Esquisse des parlements et de leur passé : Joe Howe et le gouvernement responsable
L’auteur explique comment les délibérations du Conseil législatif de la Nouvelle-Écosse sont devenues ouvertes au public et fournit des réponses à une légende notoire entourant Province House.
Selon une légende de longue date au sujet de Province House, en Nouvelle-Écosse, le futur premier ministre Joseph Howe, reconnu pour s’être défendu avec succès contre la diffamation criminelle, avait fait installer sa propre porte menant à la salle du Conseil législatif afin de pouvoir observer les délibérations à sa guise. Cependant, un certain mystère régnait sur le moment et les circonstances de la création de la « porte Joe Howe », ce à quoi elle pouvait servir et le moment où elle a disparu… jusqu’à présent.
Avant 1838, les portes du Conseil législatif, qui comprenait l’organe exécutif, étaient fermées au public. Le 31 janvier 1837, Lawrence O’Connor Doyle a présenté une résolution pour en permettre l’ouverture1. Initialement, le Conseil a rejeté la résolution, affirmant que celle-ci violait « le privilège du Conseil et l’usage parlementaire, qui interdit à une Chambre de s’ingérer dans la régie interne de l’autre2 ». Cependant, pour tenter de se montrer conciliant, il a accepté d’étudier la question3.
Insatisfait de cette réponse désinvolte, John Young a présenté deux autres résolutions du même acabit, mais Joseph Howe en a profité pour les modifier. Il a proposé 12 résolutions en matière de réforme, dont la dixième traitait de l’ouverture des portes du Conseil législatif, ouvrant ainsi la voie à un gouvernement responsable en Nouvelle-Écosse 11 ans plus tard – une première en matière de compétences dans les colonies britanniques.
Accusé de corruption dans l’une de ces résolutions, le Conseil législatif a menacé de ne plus correspondre avec la Chambre à moins que la résolution soit annulée et a laissé entendre qu’il n’autoriserait pas les crédits4. Joseph Howe a répliqué en annulant les 12 résolutions; toutefois, « le même jour […], il a aussi donné avis de motion relativement à la désignation d’un comité chargé de préparer une adresse à la Couronne5 », laquelle incluait les 12 résolutions.
Se rendant compte que la question de l’ouverture des portes serait maintenant présentée au Colonial Office en GrandeBretagne, le 4 avril, le Conseil législatif a nommé un comité chargé de « faire rapport sur les modifications qu’il serait nécessaire d’apporter à la salle du Conseil dès que le Conseil déciderait que des étrangers peuvent y être admis6 ».
Le 21 avril, le comité a déposé son rapport devant le Conseil législatif, indiquant qu’un espace fermé dans la salle du Conseil pourrait servir à une antichambre dotée de barrières servant à protéger les peintures. Il proposait qu’on y entre par le vestiaire, « si cela n’empiète pas sur la disposition de la Cour suprême7 », ce qui aurait assurément été le cas.
Lorsque la séance du Conseil s’est ouverte le 25 janvier 1838, c’était la première fois que les portes étaient ouvertes au public, et, pour la première fois aussi, il s’agissait d’un organe indépendant du Conseil exécutif, comptant des représentants à la fois du Conseil législatif et de la Chambre d’assemblée.
La bibliothèque de l’Assemblée législative a récemment redécouvert un plan architectural de la salle du Conseil législatif datant de 1841, sur lequel figurent la porte et les barrières qui avaient mises en place pour protéger les peintures et séparer le Conseil législatif de l’antichambre. Le Conseil législatif a été aboli en 1928.
La « porte Joe Howe8 » n’a pas été créée expressément pour lui, mais elle a bel et bien ouvert la porte à un gouvernement responsable en Nouvelle-Écosse.
Notes
- Nouvelle-Écosse. Chambre d’assemblée. Journal et délibérations de la Chambre d’assemblée de la province de Nouvelle-Écosse, 1837, Halifax, Chambre d’assemblée, 1838, p. 10-11 [TRADUCTION].
- Nouvelle-Écosse. Conseil législatif. Journal et délibérations de la Chambre d’assemblée de la province de Nouvelle-Écosse, 1837, Halifax, Conseil législatif, 1838, p. 11.
- Ibid., p. 11.
- Ibid., 7 mars 1837, p. 34.
- Beck, Murray J., Joseph Howe. Volume 1 Conservative Reformer 1804-1848, Montréal, McGill-Queen’s University Press, 1982, p. 164 [TRADUCTION].
- Journaux du Conseil législatif, p. 63 [TRADUCTION].
- Journaux du Conseil législatif, p. 97 [TRADUCTION].
- Des plans de la salle montrent la porte toujours en place en 1967. Celle-ci a été supprimée quelque