L’administratrice de tout : Personnel de soutien parlementaire dans les petites administrations – entrevue avec Helen Fitzsimmons
Au cours de sa carrière de 46 ans à titre d’employée du gouvernement du Yukon, dont les 21 dernières années au service de l’Assemblée législative du Yukon, Helen Fitzsimmons a été honorée par des députés provinciaux, des collègues et des pairs le 27 avril, dernier jour de la séance du printemps de 2023. Dans un consentement unanime, l’Assemblée a rendu hommage à Helen à la fin de la journée de séance. De façon extraordinaire, également avec le consentement unanime, Helen s’est ensuite adressée à l’Assemblée. (La dernière fois que l’Assemblée législative du Yukon a conféré à quelqu’un l’honneur de s’adresser à l’Assemblée, c’était en 2011, lorsque la Chambre a ajourné pour recevoir une adresse du gouverneur général David Johnston.) Même si, normalement, seule la première heure de la journée de séance est filmée, les hommages et l’allocution ont été enregistrés et affichés sur la page Facebook de l’Assemblée. La galerie, qui était vide quelques minutes plus tôt, s’est remplie au maximum de sa capacité pour cet hommage. Parmi les visiteurs présents, on comptait le sénateur actuel du Yukon, l’ancien sénateur du Yukon, un ancien premier ministre du Yukon, un ancien commissaire, un ancien président, d’anciens ministres et députés provinciaux, d’anciens chefs de parti, d’anciens chefs de cabinet et secrétaires principaux, les anciens greffiers, le personnel actuel et passé du bureau et du caucus de l’Assemblée législative, ainsi que certains amis et membres de la famille d’Helen. Toutes les personnes présentes ont manifesté beaucoup d’admiration et d’amour pour Helen et avaient hâte de l’entendre dire quelques mots sur ce que sa carrière et le temps qu’elle a passé à l’Assemblée signifiaient pour elle. Dans le cadre de cette entrevue menée avant son départ à la retraite pour l’été, Helen donne un aperçu de sa vie en tant qu’employée de longue date du personnel de soutien parlementaire dans une administration plus petite.
Revue parlementaire canadienne : Merci beaucoup d’avoir accepté de me parler. C’était merveilleux de voir cet hommage qui vous a été rendu à la Chambre par les députés provinciaux. C’était très touchant.
Helen Fitzsimmons : Absolument. Comme mon collègue l’a dit, on peut voir qu’ils ont tous travaillé fort sur leurs propres discours et que ce n’était pas écrit par quelqu’un d’autre. Ce fut un immense honneur pour moi. Vous savez, tout au long de ma carrière, je me suis toujours sentie très appréciée et soutenue. Après 46 ans, ce genre d’hommage est plus que phénoménal.
Revue parlementaire canadienne : L’émotion était palpable, n’est-ce pas? On pouvait vraiment sentir qu’ils vont vous manquer et qu’ils ne savent pas ce qu’ils vont faire sans vous.
Helen Fitzsimmons : Je serai probablement dans leurs numéros à composition abrégée pendant environ un an. (Rires)
Revue parlementaire canadienne : J’ai l’impression que vous avez raison. (Rires) C’était une belle façon de terminer sa carrière, mais revenons au début. Qu’est-ce qui vous a poussé à chercher un emploi au gouvernement du Yukon et, plus tard, à l’Assemblée législative?
Helen Fitzsimmons : Dans une administration plus petite, les employés de l’Assemblée législative sont également des employés du gouvernement du Yukon. Ayant déjà travaillé pour le gouvernement du Yukon pendant 25 ans, lorsque l’occasion s’est présentée pour le poste ici, un de mes amis m’a convaincu de poser ma candidature. Je n’avais pas vraiment l’intention de présenter ma candidature, parce que j’adorais mon emploi précédent dans les services immobiliers et de planification, où je m’occupais de tous les immeubles que le gouvernement possède et loue. Mais je me suis dit qu’il fallait essayer. Qu’est-ce que j’avais à perdre? À ma grande surprise, on m’a offert le poste. L’Assemblée législative était à la recherche d’une personne possédant une vaste expérience des systèmes d’administration, des ressources humaines et des finances. C’est un gros travail et mes connaissances et mes compétences correspondent à cela, alors j’ai postulé et le greffier m’a embauché.
