La construction du pavillon d’accueil de l’Assemblée nationale du Québec : Repenser l’expérience visiteur

Article 2 / 9 , Vol 44 No. 2 (Été)


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La construction du pavillon d’accueil de l’Assemblée nationale du Québec :

Repenser l’expérience visiteur

En 2016, l’Assemblée nationale du Québec a entrepris le plus grand projet de construction depuis sa création entre 1877 et 1886. Les préoccupations en matière d’accessibilité étaient au cœur de la conception par l’Assemblée de son centre d’accueil primé. Dans cet article, l’auteur décrit la portée du projet et la signification soigneusement élaborée derrière certains des éléments du nouveau centre.

Rachel Plante

Une Construction D’édifice, une expérience significative

En 2016, l’Assemblée nationale du Québec a lancé le plus imposant chantier de son histoire touchant l’hôtel du Parlement depuis sa construction (1877-1886). Le projet d’agrandissement, achevé en 2019, était motivé par la volonté de faciliter l’accessibilité des lieux à la population et aux touristes, et d’ajouter des espaces adaptés à la tenue des travaux parlementaires. La réalisation d’un pavillon souterrain détaché du parlement, doté d’infrastructures d’accueil modernes, a permis d’offrir ipso facto une expérience optimisée tout en effectuant de meilleurs contrôles de sécurité.

La construction, d’une superficie de 5100 m2, comporte également une salle multifonctionnelle et une agora. Ces lieux donnent l’occasion à l’institution de repenser entièrement l’expérience de celles et ceux qui s’y présentent. Un parcours éducatif inédit, adapté à un public varié, se greffe à ces nouveaux espaces, ce qui permet à la population de mieux connaître sa maison citoyenne.

Un concept architectural : un dialogue entre le passé et le présent

Une réaffirmation de la devise nationale

La devise Je me souviens est le concept fondateur de l’hôtel du Parlement. En ajoutant ces trois mots simples et éloquents sous les armoiries du Québec, Eugène-Étienne Taché donne un sens à son œuvre : par l’ornementation du bâtiment, il invite les Québécoises et les Québécois à se souvenir de leurs héros, de leur histoire.

Dans le nouvel édifice, il apparaît naturel que le concept autour duquel s’articule l’expérience proposée aux visiteurs s’inscrive dans une perspective similaire à celle qu’a Taché lors de la conception de l’édifice du Parlement. Par exemple, dès son entrée, le visiteur est frappé par le message phare de l’Assemblée nationale gravé sur un mur d’acier : Je me souviens. Le ton est donné. On se souvient qu’en ces lieux s’est construit, depuis l’époque de Taché, le Québec comme on le connaît aujourd’hui. À ce concept commémoratif se superpose une autre dimension, celle de la prise de conscience de l’importance de l’endroit : la société québécoise s’est façonnée au rythme des débats, des luttes qui s’y sont déroulés, et des décisions et des compromis qui y sont proposés.

Pour la façade de l’hôtel du Parlement, Taché élabore, au 19e siècle, un « panthéon » de personnages marquants de l’histoire du Québec. La conception d’un pavillon souterrain témoigne, après plus d’un siècle, du souci qu’ont eu les architectes de préserver le cachet patrimonial du bâtiment et sa magnifique façade narrative, et de poursuivre l’œuvre de Taché autrement : à l’intérieur, un long mur de bois microperforé révèle des images qui accompagnent la citoyenne et le citoyen tout au long de leur parcours. Ces images, chargées de sens, présentent des scènes qui reflètent les valeurs et les caractéristiques fondamentales du Québec : la diversité, la langue et les racines françaises, l’égalité, la nordicité et l’héritage autochtone, l’ouverture sur le monde, les ressources naturelles et l’immensité du territoire.

Le pavillon d’accueil avec son caractère actuel témoigne du fait que le Parlement, bien qu’enraciné dans une tradition qui comporte son lot de pratiques et d’usages hérités de la coutume britannique passée, est et doit être résolument ancré dans le présent. Le visiteur prend conscience qu’un parlement n’est pas un lieu figé dans le temps, mais une institution en mouvement, porteuse de changements, tournée vers demain.

