De l’arrière-scène à l’avant-scène :table ronde avec des élus qui ont auparavant été employés dans un bureau de circonscription

This entry is part 3 of 11 in the series Vol. 47 No. 4 (Hiver)

De l’arrière-scène à l’avant-scène : table ronde avec des élus qui ont auparavant été employés dans un bureau de circonscription

Les parlementaires nouvellement élus n’ont souvent que peu ou pas d’expérience des activités quotidiennes qui se déroulent dans les bureaux de circonscription. La mise en place du bureau ainsi que le recrutement et la formation du personnel nécessitent habituellement un apprentissage sur le terrain et beaucoup d’essais et d’erreurs. Par contre, certains nouveaux élus ont déjà travaillé comme membres du personnel dans ce type de bureaux. Dans le cadre de cette table ronde, la Revue parlementaire canadienne s’est entretenue avec deux parlementaires qui ont ainsi acquis de l’expérience à la fois comme employé et comme employeur de bureau de circonscription. Cette perspective unique leur a permis de mieux comprendre le personnel, de lui fournir une formation efficace et d’offrir à leurs collègues parlementaires un soutien lorsqu’ils avaient des questions sur le démarrage ou la gestion de leur bureau. Toutefois, les deux participantes ont évoqué la difficulté qu’elles ont eue à déléguer les responsabilités qui étaient autrefois les leurs en tant que membres du personnel. Appelant de leurs vœux une collaboration non partisane accrue entre les parlementaires pour établir des pratiques exemplaires ou des manuels en la matière, les deux participantes ont fait valoir que les partis politiques devraient s’efforcer de conserver leurs connaissances institutionnelles en discutant avec les parlementaires et le personnel de longue date de leurs expériences afin que les autres parlementaires et employés n’aient pas à repartir de zéro après chaque scrutin.

Katrina Chen, députée provinciale, et Elisabeth Prass, députée provinciale

Revue parlementaire canadienne : Pouvez-vous décrire votre parcours en politique? Comment avez-vous commencé à travailler dans un bureau de circonscription?

Katrina Chen : Je suis originaire de Taïwan et je suis venue ici en tant qu’étudiante étrangère pour ma dernière année du secondaire avant de fréquenter l’Université Simon Fraser. Après avoir obtenu mon diplôme, j’ai dû décider si je restais ici ou si je rentrais chez moi. À l’époque, l’immigration était très stricte. Vous deviez avoir un employeur pour demander un permis de travail. J’ai eu de la chance, car j’avais fait beaucoup de bénévolat avec des groupes d’aide aux étudiants étrangers et des associations communautaires locales. J’ai donc trouvé mon premier emploi auprès d’un organisme sans but lucratif qui militait pour l’accès au logement des familles à faible revenu. C’était du travail d’organisation communautaire.

Je frappais donc aux portes tous les jours, ce qui m’a vraiment ouvert les yeux sur certains des défis auxquels les communautés locales étaient confrontées. En plus de travailler avec les résidents et les familles, j’ai rencontré des élus locaux des trois paliers de gouvernement. C’est ainsi que certains politiciens ont découvert mon parcours très diversifié et ma capacité à parler plusieurs langues et à travailler au plus près du terrain. J’ai donc été embauchée comme assistante de circonscription, ce qu’on appelle aujourd’hui conseillère de circonscription.

Elisabeth Prass : J’ai commencé à travailler comme conseillère en politiques au cabinet de la ministre de la Condition féminine en 2005. Plus tard, j’ai passé quatre ans en tant que conseillère en politiques auprès des ministres du Développement économique et j’ai également travaillé comme recherchiste et traductrice pour l’aile gouvernementale du service de recherche. Lorsque j’ai eu mes enfants, j’ai pris un congé de trois ans pour être avec mes deux garçons, à Montréal, avant de vouloir retourner au travail.

Par contre, retourner à Québec chaque semaine n’était pas vraiment une option avec deux jeunes enfants. J’ai donc passé une entrevue pour le bureau de circonscription de D’Arcy-McGee, où j’ai grandi et où ma mère vivait encore.

