Les pétitions électroniques: représentent-elles des outils viables pour augmenter la participation citoyenne au sein des institutions parlementaires?
Certains experts ont conseillé aux assemblées législatives de faire preuve de prudence avec le vote par Internet jusqu’à la résolution des difficultés posées par la confidentialité et la sécurité, la vérification de l’identité, la vérifiabilité et l’efficacité soient résolues. L’auteur laisse néanmoins entendre que la pétition électronique constitue un premier pas vers une plus grande mobilisation en ligne de l’électorat. Dans son article, elle fait état des divers systèmes de pétitions en ligne actuels, des différences entre les systèmes qualitatif et quantitatif, des difficultés techniques et des avantages possibles de la promotion d’une participation de l’électorat. Elle termine en dressant la liste des pratiques exemplaires à considérer lors de la création d’un système de pétitions électroniques.
Les innovations en technologie et en procédure contribuent à la santé de nos institutions parlementaires. En Colombie-Britannique, comme ailleurs, l’Assemblée législative fait désormais appel aux nouvelles technologies, que ce soit pour la radiodiffusion des délibérations dans de nouveaux formats, la plus grande utilisation du site Web de l’Assemblée afin de fournir des renseignements sur les travaux parlementaires ainsi que sur les traitements et dépenses des députés et pour l’emploi des médias sociaux afin de donner rapidement de l’information sur les dossiers dont l’Assemblée est saisie. Depuis 2004, la ColombieBritannique accepte les mémoires en ligne lors des consultations de commissions. Ensemble, ces mesures représentent ce que nous appelons la « cyberdémocratie ».
Dans un document de travail récent1 (voir le résumé du rapport fait par le directeur général des élections de la province, Keith Archer, page 26), la Direction générale des élections de la ColombieBritannique s’est penchée sur le vote par Internet dans d’autres États et a fait ressortir les difficultés suscitées par ce mode de scrutin, notamment pour ce qui est des questions de confidentialité et de sécurité, de la vérification de l’identité de l’électeur, de la vérifiabilité et de l’efficience de ce mode. Il a été conclu que le vote par Internet offre certes un autre moyen aux citoyens d’exprimer leur voix, mais les risques éclipsent les avantages possibles pour notre province jusqu’à ce que les difficultés soient résolues.
À défaut du vote par Internet, un système de pétitions électroniques pourrait servir de mode de transition visant à accroître la mobilisation en ligne des électeurs et de fait leur participation aux processus parlementaires dans la mesure où les technologies et nos processus le permettent. En fait, de plus en plus d’États emploient déjà les pétitions électroniques, et nous disposons donc d’une grande banque de données sur l’instauration et la mise en œuvre des systèmes de pétitions électroniques ainsi que sur les pratiques exemplaires.
La participation au scrutin recule partout dans les démocraties établies du monde depuis les années 1960. Au Canada, le taux de participation est passé de 75 % à tout juste 61 % lors des trois dernières élections fédérales. En ColombieBritannique, les données sur les trois dernières élections montrent que le taux a chuté de 71 % pour atteindre environ 55 % aux élections générales provinciales. L’intégration de nouvelles technologies aux processus de nos institutions parlementaires peut favoriser la mobilisation des citoyens puisqu’on simplifie les moyens de participer aux processus législatifs.
Une autre raison de considérer les pétitions électroniques tient à l’amélioration des taux d’accès à Internet à domicile. Même s’il n’est pas universel, l’accès à domicile connaît un essor constant. Dans son Enquête canadienne sur l’utilisation d’Internet, 20122, Statistique Canada indique que les taux les plus élevés se trouvaient en ColombieBritannique et en Alberta, soit à 86 %, alors que le plus bas revient au NouveauBrunswick, à 77 %. Les corps législatifs doivent donc se montrer plus présents dans les médias et les secteurs commerciaux afin d’étudier les diverses possibilités qu’offre un accès élargi à Internet pour la mobilisation accrue des citoyens. Ces possibilités permettraient aux citoyens de se rapprocher de nos assemblées, surtout si elles plaisent à une plus grande tranche de la population qui utilise Internet.
Contexte
La présentation de pétitions par des citoyens est un trait caractéristique des interactions entre les citoyens et les instances dirigeantes depuis l’Antiquité. La première pétition officielle au Parlement de Westminster a été soumise à Richard II vers la fin du XIVe siècle, puis cet instrument a gagné en popularité sous les règnes successifs. C’est donc dire que la pétition demeure, pour les citoyens, un moyen d’exprimer leur point de vue au parlement dans la tradition de Westminster vieille de plus de 600 ans. Même si les pétitions ne font pas l’objet de débat depuis les changements apportés au XIXe siècle, la Chambre des communes en a reçu plus de 10 000 par session pendant la majeure partie de ce siècle.
