Des bureaux de circonscription cohérents : plaidoyer en faveur de normes minimales de gestion et de conservation des documents

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Des bureaux de circonscription cohérents : plaidoyer en faveur de normes minimales de gestion et de conservation des documents

Lorsqu’un parlementaire est battu, prend sa retraite ou quitte pour une autre raison, qu’advient-il des dossiers de ses électeurs? Sont-ils déchiquetés? Transférés au prochain parlementaire? Retournés aux électeurs? Entreposés quelque part pour une durée indéterminée? Qui décide où vont ces documents et ces informations? Les parlementaires peuvent être soumis à un contrôle partisan au sein de leur assemblée législative mais, souvent, ils disposent d’une plus grande indépendance et d’une plus grande liberté pour gérer les questions soumises par leurs électeurs au bureau de circonscription. Cette liberté peut toutefois créer des problèmes pour les électeurs et monopoliser des ressources limitées si le successeur doit reconstruire le dossier à partir de zéro. L’établissement d’exigences minimales en matière de gestion et de tenue à jour des dossiers des électeurs pourrait procurer un sentiment de stabilité, de continuité et de mémoire institutionnelle en cas de renouvellement des élus. Dans cet article, l’auteur explique pourquoi le modèle d’« entreprise indépendante » actuel des bureaux de circonscription devrait être remplacé par un modèle professionnel réglementé qui sert mieux les intérêts des électeurs, tout en protégeant l’indépendance des parlementaires et leur capacité à innover ou à personnaliser leur prestation de services.

Will Stos

Dans la plupart des assemblées législatives canadiennes, la politique partisane sert de structure d’organisation principale. À l’exception notable des assemblées de type consensuel des Territoires du Nord-Ouest et du Nunavut1, les partis politiques, par l’intermédiaire du whip, exercent un contrôle considérable sur les actions des parlementaires élus ou nommés sous leurs bannières2.

Mais, même si les parlementaires qui appartiennent à ces partis reconnaissent généralement que la politique partisane est un sport d’équipe qui exige de la coordination et de la coopération entre les collègues du caucus, certains aspects de leur travail permettent un grand degré d’indépendance et une supervision minimale de la part de la direction du parti. La gestion des bureaux de circonscription est un de ces domaines3. Bien qu’un parti puisse avoir son mot à dire sur la manière dont le parlementaire s’acquitte de ses responsabilités envers sa circonscription locale, les détails du travail du bureau de circonscription échappent généralement à la surveillance des dirigeants du parti.

De nombreux parlementaires sont particulièrement fiers du travail qu’ils accomplissent dans leur circonscription. Comme le dit le Centre Samara pour la démocratie : « Les députés sont censés être les représentants des électeurs à Ottawa. Leur mission est de relier les citoyens aux institutions démocratiques nationales et de permettre aux Canadiens d’être entendus dans les décisions fédérales. Mais le rôle que jouent les députés dans la circonscription s’est transformé au fil du temps, se concentrant davantage sur la prestation de services et les événements, plutôt que sur la consultation et la législation4. » [traduction]

Vu cette évolution du rôle joué par les parlementaires dans les circonscriptions, il est probable que nombre d’entre eux défendront farouchement leur indépendance dans cet espace et que tout effort centralisé visant à appliquer certaines contraintes à l’organisation et à la gestion des bureaux de circonscription sera rejeté d’emblée.

Cela est tout à fait compréhensible. Pourtant, cette approche « ad hoc » de l’organisation et de la gestion des bureaux de circonscription qui privilégie le contrôle local peut, paradoxalement, être préjudiciable aux électeurs individuels.

Dans le présent article, je décris certains des problèmes du modèle d’« entreprise indépendante » des bureaux de circonscription qui s’est développé au Canada et je propose un modèle « professionnel réglementé ». Ce nouveau modèle préserverait ces bureaux en tant qu’espaces où les parlementaires peuvent exercer un large degré d’indépendance et expérimenter l’innovation, tout en garantissant à leurs électeurs des normes minimales en matière de gestion des dossiers qui les empêcheraient, eux et leurs dossiers, de se perdre dans le tourbillon des changements électoraux, des démissions ou des décès de députés en cours de mandat.

Je propose que certaines normes de gestion des dossiers soient uniformes dans tous les bureaux de circonscription d’un même territoire gouvernemental, que la planification de la transition se fasse avec une équipe indépendante et non partisane, et que les parlementaires soient encouragés à mettre de côté leurs intérêts partisans et personnels afin que la vie individuelle des électeurs ne soit pas affectée négativement lorsque la donne électorale change.

Servir les autres, mais aussi servir ses intérêts

Dans le contexte canadien, les bureaux de circonscription ont commencé à émerger, dans les années 1960 et 1970, à la fois en réponse aux frustrations liées à la bureaucratie et comme infrastructure nécessaire pour les parlementaires qui n’avaient pas accès à des bureaux privés.

Lors d’une présentation à une conférence du Groupe canadien d’étude des parlements, Peter Macleod a cité les politiciens fédéraux Flora MacDonald et Ed Broadbent comme des pionniers qui ont vu à la fois un besoin et une valeur dans ces bureaux :

Même si les bureaux sont souvent le principal point de contact des citoyens avec la politique, il s’agit le plus souvent « d’espaces marginaux, désordonnés et en piteux état ». Flora McDonald a été la pionnière des bureaux de circonscription : elle en avait besoin parce qu’elle ne disposait pas, comme d’autres politiciens, d’une infrastructure professionnelle telle qu’un cabinet d’avocats ou une entreprise. Pour rester en contact avec ses électeurs, elle a puisé dans son propre salaire pour engager un étudiant à Kingston. Dans la perspective de démocratie délibérative d’Ed Broadbent, le bureau de circonscription est un « atelier de discussion »5.

