte tous les autres candidats12. Le président de la 57e législature est l’ancien combattant et ancien ministre progressiste-conservateur Dale Graham, choisi le 27 octobre 2010.
Le Nouveau-Brunswick suit le modèle standard de Westminster, selon lequel les projets de loi font l’objet de trois lectures et sont (en principe) transmis à un comité permanent, restreint ou plénier entre la deuxième et la troisième lecture. Les comités permanents ont pour mandat d’examiner un projet de loi avant que l’Assemblée ne l’approuve définitivement. Les comités restreints sont dits « spéciaux », en ce sens qu’ils s’occupent d’un besoin particulier et possèdent généralement un mandat qui va au-delà de la simple étude d’un projet de loi (bien que leurs délibérations se traduisent normalement par des recommandations en faveur de l’instauration d’une mesure législative précise). Finalement, lorsque la Chambre siège en comité plénier, l’ensemble de l’Assemblée agit comme un comité dont le président est absent (habituellement, c’est le vice-président de la Chambre ou un autre député qui agit en qualité de président du comité).
En décembre 2010, le Nouveau-Brunswick comptait neuf comités permanents : Corporations de la Couronne, Prévisions budgétaires, Modification des lois, Administration de l’Assemblée, Hauts fonctionnaires de l’Assemblée, Projets de loi d’intérêt privé, Privilèges, Procédure et Comptes publics. À l’heure actuelle, il n’a qu’un seul comité spécial, celui de Point Lepreau. L’Assemblée législative décide de créer un comité spécial soit afin de répondre à ce qui lui semble être une préoccupation urgente qui nécessite une attention particulière, soit afin de répondre à un enjeu trop compliqué pour relever d’un comité permanent. Finalement, tous les projets de loi émanant du gouvernement (à savoir les projets de loi que présente un ministre et ayant, par définition, une visée générale ou « publique ») sont automatiquement renvoyés au Comité plénier. Ce dernier tient des audiences au cours desquelles le ministre qui est associé au projet de loi agit en qualité de témoin. Durant les travaux du comité, le ministre peut recevoir les conseils de représentants du ministère, mais ces derniers ne témoignent pas.
Les projets de loi émanant du gouvernement sont rédigés à la demande d’un ministre par le personnel du ministère de la Justice. Le texte qui en résulte (l’avant-projet de loi) est présenté au Cabinet et, s’il est approuvé, est envoyé à l’impression. Ensuite, le ministre associé au projet de loi dépose ce dernier à l’Assemblée législative par une motion portant « que soit maintenant lu une première fois le projet de loi intitulé […] ». Comme c’est habituellement le cas avec le modèle de Westminster, cette motion n’est pas sujette à débat, même si une brève explication est parfois offerte. On ordonne ensuite la deuxième lecture du projet de loi, dont un exemplaire est remis au greffier ainsi qu’à tous les députés.
La deuxième lecture correspond à l’étape du débat, pendant laquelle les députés du parti ministériel, en particulier le ministre associé au projet de loi, expliquent et justifient la mesure législative. Le débat est d’ordre général. Ainsi, les détails du projet de loi ne sont pas mis en discussion, car ils seront étudiés par le comité compétent. Si le projet de loi franchit l’étape de la deuxième lecture, il est alors renvoyé au Comité plénier, à un comité permanent ou à un comité spécial.
Une fois que le projet de loi a reçu l’assentiment du comité (avec ou sans amendements), il est renvoyé à la Chambre pour une troisième lecture. Le débat qui s’ensuit repose sur les mêmes principes qu’en deuxième lecture, en ce sens que les discussions et les débats s’en tiennent à la teneur générale du projet de loi; les détails sont laissés de côté. Une fois le projet de loi adopté en troisième lecture, il est inscrit au Feuilleton et Avis et reçoit ensuite la sanction royale. Au cours de cette cérémonie, le greffier lit le titre des projets de loi adoptés et le lieutenant-gouverneur, qui siège dans le fauteuil du président, leur accorde la sanction royale au nom de Sa Majesté.