Je m’entendais très bien avec mon député. Comme celui-ci n’avait jamais fait de politique auparavant, je pense qu’il était heureux que j’aie une formation politique. J’ai dirigé ce bureau pendant sept ans.

Je travaillais dans le domaine des relations gouvernementales lorsque la dernière élection a eu lieu et on m’a proposé de me présenter. J’ai un fils qui est atteint d’un trouble du spectre autistique et je pense que ce qui m’a poussé à me présenter était le désir d’être la voix des familles qui n’ont souvent pas de voix. J’ai pensé que je pourrais utiliser toute l’expérience politique que j’avais accumulée au cours de la dernière décennie.

Mais, avec mon expérience personnelle de mère d’un enfant ayant des besoins spéciaux, la première chose que j’ai faite a évidemment été de demander à mon mari et à mon fils aîné la permission de me présenter. Ce sont eux qui seraient appelés, dans une certaine mesure, à faire face à la complexité de la situation.

J’étais inquiète pour ma situation familiale. Mais mon mari m’a dit : « Si tu ne le fais pas, tu vas le regretter toute ta vie. Nous allons trouver une solution. » J’ai beaucoup de chance d’avoir du soutien à cet égard.

RPC : Vous avez toutes deux un point de vue intéressant puisque vous avez travaillé dans des bureaux de circonscription. J’ai déjà entendu dire qu’être parlementaire est comme avoir un emploi sans description de poste : il existe de nombreuses façons d’assumer ses responsabilités. Mais j’ai aussi entendu dire que, dans les bureaux de circonscription, les rôles ne sont pas toujours bien définis. J’aimerais savoir, quel type de formation professionnelle avez-vous suivie lorsque vous avez été embauchées pour la première fois dans un bureau de circonscription? Y avait-il une quelconque description de poste, ou un manuel du travail? Avez-vous été formées par un prédécesseur? Le parlementaire pour lequel vous travailliez vous a-t-il dit ce qu’il attendait de vous?

KC : Je dirais que c’était limité, étant donné surtout que beaucoup dépend parfois de la taille du caucus pour lequel on travaille. À l’époque, au niveau fédéral, le caucus pour lequel je travaillais était un petit groupe. C’était avant que Jack Layton ne fasse élire un nombre accru de députés. Quant au caucus provincial, il était à l’époque d’une bonne taille, mais plus petit, lui aussi, que ce qu’il est maintenant que nous formons le gouvernement.

Cela dit, même si la taille globale de notre caucus était plutôt petite à l’époque et que le soutien était limité, au fil des années, j’ai eu la chance de travailler avec de nombreux collègues locaux formidables qui m’ont beaucoup appris en cours de route.

Il est également intéressant de noter que, si l’on examine les caractéristiques démographiques des conseillers ou assistants de circonscription, ceux-ci sont majoritairement des femmes. Nous devons effectuer de nombreuses tâches multiples et différentes : du travail de bureau jusqu’à toutes sortes de commissions, en passant par le traitement de dossiers, la défense de causes et l’organisation d’activités.

Je dirais que, pour ce qui est des ressources, elles pouvaient être limitées par rapport à l’ampleur de la charge de travail. Il y a du matériel : il existe des manuels ou des livrets qu’on peut consulter. Mais ce sont vraiment les gens qui nous aident à apprendre à faire le travail. J’ai toujours eu la chance de travailler avec des gens qui avaient beaucoup d’expérience. Ils m’ont aidée tout au long de mon parcours.

RPC : Elisabeth, avez-vous suivi une formation quelconque lorsque vous avez commencé?

EP : Non. Je dirais que, que ce soit au cabinet d’un ministre ou dans un bureau de circonscription, on est en quelque sorte lancé dans la situation et il faut se débrouiller. Les gens n’ont pas beaucoup de temps pour vous former, surtout au cabinet, car tout le monde est occupé.