Le point de vue de Broadbent était partagé par d’autres parlementaires affiliés au NPD. Dans le cadre de mes recherches doctorales sur les partis politiques régionaux, j’ai appris que, vers 1970, le député provincial du NPD de la Nouvelle-Écosse, Paul MacEwan, et le chef du NPD de la Nouvelle-Écosse, Jeremy Akerman, ont commencé à organiser des « heures de bureau » durant lesquelles les électeurs pouvaient venir discuter de questions qui leur tenaient à cœur. Mais plutôt que de simplement rendre visite à leur député pour l’encourager à voter d’une certaine manière ou pour faire pression sur le gouvernement pour quelque chose dont la communauté dans son ensemble avait besoin, de nombreux électeurs cherchaient une assistance individuelle sur des questions relatives aux demandes d’assurance-emploi et à d’autres documents bureaucratiques.

MacEwan a réalisé que le travail accompli à cet égard par lui et son chef serait bénéfique pour leurs perspectives électorales futures. En effet, lorsque MacEwan a été expulsé du caucus du NPD de la Nouvelle-Écosse et empêché de se présenter pour le parti dans sa circonscription lors de l’investiture, sa réputation de député de circonscription solide lui a valu un retour décisif à l’Assemblée comme indépendant.

D’autres parlementaires ont constaté le succès obtenu par Akerman et MacEwan grâce à ces « heures de bureau » et ils ont eux aussi commencé à donner la priorité à l’offre de services. Finalement, certains ont ouvert des bureaux physiques pour effectuer ce travail. La rémunération des députés a été ultérieurement ajustée afin de rendre possibles la location et la dotation en personnel de ces bureaux. Partout au pays, les bureaux de circonscription répondent désormais à une grande variété de besoins, depuis le traitement des documents administratifs6 jusqu’à la résolution des griefs individuels7, en passant par « l’aide juridique lorsqu’on n’en trouve pas8 ».

La motivation principale derrière tout ce travail est sans aucun doute de rendre service aux électeurs. Certains politiciens peuvent faire ce travail avec un altruisme absolu et sans arrièrepensée. Mais il est facile de comprendre comment un électeur potentiel bien servi peut être utile à un parlementaire qui envisage de se présenter à nouveau à la prochaine élection générale. Que cet électeur fasse activement du bouche-à-oreille pour promouvoir le parlementaire et renforcer sa position au sein de la communauté ou qu’il réfléchisse silencieusement à la valeur de cette aide personnalisée lors de son prochain passage aux urnes, il reste que le travail efficace dans la circonscription contribue probablement, en partie, à l’indéniable « avantage du député sortant9 » lors des scrutins.

En soi, cet aspect « intéressé » du travail de circonscription n’est pas une mauvaise chose. Les électeurs frustrés par une décision bureaucratique, qui voient leur dossier prendre la poussière sur une pile de papiers, ou qui recherchent simplement un endroit pour communiquer avec leur élu sans avoir à se déplacer jusqu’à son bureau à l’Assemblée, bénéficient de cette infrastructure physique et des parlementaires qui y sont présents et prêts à les servir. Lorsque toutes les autres possibilités d’aide ont été épuisées, l’électeur peut très bien partir du principe que « qui ne risque rien n’a rien » et se rendre à son ou ses bureaux de circonscription10.

Que l’électeur parvienne ou non à une résolution fructueuse et que le parlementaire en tire ou non un sentiment de satisfaction personnelle ou professionnelle, l’électeur est sans aucun doute le principal bénéficiaire de ce travail au bureau de circonscription. Même si le travail du parlementaire sur le dossier n’aide pas en fin de compte l’électeur, le déplacement au bureau de circonscription n’a probablement pas nui11.

Malheureusement, il y a des situations où, justement, le bureau de circonscription peut nuire à l’électeur.

Lorsque se produit un changement électoral ou autre12, des pratiques standard qui pourraient protéger les intérêts de l’électeur pendant la période de transition peuvent ne pas être en place. Que la décision du parlementaire de quitter ses fonctions lui appartienne ou soit celle des électeurs, la façon dont il choisit de fermer son bureau de circonscription lui revient presque entièrement13. La pratique varie largement entre les assemblées législatives et les parlementaires individuels, et elle semble dépendre d’une combinaison de facteurs : éthique personnelle, considérations partisanes, et volonté du parlementaire de briguer le même poste ou un autre poste élu ultérieurement.

Mais si un électeur a une affaire en cours dans les dossiers du parlementaire sortant, que se passet-il? Le parlementaire peut-il transférer ce dossier à un autre parlementaire? Si le consentement de l’électeur est nécessaire, a-t-il été obtenu? Le consentement sera-t-il obtenu pendant la transition? Si le parlementaire nouvellement élu est un rival politique du parlementaire sortant, soit au sein du même parti, soit en tant que membre d’un autre parti, le parlementaire sortant sera-t-il généreux de son temps, de ses connaissances et des dossiers qu’il a accumulés?

Les réponses varient.

Partager, déchiqueter, retourner ou entreposer

Lors de l’élection fédérale de 2011, la fameuse « vague orange » a mené à la victoire des dizaines de candidats du NPD au Québec. Mais lorsque les parlementaires nouvellement élus ont commencé à mettre en place leurs opérations de circonscription, certains ont découvert qu’ils allaient repartir de zéro, alors que d’autres avaient reçu les dossiers du député précédent.