L’Assemblée législative dispose d’un éventail complet de comités qui facilitent la conduite de ses travaux. Comme on l’explique à la page 16 de l’édition 2007 d’Activités législatives, « les comités délibèrent souvent de manière plus souple et coopérative que la Chambre et ils offrent un cadre plus propice à la réflexion collective et à la coopération ». En principe, c’est ce qui devrait se passer. Or, de 2003 à 2006, lorsque les progressistes-conservateurs, alors au pouvoir, se sont trouvés minoritaires dans certains comités, la rancœur et l’animosité semblaient être les sentiments dominants au cours des délibérations. Les difficultés ont perduré sous le mandat du premier ministre Graham, en raison surtout de la nature controversée de plusieurs initiatives des libéraux (comme la proposition de vendre Énergie NB à Hydro-Québec). La victoire écrasante du premier ministre Alward en 2010 force les 13 députés libéraux ayant survécu à la vague conservatrice à faire partie de deux comités, voire trois, pour assurer une présence libérale dans les différents comités. Moins nombreux que les ministres (au nombre de 15), chacun doit assumer des fonctions de porte-parole de l’opposition et plusieurs doivent s’occuper de deux portefeuilles.
Le nom et le mandat des comités ont quelque peu changé au fil du temps, à l’exception des comités des Corporations de la Couronne, de l’Administration de l’Assemblée et des Comptes publics. En fait, malgré leur éventail impressionnant, il demeure que la plupart se réunissent rarement. Les trois comités susmentionnés font exception, car ils siègent à maintes reprises au cours de chaque session. Quant aux autres comités, il n’était pas rare, au cours de la dernière décennie, qu’ils se réunissent à une, deux ou trois reprises seulement pendant toute une session, ou même pas du tout. Certains ne siègent qu’au besoin, comme le Comité permanent des privilèges, qui ne se réunit que lorsqu’une question de privilège soulevée est jugée suffisamment importante ou compliquée pour justifier un examen de sa part (plutôt qu’une décision du président). Quoi qu’il en soit, même si l’on ne peut se fier uniquement au « nombre de réunions » pour juger du rendement d’un comité (car on ne prendrait en considération ni le travail préparatoire ni les mesures de qualité), il faut toutefois en tenir compte. Comme il est indiqué ci-dessous, la division législative des fonctions et des sujets est encore à l’examen. Le tableau 2 présente la liste des comités, leur composition et leur nombre de réunions de 2006 à 2010.
La composition des comités dépend de la position des partis à la Chambre. Étant donné la petite taille de l’Assemblée législative et comme il n’est pas rare que le Cabinet comprenne 20 députés ou plus, il est coutume d’inclure les ministres — dont certains aux fonctions de président — dans des comités législatifs. Ce fut le cas en 2008 : le Comité permanent de modification des lois était présidé par le procureur général; le Comité permanent de la procédure, dirigé par le président, comprenait également deux ministres; le Comité permanent des privilèges avait pour président et vice-président des membres du Cabinet. Le Comité d’administration de l’Assemblée législative est également dirigé par le président, mais il ne compte aucun ministre. C’est un député de l’opposition qui préside le Comité permanent des comptes publics, tandis que les autres comités sont habituellement présidés par un député du parti au pouvoir.
Le Comité permanent de modification des lois joue un rôle public unique. Comme l’explique le rapport du greffier du Comité au sujet des activités de ce dernier :
À l’occasion, des projets de loi déposés à l’Assemblée législative ne dépassent pas l’étape de la deuxième lecture mais sont plutôt renvoyés, sur motion, au Comité permanent de modification des lois pour fins d’examen. Ce renvoi vise souvent à permettre la consultation du public afin d’obtenir l’apport de parties prenantes, de groupes et de particuliers intéressés13.
Au début de 2008, ce comité s’est réuni pour discuter du projet de loi 60, Loi modifiant la Loi sur les relations industrielles. Il s’agissait d’un projet de loi d’initiative parlementaire déposé par Margaret Ann Blaney, députée progressiste-conservatrice qui était, à l’époque, dans l’opposition. L’intention était d’« intégrer dans la Loi sur les relations industrielles du Nouveau-Brunswick des dispositions visant “le contrôle commun? ». Contrairement à la plupart des projets de loi d’initiative parlementaire, celui-ci a franchi les différentes étapes de lecture et a été renvoyé au Comité permanent de modification des lois afin qu’on puisse tenir des audiences publiques. La Loi a reçu la sanction royale le 18 juin 2008.