En ColombieBritannique, les premiers Journaux indiquent que le Conseil colonial de l’île de Vancouver a reçu les premières pétitions dès 1859, sept ans avant l’union officielle de la colonie de l’île de Vancouver à la colonie de la Colombie-Britannique, tout juste fondée. De nos jours, les pétitions sont soumises par un député de l’Assemblée législative. Tout comme à la Chambre des communes britannique, les pétitions déposées ne font pas l’objet de débat à la Chambre. Pour l’heure, il n’y a ni mécanisme de renvoi d’une pétition à une commission parlementaire ou à un autre organe aux fins d’examen plus poussé, ni de mécanisme de réception de pétitions électroniques.
Jusqu’à tout récemment, seul le Règlement de l’Assemblée législative donnait des directives concernant le processus de soumission d’une pétition parlementaire en ColombieBritannique. Même si le Règlement est à la disposition de la population, il n’est peut-être pas évident pour les pétitionnaires de le consulter. Bon nombre de pétitions soumises ont été rejetées parce qu’elles n’étaient pas conformes aux directives, par exemple, si le texte d’une pétition n’apparaît en tête de chaque page ou si la pétition nécessite l’engagement d’un investissement, d’une subvention ou d’une dépense financé par les deniers publics.
Les directives sur les pétitions ont été dernièrement mises plus en évidence sur le site de notre Assemblée. Bien qu’elles restent inchangées, j’envisage avec optimisme, à titre de présidente, que cette petite mesure pour améliorer l’accès permettra aux pétitionnaires de réussir leurs démarches.
L’une des dernières réalisations concernant les pétitions accomplies en ColombieBritannique a été chapeautée par la Direction générale des élections, au lieu de l’Assemblée législative, sous le régime de la loi provinciale Recall and Initiative Act. Cette loi prévoit que les électeurs inscrits peuvent demander, par voie de pétition, la création d’une loi ou la modification d’une loi existante. Si une pétition est acceptée, l’avant-projet de loi est renvoyé à la Commission permanente spéciale des initiatives législatives, qui doit ensuite déposer un rapport dans lequel il recommande soit la présentation de l’avant-projet de loi à la Chambre soit le renvoi de la pétition au directeur général des élections en vue de la tenue d’un référendum sur l’initiative.
Depuis 1995, le directeur général des élections de la ColombieBritannique a approuvé neuf demandes d’initiatives, qui portaient sur diverses questions, de la réforme électorale à l’équilibre du budget de la province. Seule une pétition a recueilli suffisamment de signatures pour être adoptée, et ses signataires s’opposaient à la mise en œuvre de taxe de vente harmonisée dans la province en 2010. La grogne populaire à ce sujet, manifestée notamment par la présentation d’une pétition, a mené à un référendum et à l’annulation de la taxe. Cette situation montre bien de quelle manière les pétitions peuvent influer sur la politique gouvernementale.
Les directives exhaustives sur le processus d’initiative sont faciles à consulter sur le site Web de la Direction générale des élections de la Colombie-Britannique. Comme le processus d’initiative peut aboutir à une pétition et à un avant-projet de loi que la Commission permanente spéciale des initiatives législatives étudiera, de même qu’à une présentation probable d’un avant-projet de loi à la Chambre, les groupes d’intérêts puissants dans la province sont enclins à privilégier le processus d’initiative tout en soumettant des pétitions à la Chambre. À l’instar de l’Assemblée législative, la Direction générale des élections n’accepte pas les pétitions électroniques.
Systèmes de pétitions électroniques
Des autorités à l’échelon local, régional, national et international partout dans le monde se servent de systèmes de pétitions électroniques; certains d’entre eux en utilisent depuis plus d’une quinzaine d’années. Par exemple :
- Le Parlement du Queensland, en Australie, les accepte depuis août 2002. Après une période d’essai de 12 mois, le système est devenu un mécanisme permanent qui fonctionne en parallèle avec celui des pétitions en format papier;
- Le Parlement d’Écosse s’est doté d’un tel système en 1999 — pratiquement depuis sa création. Le processus de l’Écosse représente un élément clé de l’engagement du Parlement à améliorer la transparence et l’ouverture du gouvernement ainsi que la participation citoyenne;
- En Grande-Bretagne, la Chambre des communes s’apprête à remplacer son système de pétitions électroniques, après avoir repris celui utilisé par le gouvernement au 10, Downing Street.