Je pense que ce qui m’a aidée au bureau de circonscription, c’était d’avoir travaillé au cabinet. Mon ministre et moi travaillions avec son bureau de circonscription, et j’avais donc une idée de ce qu’y étaient les tâches quotidiennes. L’expérience de travailler avec le cabinet m’a également aidée à guider mon député, car il était nouveau en politique. Je pense qu’il comptait beaucoup sur moi pour pouvoir le conseiller et le guider en fonction de ce que je savais.

Et, en fait, j’ai constaté au fil des années qu’il y a de moins en moins de ressources. Lorsque nous étions au gouvernement, il y avait des séances de formation où nous réunissions tous les bureaux de circonscription pour leur donner une petite idée de ce à quoi ressemblait le travail quotidien. Nous faisions quelques simulations de scénarios pour les préparer. Je ne sais pas si c’est simplement parce que nous ne sommes plus au gouvernement ou si les choses évoluent simplement de cette façon, mais j’ai l’impression qu’il y a moins de ressources consacrées à l’orientation. Si on se lance dans la politique pour la première fois, cela peut être très désorientant. Aucun jour ne se ressemble et on ne sait jamais ce qui va se passer.

KC : Je suis tout à fait d’accord avec ce que dit Elisabeth. Lorsque j’étais au Cabinet, mes conseillers ministériels venaient d’horizons très divers, mais le soutien qu’on leur donnait pour les préparer à leur entrée en fonction était souvent limité. Je pense qu’il est également important de définir le type de formation et d’orientation dont les gens ont besoin. Ce qui fonctionne pour un bureau ne fonctionne pas forcément pour un autre.

Ensuite, les besoins seront différents dans les communautés rurales par rapport aux milieux urbains.

Nous devrions avoir une grande conversation sur la façon dont nous soutenons nos employés, en particulier en ce qui concerne la diversité de leurs tâches, le stress et, bien sûr, les rencontres avec les personnes en première ligne et la gestion des situations difficiles. Je vous remercie, Elisabeth, d’avoir mentionné cela, car je pense que le soutien est quelque chose dont nous devrions absolument parler.

EP : Simplement pour compléter ce que vous dites, Katrina, je pense que la formation du personnel est également bénéfique pour les électeurs. Elle aide au bon fonctionnement du bureau, car plus l’employé en sait, plus il peut aider l’électeur. Par exemple, si j’ai un électeur qui a un problème de santé, l’employé connaîtra le numéro de la personne qui peut l’aider. Le travail est ainsi beaucoup plus facile.

KC : C’est exact.

EP : Vous pouvez servir vos électeurs beaucoup mieux. Vous n’avez pas besoin d’avoir toutes les réponses immédiatement, mais au moins vous savez où vous diriger. Pour vous donner un exemple, lorsque je travaillais au bureau de circonscription, il nous a fallu quatre ans pour établir notre propre répertoire de numéros de téléphone. Aucune liste ne nous avait été transférée. Je ne pense pas que cela devrait être la norme. Je me souviens que nous partagions nous-mêmes notre liste avec d’autres bureaux.

RPC : Très intéressant. Lorsque vous avez créé votre bureau de circonscription, avez-vous donné à votre personnel une formation du même genre que celle que vous aviez éventuellement reçue lorsque vous étiez employées vous-mêmes? Ou leur avez-vous fourni une formation individuelle? Elisabeth, vous disiez que vous avez proposé de parler à certains des autres membres du caucus, mais qu’avez-vous fait pour votre propre personnel, puisque vous aviez l’avantage d’avoir travaillé dans cet environnement auparavant?

EP : J’ai eu de la chance, car la personne qui dirige maintenant mon bureau est quelqu’un que j’ai formé lorsque j’ai quitté mon emploi au bureau de circonscription. Non seulement je lui ai préparé une liste des différentes personnes-ressources, mais je lui ai également dit : « Si cela arrive, voici ce qu’il faut faire. »

J’ai eu beaucoup de chance, car j’ai pu le former à un moment où j’avais le temps nécessaire pour bien le former. C’était un apprentissage pratique, et il a ensuite été en mesure de transmettre ces connaissances aux autres membres de notre personnel.