Un député a découvert des dossiers vides tandis qu’un autre « aurait hérité d’un classeur complètement vide, à l’exception d’une note sarcastique qui disait : «Ne vous inquiétez pas, tout a été recyclé14.» »

Selon le député québécois Guy Caron, « cela punit moins le nouveau député que les citoyens et, honnêtement, ceux-ci ne méritent pas que cela leur arrive. En fait, je trouve cela assez puéril, car vous perdez l’élection et vous détruisez le dossier pour tenter de rendre les choses difficiles pour la personne qui vous remplace ». [traduction]

Ce député avait, lui, reçu les dossiers de ses prédécesseurs parce que le député sortant du Bloc québécois ne voulait pas que son successeur se trouve dans l’obligation de repartir à zéro.

Une autre députée sortante du Bloc québécois, Diane Bourgeois, a retourné les dossiers individuels aux électeurs eux-mêmes afin de protéger leur vie privée et de donner à l’électeur la possibilité de les transmettre au nouveau député. « Il n’y a pas de règle, a-t-elle déclaré à la CBC, mais je pense que c’est une question de confidentialité et que le citoyen doit signer un document, c’est évident. » Elle a ajouté que, « depuis des années », la pratique est de laisser le député sortant décider de ce qu’il fera des dossiers.

Les préoccupations exprimées par le député Caron et d’autres ne sont pas nouvelles. Au milieu et à la fin des années 1970, Paul Dick, un député de Lanark-Renfrew-Carleton, a présenté à plusieurs reprises un projet de loi d’initiative parlementaire visant à créer un processus de transfert des dossiers. En soutenant son projet de loi, M. Dick a raconté qu’il avait cherché à obtenir les documents de l’ancien député afin de poursuivre le travail sur les dossiers de ses électeurs, mais que sa demande avait été rejetée, l’ancien député soutenant que ces fichiers étaient privés et lui appartenaient.

De nombreux électeurs contactaient M. Dick pour demander une mise à jour sur leur dossier. Lorsqu’il répondait qu’il n’avait pas ces dossiers et que l’électeur devait recommencer à zéro avec lui, on lui apprenait parfois que les documents originaux envoyés étaient irremplaçables.

Ces électeurs ne recevaient pas les services auxquels ils avaient droit. Par la suite, j’ai constaté que l’on ne se contentait pas de jeter ces documents à la poubelle, mais qu’ils étaient passés à la déchiqueteuse dans l’édifice du Centre. Ces documents appartenaient à nos commettants. Ils les avaient transmis à leur représentant mais ils ne lui appartenaient pas. Il en avait la garde simplement parce qu’il était député de Lanark-Renfrew-Carleton15.

Le projet de loi de M. Dick n’a jamais été adopté par le Parlement. Bien que quelques personnes aient manifesté un certain intérêt pour de nouvelles discussions en comité afin de déterminer si une procédure pratique pour les transferts de dossiers pouvait être trouvée, d’autres députés ont avancé que les dispositions du droit commun et des lois offraient déjà aux électeurs des recours s’ils découvraient que leurs biens privés (les documents originaux) avaient été volontairement détruits16.

Si nous postulons que, parce que les parlementaires ont toujours eu le pouvoir discrétionnaire de décider du sort des dossiers de leurs électeurs, on ne doit jamais en changer, il faut mettre ici un terme au présent article.

Mais même les actions discrétionnaires doivent être quelque peu encadrées. Les parlementaires rendraient un bon service à tous leurs électeurs s’ils discutaient de l’établissement de normes uniformes et non partisanes qui combineraient les considérations suivantes :

l’intérêt potentiel des députés à préserver leurs dossiers;

le désir potentiel des électeurs d’assurer la continuité de leurs dossiers;

l’attente générale comme quoi la vie privée de la personne doit être protégée lorsque ses données sont entreposées ou partagées.

Sur ce dernier point, il est important de noter que, même si les responsabilités officielles du parlementaire prennent fin lorsqu’il quitte son poste, celui-ci continue d’avoir un devoir de diligence envers les personnes qui ont partagé avec lui des informations confidentielles. Dans son article intitulé « L’obligation fiduciaire et les députés fédéraux_», récompensé du prix Alf Hales, Lyndsey Aagaard a suggéré d’utiliser le concept d’obligation fiduciaire pour étudier « la relation qui existe entre un député et un citoyen, examiner les fondements de cette relation et trouver un seuil légal minimum de responsabilité auquel tous les députés doivent se conformer١٧ » [traduction].

En effectuant des recherches sur un ancien parlementaire, j’ai été déconcerté de découvrir que, lorsque ses dossiers de circonscription avaient été transférés dans les archives publiques, l’exparlementaire ou l’archiviste avait négligé de supprimer ou de caviarder certains contenus, y compris des informations d’identification des électeurs ainsi que leurs numéros d’assurance sociale.

Il n’est guère probable qu’un historien de la politique canadienne, tombant sur ces informations dans les archives, se lance dans la carrière de voleur d’identité, mais cette anecdote montre que le pouvoir discrétionnaire de faire ce que l’on veut des fichiers de circonscription peut avoir des conséquences potentiellement graves18.

Continuité et mémoire institutionnelle

Dans un numéro précédent ayant comme thématique les bureaux de circonscription, la Revue parlementaire canadienne a mené des tables rondes et des entrevues individuelles avec des parlementaires, anciens et actuels, qui avaient non seulement pris en charge les dossiers de leurs prédécesseurs, mais aussi engagé leurs adjoints de circonscription.