- On trouve d’autres systèmes de pétitions électroniques dans diverses municipalités en Norvège, à l’Assemblée nationale du pays de Galles, au Congrès des ÉtatsUnis, au Parlement de la Corée du Sud ainsi qu’au Parlement européen.
- Au Canada, seuls le Québec et les Territoires du NordOuest disposent d’un système de pétitions électroniques.
Systèmes parlementaires contre les systèmes non gouvernementaux
Il faut bien distinguer les systèmes de pétitions électroniques mis sur pied et administrés par des institutions parlementaires de ceux gérés par des organisations non gouvernementales. Les services en ligne comme Avaaz et Change.org fournissent aux gens les outils pour la création et la diffusion de pétitions électroniques. Dernièrement, une pétition créée sur Change.org, demandait qu’on révise l’affaire d’un suicide causé par de l’intimidation en Nouvelle Écosse, et elle a pesé lourd dans la décision du gouvernement d’ordonner un réexamen indépendant de l’affaire.
À titre de parlementaires, il nous faut considérer s’il est bien sage de laisser les processus de pétitions électroniques entre les mains de groupes non gouvernementaux comme Change.org. La possibilité au public d’exprimer son opinion demeurant certes au cœur des systèmes de pétitions électroniques des organismes tant non gouvernementaux que parlementaires, les institutions publiques choisiront peut-être de mettre davantage l’accent sur la vérifiabilité que les groupes non gouvernementaux.
Si les institutions parlementaires établissent les exigences d’un système de pétitions électroniques pratique, transparent et vérifiable, les organisations privées seraient obligées d’assurer un système de qualité équivalente si elles souhaitent présenter leurs pétitions aux organes parlementaires. En conclusion, les parlementaires seraient rassurés sur la constance de la qualité des pétitions présentées.
Exemples de systèmes de pétitions électroniques
Comme tant de processus de pétitions électroniques ont été mis en place depuis au moins une dizaine d’années, on peut maintenant évaluer les réussites et les difficultés dans l’administration de systèmes de pétitions électroniques à l’aune d’un important ensemble de données toujours croissant. Nous pouvons d’ailleurs nous en inspirer pour établir des pratiques exemplaires.
Administration — la quantité par rapport à la qualité
En janvier 2013, la Maison-Blanche a été tenue de répondre à une désormais tristement célèbre pétition créée sur son site « We the People », qui l’exhortait à lancer d’ici 2016 la construction d’une Étoile de la mort, après que la pétition a recueilli plus de 25 000 signatures (seuil pour obtenir une réponse officielle). L’enthousiasme des citoyens pour les pétitions en ligne avait déjà forcé la Maison-Blanche à faire passer de 5 000 à 25 000 le nombre de signatures requises pour obtenir une réponse officielle. Depuis janvier 2013, après la réussite de pétitions comme celle de l’Étoile de la mort, le nombre de signatures requises a maintenant été fixé à 100 000.
La Chambre des communes britannique a elle aussi fixé son seuil à 100 000 signatures en plus d’ajouter d’autres dispositifs de vérification au système. En effet, les pétitions signées par plus de 100 000 personnes doivent être commanditées ou « parrainées » par un député avant d’être renvoyées à la Commission des affaires émanant des députés d’arrière-ban, qui décide ensuite d’en débattre ou non à la Chambre. Fait à noter, la Commission n’est pas tenue de prévoir un tel débat. Dans bien des cas, elle n’obtient pas assez de temps à la Chambre pour en tenir. Les répercussions plus vastes de ce resserrement des exigences méritent qu’on s’y attarde lorsque la transparence et la confiance de l’électeur dans le système entrent en jeu.
L’Assemblée nationale du pays de Galles et le Parlement d’Écosse emploient des systèmes qui reposent sur des critères d’admissibilité et qui ne fixent pas le nombre de signatures nécessaires. Ils ont préféré la qualité à la quantité dans leur approche. S’il juge la préoccupation valide pour les citoyens, la Commission des pétitions peut donner suite à une pétition, sans égard au nombre de signatures, grâce à divers moyens d’action à sa disposition.