J’ai eu de la chance de ce côté-là mais, d’une manière ou d’une autre, j’aurais voulu leur transmettre mon expérience. Je dis toujours : « Il n’y a pas de mauvaises questions. Vous ne me dérangez jamais. Je préfère que vous posiez la question plutôt que d’essayer par vous-mêmes de vous débrouiller, car en sept ans, j’ai pratiquement tout vu. »

KC : Je dirais que l’apprentissage devrait être un peu hybride. L’employé compte sur toutes ses expériences diverses pour l’aider à parcourir le manuel et voir ce qui manque. Mais il y a aussi des gens qui ont travaillé comme assistant de circonscription ou dans un bureau de circonscription et qui donnent à la personne un bon aperçu du travail quotidien. C’est particulièrement utile lorsque nous négocions collectivement avec notre personnel, car nous en tirons une autre perspective.

RPC : Avez-vous donné des conseils spécifiques aux gens que vous avez embauchés? Des exemples vous viennent-ils à l’esprit? Évidemment, chaque jour est différent, mais avez-vous offert des points clés pour qu’ils se rappellent comment trouver leurs repères ou maintenir un bon équilibre travailvie dans un environnement difficile?

EP : Je pense que l’information la plus précieuse pour moi-même et pour les autres est de ne pas avoir peur d’utiliser ses ressources. Nous avons des gens dans les communications, nous avons des recherchistes. Si vous ne savez pas quelque chose et que vous n’arrivez pas à me joindre, vous pouvez leur poser des questions.

Nous avons tous des expériences différentes et nous nous appuyons sur des connaissances différentes. Si nous pouvons les partager entre nous, ce sera très utile. Il se peut qu’il se soit passé quelque chose ailleurs qui ressemble à la situation que nous vivons. On apprend des succès des autres, mais aussi de leurs erreurs. Je pense que la collaboration, l’information et la communication sont très importantes.

KC : Je suis tout à fait d’accord avec Elisabeth. J’ai aussi une histoire drôle à partager.

Lorsque je suis devenue députée, j’ai utilisé une grande partie de mes connaissances, au niveau tant fédéral que provincial, afin d’essayer de faire fonctionner mon bureau de circonscription d’une certaine manière.

Mais ensuite, j’ai réalisé que mon personnel était différent. Et il a sa façon à lui de travailler.

J’avais l’habitude de fouiller constamment dans notre courrier électronique public. C’est juste une habitude. Je voulais savoir ce qui se passait. Mais mes employés ont dû m’en empêcher. Ils m’ont dit respectueusement de ne plus mettre mon nez là-dedans. (Rires). Au fil du temps, j’ai commencé à comprendre que je devais vraiment respecter le fait que je travaillais en équipe. J’ai un rôle différent maintenant. Je ne peux plus faire leur travail, et je dois également respecter leur expertise dans l’exercice de leurs rôles.

Parmi mon personnel, il y a beaucoup de femmes de couleur ou de personnes diverses avec des passés variés. Nous voyons le système hiérarchique et les influences coloniales et patriarcales sur les femmes, et particulièrement sur les femmes de couleur. Nous veillons donc toujours à respecter certaines normes et à utiliser un langage respectueux les uns envers les autres. Parce que parfois, malheureusement, les travailleurs de première ligne dans les circonscriptions sont traités très différemment ou mal par les gens.

Je veux m’assurer qu’ils se sentent toujours en sécurité. Je veille toujours à ce qu’ils se sentent respectés. Mais, en même temps, je leur disais toujours qu’ils sont mes représentants. Je ne peux pas aller à tous les endroits et à tous les événements. Il se peut que je sois occupée à travailler à l’Assemblée législative et que je ne puisse pas être présente dans la communauté tout le temps. Les employés représentent le député. Ils représentent notre circonscription. Je dois dire que tous les membres de mon équipe ont fait un travail incroyable et nous sommes vraiment là pour nous soutenir les uns les autres dans notre travail.

EP : En complément à ce que Katrina a dit, je pense que, lorsqu’on a fait un travail qui est maintenant le travail de quelqu’un d’autre, il peut être très difficile de s’en détacher.