Dans « “Le bureau du peuple” : Les bureaux de circonscription dans le Grand Nord », l’ancien député territorial des Territoires du Nord-Ouest, Frederick (Sonny) Blake Jr., a mentionné qu’il avait continué à employer l’adjointe de circonscription de l’ancien député. « Elle a bon caractère et connaît très bien l’ensemble de la collectivité, de sorte que sa présence aide beaucoup, a-t-il déclaré. Parce que nos collectivités sont petites, nous connaissons habituellement davantage notre monde. Ça aussi, ça aide vraiment beaucoup19 ». Blake a expliqué que l’ancien député de sa circonscription, qui a pris sa retraite après 16 ans, l’a énormément aidé pendant la transition.

Blake a été élu à une assemblée législative non partisane, mais il arrive parfois que les parlementaires entrants conservent le personnel de circonscription du parlementaire sortant s’ils partagent la même affiliation partisane. Et, occasionnellement, le parlementaire nouvellement élu sera un ex-membre du bureau de la circonscription.

Mais il y a également eu des cas où le personnel est resté employé dans le bureau de circonscription alors que le député entrant appartenait à un autre parti. Dans un autre article du même numéro thématique, l’ancienne députée provinciale progressiste-conservatrice Elizabeth Witmer a discuté de sa décision de continuer d’employer le personnel de circonscription du député provincial libéral sortant Herb Epp20 :

J’en suis arrivée à la conclusion que les personnes qui avaient travaillé pour Herb Epp connaissaient la circonscription et avaient fait un excellent travail auprès de la population. C’est pourquoi j’ai offert des postes à deux de ces ex employées de circonscription. L’une d’elles a travaillé pour moi jusqu’à ce qu’elle prenne sa retraite, tandis que l’autre est restée à mon emploi pendant les 22 années où j’ai été députée. Leur priorité était de mettre les citoyens au premier plan – notre bureau n’avait rien de politique. Nous nous efforcions de bien servir la population et je n’ai jamais regretté cette décision, parce que je suis convaincue que le rôle des bureaux de circonscription est d’aider la population et quiconque a un problème ou une préoccupation doit se sentir à l’aise de communiquer avec son député ou le personnel du bureau de circonscription pour en discuter. Je crois que le personnel que j’ai embauché a fait ce travail. Leur loyauté allait d’abord à la population de circonscription et je suis fermement convaincue que c’était bien ainsi. Je dois avouer par contre que j’ai reçu un appel de quelqu’un du parti qui m’a dit : « Tu sais, ce n’est pas comme ça qu’on procède normalement. » C’est là que j’ai pris conscience que ce n’était pas la façon de faire habituelle, mais jusque-là, j’étais convaincue qu’il était tout à fait logique d’embaucher des personnes qui faisaient passer les citoyens avant la politique.

En plus du personnel, Witmer a conservé certains des dossiers des électeurs d’Epp. Elle a expliqué :

Ces dossiers sont normalement détruits. Toutefois, dans ce cas-ci, nous avons effectivement eu accès à certains des dossiers de mon prédécesseur. Il était logique de procéder ainsi puisque, de cette façon, l’électeur n’avait pas à recommencer à zéro avec un nouvel adjoint de circonscription qui n’était pas au courant de l’historique de son dossier. 

Si elle a réussi à conserver du personnel initialement embauché par un parlementaire relevant d’une autre affiliation politique, Witmer a rappelé l’importance du contexte individuel, et elle a dit douter de l’opportunité d’adopter cette pratique à large échelle, surtout en ce contexte de polarisation accrue de la politique partisane. Elle n’était pas non plus convaincue que, dans les cas où le personnel de circonscription ne peut pas être conservé d’un élu à l’autre, la présence d’un fonctionnaire non partisan dans le bureau soit un bon moyen de préserver la mémoire institutionnelle.

« En ce moment, c’est le député qui est l’employeur et il faut qu’il y ait un lien de confiance et de collaboration entre le député et les employés qui travaillent à son bureau de circonscription », atelle déclaré.

Witmer a peut-être raison de dire que l’affectation d’un fonctionnaire non partisan à un bureau de circonscription ne soit pas une solution convenable, quand celui-ci fonctionne essentiellement comme une petite entreprise indépendante. Par contre, je dirais que des fonctionnaires indépendants pourraient jouer un rôle utile lors des ouvertures et fermetures des bureaux et des transitions entre élus. Cette idée, parmi d’autres, pourrait peut-être susciter un débat élargi entre les parlementaires sur les structures et soutiens qui pourraient les aider à gérer leurs bureaux de circonscription sans étouffer leur créativité et leur indépendance.

Bonnes pratiques et formation

Un « secrétariat aux bureaux de circonscription » pourrait fournir une assistance administrative aux parlementaires. Il pourrait répondre à la variété des besoins des parlementaires et de leurs électeurs sans empiéter sur les intérêts de chaque parlementaire ni sur son style de gestion indépendant.

Au sein de ce secrétariat, des fonctionnaires (employés par le Parlement ou l’Assemblée) pourraient apporter leur aide en effectuant les actions suivantes :

Préparer des lignes directrices sur les meilleures pratiques pour l’ouverture des bureaux de circonscription. Ces lignes directrices, propres au territoire gouvernemental donné, pourraient inclure des suggestions sur : le choix d’emplacements accessibles, l’affichage approprié ainsi que les équipements de bureau essentiels, la compréhension des clauses de location standard, les logiciels de gestion des dossiers, les considérations de sécurité, la planification d’urgence en cas de fermeture de bureau et la formation des nouveaux employés.