Revue parlementaire canadienne : Dans une administration plus petite, lorsque vous occupez l’un de ces rôles, devez-vous effectuer beaucoup de types de travail différents par rapport à un poste dans une assemblée plus importante où il y a un personnel de soutien plus solide? Deviez-vous être une femme à tout faire?
Helen Fitzsimmons : Oui, en effet. Je suis un gestionnaire principal responsable de la direction, de la gestion, du contrôle, de la mise en œuvre et de l’évaluation de l’administration, des finances, des ressources humaines, de la technologie de l’information et de la gestion des biens. De plus, je fournis un soutien, une vision, une orientation, des recommandations et des conseils stratégiques de haut niveau au greffier et à la Commission des services aux députés (un comité multipartite responsable des questions de politique financière et administrative touchant l’Assemblée législative). C’est un travail énorme.
De plus, je joue un rôle essentiel au sein de l’équipe de la haute direction des agents supérieurs de la Chambre (Bureau de l’ombudsman (qui comprend le commissaire à l’information et à la protection de la vie privée et le commissaire à la divulgation d’information d’intérêt public), du défenseur des enfants et de la jeunesse, Élections Yukon, commissaire aux conflits d’intérêts et directeur des lobbyistes) en fournissant des conseils, des recommandations et des directives pour la gestion financière, la gestion des ressources humaines et la gestion de l’information et des systèmes.
J’aide également les députés provinciaux, les caucus, je m’occupe du régime de retraite des députés provinciaux et j’ai récemment été nommée administratrice des lobbyistes.
Bien que, sur le plan strictement organisationnel, le directeur relève du greffier, les responsabilités de mon poste exigent que j’appuie les agents supérieurs de la Chambre, les députés provinciaux et les caucus. J’ai donc beaucoup de patrons. Cela m’oblige également à garder la confidentialité de tous, sans faire rapport ni informer le greffier de certaines discussions, recommandations ou décisions.
Vous êtes en quelque sorte dans votre propre petit silo et on s’attend à ce que vous fassiez quand même bouger les choses. Vous devez être prêt à prendre des décisions, à naviguer dans différentes situations et à négocier toutes ces choses. Je pense que j’ai travaillé fort pour fournir des conseils et des services indépendants et non partisans, ainsi qu’une vaste gamme d’autres choses.
Et cette gamme est très large. Chargement du lave-vaisselle, déménagement des meubles, entre autres. Lorsqu’un député d’une circonscription rurale était malade, j’ai livré des médicaments contre le rhume à sa maison. Voilà le genre de choses qui font partie de mon rôle. Nous avons un effectif de six personnes qui fournissent les mêmes services que les autres administrations, alors on s’attend toujours à ce que vous fassiez tout ce qui est nécessaire. C’est une approche globale.
Rien n’est jamais temporaire. Plus vous pouvez en faire, plus on vous donnera du travail. J’ai adoré ce travail. Il n’y a jamais eu de moment où je me suis ennuyé ou je n’avais rien à faire.
Revue parlementaire canadienne : Dans les années 1940, il y a eu un ministre du Cabinet (C.D. Howe), dont le travail sur l’effort de guerre était si important qu’on l’a appelé le ministre de tout. On dirait que vous avez joué ce rôle à l’Assemblée législative. Vous êtes peut-être l’administratrice de tout. Comment avez-vous réussi à jongler avec toutes ces responsabilités et à ne jamais baisser les bras? Les hommages rendus à l’Assemblée législative donnent à penser que les gens savaient à quel point vous avez fait ce travail avec efficacité.
Helen Fitzsimmons : Eh bien, je suis une travailleuse acharnée. J’ai travaillé beaucoup d’heures et j’ai pris très peu de congés annuels, donc ça aide. Je suis en quelque sorte une personne de résultat. C’est un travail à temps plein, mais très valorisant. On trouve le temps. Les priorités changent constamment pour d’autres dossiers plus importants. Chaque jour, des dossiers semblent s’ajouter aux autres. (Rires)
On s’habitue. Je suis un peu désolée pour mon remplaçant, car les attentes sont assez élevées. J’espère qu’ils tiendront compte du fait que cette personne est en train d’apprendre et que j’avais déjà beaucoup d’expérience avant de venir à l’Assemblée législative.