Comme Katrina l’a dit, chacun a ses capacités et ses talents. Mais c’est parfois difficile de lâcher prise, et il m’a fallu une bonne année pour le faire. Je faisais beaucoup de choses que je n’avais plus besoin de faire parce que j’étais désormais députée. Mais j’étais tellement habituée à faire ces choses parce que c’est ce que je faisais quand je dirigeais le bureau.

Au début, il y avait beaucoup de choses que je gardais pour moi et que je ne déléguais pas, mais maintenant je délègue davantage. Il s’agissait simplement d’arrêter de m’attendre à ce que le personnel fasse les choses comme je les avais faites. J’ai trouvé que c’était un exercice mental intéressant.

RPC : Katrina, vous avez travaillé dans des bureaux de circonscription fédéral et provincial. Remarquez-vous des différences entre les deux? De toute évidence, ils abordent des questions différentes en fonction de la répartition constitutionnelle des pouvoirs, mais y a-t-il autre chose que vous avez remarqué qui les distingue?

KC : Eh bien, le budget est très différent. Les bureaux fédéraux ont un budget beaucoup plus important, plus de personnel et plus de soutien (selon la taille du caucus). Par ailleurs, chaque circonscription peut être différente des autres. Dans une circonscription très diversifiée comme celle où je travaillais, environ 90 à 95 % des dossiers étaient liés à l’immigration, alors qu’à l’échelle provinciale, les grands sujets sont principalement le logement, le soutien aux aînés ou les soins de santé. Les interactions sont donc avec d’autres membres de la communauté.

C’est pourquoi nous devons travailler en collaboration entre les trois paliers de gouvernement, ou même les quatre paliers, car nous avons également les conseils scolaires, pour nous assurer de servir chaque communauté. Les dossiers que nous traitons font venir chaque jour des personnes différentes dans les différents bureaux.

RPC : En ce qui concerne la création de ces bureaux, avant d’acquérir votre propre expérience, aviezvous une idée de ce qu’il faudrait pour créer ce qui ressemble à une petite entreprise ou à un petit cabinet professionnel?

EP : Je n’avais aucune expérience de la conceptualisation d’un bureau de circonscription ou de son rôle. Je n’avais aucune expérience en matière d’embauche ou de ressources humaines. Parmi mes collègues, lorsqu’il s’agissait d’embaucher, ils demandaient aux responsables du bureau du whip s’ils avaient des gens à recommander, ou ils demandaient à d’autres collègues députés s’ils connaissaient des gens.

Évidemment, lorsque vous venez de terminer une élection, il y a certains bénévoles ou certains membres de votre personnel que vous conservez. Mais je ne pense pas qu’il y avait vraiment un manuel pratique à suivre.

KC : Il est intéressant de noter que cette question est en quelque sorte liée à la précédente. À l’échelle fédérale, en raison de la distance entre la Colombie-Britannique et Ottawa, il a été plus difficile de mettre sur pied le bureau en raison du décalage horaire et du manque de soutien local. Au niveau provincial, j’ai trouvé cet aspect plus facile, peut-être parce que nous sommes plus proches. En matière de soutien administratif et de mise sur pied du bureau, le personnel de l’Assemblée législative fournit un soutien fantastique et une réponse très rapide. Il était toujours là.

Est-ce que mon expérience antérieure m’a aidée quand j’ai dû créer un bureau de circonscription? En fait, c’est l’inverse qui s’est passé pour moi. En effet, j’ai d’abord été conseillère de circonscription et, au cours des premières années, j’ai travaillé sur tellement de dossiers d’immigration que ce type de travail était mon expertise. J’ai d’ailleurs décidé de suivre une formation afin de devenir consultante en immigration certifiée. C’est donc dans mon travail indépendant que mon expérience en tant que conseillère de circonscription m’a aidée.

Cela dit, je dirais que le fait d’avoir travaillé dans un bureau de circonscription et ensuite mon expérience de travailleuse indépendante m’ont vraiment aidée à créer mon propre bureau de circonscription.