Une architecture significative au service de l’expérience

L’architecture crée un dialogue entre patrimoine et modernité auquel quiconque est sensible. L’atmosphère de l’agora, d’un blanc immaculé, évoque la neutralité politique de l’institution, alors que les espaces périphériques, eux, sont peints de couleurs vibrantes et contrastées. Le bleu et le rouge constituent des repères, essentiels en milieu souterrain, vis-à-vis de chacune des Chambres : la salle de l’Assemblée nationale (le salon Bleu) et la salle du Conseil législatif (le salon Rouge).

L’omniprésence du cercle est par ailleurs une constante dans le concept architectural du pavillon d’accueil. Loin d’être fortuite, cette forme rappelle l’agora, lieu emblématique de la démocratie athénienne, et l’idéal de l’égalité. L’espace se veut donc central et significatif, invitant le passant ou la passante à comprendre son rôle dans la sphère politique et citoyenne. Enfin, toute personne ne pourra qu’être frappée par la vue impressionnante qu’offre l’immense oculus de verre sur la tour centrale du parlement située juste au-dessus de la borne du kilomètre zéro, positionnant cette tour comme un repère géographique et symbolique pour l’ensemble de la population.

La transition entre les deux édifices s’effectue dans un environnement qui appelle à la réflexion et à la prise de conscience du poids et de l’importance des institutions démocratiques. Ce tunnel, creusé sous la façade de l’hôtel du Parlement, est habité par l’œuvre d’art Le spectre des Lumières, de l’artiste Jonathan Villeneuve. Le visiteur baigne alors dans une atmosphère sonore et visuelle envoûtante. Il est imprégné par les mouvements de la création originale. Son titre fait évidemment référence au Siècle des lumières qui, en Occident, a été très riche en enseignements philosophiques, politiques, sociaux, scientifiques et artistiques. Au-delà de ce symbolisme, Le spectre des Lumières rend hommage aux différentes couleurs d’opinions exprimées en Chambre, lors des débats. Trait d’union entre la modernité et la mémoire, ce passage constitue la voie d’accès pour entrer dans l’édifice patrimonial, point culminant de la visite.

Une Expérience visiteur : des contenus Répondant aux besoins des différents publics

La table est donc mise. L’Assemblée nationale profite de cet environnement grandiose et empreint de symbolisme pour revoir l’ensemble de son offre d’activités. Un parcours, composé de dispositifs variés, permet aux différents publics de vivre une expérience riche, significative et agréable. Ce parcours a été conçu grâce au savoir-faire et à l’expertise des équipes internes de l’institution.

Qu’il soit accompagné d’une ou un guide ou qu’il arpente le parlement de façon autonome, le visiteur est désormais en mesure de mieux saisir le rôle de l’Assemblée nationale, d’accroître ses connaissances et sa compréhension des processus démocratiques, d’apprécier la richesse historique et patrimoniale de l’hôtel du Parlement et d’envisager des occasions de participation citoyenne.

Une approche numérique et multimédia

Des écrans tactiles au contenu didactique et ludique sont accessibles. Animations, jeux, vidéos et outils interactifs abordent le parlementarisme, la vie politique et la démocratie.

Un parcours numérique, disponible au moment de la réouverture grand public du parlement après la pandémie, permettra à celles et à ceux qui le souhaitent de faire une visite de façon autonome sur leur appareil mobile. Cet outil, de type « audioguide » et offert en français et en anglais, mettra également à la disposition du visiteur un contenu supplémentaire, comme des photos et des vidéos.