Protection contre l’abus d’influence des groupes d’intérêts et autres
Dans les régimes parlementaires de Westminster habituels, la présentation de pétitions à la Chambre est une fin en soi. Si un processus de pétitions incite le parlement ou le gouvernement à prendre des mesures et à affecter d’autres ressources, il devient d’autant plus important de mesurer les ressources et le temps précieux, mais limités, pour débattre de sujets véritablement d’intérêt public, et non de priorités de groupes d’intérêts, grands comme petits. Quelques systèmes sont dotés d’une Commission des pétitions, ce qui permet d’assurer une surveillance plus serrée et un appui tout au long du processus, de la rédaction aux étapes plus actives, aux pétitionnaires dignes de ce nom afin qu’ils réussissent leurs démarches.
Accès direct et indirect au Parlement
Un système de pétitions électroniques vise aussi à améliorer l’accès direct et indirect au gouvernement ou au parlement. L’accès « direct » ici signifie que les pétitionnaires soumettent leurs pétitions directement aux organes législatifs (tel le système « We the People » de la Maison-Blanche). Par opposition, l’accès « indirect » implique que les pétitions peuvent seulement être présentées par un député parrain qui siège au corps législatif (à la Chambre des communes, par exemple). Il y a une autre avenue : les pétitions adressées au Parlement d’Écosse sont soumises à la Commission des pétitions publiques par quiconque — partout dans le monde, en réalité. Les députés écossais membres de la Commission évaluent les motifs et la pertinence d’une pétition sur le plan qualitatif avant de la présenter pour lui donner suite.
Difficultés techniques
La vérification des noms des pétitionnaires figure parmi les difficultés techniques du système de pétitions électroniques, et des territoires l’ont réglée de manière différente. La vérifiabilité d’un système de pétitions électroniques est considérablement plus simple, et probablement moins importante, que celle des systèmes de vote par Internet de grande ampleur. Le Queensland ne considère pas obligatoire de confirmer les noms des pétitionnaires. Les signataires de pétitions doivent par contre fournir une adresse électronique, qui n’est pas non plus vérifiée. Le protocole peut étonner, mais il suit simplement celui appliqué au processus des pétitions en format papier, selon lequel aucune vérification n’est effectuée à moins d’une allégation de fraude.
Par comparaison, le RoyaumeUni effectue une vérification en trois étapes. Tout d’abord, on exige des pétitionnaires la preuve de leur résidence au pays et une adresse valide. On leur demande ensuite de retaper les mots générés au hasard qui s’affichent à l’écran (étape pour empêcher les systèmes automatisés de signer des pétitions). Dernière étape, on leur envoie à une adresse électronique valide de l’information, dont un lien sur lequel les pétitionnaires cliquent pour poursuivre la vérification de leur signature.
Une autre difficulté technique à ne pas négliger réside dans la collecte de signatures sur Internet. La sollicitation de soutien en ligne nécessite des habiletés bien différentes que la sollicitation pour des pétitions en format papier. Puisque la difficulté de recueillir des signatures en ligne s’est révélée pratiquement insurmontable dans certains territoires, il peut être utile de conseiller davantage les pétitionnaires au sujet de cette étape essentielle au processus de pétition lors de la conception de leur système.
Coûts de mise sur pied et d’administration
Une participation directe des électeurs au processus parlementaire nécessite un investissement considérable. Par exemple, la Direction générale des élections de la Colombie-Britannique a rapporté avoir dépensé 34 808 125 $ pour organiser les élections générales dans la province en 2013, soit 10,96 $ par électeur pour que celui-ci puisse participer au processus électoral. Sans son étude, la Direction a constaté que les systèmes de vote par Internet coûtaient le même prix ou plus cher à gérer que les habituels systèmes de bulletins de vote en format papier. Par comparaison, la mise sur pied et l’administration de systèmes de pétitions électroniques ont fait augmenter les possibilités de participer aux processus parlementaires pour une fraction du prix.
Le Québec compte 8,1 millions d’habitants, et son Assemblée nationale a instauré un système de création, de gestion et de signature de pétitions électroniques en 2010 pour un coût d’environ 800 jours-personne.
Les Territoires du NordOuest, eux, comptent environ 43 500 habitants, et les coûts de lancement d’un système de pétitions électroniques se chiffraient autour de 4 000 $, en plus des frais annuels d’administration d’à peu près 800 $, soit 0,09 $ par habitant pour le lancement et 0,02 $, pour l’administration.