Fournir des modules en ligne pour les parlementaires et le personnel sur la communication et l’interaction avec les ministères lorsque l’on travaille au nom des électeurs, l’éthique et la responsabilité juridique, la gestion des documents et la gestion des situations dangereuses.

Faciliter les transitions entre parlementaires – des instructions sur la fermeture des bureaux et la gestion, le transfert, la fermeture et l’archivage des dossiers.

Ces dernières années, les assemblées législatives de tout le pays ont considérablement élargi leurs programmes d’intégration et d’orientation des nouveaux parlementaires21. L’accent est toutefois clairement mis sur le travail à l’intérieur ou dans le contexte de l’assemblée. Le secrétariat aux bureaux de circonscription pourrait, lui, mettre l’accent sur le travail parlementaire effectué en dehors de l’enceinte parlementaire, ou assurer la liaison avec d’autres services qui ont la responsabilité de faciliter le travail effectué en dehors de l’enceinte parlementaire (par exemple, les services des technologies de l’information ou de la sécurité).

L’information offerte sur les meilleures pratiques et la formation se fonderait sur ce que l’on sait – ou croit savoir – des besoins des parlementaires lorsqu’ils ouvrent, gèrent ou ferment le bureau de circonscription. Bien entendu, chaque parlementaire, en consultation avec son personnel, pourrait apporter les changements qu’il juge appropriés au fonctionnement de son bureau. Les entretiens de sortie avec les élus et le personnel pourraient s’avérer une source d’informations précieuses pour le secrétariat, qui observerait les adaptations qu’apportent les bureaux et mettrait à jour en conséquence les pratiques exemplaires.

Règles de gestion des dossiers

Alors que certaines assemblées législatives donnent carte blanche aux parlementaires pour ce qui est de l’établissement et de la gestion des bureaux de circonscription, d’autres imposent certaines exigences, soit au moyen des règles et règlements du Bureau de régie interne, soit par la loi. C’est ici que certaines normes de gestion des dossiers pourraient être intégrées.

Par exemple, l’Assemblée législative de la Colombie-Britannique stipule que les dossiers financiers des bureaux de circonscription doivent être conservés pendant une période de sept ans. Elle offre également à tous les députés l’entreposage gratuit de leurs dossiers personnels, politiques ou de circonscription pendant une période pouvant aller jusqu’à cinq ans après leur départ de l’Assemblée. Après cette date, les dossiers sont transférés à la bibliothèque législative pour être conservés de manière permanente ou détruits, selon ce qui est convenu entre le député et la bibliothèque22.

Il est important d’entreposer ces dossiers de manière sûre avant de les archiver ou de les détruire. Mais qu’advient-il des dossiers d’électeurs qui ne sont pas encore résolus à la fermeture du bureau? L’électeur dispose-t-il d’un recours pour accéder à son dossier? Le député entrant peut-il y accéder? Des réponses à ces questions sont nécessaires.

Si les parlementaires adoptaient un système uniforme de catégorisation des dossiers, l’éventuel secrétariat aux bureaux de circonscription pourrait aider à ce que les dossiers des électeurs ne soient pas emportés par les changements de représentants parlementaires.

Le système n’aurait pas besoin d’être très compliqué. Mais, au minimum, il devrait énoncer les intérêts des électeurs et leurs attentes en matière de confidentialité. Le rôle du personnel non partisan du secrétariat serait de faciliter les transferts de dossiers, de documents ou d’informations, selon les besoins, tout en respectant les souhaits exprimés par l’électeur et l’ex-parlementaire.

Étude de cas : demande ou appel en matière d’immigration

Imaginons qu’un électeur ait demandé un permis de travail ou le statut de résident permanent. S’il y a un problème avec la demande (informations manquantes, retard déraisonnable, demande ou documentation perdue, etc.) et qu’il est difficile de joindre Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, de nombreux groupes de soutien aux nouveaux arrivants conseillent de contacter le bureau du député.

Le député ne peut aucunement peser sur la décision qui sera prise concernant la demande, mais il peut assurer un suivi au nom de l’électeur et travailler avec lui pour vérifier l’état de sa demande et offrir de l’aide en cas de problème potentiel.

Lorsque l’électeur se rend au bureau du député, le personnel discute avec lui, compile la documentation et prend des notes (y compris pour le député). Certains des cas sont simples, mais d’autres peuvent être assez compliqués et donner lieu à diverses interventions auprès du ministère ou du ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté. Le consentement à communiquer au nom de l’électeur est généralement demandé par le parlementaire, mais les formulaires utilisés par les différents bureaux ou ministères ne sont pas standardisés.

Si des progrès sont réalisés mais que le problème n’est pas résolu avant la défaite du député à une élection, l’électeur peut ne pas comprendre exactement quelles mesures ont été prises, qui au Ministère peut assurer le suivi de son dossier ou quelles sont ses options restantes. Certains députés prendront le temps de fermer les dossiers : ils entreront en contact avec l’électeur pour lui demander s’il souhaite recevoir une copie de son dossier ou s’il désire qu’il soit transmis au nouveau député. D’autres députés n’en feront pas autant, auquel cas l’électeur se demandera ce qui est advenu de son dossier et s’il doit recommencer à zéro avec le nouveau député – lequel constatera peutêtre qu’il reprend des démarches déjà effectuées.