De nouvelles créations audiovisuelles agrémentent le circuit. Dans la zone d’accueil, les personnes peuvent contempler des images du territoire québécois. Un mur d’écrans diffusant des vidéos et des photos illustre la diversité des paysages des 17 régions administratives du Québec à travers les saisons. Plus loin, dans la salle Multifonctionnelle, est présenté Confluence, un film institutionnel qui vise essentiellement à mettre en valeur l’importance de l’Assemblée nationale dans la société, à évoquer l’âme des lieux et à susciter un sentiment de fierté et d’appartenance. Enfin, l’imposante zone de projection de l’agora accueille des créations vidéo en lien avec différentes thématiques. Depuis l’ouverture du pavillon, la projection à l’honneur permet la découverte des cultures et du patrimoine des premiers peuples du Québec.

Un des objectifs poursuivis par la refonte de l’expérience visiteur visent à rendre plus accessibles les renseignements utiles au déroulement des activités grand public, institutionnelles et parlementaires. Des écrans d’information sont disposés à des endroits stratégiques sur le parcours : à l’entrée sont diffusés les heures de visite, les activités à venir, les renseignements sur le pavoisement, les heures d’ouverture des services, etc. Derrière le comptoir d’enregistrement, un peu à la manière d’un menu, des écrans présentent l’horaire détaillé des activités institutionnelles, l’information sur les services offerts et sur les tours guidés, etc. Enfin, deux écrans jouxtant les nouvelles salles de commission parlementaire précisent, notamment, l’horaire de la journée et le programme des activités prévues.

Un accompagnement éducatif et personnalisé

Les visites guidées ont été revues pour mieux répondre aux besoins des différents groupes de personnes. Le tour grand public a été modifié afin de s’intégrer aux nouveaux espaces. Une offre adaptée aux groupes du primaire et du secondaire, avec circuits et ateliers, a aussi été développée en lien avec le programme de formation de l’école québécoise. Enfin, de nouvelles visites thématiques font partie du menu : celle de la Bibliothèque, désormais plus facilement accessible, et celle des jardins et des parterres.

Des espaces de mise en valeur

Des zones d’exposition thématiques ponctuent le parcours. Dans le pavillon d’accueil, deux vitrines muséales reçoivent une exposition sur les édifices parlementaires de Québec et la construction de l’hôtel du Parlement. Un étage plus bas, une alcôve, qui loge la capsule temporelle scellée jusqu’en 2092 (elle sera ouverte lors du 300e anniversaire des premières élections au Québec) attire les curieuses et curieux avec une ambiance liée au temps qui passe : sabliers, horloges… À proximité, une autre exposition a pour thème la naissance et le cheminement d’un projet de loi. Fait intéressant : c’est sous l’angle des lois, adoptées par le passé par l’Assemblée nationale, que sont illustrées les avancées législatives favorables aux femmes. Du côté de la Bibliothèque, qui est désormais liée au parcours grâce à un tunnel, des cabinets de curiosités abritent des trésors qui peuvent être admirés par les visiteurs.

Dans l’édifice principal, une exposition porte sur l’hôtel du Parlement et son concepteur, Eugène-Étienne Taché. Une maquette transparente laisse entrevoir l’intérieur de l’édifice et les salles les plus importantes. Une autre pièce a pour thématique générale la participation politique des citoyennes et des citoyens. L’exposition présente les divers gestes que toutes et tous peuvent poser pour contribuer à la vie civique et parlementaire du Québec.

Une boutique qui vaut le détour

Enfin, véritable vitrine du terroir, du talent et du savoir-faire québécois, la Boutique permet de découvrir la qualité et la diversité des œuvres et des produits artisanaux du Québec. En un arc de cercle se révèlent les trésors qu’elle recèle.

Une Programmation citoyenne : Un Lieu pour Faire rayonner l’institution

L’inauguration du pavillon d’accueil en 2019 a positionné l’Assemblée nationale du Québec comme une institution moderne, vivante et accessible à la population. En plus de développer le parcours de visite, l’Assemblée nationale a mis sur pied sa Programmation citoyenne. Calendrier annuel d’activités gratuites et destinées au grand public, cette programmation propose des activités qui permettent d’habiter le pavillon d’accueil et de mieux faire connaître l’institution et son apport à la société québécoise.