RPC : Elisabeth, comme vous l’avez mentionné, vous avez proposé de faire une présentation à vos collègues du caucus sur ce qu’implique la gestion d’un bureau de circonscription. Mais est-ce que l’un d’entre eux vous a déjà demandé des conseils ou des suggestions individuellement? Pourriezvous décrire une situation dans laquelle on vous a demandé de fournir des conseils?

EP : Beaucoup d’entre eux savaient que j’avais déjà travaillé dans un bureau auparavant, alors parfois ils me posaient simplement des questions et je les orientais. D’autres fois, je leur faisais des suggestions. Je peux vous donner un exemple. Chaque année, nous sommes autorisés à décerner des médailles de l’Assemblée nationale à nos électeurs. Ma suggestion est d’en faire un événement communautaire; j’organise donc une cérémonie dans mon bureau.

Il y a eu également de nombreuses occasions et de nombreux cas où différents collègues sont venus me voir et m’ont posé des questions sur des situations particulières. J’essaie de me présenter comme une ressource pour eux.

KC : Je dirais que j’ai vécu une expérience similaire après avoir travaillé dans des bureaux de circonscription pendant 10 ans. Beaucoup de collègues et même des membres de leur personnel venaient me voir et me parlaient de problèmes qui survenaient. Même lorsque j’étais au Cabinet, de nombreux membres du personnel de ministres venaient me voir pour me parler de leur expérience de travail et des défis qu’ils rencontraient. Nous avons donc tendance à tisser des liens et à partager.

Je pense que le soutien est important pour beaucoup de membres du personnel. Ceux-ci savent qu’ils ne sont pas seuls lorsqu’ils sont confrontés à des situations très difficiles et stressantes.

RPC : Y a-t-il quelque chose que nous aurions pu oublier et que vous souhaiteriez aborder avant de conclure?

EP : Je voudrais souligner l’exercice mental devant être accompli lorsqu’il est nécessaire de passer de l’arrière-scène à l’avant-scène. Je pense que j’y travaille encore un peu chaque jour – c’est peut-être inévitable quand on travaille dans un bureau de circonscription depuis longtemps.

KC : J’aimerais vraiment qu’on puisse créer une sorte de manuel expliquant comment mettre en place et gérer un bureau de circonscription. Et j’espère qu’il y aura davantage d’occasions de collaborer avec d’autres caucus.

Je comprends les défis. Il y a la politique partisane. Les employés de certains députés sont syndiqués, tandis que d’autres ne le sont pas. Et il y a beaucoup de complexité. Le personnel de circonscription et le personnel ministériel ont une formation et des responsabilités distinctes.

Je comprends donc que cela puisse être difficile, mais je pense qu’il y a beaucoup d’expériences et de défis communs que les membres du personnel partagent en tant que rouages d’une institution où les pressions peuvent être très fortes. Et il y a beaucoup d’inégalités au sein de cette institution. J’espère donc qu’à l’avenir, nous aurons davantage d’occasions de collaborer et de nous réunir pour nous soutenir mutuellement.

EP : J’aimerais ajouter une dernière chose. Je disais qu’avant de quitter mon bureau de circonscription, j’avais rédigé un guide pour la personne qui me remplaçait. Or, que ce soit moi, Katrina ou d’autres, nous avons des connaissances acquises et les partis, en général, ne profitent pas de ces connaissances lorsque nous partons. Il y a tellement de connaissances qui ne sont pas conservées et qui pourraient être si utiles. Lorsqu’une personne part, beaucoup de ses connaissances acquises partent avec elle. Il faut beaucoup de temps aux gens pour reconstruire cela.

Je pense que les partis devraient reconnaître ce fait et faire un meilleur travail pour tenter de mettre par écrit l’expérience qu’acquièrent les gens dans les bureaux de circonscription, surtout lorsqu’ils y sont depuis longtemps.

Katrina Chen a été députée provinciale de Burnaby-Lougheed, en Colombie Britannique, de 2017 à 2024. Elisabeth Prass est députée provinciale de D’Arcy-McGee, au Québec, depuis 2022.

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