De plus, trois comités spéciaux se sont réunis en 2008, soit le Comité spécial de l’apprentissage continu (créé le 5 juillet 2007 et formé de 11 membres), le Comité spécial de l’examen de la fiscalité (créé le 5 juin 2008 et formé de 10 membres) et le Comité spécial du mieux-être (créé le 5 juillet 2007 et formé de neuf membres). Aucun des membres de ces comités n’était ministre, et tous les comités ont tenu des audiences publiques partout dans la province.
Dans la foulée des élections provinciales de 2010, la structure des comités est, une fois de plus, soumise à un examen. Le premier ministre Alward a suggéré que certains comités élargissent leur mandat, se déplacent et tiennent des audiences publiques pour ainsi aider son gouvernement à tenir sa promesse d’améliorer l’engagement civique dans la province.
Comme dans les autres provinces et territoires, l’organisation de l’Assemblée législative du Nouveau-Brunswick d’aujourd’hui est très complexe. En 2007, on y dénombrait 67 postes permanents répartis dans les différents bureaux, en plus d’un nombre grandissant de personnes embauchées sur une base sessionnelle ou autre. Les éléments du personnel auxiliaire se composent surtout :
de la greffière de l’Assemblée législative, qui est la conseillère principale en matière de procédure et l’adjointe administrative principale du président;
du Bureau du greffier, qui fournit un vaste éventail de services procéduraux et administratifs à la Chambre, à ses comités et à certains fonctionnaires indépendants de l’Assemblée législative;
de la Bibliothèque de l’Assemblée législative, qui assure aux parlementaires des services d’information et de référence;
du Bureau du Hansard, qui enregistre et transcrit les travaux de la Chambre et des comités parlementaires;
du service de Traduction des débats, qui traduit les travaux de la Chambre, les rapports, etc.;
du sergent d’armes, qui assure les services de sécurité, de page et de messagers, d’information touristique, d’entretien et de concierges.
Cinq membres du personnel, qui relèvent tous de la greffière de l’Assemblée législative, doivent appuyer les comités en plus d’accomplir leurs tâches liées aux activités de la Chambre. Il s’agit du greffier adjoint et greffier principal des comités, du greffier adjoint et greffier aux comités, de l’agent parlementaire, du secrétaire administratif et du recherchiste et greffier aux Journaux.
Le Nouveau-Brunswick compte sept fonctionnaires de l’Assemblée qui, tous, relèvent directement de l’Assemblée législative. Il s’agit du commissaire à l’accès à l’information et à la protection de la vie privée, du vérificateur général, du directeur général des élections, du commissaire aux langues officielles, du commissaire aux conflits d’intérêts, du défenseur du consommateur en matière d’assurances et de l’ombudsman. De ces sept fonctionnaires, ce sont peut-être le commissaire aux langues officielles et l’ombudsman — en particulier dans son rôle de défenseur des enfants et de la jeunesse — qui ont retenu le plus l’attention. Dans une province officiellement bilingue, les perpétuels problèmes d’assimilation et le débat sans fin sur la nature « officielle » du bilinguisme au Nouveau-Brunswick obligent le commissaire aux langues officielles de faire état régulièrement des réussites et des échecs de la politique de la province en la matière.