Avec des normes de gestion des dossiers, une partie – voire la totalité – de ces incertitudes et de la frustration qui en découle pourrait être évitée. Par exemple, on pourrait mettre en œuvre un système tel que celui-ci :

Lors de l’admission, le personnel de la circonscription demande les coordonnées de l’électeur et son consentement au classement de son dossier selon certains niveaux de confidentialité.

On demande à l’électeur si le bureau de circonscription doit : a) lui fournir une copie de son dossier dans le cas où le député quitte ses fonctions avant que le problème ne soit résolu; b) fournir une copie du dossier au député entrant; c) fournir uniquement certaines informations contenues dans le dossier au député entrant (par exemple, uniquement des copies des demandes et des documents officiels par opposition à toutes les notes); ou d) ne fournir aucune information au député entrant à moins que l’électeur ne donne son consentement ultérieurement au secrétariat aux bureaux de circonscription23.

Si le bureau de circonscription doit être fermé, un avis est envoyé par divers moyens (lettre, courriel, téléphone, publicité locale) avertissant tout électeur ayant un dossier actif que le stockage et le transfert du dossier auront lieu à une certaine date. Cet avis les invitera à contacter le bureau si l’électeur souhaite discuter du transfert ou de la conservation de son dossier (par exemple, recevoir une copie de son dossier ou décider d’autoriser sa transmission au nouveau député).

Dans le cas où aucun contact n’est établi avec l’électeur avant la fermeture du bureau, les dossiers sont transmis au secrétariat aux bureaux de circonscription afin d’y être conservés.

Si l’électeur (ou le nouveau député) apprend qu’un dossier ouvert a été transmis au secrétariat, il peut le contacter afin d’accéder aux informations conformément à la catégorie de consentement préexistante.

Si le consentement est inconnu ou incertain ou si le député sortant a imposé d’autres restrictions à ses dossiers, le secrétariat aux bureaux de circonscription appliquera les lignes directrices ou son jugement concernant la documentation qui peut être divulguée ou les informations qui peuvent être fournies (en faisant preuve de prudence afin que l’électeur et l’ancien député soient protégés). L’ancien député peut également stipuler des conditions spécifiques concernant les circonstances où il doit être contacté au sujet de toute question relative à ces dossiers.

Après une période déterminée, tous les dossiers non transférés au nouveau député ou restitués aux électeurs seront détruits ou archivés si le député sortant a accepté de faire don de ses dossiers.

Le « modèle professionnel réglementé »

Les parlementaires peuvent siéger pendant des périodes allant de quelques mois à plusieurs décennies. Certains parlementaires et membres du personnel de circonscription compétents et expérimentés seront peut-être ravis de partager leurs conseils avec les personnes nouvellement élues ou embauchées, mais d’autres peuvent avoir leurs propres raisons de tourner la page rapidement une fois qu’ils ont fermé boutique.

Les connaissances du personnel du Parlement ou de l’Assemblée assurent la stabilité et la continuité au sein de l’enceinte parlementaire. Mais les bureaux de circonscription en sont très éloignés et, sans personnel administratif permanent familiarisé avec les activités au jour le jour, une grande partie de la mémoire institutionnelle est tout simplement perdue. Les parlementaires de longue date changeront de personnel au cours de leur mandat et, même si des efforts peuvent être faits pour transmettre des informations aux nouveaux embauchés, le temps et les ressources sont limités et certains membres du personnel pourraient ne pas partir en bons termes.

La fonction de transmission de la mémoire institutionnelle, si elle ne nécessite pas le placement d’employés parlementaires non partisans dans chaque bureau, pourrait être partiellement remplie par un secrétariat aux bureaux de circonscription. Les nouveaux élus et employés pourraient s’adresser à lui pour des éclaircissements, d’autant qu’ils n’ont peut-être aucune expérience préalable de la gestion de cette opération. En tant que dépôt indépendant des dossiers des bureaux de circonscription, le secrétariat pourrait aussi empêcher que le travail sur certains dossiers soit inutilement perturbé, et trier les documents pour assurer une protection adéquate de la vie privée s’ils doivent être archivés un jour.

Être parlementaire, c’est accepter « un emploi sans description de poste ». S’il est formidable d’avoir la liberté de faire les choses à sa manière, il peut sans doute être angoissant d’essayer de départager ce qu’on peut faire de ce qu’on doit faire en tant que représentant démocratique.

Un secrétariat aux bureaux de circonscription qui assisterait les parlementaires et leurs électeurs pourrait fournir la structure nécessaire à l’application d’un « modèle professionnel réglementé » aux bureaux de circonscription. Ce modèle garantirait la mise en place de normes raisonnables de gestion des dossiers. Il permettrait, en collaboration avec les élus et le personnel des bureaux de circonscription, la prestation de ressources et de formations dont pourrait beaucoup profiter le service aux électeurs et à la collectivité. Il en résulterait potentiellement un sentiment de continuité, et les électeurs sauraient que leurs informations ne seront pas perdues, détruites ou transmises sans leur consentement.

Cela fait plus d’un demi-siècle que les bureaux de circonscription ont fait leur apparition dans le paysage parlementaire canadien. Il est temps d’y appliquer des normes professionnelles uniformes. Les propositions formulées dans cet article ne constituent peut-être pas la voie qui sera privilégiée, mais elles offrent un point de départ à la discussion.

S’ils mettent de côté la partisanerie et abordent cette question en tant que collègues ayant un intérêt commun à renforcer la confiance dans les institutions et les représentants parlementaires, les élus pourront s’assurer que la normalisation et ses avantages pour leurs électeurs et leurs successeurs ne compromettront nullement leur indépendance et leur privilège d’exercer leur rôle comme ils l’entendent.