Afin de proposer des activités à l’image des citoyennes et citoyens et d’être un réel partenaire de son milieu, l’Assemblée nationale sollicite les initiatives issues de la population. Un appel de projets grand public est lancé annuellement. Par ce calendrier d’activités, l’Assemblée nationale souhaite favoriser l’émergence et accueillir la relève dans la programmation et offrir un espace d’expression à la diversité. Elle cherche également à développer des partenariats avec différentes entités comme les musées, les universités, les organisations artistiques, etc. Enfin, elle veut contribuer à faire rayonner des initiatives de toutes les régions du Québec.

S’efforçant de répondre aux besoins et aux intérêts du plus grand nombre, l’Assemblée nationale propose donc annuellement une programmation qui touche à des thèmes variés (arts, culture, société, politique, science, environnement, jeunesse, éducation, santé, etc.). Cette programmation peut prendre des formes tout aussi diversifiées, comme des conférences, des tables rondes, des expositions, des projections, des ateliers ou encore des manifestations artistiques.

Jusqu’à maintenant, les activités proposées ont su illustrer la volonté de l’institution de se positionner comme une destination incontournable dans la capitale nationale et d’incarner le concept de « maison citoyenne », comme en témoignent les activités suivantes : Festival de cinéma de la ville de Québec, exposition de photographies sur le thème des congés paternels avec le Festival FIKAS, exposition Des œuvres qui donnent des ailes en soutien à la Fondation Maison Dauphine qui vient en aide aux jeunes en difficulté, installation de l’œuvre Sommet de la montagne sur le parvis du parlement dans le cadre du parcours d’art urbain Passages insolites, etc.

Une Construction, Une Meilleureommunication et Une Nécessaire Redéfinition

Les motivations initiales pour construire un pavillon d’accueil étaient de nature pragmatique. De l’espace supplémentaire était indispensable à la tenue des activités parlementaires. Deux nouvelles salles de commission parlementaire, modernes et adaptées aux plus récentes technologies de télédiffusion, répondent désormais aux besoins des parlementaires. Soucieuse de refléter l’égalité entre les femmes et les hommes dans ses murs, l’Assemblée nationale a nommé ces deux salles en l’honneur de parlementaires marquantes, soit Marie-Claire Kirkland et Pauline Marois, respectivement la première femme élue en 1961 et la première femme à occuper la fonction de première ministre, de 2012 à 2014.

La volonté de mieux accueillir la population et les touristes était également au cœur du projet. Des espaces adaptés aux besoins et aux intérêts du plus grand nombre et une offre d’activités variées permettent maintenant de recevoir plus de gens et de leur faire vivre une expérience plus significative.

Enfin, comme dans la majorité des parlements, la sécurité était devenue un enjeu fondamental. Dorénavant, des dispositifs de pointe assurent la sécurité des parlementaires et du grand public, et ce, de leur arrivée à leur sortie de la cité parlementaire.

Au-delà de ces considérations, l’Assemblée nationale du Québec a réussi à réaffirmer sa valeur patrimoniale et historique, en actualisant l’œuvre et le message d’Eugène-Étienne Taché. Elle a également réussi à redéfinir son identité et son image aux yeux des citoyennes et citoyens, qui la perçoivent comme une institution ouverte, expressive, emblématique et vivante. La transformation, qui visait implicitement à créer de la fierté, permet non seulement de susciter ce sentiment chez la population et chez le personnel qui y travaille, mais également à montrer que l’institution, bien qu’ancrée dans le passé, est franchement moderne et teintée par les aspirations et les intérêts des Québécoises et Québécois.

Désormais, elle affirme une nouvelle personnalité qui, s’ajoutant à ses rôles fondamentaux, lui permet de remplir pleinement sa mission d’éducation civique. Ainsi, l’Assemblée nationale est devenue une véritable maison citoyenne pour l’ensemble de la population québécoise.

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