Responsabilité
Finalement, l’Assemblée législative du Nouveau-Brunswick s’expose aux mêmes critiques que bien d’autres organes législatifs du pays. Aux yeux de ses détracteurs, les députés qui y siègent ne semblent vouloir rendre compte à la population qu’en se soumettant périodiquement à des élections. Comme on l’a vu dans bien des systèmes parlementaires, les décisions se prennent de plus en plus au Cabinet du premier ministre. En outre, les décisions sont prises sans la transparence appropriée (du moins selon certains), et les députés ont trop facilement accès aux deniers publics. On peut discuter du bien-fondé de cette assertion, mais une chose est sûre : chaque parti politique de la province — qu’il s’agisse du Parti libéral, du Parti progressiste-conservateur, du NPD, du parti CoR, du Parti vert, du Parti gris ou du PANB — a insisté sur la transparence et la responsabilité dans sa plateforme électorale. La CDL a recommandé l’adoption d’une loi sur l’imputabilité et la transparence qui, entres autres mesures, fixerait la date du discours du Trône et du dépôt du budget et exigerait la publication fréquente et régulière des dépenses des députés. D’autres propositions ont été formulées au fil du temps (même par des partis au pouvoir), notamment celle de révoquer les députés et de mandater ces derniers pour qu’ils organisent régulièrement des réunions publiques. Aucune de ces mesures n’a été mise en œuvre; toutefois, le Nouveau-Brunswick s’est doté d’une loi sur les budgets équilibrés, une initiative lancée à l’origine par le gouvernement McKenna et adoptée en 1993. L’actuel gouvernement progressiste-conservateur de David Alward a également promis de renforcer la transparence et la reddition de comptes. Dans son premier discours du Trône, il indiquait d’ailleurs qu’une loi sur les référendums et que l’augmentation du nombre de votes libres faisaient partie de ses priorités.
Conclusion
Le Nouveau-Brunswick jouit d’une longue tradition de démocratie législative qui remonte à l’époque coloniale. Il est entré dans la Confédération avec de solides principes constitutionnels de gouvernement représentatif et responsable. La démocratie législative dans cette province a continué d’évoluer, répondant au besoin d’une démocratie accrue et surmontant les défis du biculturalisme et du bilinguisme au sein de la province.
Les études sur la démocratie législative portent invariablement sur trois aspects fondamentaux :
le processus électoral, soit le pont entre la société et son assemblée législative sur le plan des règles juridiques formelles régissant la sélection des députés;
la composition de l’Assemblée législative, soit la mesure dans laquelle les législateurs représentent bien la société;
les activités de l’Assemblée législative, soit son rôle d’orientation et d’élaboration des politiques, en particulier la surveillance de l’exécutif.
Le présent document a examiné et décrit ces trois aspects au Nouveau-Brunswick. Des changements notables ont été apportés, particulièrement au cours des deux dernières décennies, dans le but de renforcer la représentativité, la transparence et la responsabilité de l’Assemblée législative et de rendre son processus politique plus efficient et efficace. La sous-représentation des femmes à l’Assemblée (et dans la politique en général) demeure un enjeu majeur sur le plan de la composition. La sous-représentation des francophones, des Autochtones et du nombre croissant de néo-Canadiens dans la province n’est pas aussi accentuée, mais elle demeure préoccupante. Quant au rôle de l’Assemblée de veiller à ce que l’exécutif gouverne dans l’intérêt de la population, disons que les députés sont désormais bien rémunérés et mieux soutenus par le personnel parlementaire. C’est sur le plan du processus électoral qu’on observe le plus de progrès, même si le système électoral uninominal majoritaire à un tour et la réforme électorale font encore l’objet de débats. La propension du système électoral actuel à exagérer considérablement l’appui au parti victorieux et à punir les partis de moindre taille a fait en sorte que deux partis politiques extrêmement semblables occupent le devant de la scène législative provinciale. L’homogénéisation du discours politique est exacerbée par la forte majorité avec laquelle les partis victorieux remportent habituellement les élections : les partis au pouvoir n’ont pour adversaire qu’une opposition inefficace et démoralisée, si bien qu’ils sont rarement pressés de clarifier leurs politiques et d’expliquer les principes idéologiques qui les motivent. Cette situation empêche l’Assemblée législative d’agir en tant que véritable organisme délibérant et renforce le cynisme de la population à son égard.
Notes
1. R. MacGregor Dawson, The Government of Canada, 5e édition, revue par Norman Ward, Toronto, University of Toronto Press, 1970. p. 3-6.
2. J.R. Mallory, The Structure of Canadian Government, édition revue, Toronto, Gage Publishing Limited, 1984, p. 4-7.
3. W.S. MacNutt, New Brunswick: A History, 1784-1867, Toronto, Macmillan of Canada, 1963, p. 414-461.
4. Hugh G. Thorburn, Politics in New Brunswick, Toronto, University of Toronto Press, 1961. p. 135-143.
5. John Garner, The Franchise and Politics in British North America, 1755-1867, Toronto, University of Toronto Press, 1969, p. 54-72.