Notes

* L’auteur souhaite remercier Charlie Feldman, Alex Marland et les membres du comité de rédaction du CPR pour leurs commentaires et suggestions. Les opinions exprimées dans cet article appartiennent uniquement à l’auteur et toute erreur ou omission lui appartient.

1 Bien que les sénateurs canadiens non alignés aient été présents tout au long de l’histoire du Canada, l’introduction d’un processus de nomination non partisan au Sénat a conduit à l’émergence de caucus sans liens avec les partis politiques. Bien que le Sénat continue d’avoir un caucus partisan, la majorité des membres de cette chambre sont non partisans.

2 Voir : Martin Westmacott. « Les Whips et la cohésion des partis politiques », Revue parlementaire canadienne, vol. 6(3), 1983, http://www.revparl.ca/6/3/06n3_83f_Westmacott.pdf; et Alex Marland. Whipped, Party Discipline in Canada. Vancouver : Presses de l’Université de la Colombie-Britannique, 2020, 480 p.

3 Au niveau fédéral, le bureau du whip a toutefois pour rôle d’assurer la continuité des services lorsqu’un poste est vacant. Le Règlement administratif relatif aux députés, créé par le Bureau de régie interne, prévoit que : « En cas de vacance résultant de la démission d’un député, les services offerts aux électeurs par le bureau parlementaire ou le bureau de circonscription de l’ancien député sont assurés : « a) soit par le whip du parti de l’ancien député, qui dirige le fonctionnement quotidien de ces bureaux et contrôle la sélection des employés et l’établissement de leur rémunération; « b) soit, s’il s’agit d’un député indépendant, par le président de la Chambre des communes, qui dirige le fonctionnement quotidien de ces bureaux et contrôle la sélection des employés et l’établissement de leur rémunération. » Règlement administratif relatif aux députés, Partie 6, Anciens députés et anciens agents supérieurs de la Chambre, Services offerts aux électeurs, paragraphe ١٠٨(١), version en vigueur au ١er avril 2024.

4 Samara Centre for Demorcarcy. Beyond the Barbecue: Reimagining Constituency Work for Local Democratic Engagnement, juillet 2018, https://www.samaracentre.ca/articles/beyond-the-barbecue-2

5 Peter Macleod. The Low Road to Democratic Reform: Constituency Offices, Public Service Provision and Citizen Engagement, compte-rendu de la conférence : Toute politique est locale : l’importance de la circonscription dans la politique fédérale, Groupe canadien d’étude des parlements, 9 décembre 2005, http://cspg-gcep.ca/pdf/2005_Dec_9_Conference_Report-f.pdf.

6 Sarah Marriott. Discretionary decision-making in constituency offices: A new (political) front-line of Canadian immigration processing, mémoire de maîtrise, Université d’Ottawa, ٢٠١٨, https://ruor.uottawa.ca/bitstream/10393/37760/3/Marriott_Sarah_2018_thesis.pdf.

7 Bruce McKenna. « Regard critique sur le traitement des dossiers d’électeurs : réalité d’un bureau de circonscription de l’Ontario », Revue parlementaire canadienne, vol. 45(2), 2022, https://www.revparlcan.ca/fr/regard-critique-sur-le-traitement-des-dossiers-delecteurs-realite-dun-bureau-de-circonscription-de-lontario/.

8 Louise Cockrum. « “De l’aide juridique lorsqu’on n’en trouve pas” : orientations du travail en circonscription effectué par les députés de l’Assemblée législative de la Nouvelle-Écosse », Revue parlementaire canadienne, vol. 41(3), 2018, http://www.revparl.ca/francais/issue.asp?param=236&art=1815.

9 Alex Marland. « Avantages et inconvénients électoraux pour le député sortant », Revue parlementaire canadienne, vol. 21(4), 1998, http://www.revparl.ca/francais/issue.asp?param=69&art=124.

10 Les bureaux de circonscription secondaires ou satellites sont autorisés dans plusieurs territoires gouvernementaux au Canada. Les parlementaires dont les circonscriptions sont géographiquement vastes ou contiennent des centres de population disparates optent souvent pour des bureaux supplémentaires.

11 Dans de nombreux cas, le parlementaire n’aura connaissance du dossier d’un électeur que si son personnel, incapable de le résoudre, le porte à son attention.

12 Voir : Alex Marland, Mireille Lalancette et Jared J. Wesley. No I in Team: Party Loyalty in Canadian Politics. (À venir). Les auteurs notent que, dans certains cas, si un parlementaire est exclu d’un caucus ou choisit de le quitter, son ancien parti lui interdit d’accéder aux données électroniques sur ses électeurs. Dans leurs recommandations, ils écrivent : « Dans le même ordre d’idées, il est inquiétant que les partis politiques puissent empêcher les anciens membres du caucus d’accéder aux dossiers électroniques de leurs électeurs. Dans certains cas, les parlementaires et le personnel des bureaux de circonscription se voient interdire l’accès aux dossiers et aux courriels après avoir quitté un parti. Ils perdent également l’accès aux données de campagne locales, notamment aux informations sur les donateurs, les partisans qui ont pris des pancartes de campagne et les listes de bénévoles. La question centrale est la propriété des données collectées et stockées sur les électeurs, et la question de savoir si les personnes qui partagent leurs informations avec un représentant local d’un parti donnent leur consentement éclairé pour que ces informations deviennent la propriété exclusive du parti. Ce contrôle sur les données locales confère aux partis politiques un pouvoir excessif sur les parlementaires, ce qui peut avoir un impact négatif sur les électeurs. Des règles spécifiques doivent être établies pour garantir que les parlementaires puissent conserver l’accès aux dossiers des électeurs après avoir quitté un parti. » [traduction]