J’ai également eu l’aide de l’Association des administrateurs parlementaires du Canada. Ce groupe offre non seulement des occasions de réseautage, mais il aide également les petites administrations. L’aide qu’elle nous apporte est inestimable. Lorsque j’ai assisté pour la première fois à une conférence de l’Association des administrateurs parlementaires du Canada, nos systèmes de comptes créditeurs et de ressources humaines étaient un peu plus perfectionnés que ceux des autres administrations parce que les employés de l’Assemblée législative étaient des employés du gouvernement. Au début, c’était un peu agréable d’avoir l’impression de faire les choses un peu mieux que les autres, mais cela a changé au fil du temps. C’est difficile lorsqu’il y a peu d’employés et qu’on offre les mêmes services que les grandes administrations.
Cependant, cette association et le réseau des greffiers ont une valeur tout simplement inestimable. Une fois que vous rencontrez ces gens et que vous avez ce réseau, ils peuvent vous aider afin que nous n’ayons pas à réinventer la roue. Cela nous facilite un peu la tâche.
Revue parlementaire canadienne : J’imagine qu’au cours des 20 années et plus que vous avez passées à l’Assemblée législative et des 25 années précédentes, lorsque vous travailliez pour le gouvernement, vous avez vu de nombreux changements. Quels sont les changements les plus importants que vous avez remarqués au sein de l’Assemblée législative?
Helen Fitzsimmons : À mes débuts, ici, nous avions ces minuscules cassettes sur lesquelles étaient enregistrés les journaux de débats, puis nous les transmettions aux transcripteurs, qui les utilisaient à leur guise. Nous avons maintenant un nouveau système automatisé d’enregistrement et de sonorisation, ce qui représente un énorme pas dans la bonne direction pour nous.
De plus, lorsque j’ai commencé, nous avions une caméra. Lors de la période des questions, la caméra effectuait un balayage panoramique du Président au député. Bien sûr, vous savez, la caméra est toujours en mouvement, et les gens peuvent la voir. Ensuite, nous nous sommes modernisés et sommes passés à deux caméras. L’une d’elles demeurait sur le Président et l’autre faisait un plan sans que les gens s’en rendent compte. Maintenant, nous sommes en train d’installer un nouveau système où nous aurons six caméras. Le système sera plus automatisé, intégrant un peu l’intelligence artificielle. L’opérateur de caméra n’aura pas besoin d’être dans la salle avec un support et la caméra. Il y aura aussi une salle de montage. C’est aussi un grand changement pour l’Assemblée législative. Je peux voir que nous entrons lentement dans le XXIe siècle, et c’est une bonne chose. Dans les petites administrations, il est difficile de se tenir au courant. Essayer de tout faire avec six employés rend le travail frénétique.
Revue parlementaire canadienne : J’imagine que vous avez rencontré de nombreux députés provinciaux au cours de votre carrière. Certains d’entre eux ont peut-être été élus pendant un certain temps et d’autres ont peut-être siégé brièvement à l’Assemblée législative. Avez-vous l’impression que les députés ont une compréhension approfondie du travail des services de soutien parlementaire, ou est-ce que beaucoup de choses se passent « en coulisses »?
Helen Fitzsimmons : Je travaille pour le gouvernement depuis 46 ans et 21 de ces années ont été à l’Assemblée législative. Pendant cette période, je crois sincèrement que chaque député fait de son mieux pour servir le Yukon. Comprennent-ils tout ce que nous faisons? Je dirais que non. Cependant, ils savent que ce que nous faisons est important. Dans l’hommage rendu à l’Assemblée législative, Kate White, chef du troisième parti, a dit, pour paraphraser : « Ce ne sont pas seulement les choses qu’Helen fait pour lesquelles nous sommes reconnaissants. Ce sont les choses dont nous ne sommes pas au courant qui doivent nous inquiéter. »
Nous sommes une famille. Je pense que toutes les administrations ont le même sentiment. Nous avons des relations spéciales avec ces personnes, et lorsque nous subissons des pertes, c’est un peu comme si nous perdions un membre de notre famille. Lorsque vous êtes une petite administration et que vous travaillez en étroite collaboration tous les jours, vous voyez ces gens plus que vous voyez votre famille. Ils deviennent votre deuxième famille.