6. William Cross et Ian Stewart. « Ethnicity and Accommodation in the New Brunswick Party System », Revue d’études canadiennes, vol. 36, no 4 (hiver 2002), p. 46-52.
7. Circ. électorales provinciales (Sask.), [1991], 2 R.C.S. 158.
8. William Cross, dir., Democratic Reform in New Brunswick, Toronto, Canadian Scholars’ Press Inc., 2007.
9. Donald A. Desserud, « The 2006 Provincial Election in New Brunswick », Canadian Political Science Review, vol. 2, no 1 (mars-avril 2008), p. 53.
10. Stewart Hyson, « Electoral Boundary Redistribution by Independent Commission in New Brunswick : 1990-94 », Administration publique du Canada, vol. 43, no 2 (été 2000), p. 174-197.
11. Nouveau-Brunswick, Commission sur la démocratie législative, Rapport final et recommandations, Nouveau-Brunswick, 2004, p. 116.
12. Brett Bundale, « Veteran Tory’s Name Won’t Be on Today’s Ballot », Telegraph Journal, 27 octobre 2010, p. A1.
13. Assemblée législative du Nouveau-Brunswick, Activités législatives, Rapport annuel pour 2008, p. 20.
Élections générales | Premier ministre (parti) | Chef de l’opposition | Parti vainqueur |
---|---|---|---|
1960 | Flemming (PC) | Robichaud (Lib.) | Lib. |
1963 | Robichaud (Lib.) | Sherwood (PC) | Lib. |
1967 | Robichaud (Lib.) | Van Horne (PC) | Lib. |
1970 | Robichaud (Lib.) | Hatfield (PC) | PC |
1974 | Hatfield (PC) | Higgins (Lib.) | PC |
1978 | Hatfield (PC) | Daigle (Lib.) | PC |
1982 | Hatfield (PC) | Young (Lib.) | PC |
1987 | Hatfield (PC) | McKenna (Lib.) | Lib. |
1991 | McKenna (Lib.) | Cochrane (PC) / Pafford (CoR)* | Lib. |
1995 | McKenna (Lib) | Valcourt (PC) / Hargrove (CoR)** | Lib. |
1999 | Thériault (Lib) | Lord (PC) | PC |
2003 | Lord (PC) | Graham (Lib.) | PC |
2006 | Lord (PC) | Graham (Lib.) | Lib. |
2010 | Graham (Lib.) | Alward (PC) | PC |
*À vrai dire, il n’y avait pas de chef de l’opposition officielle en 1991, en raison de l’absence de députés de l’opposition à la suite des élections de 1987. par conséquent, Dennis Cochrane et Archie Pafford n’agissaient qu’à titre de chef de leur parti respectif. **Le parti progressiste-conservateur et le parti CoR détenaient chacun six sièges lors de la dissolution, mais officiellement, ce dernier avait toujours le statut d’opposition officielle. |
Comité | Total | Président | Vice-Président | Ministres | Réunions |
---|---|---|---|---|---|
Corporationsde la Couronne | 12 | membre du gouvernement | membre du gouvernement | 0 | 7 |
Prévisions budgétaires | 11 | membre du gouvernement | membre du gouvernement | 0 | 0 |
Modification des lois | 9 | ministre | membre du gouvernement | 1 | 6 |
Administration de l’Assemblée | 10 | président | 2 | 14 | |
Hautes fonctionnaires de l’Assemblée | 9 | membre du gouvernement | membre du gouvernement | 0 | 0 |
Projets de loi d’intérêt | 9 | membre du gouvernement | membre du gouvernement | 0 | 2 |
Privilèges | 8 | ministre | ministre | 2* | 0 |
Procédure | 10 | président | ministre | 2 | 0 |
Comptes publics | 10 | membre de l’opposition | membre du gouvernement | 0 | 7 |
Note : *En plus des deux ministres, le président siège à titre de membre du Comité. |