13 Il existe certaines directives et règles concernant les transferts de bureaux de circonscription, mais les dossiers de circonscription constituent une zone grise. Par exemple, au niveau fédéral, le Manuel des allocations et des services aux députés précise que « Le député nouvellement élu peut, jusqu’à 120 jours après l’élection, utiliser les bureaux de circonscription de son prédécesseur, sous réserve de certaines conditions […] Si le député nouvellement élu souhaite utiliser ces bureaux au-delà de cette période de 120 jours, il doit négocier un nouveau bail. » (Chapitre 14-5) « Les députés nouvellement élus prennent en charge et utilisent le mobilier de bureau, les ordinateurs, l’équipement de bureau et l’ameublement du bureau de circonscription de l’ancien député. » (Chapitre 14-16) Le député non réélu peut facturer des frais pour « les coûts des services de nettoyage et de déchiquetage; les coûts des services postaux et de messagerie; [et] les coûts de transport local des dossiers de bureau ». (Chapitre 14-14) « Tous les biens du bureau de circonscription seront transférés au député nouvellement élu. » (Chapitre 14-36) « Les articles personnels laissés dans les bureaux parlementaires seront conservés pendant 90 jours suivant l’élection générale. Si les anciens députés ne récupèrent pas leurs biens ou ne prennent pas de dispositions à cet effet auprès du whip de leur parti (ou du Président de la Chambre pour les députés indépendants) au cours de cette période, leurs articles seront détruits de façon sécuritaire. » (Chapitre 14-32) « Ils doivent également veiller à faire une copie de toutes les données sauvegardées dans les ordinateurs de leur bureau parlementaire, et à les supprimer par la suite. » (Chapitre 14-33). Voir : Manuel des allocations et des services aux députés, Chambre des communes, à jour en date du 1er octobre 2024, https://www.ourcommons.ca/Content/MAS/mas-f.pdf.

14 « NDP slams constituent file-shredding ». CBC, 24 juillet 2011, https://www.cbc.ca/news/politics/ndp-slams-constituent-file-shredding-1.1043355.

15 Paul Wyatt Dick. 30e législature, 3e session, Débats, Initiatives parlementaires – bills publics : Loi sur les dossiers de circonscription, 26 mai 1978, https://parl.canadiana.ca/view/oop.debates_CDC3003_05/1203.

16 Roderick Blaker. 30e législature, 3e session, Débats, Initiatives parlementaires – bills publics : Loi sur les dossiers de circonscription, 26 mai 1978, https://www.lipad.ca/full/permalink/3162610/.

17 Lindsay Aagaard. « L’obligation fiduciaire et les députés fédéraux », Revue parlementaire canadienne, vol. 31(2), 2008, p. 32. http://www.revparl.ca/francais/issue.asp?param=189&art=1289.

18 Les historiens sont reconnaissants aux personnalités publiques qui font don de leurs documents aux archives publiques, et cette anecdote ne doit pas être lue comme un appel à la destruction des documents. Mais un processus normalisé d’examen de tous les dossiers de circonscription lors du départ à la retraite, de la défaite ou du décès d’un parlementaire constituerait une mesure de protection supplémentaire qui pourrait mieux prévenir ce type d’erreur.

19 Frederick (Sonny) Blake Jr., Kevin Menicoche et Michael Nadli. « “Le bureau du peuple” » : Les bureaux de circonscription dans le Grand Nord », Revue parlementaire canadienne, vol. 37 (2), 2014, https://www.revparlcan.ca/fr/vol37-no2-the-peoples-office-constituency-offices-in-the-far-north/.

20 Elisabeth Witmer. « Changer de représentants élus tout en gardant en poste les employés des bureaux de circonscription », Revue parlementaire canadienne, vol. 37(2), 2014, https://www.revparlcan.ca/fr/vol37-no2-changing-partisan-representatives-while-maintaining-office-staff/.

21 Ismail Albaidhani et Guillaume LaPerrière-Marcoux. « Renforcer les capacités pour l’avenir – S’adapter au changement », Revue parlementaire canadienne, vol. 45(1), 2022, https://www.revparlcan.ca/fr/renforcer-les-capacites-pour-lavenir-sadapter-au-changement/; Clare Clancy. « “First day of school”: Incoming Alberta MLAs learn the ropes at the legislature », Edmonton Journal, 24 avril 2019, https://edmontonjournal.com/news/politics/first-day-of-school-incoming-alberta-mlas-learn-the-ropes-at-the-legislature.

22 Information and Records Management, site Web de l’Assemblée législative de la Colombie-Britannique, consulté le 1er octobre 2024, https://members.leg.bc.ca/home/gettingstarted/managing-your-constituency-office/information-and-records-management/.

23 Le site Web « Working for an MP », qui se présente comme une ressource pour toute personne travaillant pour un député britannique ou s’intéressant au fonctionnement du Parlement du Royaume-Uni, propose quelques suggestions de bonnes pratiques en matière de gestion des dossiers de circonscription, de conservation des données et de confidentialité. Voir : How to survive your first ten days in the constituency office, W4MP, https://w4mp.org/library/welcome-to-your-new-job/how-to-survive-your-first-ten-days-in-the-constituency-office/.

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