Revue parlementaire canadienne : En repensant à votre époque et à votre carrière à l’Assemblée législative en général, quels conseils pourriez-vous donner aux personnes nouvellement embauchées dans les services de soutien aux parlementaires?
Helen Fitzsimmons : Comme nous sommes une petite administration, on s’attend à ce que nous travaillions tous fort et que nous fassions passer cet endroit au premier plan. Cela ne semble peut-être pas correct pour certains, mais il s’agit d’un engagement spécial pour veiller à ce que l’Assemblée législative puisse fonctionner.
Donner la priorité à cet endroit, c’est être capable de sortir des sentiers battus. Nous n’avons pas toujours des politiques, des règles, des directives et tout le reste, alors vous devez penser autrement. Il faut trouver des solutions à n’importe quel problème.
L’établissement de relations positives est très important. Je pense qu’il faut avoir du flair pour pouvoir négocier et dire « non », que ce soit avec les députés provinciaux ou même avec d’autres employés du gouvernement.
Revue parlementaire canadienne : J’imagine qu’il peut être difficile pour certaines personnes d’entendre « non » et pour les gens qui travaillent pour elles ou avec elles de le dire gentiment, mais fermement.
Helen Fitzsimmons : Dire « non » tout en recevant ce genre d’hommage à la Chambre et sentir l’amour signifie que vous avez fait votre travail, n’est-ce pas?
Revue parlementaire canadienne : Oui.
Helen Fitzsimmons : Être politiquement neutre est une nécessité. Voici l’une des choses que les trois chefs de parti m’ont dites : « Nous savons que vous votez, mais aucun d’entre nous ne sait pour qui vous votez. » C’est quelque chose de très important.
Revue parlementaire canadienne : Prévoyez-vous revenir à l’Assemblée législative une fois que vous serez vraiment à la retraite? Après 46 ans, avez-vous vu assez de l’intérieur de cet immeuble pour le reste de votre vie?
Helen Fitzsimmons : C’est drôle. Beaucoup de gens me posent cette question. À part une séance spéciale d’une journée à Dawson City le ١٣ juin, notre Assemblée législative ne se réunira pas avant l’automne, alors j’ai plusieurs mois pour y réfléchir. Je serai certainement de retour pour voir le nouveau système de caméra. Je vais probablement m’asseoir dans la salle de montage avec notre fournisseur de services vidéo parce que j’aimerais vraiment voir comment cela fonctionne. Cela fait partie de mon héritage, nous orienter dans cette direction.
Vous savez, je vais rester en contact avec tout le monde. Dans ce travail, la plupart du temps, vous n’avez même pas la chance de dîner. J’ai donc hâte de pouvoir dîner avec eux. Je vais continuer à faire un peu partie de leur vie parce que, comme je l’ai dit, nous sommes une famille.
Revue parlementaire canadienne : Y a-t-il quelque chose que je n’ai pas abordé dans ces questions et dont vous aimeriez parler?
Helen Fitzsimmons : J’ai beaucoup apprécié le temps que j’ai passé à l’Assemblée législative, et c’est en grande partie grâce à Patrick Michael, le greffier qui m’a embauché, et à ses successeurs, Floyd McCormick et Dan Cable. Ils ont cru en moi. L’un des greffiers a dit : « Vous savez, il était facile de vous appuyer. Tout ce que j’avais à faire, c’était de rester à l’écart et de vous laisser faire le travail. » Cela m’a fait du bien. Le fait d’avoir des superviseurs qui croient en vous fait vraiment une différence.
Comme je l’ai dit lors de cet hommage à l’Assemblée législative, mes parents ont enseigné à leurs enfants à travailler fort pour que leur employeur ait l’impression qu’ils sont irremplaçables. J’ai travaillé fort pour que cela se produise.
Je suis encore jeune. Je ne pense pas que ce soit la fin de ma carrière. Cependant, mes parents vieillissent et ils ont beaucoup plus besoin de moi. Il n’est tout simplement pas possible dans ce poste de passer le temps que je veux avec eux. À un moment donné, je pense que je serai de retour au travail, mais pas dans un poste aussi exigeant. Je m’en remets à la jeune génération. (Rires) Pour l’instant, je me concentre sur l’été et je passe du temps avec mes parents.