Le Royaume-Uni a une population d’environ 63 millions de personnes, et sa Chambre des communes a chargé un groupe de développement en TI de créer un site des pétitions électroniques, ce que celui-ci a fait en huit semaines pour 80 700 £. Les coûts annuels du personnel affecté sont estimés à 67 500 £, ce qui correspond à 0,00128 £ par habitant pour la création et un peu moins pour les coûts annuels de personnel. Il est bien de noter que les coûts de mise sur pied et d’administration sont considérablement moindres que prévu en 2008 par la Commission de la procédure de la Chambre des communes. Selon les estimations de celle-ci, le système coûtait 500 000 £ à construire et 750 000 £ à administrer par année, ce qui est franchement plus rentable que l’organisation d’élections générales.
Comme la population et le système varient d’un territoire à l’autre, les exemples donnés ne sont pas directement comparables. Ils donnent néanmoins une vue d’ensemble de l’efficience relative d’un investissement dans un système de pétitions électroniques dans le cadre d’une stratégie visant à encourager l’engagement politique et la participation à la politique.
Participation de l’électorat
Les systèmes de pétitions électroniques favorisent-ils l’engagement politique et la participation à la politique? Les données indiquent que ce n’est pas vraiment le cas. J’avancerai néanmoins que, vu les taux d’accès à Internet, les systèmes ont un bon potentiel pour faciliter la participation si les citoyens prennent part aux processus de nos institutions parlementaires.
Plusieurs des systèmes de pétitions électroniques cités ont pourtant suscité une hausse remarquable. Le Parlement du Royaume-Uni dit avoir reçu 22 000 pétitions électroniques les cinq premiers mois de la mise en service de son système, comparativement à une moyenne de 316 pétitions par session au cours des 20 dernières années. Comme il a été expliqué plus tôt, les gouvernements américain et britannique ont relevé le seuil des signatures pour pallier l’enthousiasme croissant pour les pétitions.
Selon une déclaration récente de M. Keith Archer, directeur général des élections en ColombieBritannique, il n’est pas prouvé de manière concluante que les systèmes de vote par Internet font augmenter la participation de l’électorat3. Dans la même veine, des études menées dans le Queensland et en Allemagne, notamment, ont montré que la mise en place de systèmes de pétitions électroniques n’a pratiquement rien changé au nombre de pétitions ou à celui de signatures. Compte tenu des taux de plus en plus élevés d’accès à Internet dont il a déjà été question, un fait ressort : un système en ligne n’entraîne certes pas une hausse de personnes qui participent, mais davantage d’électeurs ont la possibilité de le faire dans le confort de leur foyer.
Malheureusement, des études indiquent que la plus grande tranche de la population qui signe des pétitions électroniques (en Allemagne, en Écosse et au Queensland) s’avère être la même qui signe des pétitions traditionnelles, c’est-à-dire des hommes d’âge mûr ou plus vieux dont la scolarité dépasse la moyenne. S’il y a lieu de faciliter la participation, il nous faut inciter les autres tranches de la population normalement moins enclines à participer aux processus législatifs.
Favoriser la participation de l’électorat
La société Hansard a laissé entendre que la participation accrue tient à deux éléments clés : la clarté du processus et la compréhension du public quant aux issues possibles4. Autrement dit, qu’est-il possible et impossible d’accomplir avec une pétition? Les pétitionnaires se disent satisfaits lorsqu’ils comprennent la place que leurs initiatives occupent dans l’ensemble du processus parlementaire.
Il importe que les pétitionnaires soient bien renseignés sur les attentes réalistes à nourrir ainsi que sur les issues. Le gouvernement britannique affirme que les pétitions électroniques constituent un moyen facile d’influer sur la politique gouvernementale au Royaume-Uni, sans expliquer clairement dans quel sens. En revanche, la Commission des pétitions publiques du Parlement d’Écosse a dit, dans une étude, que le gouvernement a souvent usé de son pouvoir discrétionnaire pour autoriser des pétitions électroniques autrement inadmissibles. En outre, le soutien et les conseils officiels donnés par le gouvernement ont eu des effets positifs sur l’acceptation générale et l’évaluation du système de pétitions électroniques par les pétitionnaires. Grâce au contact direct, des attentes trop optimistes sur l’issue d’une pétition sont ramenées à un degré plus réaliste5.
À qui s’adresse le pétitionnaire lorsqu’il signe une pétition, le gouvernement ou le parlement? Les pétitions seront-elles adressées à un parlement de tradition britannique axé sur le pouvoir exécutif ou à une commission dotée de pouvoirs considérables pour donner suite aux pétitions? Le système est-il créé de sorte que le gouvernement réponde aux pétitions et établit un rapport avec les décideurs? Ou alors est-il créé au départ pour amorcer un débat sur la teneur des pétitions, par une enquête d’une commission, un débat à la Chambre, des discussions non officielles ou autrement? Peu importe la réponse, les pétitionnaires qui croient dans la transparence du processus tendent à se dire davantage satisfaits des résultats, que leurs démarches aient réussi ou non. Cette constatation donne clairement matière à réflexion.
Récapitulation et conclusions
Les recherches montrent que la création d’un système de pétitions électroniques ne fait pas automatiquement augmenter la mobilisation citoyenne ou la participation de l’électorat. Cependant, un système bien conçu est par comparaison plus économique que le vote par Internet et il offre aux électeurs un outil accessible pour favoriser la connaissance des travaux législatifs et stimuler la mobilisation politique de manière plus générale.
Voici la liste de quelques pratiques exemplaires dans la création d’un système de pétitions électroniques axé sur la mobilisation de l’électorat et la participation à la vie politique :
- Fournir un processus de pétition clair et transparent pour encourager des attentes réalistes chez les pétitionnaires;
- Donner un soutien technique pour aider les pétitionnaires dans leurs démarches;
- Choisir l’organe chargé de recevoir les pétitions : une commission parlementaire dotée de pouvoirs clairs pour y donner suite, un député parrain membre d’un organe législatif qui en présentera au parlement ou une autre institution parlementaire ou gouvernementale;
- Décider si un seuil qualitatif ou quantitatif, ou la combinaison des deux, est nécessaire pour donner suite aux pétitions du seuil et lequel est le plus adapté au régime politique;
- Donner des directives précises sur les obligations des commissions, du Parlement et du gouvernement lorsqu’il s’agit de répondre aux pétitions.
À titre de députée en poste aux plus longs états de service à l’Assemblée législative de la Colombie-Britannique, j’ai siégé dans les deux côtés de la Chambre. Jusqu’à maintenant, je me suis exprimée en ma qualité de Présidente de l’Assemblée, mais aussi de parlementaire désireuse d’appuyer et de consolider les institutions démocratiques de la province par une transparence et une reddition de compte accrues de nos organes parlementaires.
Vu le déclin de la participation et du désamour généralisé des électeurs pour la chose politique, les parlementaires doivent songer à réformer et à faire évoluer nos institutions pour renouer le dialogue avec l’électorat et tisser des liens avec les tranches de la population moins enclines à participer aux processus parlementaires.
Le système de pétitions électroniques est bien sûr une mesure de la cyberdémocratie qui s’ajouterait à celles déjà en place en ColombieBritannique. Bien qu’il soit complexe d’assurer la clarté et la transparence du système et difficile d’inciter les tranches de population sous-représentées à y participer, un système de pétitions électroniques entraîne peu de coûts et de risques en vue d’améliorer les processus actuels, surtout si on le compare à des options plus complexes et risquées, telle la mise sur pied d’un système de vote par Internet pour des élections générales.
J’attends avec grand intérêt de pouvoir étudier et discuter davantage de la mise sur pied des systèmes de pétitions électroniques partout dans le monde, surtout des réussites dans le domaine, ainsi que d’autres manières d’améliorer l’efficacité de nos institutions parlementaires.
Notes
- Independent Panel on Internet Voting: Recommendations Report to the Legislative Assembly of British Columbia, http://www.internetvotingpanel.ca/docs/recommendations-report.pdf [EN ANGLAIS SEULEMENT].
- Statistique Canada, Enquête canadienne sur l’utilisation d’Internet, 2012, http://www.statcan.gc.ca/daily-quotidien/131126/dq131126d-fra.htm
- Voice of BC, July 10, 2014, http://vimeo.com/100449283, de 25:00 à 30:20 min. [EN ANGLAIS SEULEMENT].
- Société Hansard, What’s Next for e-petitions?, http://www.hansardsociety.org.uk/wp-content/uploads/2012/10/What-next-for-e-petitions.pdf [EN ANGLAIS SEULEMENT].
- Ralf Linder et Ulrich Riehm, « Electronic Petitions and Institutional Modernization. International Parliamentary E-Petition Systems in Comparative Perspective », Journal of eDemocracy and Open Government, vol. 1, no 1, 2009, p. 6, http://www.jedem.org/article/view/3 [EN ANGLAIS SEULEMENT].